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de s occuper ailleurs. Je ne vais donc point
droit naturel bielle par ces fortes de traités , ni
directement ni indirectement ; je n y vois au con-
tralr<- que l ’ufage de ce droit réciproque , ou
plutôt de cette obligation de s’ aider qui fubfifte
entre toutes les fociétés, 6c qui en eft le lien ». C ’eft
avec cette inlènlibiJité groflière , & ce défaut de
jufteffe & d ’analyfe, que la plupart des auteurs
difeutent les grandes queltions de la politique.
beaucoup multiplier les traités de
fubjidcs ? C ’eft une dernière queftion qu’ il convient
de traiter ici. II elt clair qu’on ne doit
pas multiplier les traités qui portent des en-
gagemens de garantie , fouvent dangereux , parce
911 “ ett rare que d’avance on en puiffe connaître
toute 1 etendue. Pour les fîmples traités de fub-
pd.es , les auteurs répondent vaguement que fou-
V,pnt/ j Vailt mieux , en courant le rifque de l'inu-
tilite de quelques-uns , en faire trop que trop
peu* & que la proportion eft en général vraie ,
toutes les fois que ce genre de frais n’excédera pas
les reffourcesdu tréfor de l ’Etat. Sans doute la
aépenfe, en elle-même la plus fenfée, quand elle
eft au-deffus des forces, devient une véritable
* ° "C ;C ’eft une maxime invariable, que la bonté
de 1 adminiftratîon intérieure eft le premier mobile
des opérations extérieures de négociation ou autre;
^ 4 Offat avoit raifon de mander de Rome :
“ faites bien vos affaires par en - delà , & elles
x iront bien en-deçà. «
Mais il paroît que dans, la politique moderne
les grands états, & même les petitsy lignent un
trop grand nombre de ces traités, & que fous prétexte
de maintenir la balance politique & de s’afi-
Rirer des fecours & des alliés, ils s’engagent dans
^ guerres & des négociations difpendieufes : il
eft hors de doute que des états fortement confti-
tué s , & dont les reffources fontimmenfes &iné-
puifables , fe paieraient fort bien de ces prétendus
fecours plus à charge qu’ utiles ; que fouvent
les petits payent cher les petites fommes d’argent
qu’ils reçoivent d’ un allié ; que les cir-
conftances , la pofition générale de l’Europe > &
la pofition particulière des divers états, doivent
déterminer ici les cabinets , & qu’enfin on ne don
prendre ces forces de ré fol lirions qu’après un mûi
examen des choies qui doivent arriver un jour.
SU C C E S S IO N A LA C O U R O N N E . C ’eft
le droit par lequel les princes , qui ont une fois
acquis la couronne/4a tranfmettent à leurs fuc-
ceffeurs.
Nous avons eu o-ecafîon de dire en plufîeurs
endroits de cet ouvrage comment l’impeifeâi-on
& les vices des hommes ont rendu utile au repos
& à la tranquillité des nations une chofe aufli dé-
fe&ueufe en elle-même que l’ héritage d’ un trône.
Nous allons traiter ici cette queftion avec plus
d’étendue»
II femble d’abord que les royaufties éleéHfs
l’emportent fur ceux qui font héréditaires, en ce
que dans les premiers on peut toujours choifir
\ un prince de mérite. & capable de gouverner 5
mais l’expérience a trop appris qu’il eft du bien
de l’ Etat que les royaumes foient fuccefïifs. i ° . On
évite les graves inconvéniéns qui réfultent au-
dedans & au-dehors des fréquentes éleélions.
29. Il y a moins de difputes & d^rncertitude touchant
ceux qui doivent fuccéder. 30. Un prince
dont la couronne eft: héréditaire, toutes chofes
d’ ailleurs égales, prendra plus de foin de fon
royaume, & ménagera plus fes fujets , dans I’ef-
poir de laifïer fon trône à fes enfans, que s’il ne
poffédoit que pour lui fèub 40. Un royaume où
la fuccejjioti eft réglée, a plus de confîftance & de
force ; il peut former de plus grands projets, &c
en fuivre l’exécution plus sûrement que s’ il étoit
éleétif. 50. Enfin la perfonne du roi efî: plus ref-
pe&able par l’éclat de fa naiffance. Si cette difpo-
fition offre des avantages elle a des inconvéniéns r
eh ! qui ne les voit pas ^ Mais ici , dans l’alternative
de deux maux , il s’agit de choifir le
moindre.
