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fions-de grands avantages fur Tes armées dé^.o- '
me.: 'Engendrai èépendanf■ '&Hbtfqu’ëIleS étoieiit
bien commandées > ces armées paroifient avoir
etc de beaucoup Arpécietires > 8c fi les romains
c ’achevèrenc pas la conquête des parthes & des
germains , c’eff vraifenablabjenrent patce( qu iis
jugèrent que ces deux pays barbares ne.yaloient
pas la peine d’êtçe, ajoutés à un .empire,qui n’e-
"toit déjà que trop grand, te s anciens parthes
femblent avoir .été une nation d’extraélion fcytlie
tou tarta're’ y 8c avoir confervé en bonne partie
les moeurs de leurs ancêtres. Les anciens germains
croient comme les fcythes 8c les tartares, une
nation de bergers errans qui alloient à la guerre
.fous lés mêmes 'chefs qu’ils luivoient en tems^ de
paix. Leut milice étoit exactement de la meme
efpèceque celle des fcythes ou tartares , dont ils
•paroiifént dsfceridte. »
PlufifUts caufes contribuèrent au relâchement
de ia difcipline dans les armées romaines. Son
■ extrême févéritéelt peut-être une de;ces caufes.
Dans le tems de leur grandeur, où.ibne paroip
•foit aucun ennemi capable de leur réfifter, ils
abandonnèrent leur p.efante armure comme un
.fardeau mutilé , & négligèrent leurs laborieux
exercices comme leur donnant une peine fupetnue.
Ajoutez que, fous les empereurs romains, les
armées romaines fur pied ..fpécialement celles .qui
gardoient les frontières de-la Germanie & de la
Pannonie, devinrent dangereufes pour leurs (nar-
tr e s ,!a qui elles oppofqient Couvent leurs, propres’’
généraux. Pour les rendre moins formida-
b le s , Dioclétien, félon quelques auteurs, &
Conltamin, félon d’autres, les retira de la frontière
où elles avoient toujours campé en corps de
deux ou trois lé gions , & les difperfa en petits
corps dans différentes villes des provinces , d où
elfes n’étoient guère rappeltées que quand il s'a git
fo it de repouffer une invafion. De petits corps
de foldats en quartier dans des villes commettantes
f i manufacturières, devinrent eux-mêmes
des marchands, des artifans 8c des manufacturiers.
L’efprit civil l’emporta fur l’efpnt militaire,
& les armées fubfiftantes de Rotrm dégénérèrent
en une milice corrompue, négligée 8c indifci-
plinée , incapable de réfifter aux attaques-des milices
germaines 8c fcythes, qui envahirent bien-
tôt après l’empire d’occident. Les empereurs ne
.purent fe défendre quelque tems qu’en Coudoyant
la milice de quelques-unes de ces nations:, pour
faire face aux autres. La chûtc de lempiremo-
niain elt la troifième grande révolution que l’ hif-
toire nous trànfmet en détail. Elle arriva par la
fupériovité iréfiiiible de la milice d'une nation
barbare fur ia milice d’ une nation civilifée, celle
que la milice d’une nation de bergers .a fur la
milice d’une nation d’agricoles, d'attifans & de
manufacturiers. Les victoires gagnées par des milices
ont été {emportées généralement, non fur
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dès troiipti réglées ou des armées fur pied, mais
fur d'autres milices moins difciplinées & moins
exercées. Telles ont été'celle des grecs fui: les
perfes , & telles ont été encore , dans des tems
qui fe rapprochent de nous , celles des fuifles fur
les maifons d'Autriche' & de Bourgogne*
La force militaire des fcythes & des germains
qui, s'établirent fijï les. ruines de l'empire d'occident,
fut quelque tems après leur étaMilirement a
ce qu'elle à voit été dans leur patrie. C'étoit une
milice $e bergers & d'agriculteurs qiii , en tems
de guerre, marchôit fous le commandement de
quelques chefs auxquels elle étoit accoutumée
d'obéir en tems dé paix. Elle é to it, par confé-
quent , affez bien exercée & difciplinée. Mais ,
àmefure que les arts & l'induftrie firent des progrès
, les chefs déchurent par degrés de leur autorité
, & le grand corps du peuple eut moins
de tems à donner aux exercices militaires. Ainfi
fe perdirent infenfiblement la difcipline & l’exercice
des milices féodales, dont les armées fur
pied ont pris-la place- Dès qu’une feule nation
y eut recours, tous fes voifins' furent obligés de
luivre fon «exemple. Us virent bientôt que leur
fureté en dépendoit ,• & que leur milice ne pouvoir
tenir contre une telle armée.
