
on doit le p ici limer réel s'il roule fur des chofes
favorables, & perlonnel en matières odieufes.
Les fouVerains ont aujourd'hui la fage précaution
de déterminer clairement la durée de leurs
traités. Ils traitent pour eux &r leurs fuccciieurs,
pour eux & leurs royaumes à perpétuité , pour
un certain nombre d'années, & c . , ou bien ils
traitent pour le tems de leur règne feulement],
pour une affaire qui leureft propre , pour leur fa - .
mille, & c , Ainli il n'y a plus de doutes fur la
qualité réelle ou perfonnelle du traité , à laquelle
les publicités paroilfent mettre de l importauce >
& on ne fait pas plus d'attention à la perpétuité
qu'on ftipule, qu'à tant d'autres formules.
Pufendorf établit les règles que voici : il dit
i ° . que les fuccefeurs doivent garder les traités
de paix faits par leurs prédéceffeurs. 2°. Qu'un
iuccefleur doit garder toutes les conventions légitimes
, par lefquelles fou prédécefleur a transféré
quelque droit à un tiers. « 39. Que fi l’autre allié
ayant déjà exécuté quelque chofe à quoi il étoit
tenu en vertu du traité, le roi vient à mourir
avant que d'avoir effectué à fon tour ce à quoi il
s'étoit engagé , fon fueceffeur doit indifpen fable-.
ment yvfuppléer. Voilà de belles maximes qu'on
oublie pour des intérêts de convenance bien ou
mal entendus.
Les pubîiciftes font comme les cafuiftes ; ils
pofent toutes fortes de queftions, & ils les ré-
iolvent avec la même affurance-
» L'alliance perfonnelle expirant à la mort de
l'un des alliés, dit l'un d'entre eux ; fi Je furvivant,
• dans l'idée qu’elle doit fubfifter avec le fucceffeur,
remplit le traité à fon égard , défend fon pays,
fauve quelqu’une de Tes places , ou fournit des
vivres à fon armée, que fera le fouverain ainfi
fecouru ? Il doit fans doute , ou biffer en effet
fubfifter l'alliance, comme l'allié de fon prédécef-
feur a cru qu’elle devoit fubfifter ; & ce fera un
renouvellement tacite , une extenfion du traité j
©u il doit payer le fervice réel qu'il a reçu , fui-
vant une jufte eftimation de fon importance . s'il
Be veut maintenir l'alliance- C e feroit alors le cas
de dire avec Puffendorf, que celui qui a rendu
un pareil fervice, acquiert le droit d'un homme
qui a payé ce qu'il ne devoit pas. »
Un traité fait pour un tems peut fe renouveîler
par le commun confenrement des alliés ; & ce
confencemem fe manifefte , ou d’une manière ex-
preffe ou tacitement. Lorfqu’on renouvelle ex-
prefféroent le traité , c'eft comme fi on en faifoit
un nouveau.
Le renouvellement tacite ne fe préfume pas
aifément; cardes engagemens de cette importance
méritent bien un confenrement exprès. On ne peut
donc fonder le renouvellement tacite que fur des
actes qui ne peuvent être faits qu'en vertu du
traité. Encore la chofe n'eft - elle pas alors fans
difficulté ; c a r , félon les circonftances , 8c félon
la nature des aCfces dont il s ’agit, ils peuvent n'être
qu’une continuation , ou qu'une extenfion du
traité : ce qui n'eft plus un renouvellement. Par
exemple , l’Angleterre a un traité de fubfides avec
un prince d’Allemagne , qui doit entretenir pendant
dix ans ün certain nombre de troupes à la
difpofition de cette couronne, à condition d’en
recevoir chaque année une fomme convenue. Les
dix ans écoulés, le roi d'Angleterre fait compter la
fommeftipulée pour une année, fon allié la reçoit
le traité eft bien continué tacitement pour une année
; mais on ne peut dire qu'il Toit renouvellé > car
ce qui vient de fepaffer n'impofe pas l’obligation de
faire la même chofe dix années de fuite. Mais fup-
pofons qu'un fouverain foit convenu avec un Etat
voifin, de lui donner un million pour tenir garnifoii
dans une de Ces places pendant dix ans. Le terme
expiré , au lieu de retirer fa garnifon , il donne
un nouveau million 8c fon allié l'accepte : le traité
en ce cas là eft rçnouvellé tacitement.
