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Les charges héréditaires du duché de Carniole
8c de la Marche-Venede font pofifédées par les
maifons fui vantes : celle de grand maître, par les
comtes de THurri ; celles de grand-chambellan &
de grand-maréchal , par la famille des comtes
d’Auersberg depuis. 1463 ; celle de grand écuyer,
par les princes de Lamberg j celle de grand-échan-
fo n , par les comtes dé"Cobenzl ; celle de grand-
fénéchal, par les barons de Hohenwart; .celle
de grand-veneur, par les comtes de Gallemberg;
celle de grand-argentier, par les comtés de Catzia-
ner de Katzenftein 5 celle de grand-raaflier, par
les barons d’E ck ; celle d’écuyer-tranchant, par
les comtes de Sauer-d’Aukenftein, & celle de
grand-fauconnier, par les comtes de Lanthieri.
C ARTH AG ÈN E . Province ou colonie de l’Amérique
efpagnole dans la partie méridionale du
no.uveau-monde, fur le golfe deDARiEN.
La province de Carthagéne eft bornée à l’oueft
par la n’vière de Darien, & à l’eft par celle de
la M'agdelaine. Elle a cinquante-trois lieues de
côtes & quatrdvingt cinq dans l’intérieur des terres.
Sol y productions.
Les montagnes arides 8c très-élevées qui occupent
la plus grande partie de ce vafte efpace,
font féparées par des vallées larges , arrofées &
fertiles. L’humidité & la chaleur exceflîves du
climat, empêchent, à la vérité, que les-grains ,
les huiles, les vins , & les fruits de l’Europe
n’y puiffent profpérer : mais le ris , le manioc, le
maïs, le cacao , le fucre, toutes les productions
particulières à l’Amérique, y font fort communes.
On n’y cultive cependant pour l’exportation
que le coton ; & encore a-t-il la laine fi longue,
eft-il fi difficile à travailler , qu’il n’eft acheté
qu’au plus vil prix dans nos marchés , qu’il eft
iebuté par la plupart des manufactures.
Précis de l ’hiftoire de Jbn établiffement.
, Baftidas fut le premier européen, qui, en 1502,
fe montra fur ces plages inconnues. La C o fa ,
Guerra ,-Qjeda, Vefpuce, O viedo, y abordèrent
après lui : mais les peuples que ces brigands fe
propofoient d’aflervir, leur oppofèrent une telle
réfiftance, qu’il leur, fallut renoncer à tout projet
d’établifTement. Pedro de Heridia parut enfin en
1527 , avec des forces fuffifantes pour donner
la loi. Il bâtit & peupla Carthagéne.
Des corfaires François pillèrent la nouvelle ville
en ï 544. Elle fut brûlée quarante & un an après
par le célèbre Drake. Pointis , un des amiraux
,de Louis X IV , la prit en 11S97, mais en déshonorant
par une cruelle rapacité des armes que fon
ambitieux maître vouloir illuftrer. Les Anglois
fe virent réduits en 1741 , à la honte d’en lever
le fiège, quoiqu’ils l’eulfent formé avec vingt-
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cinq vaifieaux de ligne, fix brûlots , deux galiotes
à bombes, & afièz de troupes de débarquement
pour conquérir une grande partie de l’Amérique.
La méfintelligence de Vernon & de Wentwort,
les cabales qui divifoient le camp & la flotte j un
défaut d’expérience dans la plupart des chefs , 8c
de foumiflion dans les fubalternes : toutes ces cau-
fes fe réunirent pour priver la nation de la gloire
& des avantages qu’elle s’étoit promife d'un des
plus brillans armemens qui fuftent jamais fortis
des rades britanniques.
Remarques fur la capitale, la population , la mol-
leJJ'e des habitant , Vinfalubrité du climat.
Après tant de révolutions, Carthagéne fubfifte
avec éclat-dans une prefqu’ ifle de fable qui ne
tient au continent que par deux langues de terre,
dont la plus large n’a pas plus de trente-cinq roï-
fes. Ses fortifications font régulières. La nature
a placé à peu de diftance une colline de hauteur
médiocre , fur laquelle on aconftruit la citadelle
de St. Lazare. Une.garnifon plus ou moins nonï-
breufe, félon les circonftances, défend tant d’ouvrages.
