
En comparant la population de la Suède à ces
trois differentes époques , le leéteur verra que ce
royaume a répare graduellement les pertes im-
merifes qu'il avoit faites pendant les guerres rui-
neufes & continuelles du règne de Charles XII.
Dans un période de trente ans Je nombre des habitans
s'eft accru de cinq cents cinquante-un mille
trois cents foixante-un î c’e ft-à -d ire , d'un cinquième
de fa population actuelle.
Remarques fur la population delà Suède.
La Suède , e n y comprenant la partie *de la Fin
lande & de la Laponie qui'font de fon domaine,
a une etendue predigieufe. Ses côtes, d'un accès
afles généralement difficile , font embarraffées
d une infinité de rochers & beaucoup de petites
tues, où quelques hommes prefque fauvages vivent
de leur pêche. L'intérieur du pays eft très-mon-
tueux. On y trouve cependant des plaines dont
le fo l, quoique fablonneux, quoique marécageux,
quoique rempli de matières fertugineufes, n’eft
pas ftérile , principalement dans les provinces les
plus méridionales. Au nord de l’empire, le befoin
a appris aux peuples qu'on pouvoit vivre d'un
pain compofé d'é.corce de bouleau , de quelques
racines & d un peu de feigle. Pour fe procurer
une nourriture plus faine & plus agréable , ils
ont tenté d'enfemencer des hauteurs , après en
avoir abattu & brûlé les arbres. Les plus fages
d entre eux ont renoncé à cet ulage , après avoir
obferve que le bois & le gazon ne croiffoient
plus fur un terrein pierreux & maigre , épuifé par
deux ou trois récoltes a fiez abondantes. Des lacs ,
plus ou moins étendus , couvrent de très - grands"
cfpaces. On s’eft habilement fervi de -ces amas
inutiles d'eau , pour établir, avec le fecours de
plufîeurs rivières, de plufîeurs canaux , de plu-
lieurs eclufes , une navigation non interrompue
depuis Stockholm jufqu’à Gothenbourg.
Cette efquifle du phyfîque de la Suide porteroit
à penfer que cette régionIne fut jamais bien peuplée
, quoiqu’on l'ait appelle quelquefois la fabrique
du genre humain. Il eft vaifemblable que
les nombreufes bandes qui en fortoient, & oui
"fous le nom fi redouté de Goths & de Vandales’
ravagèrent , affervirent tant de contrées de l’Europe
, n’étoient que des effaims de Scythes & de
Sarmates, qui s’y rendoient par le nord de l'Afie,
& qui fe pnaflbient, fe remplaçoient fucceflive-
ment. Cependant ce feroit peur être une erreur
de croire que cette vafte contrée ait'toujours été
auflî déferte que. nous la voyons. Selon toutes les
probabilités , elle avoit plus d’habitans il y a trois
fiècles . quoique la religion catholique , qu’on- y
profeflbit alors, autorifat.les cloîtres & preferivit
au clergé le célibat.
Le nombre des habitans feroit plus grand en
■ Satd«, fî elle n’étoit continuellement abandonnée '
Si fouvent fans retour, par un grand nombre de
ceux qui y ont pris naififance. On voit dans tous
les, pays des hommes q u i, par curiofité., par inquiétude
naturelle & fans objet déterminé, paflent
I contrée dans une autre : mais c’eft une maladie
qm attaque feulement quelques individus ,
« ne peut erre regardée comme la caufe générale
a une émigration confiante. Il y a dans tous les
hommes un penchant à’ aimer leur patrie, qui
tient plus à des caufes morales qu’à des principes
phyfiques. Le goût naturel pour'la fociété: des
Iiaifons de fang & d’amitié ; l’habitude du climat
? du langage ; cette prévention qu’on contraéle
lp aifement pour le lieu , les moeurs , le genre de
vie auxquels on eft accoutumé i tous ces liens attachent
un être raifonnable à des contrées où il a
reçu le jour & l’éducation. Il faut des motifs
pumsns, pour lui faire rompre à la fois tant de
noeuds, & préférer une autre terre où tout fera
etranger & nouveau pour lui. En Suide, qù toute
la purffance étoit entre les mains des Etats corn-
pofes des drfferens ordres du royaume , même
celui des payfans , on devoit plus tenir à fon
pays. Cependant on en fortoit beaucoup, & gf
ne ralloit pas s’en étonner.
