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enlembîe des colonies voifînes. Eclairés par-ce
défaftre, ils fe placèrent au defîiis du v en t, & la
mort ceïfa Tes ravages. L'ufage où eft le gouvernement
britannique de vendre le fol de fes ifles ,
& les formalités in réparables d'un pareil fyfteme,
retardèrent la formation d'un établifîement qu'avec
des maximes moins fages peut-être , on auroit
commencé immédiatement après la paix. C e ne
fut qu’en 1766 que furent adjugés quatorze mille
acres de terre , divifés en portions de cinq cents
acres chacune. De nouvelles adjudications furent
faites dans la fuite : mais il ne fut jamais permis à
aucun cultivateur d'acquérir plus d'un lot.
L ’ ifle dont les terres fe font trouvées trop fa-
bloneufes , n'eft encore habitée que par quatre
cents blancs & huit mille noirs. Ils ont été arrêtés
ail commencement de leur carrière par les
fourmis qui ont dévoré la plus grande partie des
cannes déjà plantées. Les quarante mille quintaux
de fucre, que rendoient trente habitations,
ont été réduits à la moitié. Le vuide a été rempli
par le coton , dont on récolte huit cents mille
livres pefant, & par l'indigo dont on obtient douze
mille livres.
T A IL LE S . Voye\\z Dictionnaire des Fnances.
T A N J A O U R , petit Etat de l'Inde fur la côte
-de Coromandel.
Le Tanjaour n*a que cent milles dans fa plus
grande longueur, & quatre-vingt milles dans fa
plus grande largeur. C'eft la province de la côte
de Coromandel la plus abondante en riz. Cette
richefle naturelle , beaucoup de manufactures
communes , une grande abondance de racines propres
à la teinture, font monter fes revenus publics,
dit M- l ’abbé Raynal , à prés de cinq millions de
livres. Mais il paroît qu’ils font beaucoup plus
conlîdérables aujourd’hui : dans les difcuffions qui
fe renouvellent tous les jours au parlement d'Angleterre
, on les évalue maintenant de trois à cinq
millions de roupies. Elle doit fa profpérité à
l'avantage d'être arrofée par le Caveri , rivière
qui prend fa fouree dans les Garhes. Ses eaux,
après avoir parcouru un efpace de plus de quatre .
cents milles , fe divifent à l ’entrée du Tanjaour
en deux bras. Le plus oriental prend le nom de
Colram. L'autre conferve le nom de C av eri, &
fe fubdivife encore en quatre branches , qui coulent
toutes dans le royaume , & le préfervent de
cette féçherefle horrible qui brûle , durant une
grande partie de l'année, le refte de Coromandel.
Cette heureufe fîtuation fit delirer aux danois
de former un établifîement dans le Tanjaour. Leurs
proportions furent accueillies favorablement. On
leur accorda un territoire fertile & peuplé , fur
lequel ils bâtirent d'abord Trinquebar, & dans
fo fuite I? foxteielTc de Panfbourg, fufîifante
T A R
pour la défenfe de la rade Sz de la ville. De leur
côté ils s’engagèrent à une redevance annuelle de
deux mille pagodes , ou feize mille huit cents
livres, qu'ils payent encore.
Nous avonsexpliqués à l'article Bengale & aux
articles M a d r a s s , A r c a t e , M a is so u r , & c .
quels font aujourd'hui les immenfes domaines
pofledés> par les anglois dans l'Inde , &
nous avons d it , quelle eft leur influence fur les
nababs & les rajah du pays. Le nabab d'Arcate
& le rajah de Tanjaour font dans leur dépendance
j ils tiennent des garnirons dans ces deux
pays qui leur payent des. tributs. A&uellement
le rajah de Tanjaour leur donne foixante mille liv.
fterlings chaque année, & il défraye d'ailleurs
magnifiquement l’envoyé que la compagnie tient
à fa cour. C'eft le prix de la proreétion que les
anglois lui accordent. Nous observerons encore ici
avec quel zèle ils fuivent leurs intérêts aux dépens
de leurs alliés. Le nabab d'Afcate, Mohamed Aly»
Khan , qui leur eft fi dévoué, qui leur a rendu de
fi grands fer vices , qu'ils maintiennent fur fon
petit trône depuis près de trente ans , s'eft vivement
oppofé à l’établiflement de Tubadjie , rajah
de Tanjaour : mais la compagnie a cru qu’il
étoit de fon intérêt de ne pas réunir le Tanjaour
à la nababie d’Arcate.