On a fouvent remarqué dans les foldats d’une
armée fur pied qui n'avoient jamais vu l ’ennemi ,
tout le courage des vieilles troupes 3 on a obfervé
que du moment où ils envoient en campagne , ils
ont pu faire tête aux- ioldats vétérans les plus
hardis & les ,plus expérimentés. En 1756 > quand
l ’armée/ufïê marcha en Pojogne , la valeur des
Foldats ruftes ne parut pas inférieure à celle des
foldats prufliens , qui pafloient alors pour les
vétérans les pliis. hardis & les plus expérimentés
dè l’Europe. L'empire ruffe avoir pourtant joui
d’une profonde, paix depuis vingt ans ,. & peu
de fes foldats avoit vu l'ennemi. Lorfque la
guerre' d’ËJpagnei éclata en 1739^ il y avoit près
de'dix-huit ans què l’Angleterre étoit en paix.}
& bien 'loin que la bravoure de fes foldats fut
amortie par cette_longue paix, jamais elle ne fe
distingua mieux que dans Tentreprife fur Car-
thagene. Peut- être que les généraux- peuvent
bien publier quelquefois leurs tàlens dans une
longue, ,paix mais ilTemble que les foldats d’ une
armée fur pied qui a toujours été'bien tenue ,
n’oübliént jamais leur valeur'.’ 1 *
: Lorfqu'unenation compte fur une milice pour
fa défenfç , elle eftexpoiëe en tout tems à être
eonquife par quelque nation barbare qui fe troue
vera dans foiQ.yoifinage. La conquête que les tartares
çnt fouvent faite de toutes les nations civilifées
de l’Afie , démontre a fiez la fupérioriréque pofsède
une milice barbare fur la milice d’ une nation civilifée.
Une .armée fur pied bien réglée elt friperie
«re à ■ toute efpèce. de milice. Comme une
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•tellé armée ne peut être entretenue que par une
nation opulente & civilifée, elle feule peut auffi
la défendre contre l’invafion d’un peuple voifîn
pauvre & barbare. C e n'e fi donc cme partie
moyen d’une armée fur pied , que la civilifation
d’un pays peut fe perpétuer ou fe conferver
long-tems.
Comme c'eft le feul moyen de défendre une
nation civiljfée , c'eft aufii le feul de civilifer fu
bitement & paffiiblement une nation barbare. Une
armée fur-pied établit avec une force irréfiftible
la loi du fouverain , jufqués dans les provinces
les plus reculées de l'empire , & maintient un
gouvernement régulier dans des pays qui n en
feroient pas fufceptibîes autrement. Quiconque
examine avec attention les- progrès d elà Rufiie
■ fous Pierre - le - Grand , trouvera,qu’ fis viennent
d’une armée fur pied bien réglée. C 'eft 1 infiniment
qui exécutoit & malntenôit tous Tes autres
réglemens. C et empiré doit tout l’ordre & la paix
intérieure dont il a joui depuis, a l’influence de j
cette armée.
Ceux qui ont eu des principes républicains ont;
réçu de l’ombrage d'une armee fur pied , qu fis
ont regardée comme dangereufe à. la liberté.^Elle
l ’ert fans doute ,'toutes lesTôis que l’ intérêt du
général & dés principaux officiers n’cft pas lie
avec le maintien de la conftitution de 1 Etat.
L ’armée deCéfar détruifitla république romaine.
L'armée de Cromwel chaffa le long parlement.
Mais quand le fouverain eftliiLmême Je général,
& que les principaux officiers font tirés de la
grande & de la petite noblefie du pays 5 quand la
force militaire elt entre les mains ou (pus les
ordres de ceux qui ont le plus grand intérêt à
maintenir l’autorité civ ile , parce qu’ ils ont la
plus grande part dans cette autorité , une armee
fur pied n'eft pas très - dangereufe. à b liberté.