Lorfquela néceffité force un peuple à fe mettre
fous la protection d’ une puiffance étrangère , 8c à
lui promettre l'affiltance de toutes fes forces , envers
& contre tous , fans excepter fes alliés
fes anciennes alliances fubfîftent, autant qu’elles
ne font point incompatibles avec' le nouveau
traité de prote&ion. Mais'fi un ancien allié entre
en guerre avec le protecteur , l’Etat protégé doit
| fe déclarer pour ce dernier, auquel il eft "lié par
des noeuds plus étroits, êc par un traité qui déroge
à tous les autres. C ’eft ainfi que les Népéni-
fiens ayant été contraints de fe rendre aux Etru£>
ques , fe crurent obligés dans la fuite à tenir le
traité de leur foumiffion , ou leur capitulation 1
préférablement à l'alliance qu’ils avoient avec les
romains 1 poftquam deditionis quant focietatis , fides
fanüior erat , dit Tite - Live.
Enfin , comme les traités fe font du confente-
ment des parties, ils peuvent fe rompre auffi d’uns
communs accord. Et quand même un tiers fe
trouveroit intéreffé au maintien du traité > 8c fouf-
friroit de fa rupture ; s'il n'y eft point intervenu,
& fi on ne lui a rien promis de d ire#, ceux qui
fe font fait ^réciproquement des promeffes qui
tournent à l’avantage de ce tiers, peuvent s’en
décharger réciproquement au fti-, fans fon aveu y
8c fans qu’il foit en droit de s'y oppofer. Deux
monarques fe font mutuellement promis de joindre
leurs forces pour la défenfe. d'une ville voifine.
Cette ville profité de leur fecours , mais elle n'y
a aucun droit; & auffi-tôt que les deux monarques
voudront s’en difpenfer, elle en fera privée
fans avoir aucun fujet de fe plaindre , puifqu'oiî
ne lui avoit rien promis.
De ta rédattion des truités, de leur fignature &
ratification.
Lorfqu’on a délivré la minute du traité, 8t
qu’une heureufe négociation a rendu les parties
contractantes d’accord fur tous les articles du
traité, on le met au net. L’ ufage a introduit à
cet égard plufieurs formalités qu'on ne peut s'empêcher
de fuivre , quoiqu’elles ne foient pas ab-
folumeut efièntielles à la validité du traité. D'abord
il eft reçu dans toute la chrétienté de confacrer
tous les traités par ces paroles initiales.
Au nom de la très-fainte Trinité , Père , Fis &
Paint-Efprit, Ou au nom de la très-fainte 8c indi-
vifible Trinité.Ou en latin, in nominefacro-fanéU
& individus. Trinitutis.
C'eft un hommage que la piété rend à l'auteur
de tous les grands événemens , & une formalité
qui préfente l’aCte comme plus folemnel & plus
inviolable. Les fouverains d’Europe, en traitant
avec la Porte , ou avec d’autres nations qui fuivent
la loi mufulmane , employent la même formule
dans les exemplaires du traité qu’ils gardent pour
eux : mais les exemplaires qui fc confervcnt dans
les archives de Conftantinople commencent ordinairement
par un étalage ridicule des titres chimériques
du grand - feigneur, qui varient à tous
momens , félon le caprice du fultan ou du vifir,
& -qui offrent de ces fortes d’hyperboles, dont
le ftyle oriental eft rempli. Après ce préambule on
met dans’ une introduction les noms & les titres
tout au long des parties contractantes & l’oc-
c afion du traité. On a foin d’y inférer auffi les
noms, qualités & titres des miniftres qui ont été
employés par les cours refpéCtives. C e n’eft point
au refte, dans l’ordre où il eft nommé, le rang du
miniitre, qui régie la prééminence, mais le rang
du fouverain dont il eft plénipotentiaire. Lorfque
les puiffances contractantes font d’ un rang égal,
chaque puiffance fe place la première dans l’exem
plaire du traité qu’elle garde. Cette règle a été
long-tems conteftée ; mais l’ufage a prévalu. En
e ffet, dès qu’une puiffance a obtenu le rang 8c
le titre de roi ou monarque , & qu’elle eft reconnue
en cette qualité par les autres, on ne
voit pas pourquoi elle ne jouiroit point des honneurs
8c prérogatives qui en font une fuite , ni les
raifons fur lefquelles fe fonde la prééminence que
quelques couronnes exigent. Wiquefort dit : » Et
de fait cela s’obferve aujourd’hui entre les fouverains,
qui font d’une dignité égale : de forte que
cela ne reçoit point d’exception à l’égard des têtes
couronnées , qui en ufent toujours entre elles dans
cette égalité , mais non à l’égard des républiques,
• que les rois confidèrent comme leurs inférieures,
‘ quelques honneurs qu’ ils leur faffent d’ailleurs.