Les terres e» culture étaient autrefois partagées
en quatre-vingt mille-cinquante - deux hero-
mans ou fermes, qu’il n’étoit pas permis de morceler.
Par une erreur plus groffière encore, les loix
avoient fixe le nombre des perfonnes qui pour-
roienthabrter chacune de ces propriétés. Lorfqu’il
etoit comp e t , père de famille étoit obligé
d expulfer Iur-meme de la maifon fes enfans puînés
, quelque befoin qu’il pût en avoir pour aue-
tnenter h maffe de fes produélions- On 'avoir
elpere d operer par ce réglement le défrichement
de terrems wcultcs & la formation de nouveaux
bemmans. Il eut fallu prévoir que des hommes
ami! opprimes n auroient ni la volonté ni les
moyens de s occuper d’établiffemens, & ou? la
plupart noient chercher dans des contrées étrangetés
une tranquillité dont leur patrie les privoit
& injuftement. C e ne fut qu’en ly r iq u e le gouvernement
ouvrit les yeux. A cette époque on
comprit enfin que le bien public vouloit que’ les
laboureurs n enffent que l’étendue de fo l qu'ils
pourraient exploiter convenablement ; & b diète
les autonfa à divifer leur héritage en autant de
portions qu ils le voudraient. C e no-uv’el ordre
de choies a déjà diminué les émigrations, & doit
amener , avec le teins , l’amélioration de l’agriculture.
La refinance des états, à l’un des objets
propofts par le rot dans la dernière .diète an-
nonçç'qt.ela nati,0 eft lidelle à ces principes &
que I admintftration 'croyoit devoir s’en écarter.
On ne trouve dans-toute la Suide que cent
vingt villes : elles font fur-tout rares dans la partie
feptentrionale & en Finlande. II eft meme de
grandes provinces où l'en n'en ’rencontre pas une
feule, comme le Jemtland & le Herdalen. Cette
difette de villes eft très - préjudiciable ; Ie payfan!
eft fouvent obligé défaire vingt,jufqu'à quarante
milles, par ae très-mauvais chemins, avant qu’il'
puiffe débiter une tonne de bled, ( i )
Que l'on compare l’immenfe paroiflè de Pal-
dama en Finlande , qui a quarante milles géographique
de longueur fur douze de largeur, & où,
dans^quelques contrées , une ferme eft éloignée
de l'autre de fept milles , qu'on la compare,
dis-je , avec la province de Hollande, qui eft à
peine de.moitié aufli grande, & peu fertile par
elle-même , & qui icontient cependant foixante-
treize villes , huit bourgs & quantité de gros
villages , dont une partie furpàfte beaucoup de
villes de Suède , & ©n fera frappé d'une fi énorme
différence.
Nous avons parlé plus haut du nombre des
nobles. La noblefle a des droits & des privilèges
confîdérables. Le roi Eric X IV a le premier
( i j 6 i ) créé des comtes & des barons. Les comtes
avoient autrefois beaucoup plus de prérogatives
qu’ils n’en ont aujourd'hui: elles ne confiftent
prefque plus que dans la différence des orne-
mens; dans lés armes, & dans les titres donnés
par les cours de juftice : ces comtes font appelles
très'illuftres , les barons illuftres , & les autres
gentilshommes au-defius du rang de colonel, nobles
bien nés 5 ce qui eft au moins obfervé par
le confeil de la cour de Stockholm. On choifit
communément parmi les comtes les préfidens de
députation. Il y a aujourd'hui en Suède cinquante-
huit familles de comtes.
