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ces deux objets fourniffent-, donne lafubfiftance à
un grand nombre de familles. La récolte de la
foie dans les vingt dernièies années, s'eft montée
quelquefois à cent quat:e-vingt-quatorze mille
livres pefant.
La^ Tofiane eft très-peuplée en proportion de
fon etendue j elle l ’eft même plus que beaucoup
d autres pays qui paffent pour avoir une grande
population. Elle rétoit cependant autrefois bien
davantage, car en 1299, le feul territoire de Florence
pouvoit mettre cent mille hommes fous les
trente nid'e dans la ville , & foixante-dix
mille dans le relie du comté : & , fi l’on en croit
qoccace , la pelle en 1348 enleva plus de cent
mille habitans^ dans la ville .- où , à la vérité ,
s etoientréfugiés plufîeurs perfonnes du territoire}
mais les défaflres communs à toute l’Italie ont
iiiminue cette population. En 1766-, le nombre
des fujets de la Tofcane 3 distribués en deux mille
cinq cens cinquante- neuf paroifles, montoit à
neuf cens quarante-cinq mille foixante-trois , y
compris cinq mille cinq cens quarante-huit moines,
cent quarante-quatre hermites , neuf mille trois
cens quarante-neuf religieufes 3 huit mille trois
cens «mquantê-cinq prêtres féculiers, 8c trois mille ;
cinq cens vingt-neuf autres membres du clergé, j
Le dénombrement qui fe lit Tannée d’après , J
donna à-peu près le même ré fui tat.
S E C T I O N I I I .
Des manufactures & du commerce de la Tofcane.
Les fabriques & les manufactures font pour la
Tofcane un objet important. On y fait beaucoup
de toiles 8c de linge de table. Les manufactures de
lame ne donnent que de ,gros draps j & ce qu'il
y adefingulier, c’elt que quoique ceux de France 8c
d Angleterre foient de contrebande en Tofcane ,
tout le monde en portedepuisle grand-duc jufqu'au
plus fimple bourgeois. Il y a des fabriques de
porcelaine , de faiance, de favon -, & d'autres
pour la'préparation deTalun & du feu. On y fait
des draps d'or & d'argent, du velours, & une
quantité confîdérable de très - bons bas de foie.
La fabrique de draps d’or & d'argent établie à
Florence par François I , travaille d'une manière
folide , & l’emporte à cet égard fur les manufactures
de France, mais comme le goût lui manque,
& què les étoffes coûtent plus qu'à Lyon ,
elle ne trouve pas beaucoup de débit chez l'étranger,
q ui, en revanche, préféré le fatinde T o f
*ane à tous les autres. On a établi depuis peu à
Pifeune fabrique de_ quincailleries. Il n’eft point
de pays^ en Italie, où Ton reigne mieux les draps
& les étoffes en noir qu'à Florence. 11 ne faut
pas oublier les chapeaux de paille très-beaux -8c
très-fins de toutes fortes de formes & de couleurs,
qu’on fait par-tout dans le florentin, & fur-touL
a C am p i, à B ro z z i, & aux environsj qudques-
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uns de ces chapeaux coûtent trois ou quatre ducats
, & on en tranfporte une quantité confidé-
rable en Angleterre & à Vienne. On y fait des
habits complets de la même matière. L'art dé
raflembler des petits morceaux de pierres dures,
& d’en former une efpèce de mofaïque , fut apporté
de Milan à Florence en 1 j8o par Jean Blanchi
, appelle en Tofcane parle grand-duc François 1}
& depuis, un grand nombre d’artiftes s'y font
exercés avec fiiccès 3 & ont produit les ouvrages
les plus curieux. Us employent à ces ouvrages les
jafpes 8c les calcédoines de Monteruffoli, & les
agathes & les cornalines qu'on trouve près de
Volterra. On fait encore de très-beaux ouvrages
de Scagliuola, ou petite écaille , à Florence ,
avec une efpèce de féiénite ; les mofaïques,
dont nous venons de parler, font comme de véritables
peintures. On en voit de fupérbes dans le
palais du grand-duc , & ailleurs.
