
4 4 R E N
dans les pays où il y en_ a de telles, ne font que
des règles pour des particuliers citoyens dans un
état où les loix ont été faites ou^ adoptées j mais
les princes fouverains font eux-mêmes légiflateurs,
& s'engagent à robfervation des loix qu ils font.
Une renonciation entre des fouverains eft irrévocable
dans tous les lieux j car il nJen elt pas des
princes comme des particuliers : au-deffus des loix
civiles, ils peuvent les changer , & ils n’y font
pas aftreints, fur-tout s’ils les ont modifiées, ou s’ils
ont fait des ftipulations contraires qui leur tiennent
lieu de loix. Au relie l’intérêt public a des règles
différentes de l’intérêt particulier, & il n’eft point
de pays en Europe où une renonciation faite avec
les précautions qu’exige la conftitution de l’Etat,
ne doive être facrée. Il y a un droit privé qui forme
les diftinétions du tien & du mien, & qui donne
aux particuliers la faculté, le domaine, la propriété
de tout ce qu’ils possèdent ; mais il y a un
autre droit principal & fupérieur , qui ell la
fource , la règle & l’ interprête infaillible du
droit des particuliers & de toutes les loix qui
l ’ont pour objet. C e droit éminent réfide dans la'
communauté ou dans le princé qui la repréfente,
& qui agit en fon nom 5 il règle toujours & ab-
forbe quelquefois le droit privé & commun des
particuliers, lorlqu’il eft néceffaire pour le bien
du tout.. D e -là l’axiome que le falut public foit
la loi fuprême ; cette loi fuprême juftifie d’ailleurs
les difpofitions contraires à la difpofîtion de toutes
les loix particulières : il eft bien jufte qu’une partie
qui dépend du to u t, cède fon propre bien au
bien de tout.
U autorité du prince , celle des états. 3 6? celles des
princes étrangers , rendent •valable 3 dans tous les
cas y la renonciation au préjudice des defcendans
de celui qui a renoncé.
L ’autorité du prince, celle des états & celle des
princes étrangers pouvant s’exercer fur tout ce qui
intéreffe le bien de l’État, rend valable, dans tous
les cas & dans toutes les circonftances, une renonciation
au préjudice des defcendans de celui qui
a renoncé, quand même cette renonciation feroit
condamnée entre les particuliers par lerloix civiles,
du pays.
Si on dit que le prince n’a point de jurifdiélion
contre le droit de fon fucceffeur , & qu’il ne peut
l’en priver} que l’autorité des états eft également
impuiffante, & qu’ en d’autres occafions le peuple
'ayant tranfporté fon droit au prince & à la famille
royale , n’a plus le pouvoir de difpofer
d’ une couronne fucceflive , fi la famille royale
fubfifte ; que la voix de la nation ne doit être
écoutée que quand on veut lui donner un maître
qu’elle ne doit pas avoir fuivant les loix fondamentales
de l’Etat, ou qu’on veut lui en ôter un
,que les mêmes loix appellent au trône} que fon
Suffrage ne fauroit feryir de règle quand fa voix
R E N
s’élève au-deffus des loix ; que l’intervention des
princes étrangers ne fauroit non plus rendre la
renonciation valable , & que le concours des
puiffances étrangères peut bien être la marque de
Fintérêt des Etats toifins , mais qu’il ne fauroit
être la règle du droit d’un fouverain qui eft indépendant
de ces Etats.
^ Ces proportions, prifes féparément, font vraies,
à quelques égards, dans le droit privé d’un Etat.
Un prince ne peut, de fon autorité, priver fon
fuccefleur de Tes droits. La nation, liée à tous les
membres^ de la famille royale, ne le peut feul non
plus indépendamment du prince ; mais fi l ’on rapproche
le concours du prince, le concours du
peuple & le concours des puiffances étrangères,
une pareille renonciation oblige les defcendans de
celui qui la faite} cela eft jufte, non-feulement
dans le droit des gens,, mais dans le droit public
de chaque Etat. L’autorité du prince, l’approbation
du peuple, l’intérêt des autres Etats rendent
valable entre les fouverains & chez toutes les
nations, un adie même qui ne le feroit point entre
les particuliers. Loin d’être.fournis à aucune loi
particulière , ces fortes de contrats font eux-
mêmes des loix générales. Mais dans quelles circonftances
/a-t-on befoin du concours du peuple
& de celui des puiffances étrangères ? c’ell ce
qu’il ne faut pas examiner avec trop d’exadlitude,
& les conftitutions font trop vagues, la bafe des
gouverneinens n’eft: ni affez.fixe, ni affez déterminée
pour qu’on puiffe donner ici une folution
tres-précife & très-nette.