La ville eft une des mieux bâties , des
mieux percées,des mieux difpofées du nouveau-
monde. Elle peut contenir vingt-cinq mille âmes.
Les Efpagnois forment la fixième partie de cette
population. Les .Indiens , les Nègres , les racés
f-ormées de mélanges variés à l'infini*, compo-
fent le refte.
Cette bigarrure eft plus commune à Carthagéne
que dans, la plupart des autres colonies. On y
voit arriver continuellement une fouie de vagabonds,
fans biens, fans emploi, fans recommandation.
Dans un pays , où n’étant connus de per-,
fonne , aucun citoyen n’ofe prendre confiance en
leurs fervices, Jeur deftinée eft de vivre miféra-
blement d’aumônes c o n v e n tu e l le s ,d e coucher
au coin d’une place ou fous le portique de quelque
églife. Si le chagrin d’un fi trille état leur
caufe une maladie grave , ils font communément
fecourus par des Négreflfes libres , dont ils
reconnoiflent les foins 8e les bienfaits en les épou-
fant. Ceux qui n’ont pas le bonheur d’être dans
une firuation allez défefpérée pour intérefter h
pitié des femmes, font réduits à fe réfugier dans
les campagnes, & as y livrer â des travaux fati-
gans, qu’un certain orgueil national 8c d’anciennes
habitudes leur rendent également infupportables.
L’incjplence eft pouflee fi loin dans cette région,
que les hommes & les femmes riches ne quittent
leurs hamacs que rarement & pour peu de tems.
Le climat doit être un des grands principes de
cette ina&ion. Les chaleurs font excelfives & pref-
que continuelles' â Carthagéne. Les torrens d’eau
qui tombent fans interruption depuis le mois de
mai jufqu’à celui de novembre, ont cette fingu-
larité, qu’ils ne rafrakhiffent jamais l’air, quel-
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quefoîs un peu tempéré par les vents de nord-eft
dans la faifon leche. La nuit n’eft pas moins étouffée
que le jour. Une tranfpiration habituelle donne
aux habitans la couleur pale. 8c livide des malades.
Lors même qu’ils fe portent bien, leurs mou-
vemens fe reffentent de la mol 1 elfe de l’air qui
relâche fenfiblement leurs fibres. On s’en apper-
çoit jinfques dans leurs paroles toujours traînantes
& prononcées' à voix baffe. Ceux qui arrivent
d’Europe confervent leur fraîcheur & leur embonpoint
trois ou quatre mois : mais ils perdent en-
fuite l’un 8l l ’autre.
C e dépériftement eft l’avant-coureur d’un mal
plus fâcheux encore , mais dont là nature eft peu
connue. On conjecture qu’il vient à quelques per-
fonnes pour nw&voir pas digéré > à d’autres parce
qu’elles fe font refroidies. Il fe déclare par des
vomilfemens accompagnés d’ un déiire fi violent,
qu’il faut lier le malade pour l ’empêcher de le
déchirer. Souvent il expire au milieu de ces tranf-
ports, qui durent rarement plus de trois ou quatre
jours. Une limonade faite avec le fuc de l’opentia
ou raquette, eft, félon Godin , le meilleur fpé-
cifique que l’oh ait encore trouvé contre une maladie
fi meurtrière. “Ceux qui ' ont échappé à ce
danger dans les premiers tems, ne courent aucun
rifque. Des témoins éclairés aliùrent même que
lorlqu’on revient à Carthagéne après une longue ab-
fence, il n’y a plus rien à craindre.
La ville & fon territoire préfentent le fpeétacle
d’une lèpre hideufe, qui attaque indifféremment
les régnicoles & les étrangers. Les phyficiens,
qui ont voulu attribuer cectc calamité à la chair
du porc , avoient oublié qu’ on ne voit rien de
fembiable, dans les autres parties du nouveau-
monde , où cette nourriture n’eft pas moins commune.
