
les fujets ont obéi plus volontiers aux ordres
immédiats de leurs princes, qu’à ceux qui, ne
partoienrque de l'autorité paffagère d’un régent....
Cette providence qui veille inceflamment fur la
conduite des Etats, répand ordinairement dès
lumières & un jugement prématuré dans Taine de
ceux qui doivent gouverner les autres hommes :
les enfans des ,rois font confiés , dès leur plus
tendre enfance, à des perfonnages éclairés &
vertueux* on emploie l’ attention la plus fcrupu-
leufe à les inftruire 5 il n’eft donc pas étonnant
que les princes faffent des progrès plus rapides
que le commun de leurs fujets.
M A ces caufes, délirant pourvoir pour toujours
à la tranquillité de notre royaume, éviter les
difcordes , les fçandales & autres grands incon-
véniens 8c détrimens , -pour ôter à l’avenir tout
fujet de doute j nous, de l’avis des prélats &
perfonnes notables, clercs & laïques * par cette
loi ' irréfragable 8c perpétuelle , avons déclaré ,
établi 8c ordonné , déclarons , établirons 8c
ordonnons , de notre certaine fcience 8c pleine
puiffance, que s’il arrive que nous mourions, ou
-que nos fuccefleurs meurent avant que notre fils
aîné , ou les fils aînés de nos fuccefleurs foient
parvenus à l’âge de quatorze ans , notredit fils
aîn é , ou les fils aînés de nos fuccefleurs, dès
qu’ils auront atteint l’âge de quatorze ans, 8c en ,
cas qu’ils décèdent fans enfans, les enfans mâles
naturels 8c légitimes de leur frère , procréé du
même père, félon l’ordre de leur origine (lefquels
. nous voulons qu’ils foient réputés majeurs ( 1 ) , )
auront le gouvernement 8c àdminiftration du
royaume , 8c recevront les hommages Sc fermens
de fidélité qui doivent être faits par les prélats ,
frères, pairs, princes 8c autres perfonnes quelconques
eccléfîaftiques ou régulières , de quelque
dignité qu’elles foient revêtues, archiépifcopale ,
épifcopale, royale ou autre. Et ceux qui feront
obligés à ces hommages ou fermens de fidélité,
feront tenus de les faire audit temps. Nous voulons
que notredit fils aîné , ou ceux de nos fuc-
cefleurs , dès qu’ils auront atteint l’âge de quatorze
ans, puiflent recevoir à leur volonté Ton&ion
royale, le fceptre , la couronne, Je diadème 8c
tous les vêtemens 8c autres marques de la royauté*
8c que les fermens qui leur auront été prêtés, foit
ail facre 8c au couronnement , foit autrement,
comme aufli les grâces , paéles , conventions 8c
promelfes par eux faites à leurs fujets 8c vaflaux,
ou à d’autres perfonnes quelconques , eccléfiafti-
ques ou féciilières , forcent leur plein 8c entier
effet, comme s’ils étoient majeurs de vingt-cinq
ans * 8c qu’ils puiffent faire en tout 8c par-tout,
comme un bon roi des François peut faire , 8ç
qu’il lui appartient, à raifon de fa dignité fuprême
8e majefté royale 5 8c c e , rionoblîant toutes coutumes
contraires
Cetre loi fut violée d’abord après la mort de
Charles V * fon fils, Charles VI , n’avoit que
onze ans 8c onze mois lorfqifil fut facré. Le duc
d’Anjou cefla dès lors d’être régent.
Charles VI confirme l'ordonnance de fon père
en 1392.
Charles VIII eft. déclaré majeur par les états
affemblés le 12 février 1^84 * -il n’avoit pas encore
quatorze ans.
Pendant la minorité de Charles IX , le royaume
eft gouverné par Catherine de Médias en
qualité de régente (2) , '8c par le roi de Navarre
en qualité de lieutenant-général du royaume.
Charles IX déclare fa majorité à treize ans &
deux mois au parlement de Rouen. C ’ eft à cette
occafion que le chancelier de l’H ôpital, expliquant
l'ordonnance de Charles V / d i t » que Tefprit de
» la loi étoit que les rois fuflent majeurs a qua*
« toi\e ans commencés, 8c non pas accomplis , fui.