Si l’on objedle qu’il n’eft pas queftion de favoir
ce qui convient^ ou ne convient pas à l’intérêt de
1 Europe en general ou de quelque prince en
particulier, qu il s agit feulement de connoître à
qui une fouveraineté appartient en confulta'nt la
réglé & la raifon , la réponfe fera fimple. La
vraie règle , c’eft le 'bien public univerfel, c’ eft
1 intérêt des peuples. La vraie raifon, c’eft la paix
a laquelle tous les Etats font intêreflfés , c ’eft
1 exécution des engagemens pris. On raifonnera
au relie toujours mal, lorfqu’on oppofera l’intérêt
d'un particulier à celui d’un Etat, à celui de toute
1 Europe, & lorfqu’on alléguera les maximes du
droit civil contre les principes du droit des gens.
Les puiffances chrétiennes de l’Europe prifes
collectivement, forment une efpèce de république
5 chaque puiflance confiderée en particulier ,
eft membre de ce corps , & il n’en eft point qui
ne foit intéreflfée à la tranquillité du corps entier.
Comme un particulier qui prévoit l’embrâfement
de la maifon de fon voifin , a droit de le prévenir
, même par la ruine de cette maifon, à caufe
des fuites qui font jullement à craindre, chaque
nation n’a t* elle pas aufli intérêt de pourvoir à fa
fureté ? Le corps formé par tous les États de l’Europe
, ne peut-il pas être jÿgardé jufqu’à un ce*-.
R E N
tain point, comme ayant pour leur intérêt commun
, fur chaque puiflance en particulier , cette
efpèce de fuperiorité q u i, entre le prince & fes
fujets , eft appellée droit éminent & fupérieur ? Il
faut ajouter que plufieurs puiffances ayant .traité
enfemble , leur traité ell dans te droit des gens ,
une loi générale & fupérieure à toutes tes loix
civiles qui font ici fans force. Il faut donc cop-
fidérer quel eft l’intérêt de l’Etat qui a contracté
, & quel eft celui des nations voilînes qui
ont pris part à la difcuflion , & qui fe font rendues
garantes des renonciations. Si ces renonciations
n’étoient pas bonnes, & fi elles ne pou-
voient en aucun tems, être oppofées aux defcendans
du prince qui a renoncé, il n’y auroit
jamais rien de fixe ni de ftable dans tes contrats
des rois j ces contrats, que tes jurifconfultes placent
au rang des contrats de bonne fo i , feroient
illufoires> perfonne ne<pourroit contracter valablement
avec tes princes 5 nulle puiflance ne pour-
roit changer tes loix fondamentales des Etats,
lorfque l’intérêt même des Etats demande qu’on
les change ; & il feroit déformais inutile que tes
nations fiffent des traités de paix j toute voie de
conciliation feroit fermée aux puiffances qui ont
des différends ; une guerre éternelle défoleroit la
terre j tes hommes n’auroient plus d’autre occupation
que celte de s’égorger tes uns tes autres.
Une loi formée par 1e concours de la puiflance
publique dans un E ta t, & des puiffances étrangères,
devient la loi fondamentale de toutes tes
nations de l’Europe , & elle eft fous la protection
du droit des gens pour la fureté commune
de tous tes peuples.
■Application de ce principe , aux renonciations faites
par la branche de la maifon de France..
