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Les princes ne le croient pas , mais il eft de
leur véritable intérêt que leur nation foit repré-
fentée > leur fureté propre en dépend j l'affeétion
des peuples eft le plus ferme*rempart contre les
attentats des méchans.. . . Si la nation n’eft point
repréfentée , comment fon chef peut-il être ihf-
rrüit de ces mifères de détail que , du haut de
fon trône, il ne voit jamais que dans l'éloignement
, & que la flatterie cherche toujours à lui
cacher?... Une nation privée du droit de fé faire
représenter , eft à la merci des imprudens qui f oppriment
j elle fe détachent de fes maîtres , elle
efpère que tout changement rendra fon fort plus
doux 5 elle eft fo.uvent expofée à devenir l’inftru-
ment des pallions de tout fa&ieux qui lui promettra
de la fecourir.
Pour maintenir lé concert qui doit toujours
fubflfter entre les fouverains &r. leurs peuples ,
pour mettre le's uns & les autres à couvert des
attentats des mauvais citoyens , rien ne feroit
plus avantageux qu'une conttitutfon qui permettrait
à chaque ordre de citoyens de fe faire représenter
, de parler dans les aflemblées qui ont
le bien général pour objet. Ces aflemblées , pour
être utiles & juftes 3 devraient être compofées
de ceux que leurs poflèflions rerfdetit citoyens |
& que leur état & leurs lumières mettent à portée
de connoître les intérêts de la nation & les
befoins des peuples ; en un m o t, c’ eft la propriété
qui fait fur-tout le citoyen ; un homme qui
poflède dans l’E ta t , eft intérefle au bien de
l ’Etat j & quelque foit le rang que des conventions
particulières lui aflignent , c ’eft toujours
comme propriétaire , c’ eft en raifon de fes pof-
fefïîons qu’il doit parler, ou qu’il acquiert le
droit de fe faire repréfenter.
Dans les nations Européennes 3 le clergé , que
les donations des fouverains & des peuples ont
rendu propriétaire de grands biens 3 & qui par-là
forme un corps de citoyens opulens & puiffans,
femble dès-lors avoir un droit acquis de parler,
ou de fe faire repréfenter dans les aflemblées
nationales ; mais a-t-il ce droit lorfqu’il ne paye pas
les mêmes impôts ; & pour l'admettre en France
aux adrniniftrations provinciales, ne faudroit-îlpas
l ’aflujetcir aux contributions des autres citoyens ?
L e noble, par les poflèflions qui lient fon fort
à celui de la patrie , a fans doute le droit de parler
$ s’il n’ avoit que des titres , il ne feroit qu’un
homme diftingué par les conventions j s’il n’étolt
que guerrier, fa voix feroit fufpeéte , fon ambition
& ion intérêt plongeraient fréquemment la
nation dans des guerres inutiles & nuifibles.
L e magiftrat eft citoyen en vertu de fes pof-
fefiions ; mais fes fonctions en font un citoyen
plus éclairé , à qui l’expérience fait connoître
les avantages & les défavantages de la légiflation, ;
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les abus de la Jurifprudence, les moyens d’y remédier.
C ’ eft la loi qui décide du bonheur des
Etats.
Le commerce eft aujourd’hui pour les Etats
une fource de force & de richefle ; le négociant
[s’enrichit en meme-tems que l’Etat qui ravorife
j fes entreprifes , il partage fans cefle fes profpé-
rités & fes revers > il ne peut donc fans injuftice
être réduit au filence 5 il eft un citoyen utile &
capable de donner fes avis dans les confeiïs d’ une
nation dont il augmente l ’aifance & le pouvoir.
Enfin le cultivateur , c’eft-à-dire , tout citoyen
qui poflede des terres , donc les travaux contribuent
aux befoins de la fociété, qui fournit à fa
; fubfiftance, fur qui tombent les impôts , doit
doit être repréfenté ; perfonne n’eft plus que lui
; intérefle au bien public ; la terre eft la bafe phy-
fique & politique d’un E ta t , c’eft fur le poflef-
feùr de la terre que retombent directement ou
indirectement tous les avantages & les maux des
nations 5 c’eft en proportion de fes poflèflions ,
que la voix du citoyen doit avoir du poids dans
les aflemblées nationales.