« vant la règle , que dans les caufes favorables ,
” annus inceptus pro perfeclo habetur ». Tel eft eti
effet le véritable fens de l’ ordonnance de Charles
V * le texte latin dit 1 Eo ipjo quod..... quartum
decimum'annum fus. Atatis. attigerint.
Nous avons eu trois minorités depuis Charles
IX , celles de Louis X I I I , de Louis X IV &
de Louis X V . A ces trois époques, c’eft le parlement
de Paris qui a déféré la régence. Sous les
deux premières minorités, c’eft la reine mère du
roi mineur qui a été déclarée régente. Sous la
troifîème, ç’a été le duc d’Orléans , premiefr
prince du fang. Les trois jeunes rois , à Texemblè
de Charles I X , ont déclaré leur majorité au
( 1 ) Le texte latin ne dit pas majeurs, il dit pubères. Mais c’cfl une véritable majorité que Charles V a voulu établir,
( i ) M. le préfidenc Hénault prétend que Catherine de Médiéis n’eut point le titre de .régente fous Charks IX ; mars
i l convient que tous les hifioriens avant lui , M. de T h o u , Mezerai, Daniel & le Gendre , ont dit au contraire qu’elle
avoir été déclarée régente. Il aurbit pu y joindre Be llefo rêt, auteur encore plus contemporain de Charles IX que M de
T h o u . Le fuffrage de ces deux auteurs me paroît d’ un plus grand poids que celui d’ un hiftorien du dix-buitieme fîècle
Mais un paflage de du T illet peut les mettre tous d’accord. « La dernière rég ence, dit-il-; eft celle que le roi Henri II *
pour Ton voyage d’Allemagne, bailla à la reine fa femme , laquelle éleâion jointe à ladite ordonnance f l ’ordonnancfc
» de 1407 ) rendoit fon autorité principale indubitable durant la minorité du roi Charles IX fon fils » . Il feroit donc
v ra i que Catherine de^ Médicis ne fu t pas nommée régente après la mort de. François II 5 mais qu’elle gouverna cepen-
dant en qualité de régente pendant la minorité de Charles I X , en vercu du choix de Henri I I , qui lui avoir autrefois
défl-iê la rég enc e , ôc de l ’ordonnance de 1 4 0 7 , qui donna la p rin jp a le adminiftratiou à la reine mère pendant la minorité
du roi» , '
commencement de la quatorzième année de
leur âge.
Telle eft donc aujourd’hui la loi du royaume,
confacrée 8c expliquée par Tufage. Pendant la minorité
de nos rois, le gouvernement du royaume
doit êtr,e confié à un régent ou régente. La minorité
finit dès Tinftantque nos rois font entrés dans
leur quatorzième année; c'eft-à-dire d’abord après
la treizième année de leur âge révolue.
On a vu que le pouvoir du régent,. pendant la
minorité, éioit autrefois le même pour l’admi-
mftration du royaume, qüe celui d’un roi majeur.
Cela ét-oit porté au point, que dans les commen-
cemens de la première race l’héritier du trône
n’étoit pas même déclaré roi pendant fa minorité.
C et ancien ufage , auquel oii avoit dérogé depuis
long-temps, fut renouvellé pendant la minorité de'
Charles le fi m pie. Charles le gros, 8c après lui
Eudes, qui n’étoient qiie régens du royaume,
gouvernèrent en rois , comme exerçant une autorité
qui leur étoit propre, datèrent leurs diplômés
de Tannée de leur règne-, 5c furent même
comptés par plufieurs de nos hiftoriens au nombre
des rois.
Charles V paroît être le premier qui ait fenti
^ ’ inconvénient de la piiiflance illimitée des régens.