Elle peut, au contraire, lui être très-favorable
en certains cas. La sûreté qu elle procure
au fouverain l’exempte de cette incovrirnq^6 jà~.
lo u fie ,qu i, dans certaines républiques modernes,
femble veiller fur les moindres allions & qui
à tout inftant eft prête à troubler le repos de
chaque citoyen. Dans ces républiques;, la sûreté
du magiftrat, quoiqu’appuyée des principaux duc
pays , eft mife en danger par chaque mecpnvén •
*ment populaire ; un petit tumulte eft capable
d’y faire en peu d’heures les plus grandes révolutions
: fi faut que le gouvernement y employé toute
fon autorité à étouffer & à. punk les murmures
& les plaintes qui s’élèvent contre lui. Le foriverain
, au contraire , foutenu non-feulement par
l'ariftocratienaturelle du pays, mais par une armée
fur pied bien, réglée,, ne peut être fort troublé
par les remontrantes les plus mal - fondées , les
plus groffières, -les- -plus licencieufes. Il peut
fes pardonner ou les négliger fans rifqtie , & le
fentiment de fa fupériorité le difpofe naturelle-
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rejlerpent de le faire. C e degré de liberté , qui approche
de la licence, ne peut‘ être toléré que
daiîs' les pays ou une armée fur pied bien réglée
fait, la fécurité du fouverain. C ’eft là feulement
que la sûreté publique n’exige pas que l’on confie
au fouverain un pouvoir arbitraire pour réprimer
les faillies de cette liberté licencieufe.
Le premier devoir du fouverain, celui de défendre
la fôciété de la violence & de l’injultice
des'autres nations indépendantes , devient donc
de p lu s ! en plus difpendieux, à mefure que la
fociété avance dans la civilifation. La force militaire
ne coûfoic rien originairement au fouverain
, ni en tems de paix , ni en tems de guerre j
mais dans les progrès de la civilifation , c’eft au
fouverain à l’entretenir d’abord en tems de
guerre, & enluite en tems de’ paix.
Lé grand changement introduit dans l’art de la
guerre par l’invention des armes 'à feu , a fait
monter encore'plus haut la dépenfe néceflaire,
tant pour difeipliner un nombre particulier de
foldats en tems de paix , que pour les employer
! eiv tems de guerre ; leurs armes & leurs miroitions
font devenues plus coûteufés. Un moufquet
coûte plus qu’ un javelot, ou qu?tin arc & des
flèches } un canon ou 'un -mortier;' plus qu’une'
balîfte ou une catapulte. "La; poudre, qu’on tire
dans une revue moderne eft «perdue à jamais, &
occâfionne une dépenfe fort confidéra1ble..Qn pouvoir
aifément ramafler les [javeline-s & les flèches
qu’on Jançoit ou qu’on tiroit anciennement; d’ailleurs
elles étoient d’une;bien petite valeur. Le canon
& le mortier font non-feulement beaucoup plus
chers, , mais beaucoup plu’s pefans que la balifte
• & la catapulte &: demandent une plus 'grande,
dépenfe’ pour les fondre & pour les voiturer.
, Ajoutez' que , comme l'artillerie moderne a une
, grande fupértorité fur celle des anciens , il eft devenu
beaucoup plus difficile", & par conféquent
| bien plus coûteux, de fortifier une ville de manière ^
i à la mettre en état de foutenir un fiège dèquel-
| ques . femaines. Diverfès. caufes . contribuent à
' rendre aujourd'hui la défenfe de la fociété plus
difpendieufe.
La grande dépenfe pour les armes à feu dans
la guerre moderne donne.un avantage évident à
là nation'qui peut le liiieux y fournir, St par
conféquent à une nation opulente & civilifée ,
fur Uhé nation pauvre & barbare. Anciennement
les nations opulentes & civilifées troüvoienr de
. k difficulté à fe défendre contre les nations pauvres
& barbares. Aujourd’hui celles-ci trouvent
qu'il leur eft difficile de fe défendre contre les
autres. L'invention des armes à feu , qui au premier
coup-d’oe i l , paroît fi pernicieufe , eft certainement
favorable à la Habilité & à l’étendue de
” la civilïfatrom
11 faut appliquer les xeftridions convenables à