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II fit- de cette dernière vlille un entrepôt général,
& le rendez-vous des marchands rudes & perfans.
Les Anglois qui venoient de découvrir le port
d’Archangel , & d’établir une faélorêrie à Mof-
c o v , obtinrent du Tzar la permiffion de paffer
par fes Etats pour aller négocier en Perfe , &
pour faire exclufivement le commerce de la mer
Cafpienne.
Jenkenfon fut le premier Anglois qui navigea
fur cette mer. IL fe rendit en partie par mer ,
en partie par terre jufqu’à Casbin où réfîdoit
Je'S'ophi , qui Jui permit en 1561 de commercer
dans fes Etats. C e commerce fe continua juf-
qu’ en 1 597 » que divers accidens caufés par des
naufrages & des guerres , en dégoûtèrent les
Anglois. Pendant plus d'ùn fîècle & demi on ne
vit aucun de leurs vaifléaux fur la mer Caf-
jaienne. Enfin en 1741 les marchands Anglois
de Pétersbourg, à la perfua'fîon du capitaine
Elton , qui étoit du fervice de la Rujfie , recommencèrent
à trafiquer avec la Perfe par la mer
Càfpiennc , & ils établirent une factorerie à
Rèshd dans la province de GhiTan. Mais Elton
.étant entré au fervice de Kouli-kan, & Payant
aidé à bâtir des vaiffeaux fur la mer Cafpienne
la cour de Rujfie en prit de l ’ombrage , & en
1746 Elifabeth défendit aux Anglois de traverfer
fes Etats pour faire ce commercé. Nadir Shah
.étant mort en 174 7, & le capitaine Elton ayant
perdu tout crédit par fa m ort, la faétarerie fut
.livrée ail pillage par un des concurrens au trône ,
& tout le commerce anéanti.
Les Ruffes continuèrent à marcher dans la
route i que les négocions Anglois leur avoient
ouverte. Ils firent encore un commerce important
fur la mer Cafpienne, & ils l’auroient étendu
plus loin fi leurs caravanes iPavoient été fouvént
pillées par des Cofaques vagabonds fur le chemin
d’Aftracan.
' Alexis MichæJovitch ayant dompté les Cofaques,
les chemins devinrent plus furs , le commerce
de Perfe qui avoit été fouveut interrompu
fe ranima, & Aftracan en devint le centre. Des
marchands de Bucharie, de Crimée, d’Arménie,
de Perfe, & de Pin de même, y venoient trafiquer
i & comme les vaiffeaux des Ruffes étoient ■
grollièrement conftruits & fujets aux naufrages ,
il appella des conftruéteurs d’Amflerdam pour
avoir des vaiffeaux plus propres à réfîfter aux '
tempêtes de cette mer orageufe.
Mais tous ces projets s’évanouirent par une.
fuite de la rébellion des Cofaques du Don 5 leurs
dévaluations anéantirent ce commerce , & quand
cette, révolte fut appaifée , ce furent des marchands
Arméniens établis à Aftracan qui le renouvelle-
rent, au moyen des fa&oreries qu’ils établirent
en Rujfie & en Perfe.
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Le principal établiffement étoit à Schamaki
capitale de la province de Schirvan j mais cette
ville ayant été ptife en 1711 parles Lefghis , &
! la faélorerie ayant été entièrement détruite , il
| fallut que Pierre I. rétablît ce commerce à nouveaux
frais , & voici à quelle occafion.
C e prince s’étant approché de la Perfe avec
une armée confidéruble , s’empara des provinces
du Dageftari, Schirvan, Ghilan & Mafanderan,
dans lefquelles font comprifes tontes les côtes à
I’eft & au fud de la mer Cafpienne : elles furent
cédées formellement à la Rujfie en 1723 , 8c l'empereur
• ayant alors une parfaite connoiftance de
la navigation de cette mer , établit une compagnie
de marchands ruffes pour en faire le commerce.'