Après avoir fait l’ordonnance qui faifoit cefier la
minorité des rois à quatorze ans , il voulut pourv
o ir , par un réglement particulier, à l’adminif-
tration des affaires pendant la minorité de Charles
V I , fon fils : il conféra la qualité de régent au
duc d'Anjou* l’aîné de fes frères, & lui fubfti-
tu a , en cas de mort ou d’abfence , le duc de
Bourgogne fon troifième frère. Il apporta plufieurs
modifications à l’ autorité du régent , lui défendit
de faire aucune aliénation , fous quelque prétexte
que ce fût ; donna la tutelle de fes enfans & le
gouvernement des finances dé l’Etat à la reine fon
époufe, afliftee des ducs de Bourgogne & de
Bourbon, fubftituant ces deux princes à la reine,
s’il arrivoit que , par la mort de cette princefle ,
la tutelle n’eût pas lieu. Il ordonna que ce qui
refteroit des revenus du royaume, les charges
acquittées , feroit dépofé entre les mains' de Bureau
de la Rivière , pour être remis au roi lorf-
qu’il feroit majeur. Il forma un confeil de tutelle,
compofé de ce qu’il y avoit de plus illuftre dans
les trois ordres du royaume. La reine , le régent,
les deux princes co-tuteurs , & tous les membres
du confeil de. tutelle, jurèrent de fuivre-eh tout
les intentions de Charles V.
On fait combien fut trompée lafage prévoyance
de ce monarque ; on connoït les malheurs 8c les
troubles qui déchirèrent la France fous le règne ,
ou plutôt pendant l’enfance perpétuelle de Charles
VI.
C ’eft ail milieu de ces horreurs que parut l’or-
D R O 80 j
donnance qui fuppiime les régences, qui veut que
les héritiers du trône foient facrés & couronnés
en quelque âge que la couronne leur échoie; que.
leur garde 8c nourriture 8c les affairés du royaume
Toient maniées 8c adminiftrées en leur nom 8c
autorité, par l’avis & confeil des. reines leurs
mères, fi elles vivent, 8c des plus prochains du
lignage 8c fang royal qui lofs feront, 8c des connétable
8c chancelier de France, 8c des fages
hommes du confeil qui feroient lors du roi défunt.
Cette ordonnance fut publiée 8c enregiftrée
au lit de juftice tenu par Charles V I , en la
grand’chambre du parlement, le 26 décembre de
Tan 1407.
Voilà donc le nom des rois mineurs ( car d’un
roi'enfant il ne peut y avoir que le nom ) rétabli
dans tous les adfes de la fouveraineté, 8c dans
Tadminiftration du royaume. D’un autre côté > les
confeils de régence font fubftitués aux régens.
Mais il ne paroît pas que cette loi ait produit de
grands effets.
Sous le règne même de Charles V I , Char-
lef-VII, Ton fils, prend la qualité de régent du
royaume ; 8c les lettres font fcellées du fceau du
régent, 8c non du fceau du roi.
Pendant la détention de François premier, après
la bataille-de Pavie , madame,d’Angoulême , fa
mère, eft régente. Toutes les lettres de juftice
font fcellées du fceau du ro i, quoiqu’il foit pri-
fonnier ; mais les lettres de grâce & les comman-
demens font fignés du fceau de la régente.
Du Tillet donne la raifon de cette diftin&ioii
entre les lettres de juftice- & les lettres de grâce.
« L a juftice, d it-il, eft eftimée toujours durer
».en ce royaume, foit le roi mort , pris ou
»•abfent..... aufli lettres de juftice expédiées du
» temps d’ un roi défunt, font exécutées au règne
» d u fucceffeur, fans confirmation ; ce que ne
» font lettres de grâce & commandement, lef-
» quelles dépendent des vouloir, ou pouvoir de
» celui ou celle qui les donne ou commande , 8c
» ont befoin de l’autorité & approbation dê fou
» feel, puisqu’il parle, & que le fecrétaire figpe
S de par lui ou de par elle ».
Après la mort d’Henri IV , le parlement de
Paris , fur les conclufions de M. Tavocat-général
Servin, « déclare Marie-de Médicis régente en
» France, pour avoir Tadminiftration des affaires
» du. royaume pendant le bas âge du roi fon fils ,
» avec toute puijfance & autorité ».
Le lendemain, le roi féant en fon lit de juftice
» déclare , conformément à l’arrêt du parlement
» la reine fa mère régente en France, pour avoir
» foin ae l’éducation 8c nourriture de fa perfonne \
» & Tadminiftration des affaires de fon royaume
» pendant fon bas âge ».