Tels font les différens ordres dans lefquels les
nations modernes fe trouvent partagées ; comme
tous concourent à leur manière au maintien de la
république, tous doivent être écoutés; la religion,
la guerre, la juftice , le commerce , l’agriculture ,
doivent dans un Etat bien conftitué fe donner
des feeours mutuels ; le pouvoir fouverain eft
deftiné à tenir la balance entre eux $ il empêchera
qu un ordre ne foit opprimé par un autre, ce
qui arriverait infailliblement fi un ordre unique
avoit le droit de ftipuler pour tous, s
U n eft point, dit Edouard I , roi d’Angleterre,
de réglé plus équitable, que les chofes qui intérejfent
tous , foient approuvées par. tous , & que les dan-
gers communs foient repàuffés par des efforts communs.
Si la conftitution d’un Etat permettoit à un
ordre de citoyens de parler pour tous les autres ,
il s introduiroit bientôt une ariftocratie, fous laquelle
les intérêts de la nation & du fouverain
feraient immolés à ceux de quelques hommes
puiflans , qui deviendroient infailliblement les tyrans
du monarque & du peuple. T e l fu t , comme
on a vu , 1 état de prefque toutes les nations
européennes fous le gouvernement féodal.
Les repréfentans fuppofent des conftituans de
qui leur pouvoir eft émané, auxquels ils font
par conféquent fubordonnés , & dont ils ne
font que les organes. Quels que foient les ufages
ou les abus que le tems a pu introduire dans
les gouvernemens libres & tempérés , un repré-
fentant ne peut s’arroger le droit de faire parler
fes conftituans un langage oppofé à feurs.intérêts
5 les droits des conftituans font les droits de
la nation , ils fontimprefcriptibies & inaltérables.
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L ’expérience nous montre , que dans les pays
qui fe flattent de jouir de la plus grande liberté ,
ceux qui font chargés de repréfenter les peuples
ne trahiflent que trop fouvent leurs intérêts, &
livrent leurs conftituans à l’avidité de ceux qui
veulent les dépouiller. Une nation a raifon de
fe méfier de femblables repréfentans , & de limiter
leurs pouvoirs 5 un ambitieux, un homme
avide de richefles, un prodigue , un débauché ,
ne font point faits pour repréfenter leurs concitoyens
; ils les vendront pour des titres , des
honneurs, des emplois, & de l’argent ; ils fe
croiront intéreflfés à leurs maux. Que fera-ce fi
ce commerce infâme femble s’autorifer par la
conduite des conftituans, qui feront eux-mêmes
vénaux? Que fera ce fi ces conftituans choifif-
fent leurs repréfentans dans le tumultè & dans
l ’ivrefle, ou , fi négligeant la vertu , les lumières ,
les talens., ils ne donnent qu’ au plus offrant le
droit de ftipuler leurs intérêts ? De pareils conftituans
invitent à les trahir ; ils perdent le droit
de s’ en plaindre, & leurs repréfentans leur fermeront
la bouche en leur difant : » Je vous ai acheté
» bien chèrement, & je vous vendrai le plus chè-
» rement que je pourrai. «
Nous avons dit aux articles A ngleterre ,
Etats-Unis,, & aux articles particuliers des
diverfes provinces de l’union Américaine , que la
repréfentation a toujours quelque chofe d’idéale ,
& que la liberté , appuyée fur une bafe fi fragi-
[. le , doit être ménagée d’ailleurs avec beaucoup
[ de précautions.
N u l ordre de citoyens ne doit jouir pour toujours
du droit de repréfenter la nation , il faut
que de nouvelles électionsrappellent aux repréfentans
que c’eft d’elles qu’ ils tiennent leur pouvoir.