Un homme très-éclairé fur cette matière , qui
fe livre trop à Ton humeur , l’auteur d'un voyage
en Italie, en forme de lettres , dit : » les fabriques
de laines font nulles en Tofcane y & à l’ égard
de celles de foie, les prohibitions toujours vaines,
ne fervent qu’à faire payer plus cher ce dont on
ne fauroit fe paflTer, & que Ton eft cependant
incapable de produire. »
» On vante des règlemens faits, & Ton parle
de les introduire chez nous : Dieu préferve Lyon
d'une pareille extravagance î Les bons règlemens
font ceux-qui répandent l'émulation, Tinduftrie5
& non ceux qui captivent le talent. »
» Les Florentins fabriquent des taffetas en allez
grande quantité, quelques autres étoffes unies ,
des petits velours & des fatins brochés, pour
meubles , fort chargés de matière. Ils copient les
deflins de Lyon , les exécutent comme ils peuvent,
à s*y reconnoître en entrant dans un appartement 3
mais nous.leur envoyons tout le refte. «
La manufacture de camelot-poil, qui a fait tant
de bruit, tend à fa fin 3 les chèvres tirées d'An»
gora ontdégénéré. Le noir de Florence, tant vanté,
ne l’emporte pas fur celui'de Lyon : les bas y
font très-médiocres, 8ç Ton n’y foupçonneni les
modes,ni la bijouterie , ni la quincaillerie, ni
l’orfèvrerie , ni aucuns autres articles. » Il eft
clair que ce portrait eft exagéré , & que cette
exagération le rend faux.
La Tofcane vend les productions naturelles &
artificielles , dont nous avons fait mention ; il
faut ajouter les effences de rofe , de fleur d'orange
& d’autres fleurs, différentes fortes de rof-
folis , des citrons .& des lymons. Les anglois préfèrent
la pommade à la fleur d’orange qui fefa.it
dans là ville de Florence, à celle de France. Les
! principaux objets de fon commerce aCtif, font les
j vins les grains , les huiles, & les ouvrages de
! foie. Les ports de Livourne 8c de Porto Ferrajo,
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offrent aux tofeans deux excellens débouchés pour
leurs productions , fur-tout lorfque la méditerra-
né.e eft le fiège de la guerre } ils fe font enrichis lors
delà guerre des ruffes avec les turcs.Tout lemonde
fait à quel point s’éleva le commerce de l’ancienne
republique des florentins. C ’étoit la principale occupation
des nobles , comme des bourgeois } c’é-
toit fur-tout aux fabriques de laine qu’ ils dévoient
leurs richefles. Une chronique manuferite, qui fe
trouve dans la bibliothèque, de Magliabecchi ,
nous apprend que dans le quinzième fiècle il y
avoit à Florence deux cens fabriques de laine ,
qui fournifloient pour quatre cens mille florins 1
d or de marchandifes , dont la moitié étoit un
profit net pour les fabricant. Voici comment les
manufactures de laines’introduifîrent en Tofcane ,
& y furent pou fiées à un tel degré de perfection,
que depuis le treizième fiècle jufqu’aufeizième ,
les draps de FlorenceT emportèrent fur tous les
autres.. Quelques milanois , exilés de leur patrie
par Frédéric Barberouffe, apprirent dans les pays-
bas , l’art de fabriquer les draps , & obtenant
enfuite la liberté de retourner chez eux , pleins
des idées de: pénitence 8c de bienfaifance que le
malheur leur avoit infpirées, ils fondèrent des
couvents , où ils s’occupoient fur-tout de manufactures
& de négoce. Telle eft l’origine de cet
ordre des humiliés , aboli à la fin du feizième
fiècle par le pape Pie V. Iis furent appelles à
Florence vers l’aa 1200 , pour y introduire des
fabriques de draps. Ils s'attachèrent à les perfectionner,
8c enrichirent par-là la république.
Comme nous favons d’ailleurs qu'il y avoit-
'beaucoùp d’ouvriers des pays-bas dans le treizième.,
quatorzième & quinzième fiècles , il eft
probable que les premiers y furent amenés par ces
humiliés , & y attirèrent enfuit-e un grand nombre
dé leurs compatriotes ; & comme la Tofcane
ne pouvoit fournir de laine une fi grande quantité
de métiers , elle recevoir des pays étrangers
celle dont elle avoit befoin, en échange de fes
draps} ce qui avoit lieu fur-tout à l ’égard de la
France. .
