
jnrifdiâion que la fienne. io ° . Lui feul crée des
chevaliers de St.*Marc ( i ). 11 °. Sa famille n’eft
point fournife aux loix fomptuaires , &c. Ses revenus
annuels fe montent à douze mille ducats
de Venife 3 dont chacun ne vaut pas tout-à-
fait quatre livres tournois. La moitié de ces revenus
fe confomme dans les quatre fêtes & repas
qu’il eft obligé de donner tous les ans : ainfi fans
fon propre revenu , il ne fauroit vivre d’une manière
analogue à fa dignité^
Mais voici quelques-unes des entraves auxquelles
il eft fournis. Durant fa vie , fes fils ni fes
freres . ne peuvent afpirer aux charges importantes
de la république , ni être envoyés en ambaffa-
d e : il ne lui eft pas permis non plus de demander
pour eux un bénéfice au pape, ni même
d’en accepter un en leur faveur, fi on le lui offre.
: on en excepte toutefois la dignité de cardinal.
Il ne peut époufer la fille ou la foeur d’un
grand perfonnage , fans la permiflion du grand-
confeil. Il ne lui eft pas permis d’abdiquer , mais
on peut le dépofer. Il lui eft défendu de recevoir
des préfens d’un prince étranger- En modèles
d’é tat, il ne peut rien fans le confeil des dix ,
qui veillent de-près à la manière dont il gouverne
, & qui ont le droit de faire desperquifitions
dans fes appartenu ens' les plus fecrets. En général,
fon autorité n’eft pas au fond plus considérable
que celle d’un particulier : on en' excepte le cas
ou il parviendroit à fe rendre l ’arbitre du confeil5
c ’eft alors qu’un doge pourroit avoir beaucoup d ’influence.
Mais il eft bien rare qu’on élite un doge
capable d’exécuter un femblable projet. Après fa
mort , on examine s’il n’a point abufé de fon autorité
} fi en s’occupant de fes propres affaires ,
il n’ a point négligé celles du public *, s’il a vécu
conformément à fa dignité, & c . Quand on découvre
qu’il a porté préjudice aux intérêts de l’Etat
, on foumet fes héritiers à des peines pécuniaires.
Tout cela n’empêche pas que la dignité
de doge ne foit recherchée.
Le jour de l ’Afcenfion, ou fi la mer n’eft pas
calme, l’ un des dimanches fuivans , le doge , ou
bien s’il eft malade, le vice-doge ( qui eft un des
fix confeillers ) fait la vaine cérémonie d’époufer
la mer Adriatique.
Du prégadi.
Le fénat, ou le prégadi 3 ainfi nommé du mot
prégare3 qui fignifie inviter, eft compofé de cer*
tains membres du grahd-confeil /choifîs par celui
- ci. Le prégadi traite les affaires les plus
fecrettes & les plus importantes de l’Etat ; conclut
la paix, fait les alliances, déclare la guerre,
envoie les ambaffadeurs , fait battre monnoie »
impofe les taxes, &Tc. On y compte foixante
membres ordinaires & autant d’extraordinaires ,
auxquels fe joignent encore les neuf procurateurs
de St.-Marc , . le collège , les fix confeillers du
doge, le confeil des dix , les cenfeurs , les juges
de la quarantie criminelle & autres miniftres de
quelques tribunaux fubalternes j en forte que le
fénat forme un corps de trois cens perfonnes.
Du college.
Après le prégadi vient le college, où l’on fait
la leéture de tous les écrits publics adreffés à l’Etat
ou au doge, où l’on donne audience aux ambaffadeurs
étrangers, & où l ’on traite des affaires
de l’adminiftration. Il eft compofé du doge de
fix confeillers , de tîois chefs de la quarantie criminelle
, dés fix fages grands, des cinq fages
de terre-ferme , & des cinq fagesdes ordres , qui
proprement ne font autre chofeque les auditeurs
qui expédient les .affaires de la marine.