Ariftote , en parlant des rois, dit que dans les
tems héroïques ils étoient éle&ifs : la couronne
héréditaire, ajoute - 1 - i l , eft propre aux peuples-
barbares. C e philofophe avoit obfervé les fuites
funeftes d’un gouvernement héréditaire ; mais .
il ne favoit pas tout ce que nous favons fur les
royaumes éleétifs.
L ’interrègne eft un mal inévitable de l’élection
& plus fâcheux que la minorité ; c’eft le tems des
intrigues & des crimes- On a vu le peuple lui-
même y brifer les prifons & délivrer les criminels.
Un avènement à la couronne par élection
eft un tems de graee & d’amniftie Un nouveau
roi veut gagner le coeur de fes fujets, par-
une réputation de clémence cet efpoir d’impunité
invite au défordre. D ’après ces excès on
enferme à Rome & àMalthe les électeurs, pour
que l’ennui de la clôture hâte l’éleétion'. Cette
méthode eft bonne. Elle empêche la divifion entre
les électeurs, autre inconvénient des éleélion&y
auflî terrible que la tyrannie. Louis de Bavière &
Albert d’Autriche furent tous deux élus empereurs
: ils'fe-firent- huit ans une guerre barbare:
ce feu- ne s’éteignit qu’avec le fan g des peuples»
Les élections fréquentes de deux papes, ont fcan-
dalifé l’églife , & porté de grands préjudices à la
religion , avant que l’on eut imaginé la loi de
renfermer les électeurs.
Quelques précautions que l’on prenne , il eft
bien difficile d’éviter que la corruption ne fe
rende maîtrefïe des éle&eurs r dès-lors on ne doit
plus compter fur les bons choix. Si les voix font
achetées, on eft auffi incertain fur les qualités
du prince é lu , que fi la naiffance élevoit au trône j
s u c
8e de plus on eft affuré que l’on s’eft choifî pour
.jnaître un roi corrupteur.
Une nation entière ne peut élire que par des
repréfentans ; les voix feront donc vénales. Si on
fuppofe que tout un peuple donne fa voix par
tribu, la corruption fe gliffera de même parmi
les principaux, dont le crédit maîtrife les autres.
Si ce n’ eft pas la vénalité qui décide, ce feront
Jês faélions. On ne peut fe flatter qu’ il ne s’en
formera point : au contraire, elles fe multiplieront :
1 envie , la jakmfîe. déchireront l’Etat, fi la première
règle 11 eft pas d’exclure les nationaux. 11
eft naturel que des fujets ambitionnent le trône,
lorsqu'ils auront le même droit que tout autre d’y
afpirer. Les partis fe formeront, & fouvent l’impatience
fera affafliner le monarque? N ’eft-ce pas
ainfi qu’une foule d’empereuîs difparurent du
trône après Augufte. Cette fin tragique ne devint
moins commune , que lorlqu’ils eurent l’attention
de fe défigner un fucceffeur , -par l’ affoçiation
ou 1 adoption. On compte de même neuf empereurs
d Allemagne poignardés , ou empoifonnés.De
pareils attentats n’ont ceffé que depuis que la couronne
de l’Empire germanique eft devenue comme
héréditaire j & qu’à l'exemple des empereurs de
Rome, ils ont fait nommer un roi des romains de
leur vivant. Charles VI ne fut pas lé maître de
prendre cette précaution : nous avons vu fa mort
fuivie d’une guerre affreufe.