» La plupart des négocians de Livourne font
anglois j les autres font françois , fuiffes , allemands
, hambourgeois , hollandois, & c. Les italiens
ne font que gens à boutique ; & quoiqu’il y
en ait de riches , qui faffent de grofies affaires en
draperies, en foiries , en quincailleries , en bijouteries
, 8cc. aucun d’eux ne fait le commerce
de fpéculation , ni la commifïion, le grand objet
de cette place , qui a été pendant long-tems, 8c
que Ta« confidère encore en partie, comme l’entrepôt
des marchandifes du levant 8c du refte de
l ’Italie, pour l’Angleterre , l’Allemagne , le nord
de l’Europe, & vice verfâ. »
» Autrefois les anglois ne verfoient pas plus loin
leurs draperies , -leurs quincailleries j & les Li-
vournoîs les. expédioient au levant A en Sicile 8c
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par toute l ’Italie ; depuis les anglois ont pris de
Tefibr , 8c ils les ont été porter eux - mêmes :
ainfi font les françois. »
«Les autres nations s'animèrent également, à
une époque qui prouve que les gouvernemens les
meilleurs calculateurs en matière d’intérêt, lorf-
| que l’ambition 8c l'avarice s’en mêlent, fe trompent
comme les particuliers. En attendant que
j'en cite des exemples plus récens à l’égard de.
ce pays-ci, voici celui dont je voulois paner. »
» La Tofcane regarda comme un coup de fortune
, de faire fa paix avec les barbarefques ,
tandis qu’ils étaient en guerre avec le refte de
l’Italie- Ceux-ci infeftèrent ces mers : les autres
puiflànces effrayées, mirent fur les bâtimens formant
de Livourne une quarantaine de vingt - cinq
jours, q u i, par le retard des livraifons, des paie-
mens , mécontenta les vendeurs> 8c leur fit prendre
la réfolution de porter eux-mêmes leurs marchandifes
aux confommateurs. Ainfi , de proche
en proche , le befoin fit naître l’audace , 8c les
vues s’étendirent : mais , comme on trouve des
cargaifons en tout genre 8c toujours prêtes, à
Livourne , on y vient de préférence , 8c le port
eft toujours très fréquenté , fur-tout depuis qu’on
a fupprimé la quarantaine à Meffine, à Toccafion
de la nouvelle pefte qui la ravagea ; 8c elle donne
toujours le ton à toute TItalie pour le change. »
» Quoique Ton convienne qu’un plus grand
nombre de bâtimens en quarantaine , n’eft pas la
preuve d’ un plus grand commerce, les gens au
contraire inréreftes à la ch o fe , 8c qui la voient
de près, penfent qu’il diminue de jour en jour à
Livourne , 8c ils en attribuent la caufe, non pas
à l’impôt mis fur les marchandifes de tranfit ( ii
n’ eft pas très-confidérable ) ; mais aux entraves,
aux tracafferies de toute efpèce , que font les employés
, à raifon des objets de prohibition , 8c de
la multitude d'impôts. »
» Livourne, qui jouit de quelques prérogatives^
eft à quelques égards à la Tofcane , ce que Mar-
feille & Dunkerque font à la France. On peut y
exercerlibrement les arts 8c le commerce enfemble
ou féparément. Il a bien fallu cela pour attirer
des habitans dans ce ttifte pays ; car je ne crois
pas q u e , dans la nature, il en exifte un plus dépeuplé
, plus inculte, plus mal-fain que le font
les rivages de la mer depuis les rochers de Le ri ci
ou la plage de Majfa , jufqu’ à Capo di Mifeno :
aufli n’y voit-on que des gens qui cherchent fortune
, parmi lefquels.il en eft beaucoup, qui- ne
favent d’ailleurs où repofer leur tête 5 tels que
les Juifs qui font le tiers d’une population de
quarante-cinq à cinquante mille âmes , Sc auxquels
on a donné la- faculté d’acquérir des marfons en
ville 8c en campagne, pour les attacher en réali-
fân t, quoiqu’on les ait reftreints dans un quartieï
. où als fout un peu ferrés. M
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