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idée dès caufes, des fuites & des effets des ttjta-
mens des rois.
Si le roi Guillaume avoit pu fe donner à lui:
même cette fupériorité qu'il empêcha toute fa vie
Louis X 1 V de s'affûter, fans doute qu'il eut
compté pour rien la liberté générale dont il fe
déclarait le protecteur. Mais convaincu que les
plus heureux fuccès de fa politique ne lui vaudraient
jamais que la gloire de tenir la balance,
il s'intéreffoit - fincèremenc au maintien de fon
équilibre. Sa maxime à cet égard, étoit d'être prêt
à devenir bon françois , quand l'empereur feroit
plus redoutable que le roi de France , comme i*
étoit devenu bon autrichien, lorfque le roi de
France lui avoit paru plus puiffant que le chef
de la maifon d'Autriche. Il parut, peu avant la
Jîgnature des premiers traités de Risxvick, qu’il
fe croyait arrivé , linon à l ’époque de cette révolution
des deux puiffances, du moins à l'époque
d’une parfaite neutralité entre les deux
nations rivales. Les puiffances de l'Europe négoc
i e n t alors fur le partage de la fucceffion d'Ef-
pagne, quoique Châties I I ne fût pas encore
mort. L ’ambaffadeur impérial le preffant de faire
décider l'affaire de la fucceffion d'Efpagne dans
1 affemblee de R isw ick , qu on pouvoit appelles
les états de 1 Ehrope , 1 habile monarque lui répondit
froidement , qifil n'étoit pas d’avis d'entamer
cette queftion avant la conclufion de la
paix. La paix fut conclue Si loin de propofer
un archiduc pour héritier du roi d’Efpagne ,
Guillaume préfenta un partage de cette opulente
fucceffion, dans.lequel la maifon d'Autricheavoit
la moindre parr. Pendant que Naples Si la Sicile,
les places de la côte de Tofcjne , le marquifat
de Final & le Guipufcoa , étoient donnés a Louis
X I V , l’empereur & fes deux fils dévoient fe
contenter du Milanez.
Mais l'empereur dut changer avec le roi
Guillaume i & lorfque le peu de fuccès de fon
envoyé lui eut fait fentir que les puiffances maritimes
ne tiendraient point le traité de 1689 ,
il lui fallut ou fe faire lui-même fa part de la
fucceffion d’Efpagne , ou fe réfigner à celle que
lui feraient Guillaume & fes alliés. Le roi de
Portugal Si le duc de Savoie , étoient également
intéreffés à ne pas laiffer tomber fur une feule
tête toutes les couronnes de la monarchie efpa-
gnole. On pouvoit bien efpérer que l'un ou
l'autre improuverbit tel ou tel partage, mais il
étoit abfurde d’efpérer qu'ils fe declaraffentcontre
tout partage, quel qu'il fût. Léopold obftiné à
réclamer la fucceffion entière, pour un des princes
fes fils , étoit (èul de fon parti.
L'Europe avoit vu avec le dernier étonnement
le foible Charles II fixer tout-à-coup fes irréfolu-
tipns, Si prendre comme de lui-même le parti auquel
fes miniftres les plus accrédités n'avoient
i r a s . . . , ..............—1 - 1U1I lejtamcm, 1 IU S
accefhple aux avis des théologiens qu'à ceux des
politiques , il avoit inftirué le prince éle&oral de
Bavière , petit-fils de la foeur puînée de là reine
meredu dauphin, fon héritier uniyerfel. Léopold
dut être peu alarmé de cette difpoiîtion , qui n’ é-
tou avquee que d'une partie du cor.feil d’Efpagne.
lierait h jaloux de la maifon de Bourbon, qu’il
voyoït avec plaifir les prétentions des princes françois
ecartees par le teftatéur ; & fon efpoir par
rapport aux états d’Italie, le confoloit de la pré-
erence que le prince électoral avoit eu fur I’ar-
chiduc.
