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l'avoient les Romains , & que les Anglais vou*
riroient ravoir , mais ne l’auront jamais > te qu’elle
augmente la population plutôt que de la diminuer.
Tout le monde fait que le roi a une armée
de plus de deux cents mille combattans,
toujours prêts à marcher. La moitié de ces foldats
Font des fils de payfans, des journaliers te d’autres
cultivateurs du pays , qui dans, les mois d'avril
& de mai fe rendent à leurs régimens pour y être
exerces dans les évolutions militaires , te qui
retournent enfuite à. la campagne dans leurs familles
pour labourer la terre. C ’eft cette exceL
lente milice nationale , qui , attachée à la patrie 3
& animée par le nom Pruffien 3 commandée par
des généraux habiles, te par une noblelïe ancienne,
peu riche , mais patriote , a gagné les
fameufes batailles de Rosbach & de Leuthen ,
contre des forces trois fois fupérieures* L ’ autre
moitie.de l’armée efl compofée d’étrangers, qu’ on
engage pour de l ’argent, afin de ménager la population
nationale. Ces foldats étrangers relient
ordinairement dans Jês villes à leurs régimens ,
^ont fois la femaine les fondrions
militaires, & les autres jours ils'cherchent du
travail, qu’ils trouvent aifémenr dans les grandes
villes. On ne. .défend pas aux foldats de fe ma .
rier , on le leur permet aftez généralement , fur-
tout à ceux qui relient dans les villes , te par
ce ben de mariage la plupart des étrangers deviennent
nationaux te refient dans le pays. Tous
fes régimens ont plus de femmes & d’enfans que
de combattans. La gamifon de Berlin, qui eft
de vingt-quatre mille combattans, ; a tant de femmes
& d’enfans, que la totalité monte à foixante
mille têtes , & on peut compter que l’armée
Pruffienne, de deux cents mille combat-
tans , va avec les femmes & les enfans , au moins
à . quatre cents mille têtes. On entretient à Poll-
dam une maifon de «inq mille enfans de foldats
, dont on envoyé une grande partie à la
campagne chez les payfans, après,l’âge de huit
ans , en leur donnant treize écus par an , pour
élever ces enfans , ce qui en fait les meilleurs
ouvriers de la campagne * & enfuite de bons foldats'quand
ils ont la taille néceflaire. M. de Herzt-
berg conclu qu» : *> l’armée Pruffienne, quel-
î j que nombreuse qu elle fo it , n’eft pas di-fpro-'
33 .portionnée à la population de l’État, te qu’elle j
p* augmente plutôt qu’elle ne diminue cette popula-
fr tion. Qu’elle a d’ailleurs une grande utilité pour
53 les Etats Prufliens 5"qu’au lieu d’être placée
33 fur les frontières ou dans une feule province,
■ *> elle eft fi bien diftribuée dans chaque province
33 & dans chaque ville , que l’argent qu’elle fe*
33 çoiï pour fa paye, te qui fait les deux tiers
33 des revenus de l’Etat, rentre dans la circula-
33. tion de chaque province, te m e t, par ce
m moyen , les contribuables en état de payer
33 exaâement leurs charges -, auffi les fujçts Pruf-
33 fiens peuvent-ils les fournir faas peine,& aucune
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33 portion du rèvenu ne fe trouve en arrière.
