
31 î S Y R
éblouifiemens pendant plufîeurs heures ; -IorCqu*xI
y a difette , ils recueillent les glands de chêne ,■ &
après les avoir fait bouillir ou cuire fous la cendre
, ils les mangent.
Par une conféquence naturelle de cette misère,
l ’art de la culture eft dans un état déplorable 5
faute d’aifance le Laboureur manque d’inftrumens,
ou n’en a que de mauvais ; la charrue n’eft fouvent
qu’une branche d’arbre coupée fous une bifurcation
, & conduite fans roue. On laboure avec des
ânes, des -vaches, 8c rarement avec des boeufs*,
ils annoncent trop d’aifance : auffi la viande de cet
animal eft-elle très-rare en Syrie 8c en Egypte ; 8c
elle y eft toujours maigre & mauvaife', comme
toutes les viandes des pays chauds. Dans les cantons
ouverts aux arabes , tels que la Paleftine 3 il
faut femer le fufil à la main. A peine le bled
jaunit-il qu’on le coupe , pour le cacher dans les
matmoures ou caveaux fouterreins. On en retire
Je moins que Kon peut pour les femences, parce
que l’on ne fèmè qu’autant qu’ il faut pour vivre ;
eh un mot l’o_n borne toute 1 induftrie à fatisfaire
les premiers béfoinsV Or 3 pour avoir un peu de
pain; des'oignons, une maii.vaife chemife bleue 8c
un pagne ’de laine, il ne faut pas la porter bien
loin. Le payfan vit donc dans la dé trefle j mais du
moins il n’enrichit pasuGioyrans ; & l’ avarice du
defpotifmé fe' trouve.pnnje par- fon propre crime.
Des art i f ans i diY marchands & du commerce.
La clâflfe qui fait valoir les denrées en les mettant
en oeuvre ou en circulation , n’eft pas lî mal
traitée que celle qui les procrée ; la raifon en eft
que les biens des arrifans & des marchands, con-
ftftant en effet m o b ilie r s fo n t moins fournis aux
regards du gouvernement que ceux des payfans ;
en outre les artifans & les marchands, raflfemblés
dans les villes, échappent plus aifément par leur
foule a la rapacité de ceux qui commandent. C ’eft:-
la une des çaufes principales de la population des
villes dans ja Syrie, 8c même dans toute la Turquie
: tandis qu’en d’autres pays les villes font
en quelque forte (e regorgement des campagnes,
là elles ne font que l’effet de leur défertion. Les
payfans, chaffés de leurs villages viennent y cher
cher un refuge ; & ils y trouvent la tranquillité
, 8c même l’aifançe. Les pachas veillent avec
d’autant plus de foin à ce dernier article , que
leur fureté perfonnelle en dépend ; car outre les
effets immédiats d’ une fédition qui pourroit leur
être funefte, la Porte ne leur pardonneroit pas
d’expofer fon repos pour le pain du peuple. Ils
ont donc foin de tenir les vivres à bon marché
dans les lieux confîdérables, & fur-tout dans celui
de leur réfidence ; s’il y a difette , c’eft toujours
là qu’elle fe fait le moins fentir. En pareil cas ils
prohibent toute fortie de grains..; ils obligent, fous
peine de mort, quiconque en. pofsède, de le ven-.
dr.e au prix qu’ils y mettent 5 & fi le pays en nr\ans
Y R
que abfolument, ils en envoient chercher au-dehors
, comme il arriva à Damas en novembre
17S4. Le pacha mit des gardes fur toutes les routes
,- permit aux arabes de piller tout chargement
qui (ortiroit du pays , & envoya ordre dans le
hauran de vuider toutes les matmoures ; enforte
que , pendant que les payfans mouroient de faim
dans les villages 3 - le peuple de Damas ne payoie
le pain que deux, paras ( deux fols 8c demi la livre
de France ) , & croyoit le payer très-cher ; mais
comme dans la machine politique nul reffort n’eft
indépendant, l’on n’a point porté des atteintes fu-
neftes à la culture, fans que les*arts & le commerce
s’en foient reffentis. Quelques détails fur
cette partie vont faire juger fi le gouvernement
s’ en occupe plus que les autres.