Un corps dont les membres jouiroient fans interruption
du droit de repréfenter l’état, en deviendrait
bientôt le maître ou le tyran.
R E P U B L I Q U E . On entend par ce mot un
gouvernement où le peuple en corps , ou feulement
une partie du peuple , a la fouveraine puif-
fance. ,
Lorfque dans la république le peuple en corps a
la fouveraine puiflance, c’eft une démocratie. Lorf
que la fouveraine puiflance eft entre les mains d’une
partie du peuple , c’eft une ariftocratie. Nous
avons parlé fort en détail de la démocratie & de
^ariftocratie , aux articles Démocratie & A r -
ristocratie. Voye^ ces deux articles.
République Fédérative. C ’eft une aflocia-
tion de plufieurs corps politiques , qui fe réunifient
pour leur défenle & leurs intérêts communs : telle
eft l'union des fept Provinces - Unies, & des
treize cantons Suifles ; telle eft en Amérique la
confédération des treize républiques du nouveau
monde ; on donne aufli. improprement le'
r e p r i
nom de république fédérative , à l’ union de divers
gouvernemens républicains, mornarchîques , arif-,
tocratiques, tels que les états de l'empire. Nous
avons déjà fait un article C onfédération ; &
nous parierons fur - tout ici des républiques fédératives.
Si une république eft petite, elle peut être bientôt
détruite^par une force étrangère : fi elle eft
grande , elle fe détruit par un vice intérieur. C e
double inconvénient regarde les démocraties &
les ariftocrat-ies, foit qu’elles foient bonnes ou
mauvaifes. Le mal eft dans la chofe même ; il n’eft
point de forme"qui puifle y remédier..Aufli paroît-
il que les hommes auroient été à la fin obligés de
vivre toujours fous le gouvernement d’un feul,
s’ ils n’avoient imaginé des républiques fédératives ,
qui gardent les avantages intérieurs du gouvernement
républicain , & qui ont la force extérieure
du gouvernement monarchique , lorfqu’elles font
bien calculées & bien conduites.
Ces aflociations firent fleurir long-tems le corps
de la Grèce. Par elles , les romains attaquèrent
l’univers , & par elles feules l’univers fe défendit
contre eux : & quand Rome fut parvenue au comble
de fa grandeur , ce fût par des confédérations
derrière le Danube & le Rhin , confédération que
la frayeur avoit fait naître, que les barbares purent
lui réfifter. C ’eft par leur union que les fept
Provinces-Unies ont fubfifté jufqu’ à préfent.
Dans l’ antiquité les aflociations des villes étoient
prefque néceflaires j une cité foible couroit de
plus grands périls. La conquête d’après les terribles
ufages de la guèrre , lui faifoit perdre non-feulement
la puiflance exécutrice & la légiflative ;
mais la liberté civile , toutes fes propriétés , fes
femmes, fes enfans , fes temples & même fes
.fépultures.
Lôrfque les républiques fédératives font bien
ordonnées elles acquièrent de la force extérieure ,
elles peuvent fe maintenir dans leur grandeur ,
fans que l’intérieur fe corrompe : leur union prévient
une foule d’inconvéniens. Celui qui voudroit
ufurper ne peutefpérer des amis dans tous les Etats
confédérés : s’il fe rendoit trop puiflant dans l’un,
il alarmeroit tous les autres. S ’il fubjuguoit une
partie , celle qui feroit libre encore, pourrait lui
réfifter avec des forces indépendantes de celles
qu’ il aurait ufurpées , & l’accabler avant qu’il eût
achevé de s’établir.
S’ il arrive une fédition chez un des membres
confédérés, les autres peuvent l ’appaifer. Si des
abus s’introduifent quelque part, ils peuvent être
corrigés par les parties faines ; la confédération,
peut être difloute , & les confédérés refter fouverains.
C e t Etat, compoféde petites républiques,jouit
de la bonté du gouvernement intérieur de chacunej