Pour en arrêter la contagion , il a été fondé
un hôpital. Ceux qu’on en croit attaqués y font
renfermés , fans diftinétion de fexe , de rang 8c
d’âge. Le fruit d'un établiflement fi raifonnable
eft perdit par l’ayarice des adminiftrateurs, qui,
fans être arrêtés par le danger des communications
/'permettent aux pauvres de fortir 8e d’aller
mendier. Auffi le nombre des malades eft-il fi grand,
que l’enceinte de leur demeure a une étendue im-
menfe. Chacun y jouit d’un petit terrein qui lui i
eft marqué à fon entrée. Il s’ y bâtit une habitation
relative à fa fortune , où il vit fans trouble
jufqu’à la fin de fes jours , qui font fouvent
longs, quoique malheureux. Cette maladie excite
fi puifiammcntau plaifir, dont l’attrait eft le plus
impérieux , qu’on a cru devoir permettre le mariage
à ceux qui en font attaqués. C ’eft une dé-
mangeaifon ajoutée à une démangeai fon. Elles fem-
blent s’irriter par la fatisfacrion desbefoins qu’elles
donnent : elles croifient par leurs remedes , & fe
reproduifent l’une par l'autre. L’inconvénient de
Voir ce mal ardent qui coule avec le fang, fe
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perpétuer dans les enfans, à cédé à la craince
d’autres défordres peut - être chimériques.
I , Remarques fur le port de Carthagéne , & les
moyens de le défendre.
Malgré cette maladie dégoûtante, malgré les
vices multipliés d’un climat incommode 8c dangereux
j malgré beaucoup d’autres inconvéniens ,
l'Efpagne à toujours montré une grande prédilection
pour Carthagéne , à caufe de fon port, un des
meilleurs.que l’on connoifle. 11 a deux lieues d’é tendue
, un fond excellent 8c profond. On n’y
éprouvé pas plus d agitation que fur la rivière la
plus tranquille. Deux canaux y conduifent. Celiri
qu’on nomme Boca-grande, large de fept à huit
cens toiles , avoit autrefois fi peu de profondeur
que le plus léger canot y pafToit difficilement*
L’Océan l’a fucceflivemeDt creufé , au point
qu’on y trouve jufqu’à douze pieds d’eau en
quelques endroits, bi la révolution des tems ame-
noit de plu? grands changemens, la place lêroit
expofée. Aiiflï la cour de Madrid s’occupe t-elle
férieufement des moyens de prévenir un fi grand
malheur. 'Peut-être, après y avoir beaucoup réfléchi,
ne trouveravt-on pas d’expédient plus
fimple & plus fur que d’oppofer aux flottes ennemies
g une digue formée par de vieux navires
remplis de pierres 8c enfoncés dans la mer.
Le canal de Bocachique a été jufqu’ici le feul
praticable. Il eft fi étroit qu’il n’y peut palier
qu’un vaifîeau de front. Les Anglois ayant détruit
en 1741 les fortifications qui le défendaient
, on les rétablit avec plus d’intelligence.
C e ne fut plus à l’entrée du Goulet qu’on les
plaça i mais en dedans du canal, où elles alfu-
rent une défenfe plus opiniâtre.
Commerce de Carthagéne : ce port fert d'entrepôt
pour les diverfes pofefions Efpagnoles' du
nouveau - monde.
Du tems que ces contrées éroient approvï-
firinnées par la*. Voie fi connue des galions, les
vaifieaux partis d'Efpagne tous enfeinble , paf.
(bient à Cankagene avant d'aller à Porto-bello
& y repafloient avant de reprendre la route dé
l'Europe. Au premier voyage, ils y dépofbient les
marchandifes néceflaires pour l'approvifionnement
des provinces de l'intérieur, & ils en recevoient
le prix au fécond. Lorfque des navires ifolés
furent fubftitués à ces monllrueux armemens, la
ville eut la même deftinafion. C e fut toujours le
pont de communication de l’ancien hémifphère
avec une grande partie du nouveau. Depuis
*7^8 jufquen 1753 , cet entrepôt ne vit arriver
d'Efpagne que vingt-fept navires qui, en échange
des marchandifes qu'ils avoient portées, reçurent
chaque année en o r , neuf millions trois
cents cinquante-fept mille huiccents fix livres , en
argent quatre millions fept cents vingt-neuf mille