Iles Provinces - Unies fe fontmifes en poffeffion de
cette égalité avec les rois du N o rd , & elles en
font convenues avec les électeurs. »
Autrefois la plupart dey traités étoient écrits en
latin ; mais aujourd'hui que beaucoup de princes
& de miniftres ne fayent pas cette langue, on n’a
pas voulu faire dépendre les grands intérêts des
nations d'une phrafe, dont ils ignorent fouvent
la jufte valeur » 8c le françois eft devenu la langue
des cours 8c des affaires. Au refte, les am-
oaffadeurs ou miniftres, qui président à la confection
d’un pareil traité, doivent veiller à ce
que tous les points effemiels , qu'il importe X
leurs maîtres refpeCtîfs d’annoncer diftinCtemenr,
ne foient point compris ou biffés fous des ex-
preffions vagues ou trop générales, que chaque
condition y foit fpécifiée fans équivoque , & que
le texte ne foit point chargé de réflexions 8c de
glofes inutiles , afin d’ôter , autant qu’il eft pof-
fible, aux parties contractantes les explications
analogues aux intérêts de chacun ; & après toutes
ces précautions il ne reftera que trop de matières
à des interprétations abufives.
On fait autant de copies du traité qu’il y a de
parties contractantes. On l ’écrit ordinairement
fur du velin ou parchemin, qui eft plus durable
que le papier. On joint les feuilles enfemble par
des cordons de foie , dont les bouts s'attachent
par les cachets à côté des fignatures , pour prévenir
qu’on ne puiffe y inférer de nouvelles
feuilles.
Les miniftres des puiffances contractantes commencent
par figner le traité de leurs noms de
baptême & de famille, & y appofent le cachet
de leurs armes, en vertu des pleins pouvoirs
dont ils doivent être munis particulièrement à cet
effet par leurs maîtres. L'ordre des fignatures fuit
exactement le rang ou l ’ordre qu'on a oblervé
dans rintroduCb'on; & lorfque tous les exemplaires
font ainfi lignes & munis des cachets des plénipotentiaires
, & que l’on a fait l’échange des
exemplaires , & que chaque miniftre a pris celui
qu’il doit remettre à fon maître , le traité eft conclu.
Mais à 1a rigueur il n'oblige les parties contractantes
à l’exécution des articles qui y font fti-
pulés qu'après que les ratifications lui ont donné
toute b force d’un contrat Ces ratifications font
des aCtes par lefquels les fouverains approuvent
folemnellemenr, en appofant leurs fignatures &
leurs armes , l’accord ou traité que les plénipotentiaires
ont fait en leur nom. Les auteurs cui
ont écrit fur le droit des gens demandent fi un
traité eft obligatoire avant qu’il ait été confirmé
par b ratification i II paroit que cette queftion fe
décide d’elle-même , & que 1a ratification feroit
fuperflue fi le traité pouvoit obliger fans elle.
Les plénipotentiaires , d’ailleurs, peuvent avoir
été engagés par la crainte, par b violence , par
1a corruption ou par un défaut de prudence à
outrepaffer leurs ordres , & à ftipuier dans des
démarches que leurs maître?-ne fauroient confirmer.
Il y a mille exemples de traités qui n’ont
pas été ratifiés en entier ou en partie. La cour
de Vienne , par exemple , suroit pu 3c cil fe
difpenfer de donner fa ratification au xr.:«éfuad*e