Ses principaux fackurs étoient à, Aftracan
& à Kiflar, mais leurs fonds étoient peu confi-
dérables , puifqu’iis r.e cpnfiftoient qu’en quatre
cens Ȏtions, chacune de la valeur de 40 liv. fier'.
On s’apperçut bientôt que la poffeffibn de ces
provinces étoit beaucoup plus onéreufe qu’utile
à la Rujfie , & l’impératrice Anne confentit en
1732 1735- à les rendre au roi de Perfe aux
conditions Suivantes :
Que les marchands ruffes conferveroient la liberté
de négocier dans tous les ports de la mer
Cafpienne , fans payer aucun droit. Qu’ils pour-
roieut bâtir des maifons & des magàfins pan-tout
où il leur conviendroit. Qu’ils ne feroient fujets
en aucune façon aux loix du pays , 8c quêtons
les effets, des vaiffeaux ruffes naufragés , qu’on
pourrait fauver, leur feroient rendus. Les privilèges
de la compagnie furent confirmés; par
Anne & par Elifabeth , mais ce commerce continua
à languir jufqu’au préfent règne. En 1762
l’impératrice fupprima le privilège exclufif de la
compagnie , & permit à tous fes fujets de commercer
avec la Perfe. Deux confiais ruffes furent
établis à Baku & à Einzelîi. Elle ne put empêcher
cependant la contrebande qui fe fait à $ha-
maki, & dans les autres villes de l'intérieur de
la Perfe par les marchands Arméniens, qui con-
noiffant le pays & Tachant Ja langue, ont un
avantage confîdérable fur les Ruffes.
La ville d’Aftracan , bâtie dans une ifle que
le Volga forme à fon embouchure dans la
met Cafpienne , peut, être confidérée comme le
grand entrepôt du commerce qui s’y fait.^Par
le moyen du Volga on y amène aifément les
marchandifes des ports de la Baltique. Quoique
cette ville ne foit qu’au quarante-feptième degré,
le froid y eft extrêmement rude en hiver, &
pendant deux mois le Volga eft gelé au point de
pouvoir porter des traîneaux'fort chargés. Il y a
fur les bords de ce fleuve de grandes forêts datfs
la province de Cafan , qui fourniffent abondamment
des chênes pour la conftruâion des vaiffeaux
deftinés à naviger fur la mer Cafpienne.
Les pêches en font importantes & fourniffent
beaucoup de matelots. Les Cofaques d’ lirai jouif-
fent du droit de pêche fur les côtes à quarante-
fe.pt: milles de diftance des deux côtés du fleuve
Ural j & les habitans d’Aftracan fur tout le refte
des côtes qui appartiennent à la R u j f i e . Les oeufs'
de Lefturgeon &. du béluga fourniflent une quaiu
tice de caviar , 8c le poiffon fec & falé eft un
article très-important dans la nourriture des Ruffes.
La mer Cafpienne abonde en chiens marins ,
& l’on en prend une grande quantité.
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des khans qui relèvent du fophi , & s’en rendent
fouvent indépendans. Ces viciffitudes influent
fur le commerce qui fleurit ou languit,
au gré de ces petits- fouverains. Les principaux
ports d$s Perfans fur la mer Cafpienne font
Derbent dans le Shirvan avec une fortereffe ;
Niezabad , autrefois très-fréquenté par les Ruffes
, Baku , le po«» le plus commode .de toute
cette mer. On y charge du naphtç , du fe l, des
foies crues & des étoffes de foie qui viennent
de Shamaki, ville du Shirvan , à foixante - fix
milles de Baku. On fait que cette province eft
très-fertile en foies , qu’on porte dans l’intérieur
de la Perfe , en Turquie , Géorgie & Rujfie.