Quelques hiftoriens ont eu la'témérité de donner
pour la caufe de fon indifférence fimulée
un preffentiment de la mort prochaine du prince
bavarois : les princes ne peuvent-ils donc mourir
de mort naturelle ? II eft vrai que l’ékûeur accufe
de fon malheur I etoile de la maifon d'Autriche
toujours funefte à ceux qui faifoient obftacfe à la
gmndeur autrichienne. Mais c'étoit un père .
afflige q u i, dans les premiers motivemens dé fa
douleur, aurait volontiers reproché fa perte à tous
les peres plus heureux que lui. Léopold ne pou-
volt prefientir la mort du jeune prince, fans envisager
un. petit-fils de France pour unique compétiteur
de 1 archiduc j & cette perfpeétive gê-
noit fes prétentions en Italie. Ses inftruétions au
comte de Martmitz l'offraient alors au roi Guil-
aume fous des traits capables de l'alarmer t fur
„ j 10", “ e a.ma’l'on d'Autriche , plus que fur
celle de la maifon de Bourbon : elles étoient
le comble de I imprudence.
On attribua la fubite re'folution du roi Charles
au dépit que lui caufa le traité de partage fur
lequel il n’avoit point été confulté î & c e fut là
eftectivernent le reflbrt quon fit agir pour la lui
mfpirer. Mais il ne fut qu’un reffort entre les
mains de^ la reine, qu’ un intérêt particulier, &
les dégoûts que lui donnoit l’ambaffiadeur autrichien
, avoient détaché du parti de l’archiduc.
Cette princefle étoit gouvernée par la eomteffe
de Berhps, comme la reiue Marie de Médieis l’a-
voit été en France par la maréchale d’Ancre. Les
grands d’Efpagne étoient auffi fuperftitieux que l’a-
voit été le parlement de Paris j ils attribuoient^
a la magie 1 afeendant que cette habile allemande
s etoit acquis fur fa maîtreffe j & ils opinoient à
la traduire au redoutable tribunal de l’inquifition
pour lui faire rendre compte des fortiléges aux^
quels ils la croyoient redevables de fon crédit.
C ’etoit par fes égards pour cette favorite, que le
vieux comte de Harrach avoit obtenu les bonnes
grâces & la confiance de la reine. 11 l’avoit mile
dans les intérêts de l’archiduc , en lui faifant obtenir
de l’empereur un brevet de comte d’empire
, pour elle & fa poftérité. Il étoit bien per-
fuadé que fon maître ne pouvoit compter fur les
bons offices de la reine , queutant qu’il fero^
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afluré de ceux de là comteffe de Berljps, & au
rifque de déplaire à fa nation , il n’ofa défap-
prouver la conduite infenfée de la favorite & de
fes créatures que leur avidité infatiable & leur
arrogance faifoient détefter de la cour & du peuple
Il porta à Vienne , de la part de leurs ma-
jeftés catholiques, les aflurances les plus pofitives,
que le teftament feroit en faveur de l’archiduc-
Mais en chargeant fon fils de jouer fon rôle à
Madrid , il lui en laifia ignorer le fectet j & ce
jeune miniftre fe conduifit félon les apparences,
dont on ne lui avoit point dit de fe défier.
La reine décidée de bonne foi pour le prince
éle&oral de Bavière , avec lequel on croit que la
comtefife lui faifoit efpérer un fécond mariage,
après la mort de Charles, n’eut pas plutôt la
communication du traité de partage , qu’elle conçut
le deflfein de mettre à profit le relTentiment
qu’il ne pouvoit manquer d’infpirer au roi. Le
confefifeur & les principaux eccléfiaftiques qui
approchoient de fa majefté , furent consultés.
Le cardinal Porto-Carrero, que fon rang & fes
richeffes mettoient au-deffus des moyens ordi-
naires de fédü&ion , approuva tout teftament qui 1
préviendrôit le démembrement delà monarchie ,
fans expofer la nation, à la guerres & le prince
de Bavière lui paroiftoit l’héritier que l’Europe
verroit avec moins de répugnance. Les jurifeon-
faites & les théologiens, prévenus par fon éminence
, firent ce que la reine leur laiftoit faire.
Ils diffipèrent les fcrupules du monarque, pendant
qu’elle combattoit fon affeâion pour un
-prince de fa maifon. Le teftament fut préfenté à
l’afifemblée des Cortès, réunis au confeil d’E ta t,
extraordinairement convoqué ; & il fat figné avant j
qu’aucun ambafladeur , avant qu’aucun grand, &
peut être la comtefife de Berlips e lle -m êm e ,
fuITent à qui le roi donnoit fa fucceffion.