Frédéric I renouvella , en 1758, deux anciens
ordres de chevalerie , & en créa un nouveau, Le
principal eft le ruban bleu, ou l'ordre des féra-
phins , fondé par le roi Magnus Smeek (1334).
1 Les chevaliers de cet ordre font en même tems
commandeurs des deux autres. Enfuite vient Je
ruban jaune ou l ’ordre de l’épée, fondé par
Guftave Wafa Le troifième ordre eft le
ruban noir, ou l’ordre de l ’étoile polaire.
Le roi aétuel a établi un quatrième ordre, ap-
pellé ordre de Vafa,
S E G T I O N I V .
Des produtfions & des mines de la Suède.
La Stffafeeft: un pays fortmontneüx. On y trouve
cependant beaucoup de plaines & de campagnes
très-propres à l'agriculture.
Elle offre aufii de très-bons pâturages & des jardins
qui fournifient de beaux fruits. Elle eft plus
riche en naines, qu'en terres labourées. C e dernier
article manque fur - tout dans la Dalécarlis.
La Laponie y eft moins propre encore. La Finlande
feroit a fiez fertile j mais jufqu’ à préfent la
culture y eft trop négligée, & les habitans tirent
de la Livonie, de la Poméranie,. & de.IWilmar,
plus de quatre cents cinquante mille tonneaux de
bled. Lesfuédois froment tous les jours des projets
pour l’encouragement & l’amélioration de l’a-
gricùlture. Si jamais on parvient à les exécuter ,
le pays pourra nourrir quelques millions d’habitans
de plus i mais il fera toujours néceffaire d’établir
des magàfins. En I 7 j t le roi a accordé quarante à
cinquante années de frànchife à ceux qui défricheront
des terres.
La SuideVeâ vu continuellement réduire à tirer
de fes voifins une grande partie de fes fubfiftances,
& quelquefois pour fîx ou fept millions de livres.
Plufieurs caufes ont1 contribué à cette infortune.
On ponvroit placer parmi les plus 'confîdérables ,
la difperfion d’ un petit nombre d’hommes fur un
trop grand espace. L’éloignement où ils font les
uns des autres force chacun d’eux à pourvoir iur-
même , à là plupart de fes befoins , & les a tous
empêché-de fe livrer férieufement à aucune pr»-
feftion , pas même, à l’exploitation des terres.
L’ infuffifanee des récoltes jettoit l’Etat dans <!■ »
allarmes continuelles. Les arrangemens économiques,
imagines de loin en loin pour en fortir r --
pro’duifoient pas l ’effet defiré. On eut enfin’ en
I77t , le courage de remonter à la principale canfe
dudefordre, & la diftiHatioii des grains fut prohibée..
Malheureufement les loix fe trouvèent ira--
puiilantes, contre la paflion qu’àvoient les-peuples
pour cette eau-de-vie, & il fallut en Tempérer
la revente. La condefcendance ne fut pas portée
a la vente jufqu a autorifer les citoyens à préptrer
eux-memes cette boiffon , comme ils avoient été
dans l’ ufage de le faire: le gouvernement s’engr.c-ett
a leur en fournir pour environ trois cents mflle
tonneaux de grains, aulieu .d’un million de tonneau-x
qu on y employoit auparavant. Le rréfor du roi
qui croyoit trouver une reflburce dans cette dif-
tidation, s’ell bien trompé, comme nous le dirons
a la fectron feprtième.
_ Depuis cette epoque, la Suide a attiré, des marches
étrangers, beaucoup moins de grains. Quelques
uns de fes écrivains économiques ont même
prétend» quelle pourrait fe paffer de ce fecours-
h la nation revenoit de fon-égarement. Cette opinion
trouvera peu de parti fans. 11 eft prouvé'
ri apres le vice du fo l, du climat, ou de l'induilri-’
( i ) Le Ichifipfimd p efe trois ceats livres.