Einzelîi eft un mauvais bourg fur la côte de
fud- oueft, où fe fait cependant un allez grand
commerce avec la Perfe. Il n’ eft qu’à quelques
milles de Reshd , capitale de la province de
Ghiland. Les Ruffes ont confervé le droit d'y
avoir un conful avec trente foldats 8c une cgiifè
de leur nation. Ils y débitent avantageusement les
marchandifes d’Europe. La foie & les étoffes du
Ghilan font eftimées les meilleures de la Perfe.
j Les côtes font partagées entre trois nations,
les Ruffes , les Perfans 8c les Tartares.
Les ports des Ruffes font Gurief & Kiflar.
Gurief eft à l’embouchure du Yaik ou de l’Ural.
C'eft une fortereffe petite , mais bien défendue ,
qui fert à couvrir les frontières de la Rujfie du
côté des Tartares Kirghis. On n'y compte qu’ une
centaine de maifons , & outre la garni fon il n’y a
que quelques nfarchands d’Aftracan qui font un
commerce affez confîdérable avec les Tartares'
voifins.
Kiflar eft fur la côte orientale 8c couvre les
frontières du côté de la Perfe. Autrefois les
vaiffeaux pouvoient entrer dans le bras du Terek
qui coule au fud , mais il eft aujourd’hui bouché
par les fables , & on décharge les marchandifes à
| trente-quatre milles.de.la fortereffe. Kiflar reçoit
■ d’ Aftracan les marchandifes d’Europe , outre une
■ quantité de grains pour l’ufage des colonies que
les Ruffes ont fur les bords du Terek , 8c pour le$
habitans de la chaîne voifine des monts Caucafe.
■ Les habitans commercent avec les ports des Per-
■ fans, & font de plus la contrebande ave Shamaki,
; Derbent, & même Tefflis en Géorgie, mais ce
' commerce eft fort fùjet aux infultes & au pillage ,
\ de la part des nombreufes troupes de bandits qui
errent dans ces contrées.
| H eft difficile de rien dire de pofitif du com-
| merce des Perfans dans ces mêmes pays , vu
1 1 état où eft depuis long-tems cette malheureufe
°atipn. Les provinces de Shirvan , de Mafende-
?al3 » de Ghilan , d’Aftrabad font gouvernées par
Les ports des Tartares font la baie de Belkap
& Mangushlak où les vaiffeaux font en sûreté. Les
Ruffes vont charger dans le premier du naphte,
du ris & du coton j & à Mangushlak où fe fait
un beaucoup plus grand commerce , ils achètent
les productions des pays voifins , & même de la
Bucharie que les Tartares y apportent, comme
du coton , de la laine filée , des fourrures , des
peaux , de la rhubarbe.
Le commerce d’Aftracan pour les autres ports
de la mer Cafpienne confifte principalement en
draps & étoffes de laine d’Angleterre , de Hollande
, de France , de Siléfle , v itriol,. fel , alun ,
fucre , cuirs de Rujfie 3 aiguilles , toiles groffières
de Rujfie , velours , verres ,& miroirs, papier ,
quelques peaux & pelleteries , un peu dé th é ,
des grains , du beurre , des vins , des eaux-de-
vie , des meubles de bois des dents de cheval
marin , du fe r , du cuivre , de l’étain , du plottfb,
de la quincaillerie , des montres , & c . En I77y
la valeur des draps exportés fe montoit à cinquante-
deux mille fix cents livre fterlings , la cochenille
à quatre mille fix cents , l’ indigo à fept mille.
On débarque H Aftracan des foies écrues &
travaillées, mais fur-tout des premières , venant
des provinces de Shirvan & de Ghilan , ( cet article
fe montoit en 1775 à.une fomtne de quarante
trois mille huit cents livres , ) des peaux
d’agneaux de Bucharie., du ris , des fruits fecs ,
des épiceries , des drogues , du fafran, du foufre ,
de la naphte. Les Indiens & les marchands de
Khiva portent quelquefois à Aftracan-de l’or & de