Si nous appliquons ce raifonnement aux renonciations
qu’à faites la maifon de France , & qui
ont été 1e fondement des traités conclus à Utrecht,
& confirmés à Aix-la-Chapelle , on jugera que
tes defcendans de Philippe V , roi d’Efpagne ,
ont perdu tout droit à la couronne de France >
& que le roi de France & tous fes defcendans ,
aufli-bien que la branche d’Orléans, ont pèrdu
tout droit à la monarchie Efpagnole.
L ’empereur Chartes-Quint étoit l ’aîné de la
maifon d’Autriche , il hérita de tous fes Etats &
de la monarchie d’Efpagne. C e prince n’a jamais
paffé pour manquer d’ambition ou d’amour pour
les defcendans^ il renonça cependant aux États
héréditaires d’Autriche en faveur de te branche
cadette de fa maifon.
Philippe I I , ce roi politique , qui favoit pe-
fer fes intérêts , & qui tes mettoit avant tout
ce qui a coutume d’ être, le plus cher aux hommes
, ne crut pas pouvoir revenir contre la re-
R E . N 4 j
nonciqtion de fon père , & tous tes rois d’Efpagne
l ’ont jugée inaltérable.
Philippe V , dont la renonciation fut faite
dans des circonftances beaucoup plus impofantes
que celtes où fe trouvoit Charles - Q u in t, eut
néanmoins envie d’y donner atteinte. Dans une
inftrudtion que ce monarque remit a 1 abbe de
Montgon, qu’il envoyoit en France , pour y
veiller à fes intérêts & y faire des partifans , lorfque
1e monarque qui nous donnoit des loix n a-
voit point encore de poftérité , nous lifons ces
propres paroles : ” Je vous ai choifi pour erre
chargé de la plus importante de toutes tes affaires
, du fecret de laquelle dépend l’heureufe iflfue
de la négociation que je vous confie. C eft que
fi ( ce qu’à Dieu ne plaife.) le ro i,^m on neveu ,
venoit à mourir fans héritiers mâles , étant,
comme je 1e fuis , 1e plus proche parent, &
mes defcendans après moi , je dois & veux fuc-
céder à la couronne de mes ancêtres,« Montgon
a rendu cette inftru&ion publique, & a
certifié quelle étoit écrite de la propre main de
Philippe V . C e n’ eft point ici 1e lieu d’examiner
fi elle lui avoit été remife du propre mouvement
de ce monarque, ou fi elle lui avoit été
fuggérée, ou fi on l’avoit furprife à la religion
de.ce prince : c’eft ce qu’on peut voir dans tes
mémoires de Montgon. Il fuffit de prouver que
1e projet du roi d’Efpagne étoit injufte.
Les traités conclus à U tre ch t, & confirmés
à Aix-la-Chapelle par un grand nombre de fouverains
, font devenus une loi inviolable de l'Europe.
La renonciation à la monarchie Françoîfe
a été faite dans tes cortés d’Efpagne } la renonciation
à la monarchie Efpagnole a été enregiftrée
dans tous' tes parlemens de France j ces renoncia-
, dons ont été ftipulées fur tes faints évangiles j
& tes traités de paix où elles font rapportées ,
& où prelque toutes les puiffances de l’Europe
font entrées, ont été publiés & enregillrés dans
tous tes tribunaux & dans tous tes lieux où ils
pouvoient l ’être. N e lit-on pas dans tes renonciations
cette claufe fondamentale ? « Pour la
cimenter ( la paix ) & la rendre ferme & perma*-
nente, & pour parvenir à la paix générale, l’ un
des principaux fondemens des traités à faire étant
d’affurer pour toujours 1e bien univerfel & 1e repos
de l’Europe , & d’établir un . équilibre entre
tes puiffances, enforte qu’il ne puiffe pas arriver
, que plufieurs étant réunies i une feule , la
balance de l’égalité , qu’on veut affurer, penche
à l’avantage de l’une de ces puiffances , au rif-
que & dommage des autres , il a été propofé &
fait inftance... . . que pour éviter en quelque tems
que ce fo i t , l’union de cette monarchie ( d’Efpagne
) à celte de' France, & pour empêcher
qu’elle né puiffe arriver en aucun c a s , il fe fit
des renonciations réciproques , & c . « On. trouve
cette claufe dans toutes les renonciations & dans