Le commerce en Syrie 3 confidéré dans la ma-,
nière dont il fe pratique , eft encore dans cet état
d’enfance qui càraétèrife les fiècles barbares & »les.
pays non policées. Sur toute la c ô te , il n'y a pas
un feul port capable de recevoir un bâtiment de
quatre cens tonneaux, 8c les rades ne font pas
même affurées par des forts ; les corfaires maltois,
profitaient autrefois de cette, négligence pour
faire des prifes jufqu’ à terre; mais" comme les
habitans rendoient les négodans européens ref-
ponfables des accidens , la France a obtenu de
l'ordre de Malte que fes corfaires n’approche-
roient plus jufqu’ à la vue de terre ; enforte que
les naturels peuvent faire librement leur cabotage,
qui eft afîez vivace depuis Lataquîé jufqu’à
Y|fa> Dans l’intérieur, il n’y a ni grandes,
routes ni canaux, pas même de ponts fur la plupart
des rivières & des torrens , quelque néçeflai-
res qu’ils fuffent pendant l’hiver.' Il n’y a de ville
à ville ni pofte ni meffagerie. Le feul çourier qui
exifte eft le tartarç qui vient de Conftantinople à
JDamas par Alep. Ge courier n’a de relais que
dans les grandes villes , à de très-grandes diftan-
! ces y mais il peut démonter-, en cas de befoin*
| tout cavalier qu’il rencontre.
La nation d’Europe qui fait le plus grand commerce
en Syrie eft la françoife ; fes importations
confiltent en cinq articles principaux, qui font i° .
Les draps de Languedoc. z°. Les cochenilles qui
fe tirent de Cadix. 5°. Les indigos. 40. Les lucres,
8c f° , les cafés des Antilles qui ont prix
faveur chez les turcs & qui fervent à mélanger
ceux d*Aché, plus eftimés , mais trop chers.
A cçs ’ objets , il faut ajouter de la quincaillerie „
des fers fondus , du plomb en James, de l ’étaim,
quelques galons de L y on , quelques favons, &c.
Les retours confiftent prefque entièrement en
cotons bruts, filés ou ouvrés , en toiles allez grof-
ftèïes , en quelques fqies de Tripoly : ( les autres
font prohibées ), en noix de galles , en cuivres &
en laines qui viennent du dehors de la Syrie. Les
comptoirs pu échelles des françois > font au nom-
S Y S S Y S 3^
hre de fept, favoir: A lep , Skandaroun, Lata-
quie, T r ip oly , Saide , Acre & Ramlé. La fomme
de leurs importations fe monte à fix millions,
favoir :
Pour Alep 8c Skandaroun. . . 3 ,0 0 0 ,0 0 0
Pour Saide 8c Acre............................2,000,000
Pour Tripoly & Lataquie, . . . 4 0 0 ,0 0 0
Et pour Ramlé........................................6 0 0 ,0 0 0
T o t a l . . 6 ,0 0 0 ,6 0 0
T ou t ce commerce, fe fait par la feule voie de
Marfeille , qui a le privilège exclufif d’expédier
& de recevoir les vaiffeaux du levant malgré les
réclamations du Languedoc , qui fournit les marchandifes
premières. Il eft auffi défendu aux étrange1'
5 a c’eft-à-dire , aux naturels de Turquie , de
faire pafter leurs marchandifes, fans l’entremife
des faéleurs marfeillois, établis dans leur pays.
Cette défenfe avoit été levée en 1777 d ’après
plufieurs motifs raifonnes, dont l’ordonnance ren-
doit, compte. Mais les négocians de Marfeille ont
tellement réclamé, que les chofcsTont remifes fur
l’ancien pied depuis 1785- : c’eft à la France à dif-:
cuter fes intérêts à cet égard. Confidéré par rapport
à l’empire Turc , on peut affbfer que' fon
commerce avec l’Europe & l’ Inde , lui eft plutôt
nuifîble qu’avantageux. En effet, Jes objets que
cet Etat exporte étant tous de matières brutes &
non ouv-.^Sjil fe prive’de tous les avantages qu’il
aurait à les faire travailler par fes propres fu/ecs.