La manière dont on y porte les affaires qui
intéreffent les ambaffadeurs & les puiffances, eft
allez fingulière j le miniftre étranger qui a quelque
propofition à faire ù la république , envoie
un fecrétaire à la porte du collège, qui s’affem-
ble tous les matins ; le fante ou l’huiflier fait
ranger tout le monde d’un côté de l’anti-cham-
b r e , 8c fait affeoir le fecrétaire feul de l’autrt
côté ; il reçoit fon mémoire , le porte dans l’af-
femblée , & revient lui dire que le collège prendra
cette affaire en confidération : alors le fecrétaire
fe retire, & quelques jours après, un
fecrétaire du collège va chez l’ambaffadeur, il
lui rend Une réponfe Verbale, que l’on peut feulement
écrire comme fous fa di&ée j mais il ne
Iaiffe rien par écrit pour ne point compromettre
la république.
Il y a eu des occafions particulières où des miniftres
étrangers ont demandé à traiter en per-
fonne avec des commiffaires de la république ;
par exemple, lorfque le roi de France fe porta
pour médiateur entre le pape & la république, le
( 1) il y a à Venife deux ordres de chevalerie, 8c nous n’examinerons pas s’ils font convenables à la nature de fon
gouvernement. .
Le premier ordre' eft celui de St.-Marc. Il a pour marque un collier d’or avec une grande*médaille, pendante fur la
poitrine. On y voir d’un côté ou le nom du doge régnant ou fon image , 8c St.-Marc qui lui préfente un drapeau. Sûr
le revers paroît un lion aîlé, qui dans une patte tient une épée nue 8c de l’autre un livre, ouvert, ou fe lifent quelques-
paroles autour des armes de la république.
L’ordre de Conftaatin a pour marque une croix attachée à un collier d’o r , 8c fon grand-maître réfîde à Briana aflex
près de Venife.
mirv’ftre eut trois conférences avec des fénateurs,
mais ce fut dans le couvent des Servîtes.
II eft arrivé quelquefois qu’ un miniftse étranger
étoit obligé d’écrire à un inquifîteur d’E tat, dans
ee cas , il faifo-it remettre la lettre à leur fecrétaire
, qui avoit foin de protefter qu’il la jetteroit
au feu, & qu’il ne leur en parleroit point j mais
au moyen d’un religieux ou d’unefpion , qui fert
tout-à la fois les ambaffadeurs & les inquifiteurs,
on parvient à favoir la réponfe de ces inquifiteurs.
Du confeil des fages.
Les trois grandes affemblées font préfidées par la
feigneurie , autrement appellée le eonfiglietto,
compofée du doge 8c de fes fix confeillers, qui font
comme les tribuns du peuple , & choifïs dans les
fix quartiers de la ville. Ces confeillers avec le
doge & les trois chefs de la quarantie criminelle ,
délibèrent fur les affaires qui doivent être portées
au grand-confeil, les y propofent, ouvrent les
lettres qui viennent des pays étrangers & qui font
adreffées au doge ou à la république,, reçoivent
les Juppliques , & , de concert avec le doge,
pourvoient à l’exécution de beaucoup d’affaires.
On les change tous les ans. Quand le doge eft
indifpofé , l’un d'eux eft vice-doge j & quand
il eft mort, ils expédient,: jufqu’à ce qu’il foit
remplacé, les ordres aux podeftats, gouverneurs,
capitaine^& autres officiers de la république.
Des procurateurs de St.-Marc.
Les procurateurs de St.-Ma rc, ont in-fpe&ion
fur l’églife de St.-Marc à Venife, fur la bibliothèque
8c fur les archives de la république , fur
toutes les fondations faites en faveur des pauvres
, fur les teftamens , fur les caufes qui regardent
les tutelles, fur la rédemption des captifs
chrétiens. Enfin , ils font chargés de réprimer les .
créanciers trop durs & de quelques autres détails.