>3 Après avoir ainfi démontré combien la'grande
iannée Pruffienne eft utile à l'Etat te- à la popu-
33 lation , j’ajouterai encore la réflexion, que
» l ’on taxe à tort le roi d’avoir infpiré aux au-
»3 très fouverains l’idée d’entretenir des aimées
» confiantes te nombreufes. Quand une armée
33 eft compofée te employée comme la nôtre,
« elle n’eft pas à charge , mais plutôt très-utile
v à l’Etat j & de plus elle lui donne toute la fû-
■ 33 reté néceflaire contre les invafions fubites te
» dangereufès de quelque voifin ambitieux. »
On vient de voir par quels moyens Frédéric IL
a fi fort augmenté la population de fes Etats , il
eft bon de dire quelle eft la population actuelle
des Etats Prufliens, te par quelles gradations elle
y ell montée. Il eft difficile de favoir au jufte la
population d’un Etat ; te la monarchie Pruffienne
eft peut-être la feule où l’on puifle prouver la
population d’ une manière exadie , pendant que
d’autres font illufion au public , te fe donnent
des populations prefque doubles , par des tableaux
imaginaires , te qui ne font nullement
■ fondés fur des preuves. Quand un fouverain fait
compter fes fujets, il ne parvient gueres à avoir
! un dénombrement exadf , par la négligence de
ceux qui en font chargés. Or il paroît, par une
; longue expérience , qu’on parvient au dénombre-
; ment le plus jufte d’une nation par les liftes des
[ naiflances , des morts te des mariages, en comptant
qu’il naît ordinairement un homme fur vingt-
- fix hommes exiftans , & qu’ il en meurt un fur
: trente fix. Ç ’eft ce calcul que M. Moheau a adopté
pour la France, en le fondant, par approximation,
fur les liftes de quelques généralités de ce royaume,'
■ mais que M. Sufl’milch a mieux conllaté dans fort
ouvrage par un grand nombre de liftes générales
te particulières des Etats Prufliens. Quand on compare
ce calcul avec les liftes de dénombrement
qu’on a , il fe trouve que le dernier a rencontré
affez-jufte la véritable population des Etats Prul-
liens.-, /
Les anciens Etats de Vrujfe & de Brandebourg
ont eu , en 1-700,. foixante - fix mille naiflances,
quarante-fept mille morts, dix-huit mille mariages..
Les mêmes Etats ont eu , après Tacceffion des
nouvelles provinces de Neufrhâtel, -de Meurs,
de Gueldres , de Tecklenbourg , de Lingen te de
la Poméranie citérieure , l'an 1 7 1 7 , quatre-vfngts-
deux mille naiflances , cinquante - quatre mille
morts , vingt-un,mille mariages.
Les mêmes Etats ont eu avec la Siléfîe te l’Ooft*
Frife,, avant la guerre de fept ans, en 1755 , cent
foixante - cinq mille naiflances, cent vingt-deux
mille morts , trente-fix mille mariages.
Tous les Etats Prufliens ont eu, après la guerre
de^ fept an$ , en 1767 , cent foixante-douze mille
naiflances, cent quarante mille rnorts.* trents-fix
mille nwriages,
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- Les mêmes Etats , avec la Prujj'e occidentale ,
aequife en 1 7 7 3 , ont eu , en 1781 , deux cents
dix-neuf mille naiflances, cent quatre-vingts-huit
mille morts , quarante-quatre mille mariages.
Tous les Etats Prufliens ont eu , en 1783 ,
deux cents huit mille naiflances , cent foixante-
deux mille morts , quarante-cinq mille mariages.
Les mêmes Etats ont eu , en 1784, deux cents
onze mille naiflances, cent cinquante-deux mille
morts, quarante-trois mille mariages.
En prenant pour bafe ces dernières fommes, te
en multipliant le nombre des naiflances par vingt-
fix , & celui des morts par trente-fix, il en réfulte,
paiT’une te l’autre multiplication , la fomme pref-
que égale de la population de cinq millions quatre
cents quatre-vingt-huit mille , ou cinq millions
te demi ; te quand on y. ajoute l’état militaire,
qui n’eft pas compris dans ces liftes, & qui monte
pour le moins à quatre cents mille têtes, on approche
fort près de la fomme de fix millions. Les
dénombremens faits dans les provinces à la même
époque , avec toute l’exaéritude poflîble , par
des perfonnes de l’état civil te militaire, rem-
pliflent entièrement la fomme de fix millions, de
forte qu’on peut la prendre pour la véritable
fomme de la population totale des Etats Prufliens.