Un roi cherchera toujours les moyens de faire
paffer fa couronne à fes defcendans ; il aura deux
voies pour y parvenir : celle de gou verner à la
fatisfa&ion des fujets, mais elle eft peu sûre; &
fi le fils dégénère /elle ne vaut rien. On embraffe
la fécondé par préférence ; on gagne les grands
par des bienfaits, on leur facrifie le peuple; ou
l ’on s’ affure de l’Etat par des troupes, fouvent
étrangères. La couronne élective eft de toutes la
plus facile à ufurper. Le moindre des projets
d'un roi éleélif fera de rendre fa maifon puifiante
pour l’avenir : ce qu’il rte peut faire qu’ aux dépens
de l’Etat. Raoul aliéna de l’Empire les villes
de la T ofcane ; Robert en donna plufieurs autres
a fon fils. L’hiftoire , même celle des papes , ne
ceffe d’offrir de pareils exemples.
> Le droit d’élire eft à-peu-près un droit chimérique.
Si on choifit un roi dans une maifon fou-
veraine , on ne donne, il eft vrai, aucun droit
réel à cette maifon pour l’avenir , mais on lui
donne les apparences d’ un droit ; Sc ces apparences
amèneront bièn des maux. Le prétexte le
plus éloigné fuffit à celui qui a la force en.main.
On ne voit pas , depuis long-tems, la couronne,
quoique élective , fortir de la famille où on l’a
«ne fois placée. Tant qu’ il eft relié des mâles
dans la famille des rois Pialîes , des Jagellons, des
Sobieski, la Pologne n’a p®int cherché des rois
ailleurs.
S U C ï f i
Pour comble de maux les puiffances voifines fe
mêlent de l’élection ; elles follicitent quelquefois
avec des armées : fi la nation, qui a le droit
d’élire, veut éviter les guerres étrangères & civiles
, elle eft forcée de prendre pour roi le plus
proche héritier : le droit d’élection devient fans
effet : le nom demeure , l’Etat eft héréditaire.
Un roi élu peut devenir dans la fuite roi d’un
autre royaume. C ’eft alors un malheur pour l’un
des deux. L’ un ou l’autre fera gouverné par des
lieutenans : l ’un ou l'autre peut devenir province ;
& ce fera, félon toure apparence l'Etat éleétif.
Le prince affuré de fon domaine héréditaire, cherchera
à fubjuguer celui qui ne l’eff pas; plus affectionné
à fon héritage , il y portera les richeffes
du dernier : les grandes charges pafferont fur la
tête de fes fujets- naturels. S’il ne parvient pas à
envahir cet Etat, du moins il en retirera tous les
avantages qui feront en fa puiffanee : fes véritables
fujets l’aideront à le fouler. Les polonois fe con-
duifoient en fages politiques , lorfqu’ ils déclarèrent
H en r i, devenu roi de France., déchu dil
royaume de Pologne ; mais il ne fero-it pas toujours
permis de fe conduire de cette manière.
L’éloignement des Etats échus à “leur roi les m étroit
à l’abri de fon reffentiment ;. dans d’autres
circonftances on expoferoit l ’Etat à de grands
dangers.
Sans doute on préviendra quelques-uns deces
inconvéniéns par de bonnes lo ix , mais il y en a
d’inévitables. Sans doute il refte toujours à l’État
é le â if une efpérance : on entrevoit le terme où
il fera permis de changer une fituation dont on
leroit mécontent : fans doute- le monarque élu a
des craintes que ne connoît pas le monarque héréditaire
; elles peuvent le rendre moins entreprenant
: mais ces foibles avantages du royaume
éleétif n’en balancent point les inconvéniéns.
Lors donc qu’une nation , foumife au gouvernement
monarchique , veut éviter les troubles ,
dont l’éleétion d’ un fouverain ne manque guère
d’être accompagnée , elle fait ce choix pour une
longue fuite d’années , en établiffant le droit de
fuccejjîon , ou en rendant la couronne héréditaire
dans une famille , fuivant l’ordre & les
règles qui lui paroiffent les plus convenables.
Le droit de fuccejjlon n’eft pas toujours établi
par la nation ; il peut avoir été introduit par la
conceflion d’un autre fouverain , par l’ufurpa-
tion même. Mais lorfqu'il eft appuyé d’une longue
poffeflïon , le peuple eft cenfé y confentir j
ôc cet aveu tacite le légitime, quoique fa fource
foit vicieufe. Il repofe alors fur le fondement que
nous venons d’indiquer, fondement feul légitime
& inébranlable auquel il faut toujours revenir.
C e même droit peut encore , félon Grotius ££
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