Les procurateurs en fonctions, font au nombre
de neuf j leurs charges font à vie j ils jouiffent
de beaucoup de confidération , & c’eft ordinairement
parmi eux qu’ on chorfît le doge. Il y a de
plus des procurateurs de St.-Marc extraordinaires
, & qui ne font que titulaires : car la république
vend volontiers ce titre quand elle a be-
foin d’argent.
Du confeil des dix.
Le confeil des dix eft un tribunal criminel,
compofé de dix nobles, du doge , qui y préfide ,
&- de fes fix confeillers. Il eft chargé de veiller
fur la noblefté. Tous les trois mois, fes trois
chefs • qu’on nomme inquifiteurs d’E ta t, font renouvelles
par la voie de l’élç&ion. On ne peut ,
appel fer de ce confeil à aucun autre tribunal, &
fa levérité eft redoutée à Venife. 11 eft chargé de
maintenir le gouvernement, & fert aux citoyens
: de rempart contre les oppreflîons de la riobleffe.
• Les inrtrumens de fon pouvoir font les trois
grands inquifiteurs d’E ta t , qui font deux confeil-
: Icts du confeil des dix & un confeiller du doge.
: Us ont eu jufqu’à ees dernier^, tems , une autorité
: L illimitée , qu’ ils pouvoient difpofer de la vie du.
doge lui-.même. La détention du digne & re'f-
; peétable Angelo Quirini, qu’ils avoient fait arrê-
î ter , quoiqu'il fut revêtu de la charge d'avogador
ofc de tribun du peuple, occafionna en 17S1 8c
1 7 6 1 3 de grands débats au fujet du confeil'des
dix & des inquifiteurs d’Etat j il étoit queftion-
de limiter leur autorité 5 mais il fut décidé le 16
mars 1762 , qu’on la laifferodt fubfifter, avec eètte
! feule reftri&ion qu’ ils ne pourroient prendre con-
noiffance à l’avenir d’aucune matière civile ni fifi
cale, celles - ci étant réfervées à d’autres magif-
trats 5 qu’ils ne pourroient mettre aucun empêchement
aux^ fonélions des confeils & des collèges,
ni empecher les avogadori dï comrrton 3 d’exercer
leur autorité pour le maintien des loix.
Cette efpèce de fimitatron à l’ autorité des inquifiteurs
, a diminué beaucoup le refpeéb qu’ore
avoit pour ce tribunal : leurs fecrétaïres ont ainfi
perdu beaucoup de leur influence 5 ces emplois
qui étoient confidérables, furent réduits à rien
en 1761 , parce qu’on décida que tous les fecré-
taires des collèges y monterorent à tour de rôle-
On eft encore revenu depuis fur l’autorité des
inquifiteurs d’Etat, & on a mis de nouvelles bornes
à leur autorité.
Le confeil des dix dans le fa it, eft compofé
de dix -fept perfonnes, puifqu’aux dix proprement
dites , ii faut ajouter le doge & fes- fix confeillers
, & que ce tribunal ne peut agir qu’au
nombre de quatorze.
Les rnquifîteurs d’E ta t, pourvu qu’ris forent
d’accord , peuvent en peu d’heures -punir même
de la mort qui bon leur femblè , pourvu toutefois
que les coupables ne foient pas de Tordre des
nobles, fur lefquelles-leur compétence ne s’étend
plus que relativement aux peines moindres que la
mort} car au-delà les nobles né peuvent être jugés
que par le confeil des d ix , à moins que ce
confeil n’en abandonne le procès aux inquifiteurs^
qui doivent toujours, quand il s’agit de mort',
faire juger leur compétence par ce tri b un aL C e
font les derniers arrangemensr
L’autorité des inquifiteurs d’Etat fait frémir ?
mais on dit qu’ils n’en ont jamais abufé, & ils ne
l’exercent guères depuis ail. z long - te ms. ils ont
cependant fait, il y a peu d’années , étrangler dans
les priXons,. & expo fer le lendemain aux- colonnes'