Les dernières lettres de l'Inde ( celles qui font
arrivées en Europe au mois de juillet 1787 ) annoncent
que Tubadjie eft mort, & qu'il atrànf*
mis fes Etats à un jeune homme de fa cour qu'il
! avoit adopté. C e t arrangement n'a pu fe faire fans
l'aveu des anglois, qui paroifîent avoir encore
réfifté aux prenantes fol licitations qu'a dû renou-
veller le nabab d*Arcate > & qui fuivent ainfi leur
plan de tenir le Tanjaour féparé de la nababie
d’ Arcate.
■ C e malheureux pays de Tanjaour a été dévafté
lors de la dernière invafion d’Ayder - Aly : on
nous afîiire qu'il a perdu la moitié de fa popu*
lation, & que plus de trois cents mille hommes
y font morts de faim.
D ’après notre plan de donner des détails inf-
truâifs fur les divers pays de l’Inde , nous ajoui-
, terons ici que le nabab d'Arcate paye aujourd'hui
I feize lacfis de pagodes chaque année à la corn-
| pagnie angloife , quatre pour les dépenfes courantes,
ou frais de garnifon, d'adminiftration, &c*
cinq pour acquitter la dette qu'il a contracté envers
elle, & fept pour la dette des créanciers particuliers.
Voye[ M a d r a s s , J3engaï-e * A r c a t e *
M a i s s o u r , &.ç.
T A R T A R IE . Nom qu'on donne à plufieur#
contrées de l'Europe & de l'Afie. Sa pofition n'eft
bien déterminée nulle part, & nous nous proposons
feulement ici de faire quelques remarques
T A R
générales fur ce qu'on appelle vaguement la
grande & la»petite Tartane.
Entre la Ruflîe Sz la Chine eft un efpace im-
menfc , connu dans les premiers tems fous le nom
de Scythie, & depuis, fous celui de Tartarie.
Prife dans taure fon étendue , cette région eft
bornée 'à l'occident par la mer Cafpienne & la
Perfe j au Aid, par la P erfe, l'Indoftan , les
royaumes d’Aracan & d 'A v a , la Chine & la |
Corée j à l'eft , par la mer Orientale ; au nord,
par la mer Glaciale. Une partie de ces vaftes
déferts eft foumife. à 1 empire des chinois 5 une
autre reçoit fes loix des runes j la troifième eft indépendante,
fous le nom de Kharifme, de grande
& de petite Bucharie.
Les habitans de cës célèbres contrées vécurent !
toujours de chafîe, de pêche, du lait de leurs
troupeaux , & avec un égal éloignement pour le
féjour des villes, pour la vie fédentaire & ^pour
la culture. Leur origine , qui s’eft perdue -dans
leurs défèrts &: dans leurs courfes vagabondes,
n’eft pas plus ancienne que leurs ufages. Us ont
continué à être ce que leurs pères avoient été 5 &
en remontant de génération en génération, on
trouve que rien ne refîemble tant aux hommes
des premiers âges que les tartares du nôtre.
Ces peuples adoptèrent, la plupart, de bonne
heure la doctrine du grand lama, qui réfîde à
Putola , ville finiée dans un pays qui appartient
en partie à la Tartane 8z en partie à l'Inde.
Cette grande contrée , où les montages font en-
taffées les unes fur les autres , eft appellée Bourin
par les habitans de l’ indoftan j T a g u t, par
les tartares5 Tfanli, par les chinois 5 Lafla , par ,
les indiens au-delà du Gange j & Thib e t, parles
européens.