Lorfque Frédéric II. monta fur le trône, en
17 40 , la population totale de fes Etats montoit
à deux millions deux cents quarante-deux mille
têtes. Si l'on ÿ ajoute deux millions pour la population
de la Siléfîe , de la Prujfe occidentale &
de l ’O oll-Frife, comme les trois provinces que le
roi a acquifes , te qu’on déduife ces deux millions
de la fomme totale de fix-millions , il en
réfultera pour l’augmentation intérieure de la population
des anciennes provinces le nombre d'un
million fept cents mille, ce qui lait prefque le
double de l’ancienne population j te en y ajoutant
les nouvelles provinces, elle a été' prefque
triplée fous le règne du r o i , ainfl que nous l'avons
déjà dit dans la féétion précédente. On peut
efpérér que cet accroiflement de la monarchie
Pruffienne continuera encore long-tems dans la
même proportion. Il eft poflîble , puifque les
trois mille fix cents milles quarrés d’Allemagne
que la monarchie Pruffienne contient, ont feize
cents foixante-fept habitans fur un mille quarré j
population qui eft déjà fort grande pour un .Etat
médiocrement fertile , & fupérieure à celle de
plufieurs autres royaumes de l'Europe j niais qui
permet cependant une population plus nombreufe:
cette efpérance eft encore augmentée par l’excédent
des naiflances fur les morts, qu’on obferve
dans les liftes annuelles. C e t excédent a été en
p R u jj
j 784 de cinquante - neuf mille naiflances ; & il.
doit naturellement augmenter la population, u
elle n’ eft pas arrêtée par quelque grande mortalité.
Les Etats Prufliens fourniflent un excédent de
naiflances fur les morts , beaucoup fupérieur à
celui de plufieurs autres Etats connus. Par exemp
le , le Danemarck n'a eu en 1784, fur foixante-
fix mille naiflances , qu'un furplus de neuf mille
naiflances fur les morts ; & la France , q u i, félon
le calcul de M. Moheau , doit avoir vingt-
quatre millions d'habitans ; neuf cents vingt-neuf
mille naiflances, & fept cents quatre-vingt-treize
mille morts, n'a eu qu'un excédent de naiflances
de cent trente-fix mille. Or , les Etats Prufliens
ayant eu fur fix millions d'habitans un furplus
de cinquante - neuf mille naiflances, ils ont eu
un excédent de naiflances deux fois plus grand
que. la France , & par conféquent un progrès de
population dans la même proportion.
La monarchie Pruffienne ayant une population
de cinq millions d’hommes fur un terrein de trois,
mille fix cents milles quarrés ; c'eft- à-dire feize
cents foixante - fept têtes fur un mille quarré >
c’eft une population alfez grande pour un pays
médiocrement fertile ; elle n'eft furpaffée que par
celle de la France , de la Hollande, de l'Angleterre
& de la monarchie Autrichienne ; & elle
furpafle en effet celle de tous les autres grands
Etats Européens (1) ; & même quelques provinces
Prufliennes, comme celles, de Halberftadt,
Minden , & c . furpaffent la population de la France
j comparée en total.
M. de Hertzberg fait voir que l’agriculture, en
la prenant en général, doit être , dans les Etats
Prufliens , » bonne & fuffifanre, non-feulement
pour la population préfente 3 mais aufli pour l'exportation
; puifque, depuis 17 40 , il n'y a pas
eu de difette de grains, & qu'on q’a pas été
obligé d'en acheter au-dehors, même dans l’année
calamiteufe. de 17 7Z , où une famine générale
a fait tant de ravages, jufques dans les pays
les plus ferriles, comme la Saxe & le Palatinat ;
que -les Etats Prufliens ont pu au contraire fub-
venir aux befoins de leurs voifins. Dans les années
d'une fèrtilité commune , toute la monarchie
Pruffienne peut exporter environ pour deux
millions d'écus ; & dans les années ftériles Frédéric
II. pouvoir toujours fubvenir & fubvenoit
auffi fans difficulté aux befoins de fes fujets, en
ouvrant fes grands magafins militaires , & en leur
donnant le grain néceflaire , en prêtent ou à un
prix médiocre. D'ailleurs la monarchie Pruffienne
ne peut jamais manquer de b led , parce qu’elle à
( 1) Nous ol.taxerons que la Lomtiardie , la Tofcaïie , l’Etat de Venifc , la Suilfe, font plus peuples, eu fuppofanc
<e dC'Hombrcmeuc des Efats du toi de Prufle parfaitement jailc,