La cour de Vienne laififa la cour de Verfailles
faire les premières proteftations, contre le choix
de l’héritier. Avant de prendre une réfolùtion fui
cet évènement imprévu, il lui falloir regagner la
reine, & apprendre comment il étoit reçu des
puiffances. L e jeune prince de Bavière défigné
au trône des Efpagnes, mourut fur ces entrefaites.
Malgré les raifons qu’ avoit la reine de faire
©bftacle au cardinal Porto-Carrero, elle vit tranquillement
ce prélat, livré à fes craintes & aux
confeils des partifans de la France , donner au
roi la cour de Rome pour arbitre , & faire valoir
la décifion d’unpape ennemi de la maifon-impé-
riale. Elle le laififa obféder le roi pendant fa maladie
, combattre fans obftacle l’affeétion du monarque
pour un prince autrichien , ,& lui diéter
enfin un teftament qui nommoit le petit-fils de
Louis XLV.
g l e roi meurt, La junte de régence doit écrire
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à Louis X IV , Si lui annoncer le teftament. Le
duc de Montalte, un des régens, refufe de ligner la
lettre : il dit que le confeil fuprême d’Arragon ,
dont il eft préfident, n’a pas encore approuvé
la difpofition du teftateur : & fon exeufe eft
reçue. La reine ligne fans difficulté. Le cardinal
Porto-Carrero craint de fe commettre , en auto-
rifant de fon nom une fécondé lettre j & pour
s’en difpenfer,il feint une indifpofition.La reine
n’a point ces fcrupules. Elle fe met à la tête de
ceux qui invitent le duc d’Anjou à croire que la
cour & le peuple font à lui : elle l ’invite à pre/Ter
fon départ pour l’Efpagne. Ses inftanccs font fi
bien diftinguées de celles des feigneurs régens,
que Louis X IV croit lui en devoir un remerci-
ment particulier. Le confeil de France balance fur
l’acceptation du teftament : fon filence fait penfer
qu’il en voit le péril & qu’il en eft effrayé.
La reine s’unît aux partifans de l’archiduc , &r
elle opine avec eux dans la junte à faire de nouvelles
inftances dans une troifième lettre , qu’elle
ligne comme les deux autres. Cependant c’ eft à
cette époque qu’elle ranime la fa&ion autrichienne *
& que le cardinal écrit à là cour de France quelle
trame un foulèvement. Louis XIV trouve l’accu-
fation fondée : il ne croit point le duc d’Anjou
en fureté fi la douairière refte en Efpagne, &
pour fon premier a&e , en fa qualité de légataire y
il l’oblige à manquer d’égards pour la veuve du
teftateur, & de refpeél pour fa dernière volonté.
Tout le monde connoît les détails de cette
guerre défaftreufe fur la fucceffion d’Efpagne ,
& le partage qui fe Ht de la fucceffion.
T E U T O N IQ U E , ordre. De l’ordre teutonique
en général, & en particulier de la grande maî-
trife de Me'rge»theim & du bailliage de Franco-
nie.
L ’ordre teutonique fut fondé en Paleftine l’an
1190 , & les chevaliers prirent d'abord le nom de
chevaliers de la Vierge Marie , ou frères de la
maifon teutonique de Notre-Dame à Jérufalem.
Ils fe vouoient à la défenfe de la religion chrétienne
& de la terre-fainte, ainfi qu’au fervice des
pauvres & des malades ; ils dévoient être allemands
& nobles de race. Le pape Céleftin III
confirma cet ordre en 1190, & le fournit à la
règle de faint-Auguftin. L ’empereur Henri V I le
confirma également. Le premier chef ou grand-
maître de l’ordre, fut Henri de Waldpoett de
Biiffenheim j il eut pour fucceffeurs Otton de
Koerpen, Fleuri Bart & Hormann de Salfa. Les
Sarafîns commençant à devenir trop puiflàns en
Paleftine , ce dernier grand-maître quitta Jérufalem
& fe retira à Venife, où il reçut de Conrad
duc de Mazovie , une ambalfade chargée de lui
demander fon affiftance & celle de l’ordre contre
les Pruffiens, alors plongés dans les ténèbres du
paganifme. L ’ordre y confentit, après l ’aifurance