Des monurrrens au-deflus de tout foupçon,
font rémonter cette religion au - delà de trois
mille ans. Rien n'eft plus refpeclable qu'un culte
qui eut toujours pour bafe l'exiftence du premier
être & la morale la plus pure.
On penfe généralement que les feéhteurs de ce
pontife le croient immortel : que pour entretenir
cette erreur, la divinité ne fe montre jamais
qu’à un petit nombre de confidens : que lorfqu'elle
s'offre aux adorations du peuple , c e ft toujours
dans une efpèce de tabernacle , dont la clarté
douteufe montre plutôt l'ombre de cè dieu vivant
que fes traits : que quand il meurt , on lui
fiibftitue un autre prêtre de la même taille, &
autant qu'il eft pofiable de la même figure $ &
qu'avec le fecqurs de ces précautions „ l'illufton
fe perpétue , même dans les lieux où fe joue cette
Comédie ; à plus forte raifon dans l ’efprit des
croyans éloignés de la fcène.
C'eft un préjugé qu’un philofophe lumineux &
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profont vient de diflâper A la vérité, les grands
lamas fe montrent rarement , afin d’entretenir la
vénération qu'ils font parvenus à infpirer pour
leur perfonne & pour leurs myftères : mais ils
admettent à leur audience les ambafladeurs, ils
reçoivent les fouverains qui viennent les vifitec-
S’il eft difficile de jouir de leur vue hors des
occafions importantes & des plus grandes fo-
lemnités , on peut toujours envifager leurs portraits
continuellement fufpendus au - deflus des
portes du temple de Putola.
C e qui a donné un cours fi univerfel à la fable
de l'immortalité des lamas, c'eft que la foi du.
pays ordonne de croire que l’efprit faint qui a
animé un de ces pontifes , pafle d'abord après fa
mort dans le corps de celui qui eft légitimement
élu pour le remplacer, Cette tranfmigration du
foume divin s'allie très - bien avec la mcrempfy-
cofe , dont le fyfteme eft établi de tems immémorial
dans ces contrées.
La religion lamique fit de bonne heure des
progrès confidérables. On l'adopta dans une portion
du globe fort étendue. Elle dominé dans
tout le T h ib e t, dans toute la Mongalie. Les deux
Bucharies, & plufieurs provinces de la Tartarie,
lui font prefque totalement foumifes. Elle a des
fe&ateurs dans le royaume de Cachemire , aux
Indes & à la Chine.
C 'e f t , de tous les cutoes , le feul qui puifle
fe glorifier d'une antiquité très-reculée , fans mélange
d'aucun autre dogme. La religion des chinois
a été plus d’une fois altérée par l’arrivée des
divinités étrangères & des fuperftitions qu'on a
fait goûter aux dernières clafîes du peuple. Les
juifs ont vu finir leur hiérarchie & démolir leur
temple. Alexandre 8c Mahomet éteignirent , autant
qu'il étoit en eux , le feu faeré des guèbres.
Tamerlan & les.mogols ont affoibli dans l'Inde le
culte du dieu Brama. Mais ni le tems , ni la fortune
, ni les hommes, n’ont pu ébranler le pouvoir
théocratique du grand lama.
Les lamas avouent qu’ ils ne font pas des dieux ï
mais ils prétendent repréfenter la divinité, & avoir
reçu du ciel le pouvoir de décider en dernier
reflbrt de tout ce qui intérefle le culte publie;.
Leur théocratie s'étend bien aufiT entièrement fur
le temporel que fur le fpirituel : mais les foins'
profanes ne leur paroifîènt pas mériter de les.
occuper 5 ils abandonnent toujours l’adminiftra-
tion de l’Etat à des délégués qu’ils ont jugé dignes
de leur confiance. C e t ufage a fait forcir fu-cceflive-
ment de leur vafte domination plufieurs provinces.'
Elles font devenues la proie de ceux qui lesgou-
vernoient. Le grand lama ,, autrefois maître abfolu
de tout le Thib et, n'en poflede aujourd'hui que
la moindre partie.
Les opinions reîigïeufes des tartares n’ont dans