Eh fécond lieu , les marchandifes qui viennentde
l’Europe & de l’Inde , étant des objets de peu de
luxe, elles n’augmentent les jouifiances que de
la clalfe des riches , des geus du gouvernement
& ne fervent peut-être qu’à rendre plus dure , la
condition du peuple.& des cultivateurs. Sous un
gouvernement qui ne refpe&e point les propriétés,
le defir de multiplier les jouifiances doit irriter la
cupidité, & redoubler les vexations. Pour avoir
plus de draps , de fourrures , de galons, de fu-
cres , de châles & d’indiennes , il faut plus
d’argent, plus de coton , plus defoyes, plus d’ex-
torfions. Il a pu en réfulter un avantagé inftantanée
aux états qui ont fourni les objets de luxe ; mais
la furabondance du préfent n’a - t - e l l e pas été
prife fur l’aifance de l’avenir, & peut-on efpérer
de faire Iong-tems un commerce riche avec un
pays qui fe ruine? Voye1 l’article O ttoman,
(empire).
S Y S T ÈM E DE L AW . V^oyeç fur cette folie
qui a fait tant de mal à la France leDiaionnaire de
Finances 3 article Système.
SY S T ÈM E PO L IT IQ U E . C ’eft le nom qu’on
donne à l’enfemble des vues qui guident un Etat
ppur fes affaires internes 8c. externes ; c’eft un
QLcoiupol. 6? diplomatique. Tom. IV %
plan toujours uniforme de fe conferver & de
s’agrandir.
Un gouvernement qui ne fuit aucun fyftême 3
court encore plus de rifques; c a r , chaque état
devant avoir par la révolution des te ms , une
fuite d’adrniniftrateiirs OU' de maîtres qui n’ont
pas les mêmes lumières, les mêmes talens 8c les
mêmes vues, il eft bien nécefîaire d’établir des
règles,, des principes ou des points de vue fixe ,
pour diriger tarit d’efprits divers.
On faiy bien que d’autres tems demandent
d’autres foins ; mais il faut toujours s’occuper du
bonheur d’un pays. Il eft aile , par exemple, de
voir que l ’abaiffement de la maifon d’Autriche
a été long - tems un des objets du fyficme politique
de la France.
Chaque Etat doit former un fyfiime raifonné de
politique, & le fuivre conftamment. C e fyfiëme ne
peut être fondé que fur une puiflance intrinfèque
8c. relative de l’Etat même, & fur fes intérêts naturels.
Il ne fuffit pas qu’il foit dans la tête du fou-
verain, ou des miniftres , il faut le rédiger par
é c r it, y détailler toutes les circonftances, tous
les motifs , toutes les raifons, tous les a van ta-,
ges & tous les inconvéniens réels ou apparens ,
8c en faire une efpèce de fanélion pragmatique
qu’on dépofe dans les archives parmi les fecrets
les plus importans de l’Etat, afin qu’il puiffe fer-
vir de guide aux adminiftrateurs qui tiendront
enfuite.
Quelle eft la véritable caufe de la propriété de
la Hollande 8c de l'Angleterre : n’eft - ce pas le
fyftême politique & commercial qu’elles fuivent
depuis deux fiècles ? & le défaut de fyftême, &
le plan général ou la variation continuelle de l’ad-
miniftration n’eft-elle pas la caufe de la détrelfe ,
où fe trouvent d’autres nations ?
Le tems des vues & des plans exagérés n’eft plusÿ
on ne redouté plus la monarchie univerfelle . elle
ne pourroit fe former aujourd’hui en Europe fans
le plus grand danger. La politique fait armer des
millions de bras contre les princes qui laiflent ap-
percevoirdes vues aufiiambitreufes; Sdesconque-
rans fes plus heureux , les plus formidables, peuvent
avoir des échecs qui les jettent fur les bords
du précipice. Les plus Vafles monarchies font ex-
pofées aux plus grands maux. *
Tout agrandiflement doit donc avoir fes bornes.
II faut abandonner à la prudence de chaque fou-
verain & dès divers adminiftrateurs, le foin de déterminer
ces limites, &' de mettre à leur ambition
un terme qui Toit proportionné à leur état 8c à leur
fit liât ion.. Par exemple , fi \e fyftême politique de
la France fe réduit à maintenir fa domination entre
l’Océan , la Méditerranée, les Alpes, les Pyrénées,
le Rhin 8c les Pays Bas, & à rendre fa
R r