
en Iftriè, en Dalmatie, en Syrie, en Lombardie
& ailleurs, la virent s'accroître, lorfqu’au commencement
du treizième lïècle ils devinrent maîtres
des*ifles les plusconfidérables de T Archipel &
de la Méditerranée, & en particulier du royaume
de Candie. C ’eft-là l'époque du commerce des
Indes , dont ils furent feuls en poffeffion ; ils
tranfportoient a Kent f i les marchandifes de ce
pays , qu'ils alloient charger à Alexandrie & en
Egypte, où elles arrivaient de Suez & de la mer
rouge. C ’eft fous le doge Marius Morôfini que s’eft
introduite la forme d’éledion qu’on fuit encore,
lorfqu’il s’agit de nommer un doge. A la même
époque commencèrent aufii ces guerres, enfantées
par la jaloufîe, entre Kenifi & Gènes, lefquelles fc
terminèrent enfin par une paix en 1381, après avoir
durécent trenteans(i).Durant cesguerres, le doge
Pierre Gradenigo, en 1296, félon le ftyle commun
, régla qu’à l’avenir les nobles feuis pour-
roient occuper des charges dans le grand çonfeil,
& il rendit aiufî le gouvernement ariftocratique.
Dans le quatorzième & quinzième fiècl.es, les vénitiens
étendirent peu-à-peu leur domaine dans
la Lombardie, & $- en 1473 , le dernier roi de
Chypre leur laiffa fon royaume par teftament.
Mais vers la fin du quinzième fiècle leur :puif-
fance déclina, lorfque les Portugais, ayant découvert
le paflage aux Indes orientales, portèrent
des coups mortels à leur commerce. Dans le fiècle
fuivant ils éprouvèrent une crife, par la ligue que
formèrent contre eux le pape , l ’empereur, la
France & l’Efpàgne, &, ils perdirent à cette oc-
cafion les villes qu’ ils pofledoient dans le royaume
de Naples, dans l’Etat de l’églife & dans le Mi-
lanès : les turcs leur enlevèrent auffi le royaume
de Chypre. Dans le dix-feptième fiècle la république
eut d’un c ô té , avec les eccléfiaftiques &
avec les papes , des démêlés qui tournèrent à fon
avantage} & d’un autre côté elle fit aux turcs des
guerres onéreufes, où elle perdit l’ifie de Candie.
En revanche elle acquit une partie de la Dalmatie
& toute la Morée, qui a repaffé dans le cours de
ce fiècle fous la domination des turcs, avec quelques
autres domaines.
On v o it , par ce que nous venons de dire , que
la république de Kenifi fubfifte depuis plus de
treize cens ans, & qu’ elle eft toujours fortie heu-
reufement des guerres terribles .quelle a eu à
foutenir, & de toutes les fituations périlleufes où
elle s’ eft trouvée. Les fondemens de fa pro/péiité
ont toujours été le commerce & la liberté ; mais
depuis que fon commerce a diminué par la décou-
verte du cap de Bonne Efpérancé, & paf la dé-1
fênfe faite à la nobléfle de commercer ; les forcer •
ont fouffert une diminution confidérable'. On verra ‘1
tout-à-l’heure' que l’adminiftratiori a rendu depuis
peu aux nobles la liberté de faire le commerce»
S E C T I O N I I .
Analyfi du gouvernement de Venife; des Içix , des
reglemens & des ufitges qui ont rapport au mai tir-
tien de ce gouvernement.
L’autorité fuprême appartient aux nobles, qert
font au nombre d’environ treize cens , comme
nous le dirons tout-à-l’heure. Chaque noble, dès
qu’il lui naît un enfant , le fait inferire dans un
livre ou’ on nomme le livre d’o r , parce que fans
cela il ne feroit pas reconnu pour noble. Quoiqu'ils
foiènt tous membres du grand-confeil', &
qu’à ce titre ils fe difent tous égaux , l ’illu-ft ration
des diverfes familles y met une différence fenfible,
& les- riches’ ont fur les pauvres l’avantage d’acheter
leurs fuffrages. La claffe la plus diftinguée
comprend les anciennes familles dont les ancêtres
ont élu le’ premier doge, & q u i, pour cela, font
appellées maifons électorales : ce font les Conta-
rini, Morofini, Bodavari, Tiepolr, Michie lî,
Sanudi, Gradenigo;, Memmi, Falieri, Dandolr,
Polani & Barozzi; elles font préférées aux autres,,
quand il s’agit des charges les plus importantes.
Les maifons des Jiuftiniani, Cornaro , Bragadini
& Bembi, frétant guère inférieures à celles-là
quant à l’ancienneté , vont de pair avec elles. On.
y en ajoute même huit autres, qui font prefque
auffi anciennes , & dont les plus connues font
celles des Quirini, Delftni, Soranzi, Zorzi
Marcetti. La fécondé claffe doit fon origine à l ’é?-
poque où le nombre des membres du grand-
confeil fut fixé, c’eft-à dire au te ms ou le doge
Gradehigo régla qu’il feroit toujours à l ’avenir
compofé des mêmes familles qui lé formoient
alors , & qui avoient été ennoblies par lui. Cette
fécondé clafie de lanobleffe fut pour lors infcrjte
dans le livre d’or. Les principales familles font
celles des Mocenigo, Capoli, Fofeari, Grimant,
G r itti, Guffoni, Loredani, Donati. Malipierri.,
N a n i, Pefari, Pifani, Priuli, &c. On, met auffi
dans la même clafie celles qui furent ennoblies
après la guerre avec les Génois, en reconnoif-
fance des fecôurs d’argent dont ils avoient aidé
la république. Il y en a aujourd’hui un grand
nombre d’ éteintes, & , parmi celles qui fubfiftent
encore , les plus connues font lès Trevifani, Ven-
dramini, Renieri, Giufti & Pafqualigo. Enfin la
troifième clafie eft compofée des citoyens qui ont
acheté la noblefle pour cent mille ducats, vénitiens
; on vend ainfî la nûbleffe quand la république
a beforn d’argent. Des rors , des princes
d’allemcgne & de quelques,autres pays,.n’ont pas
10 Nous avojas parlé de ces guerres à l’article G sh e s .,
dédaigné d’accepter le titre de noble vénitien, &
il n’eft permis à aucun, noble vénitien de paffer au
fervice d’un roi ou d’un prince étranger, ou même
d’en recevoir des dignités. Outre les nobles fou-
verains, il y a des nobles fiijets avec le titre de
comtes & de marquis, & dont quelques-uns font
de familles très - anciennes; ils ne font pas confi-:
dérés. On leur impofe des entraves, de peur
qu’ils n’entreprennent quelque chofe au préjudice
de la république. On ne leur 'confère aucune
charge , & quand ils fe trouvent à Kenifi, ils font
obligés de montrer du refpett au moindre noble
comme à leur fupérieur.
Afin d’expliquer nettement la marche de l’ad-
miniftration & la conftitution politique de Ktnifi,
nous allons développer ce qui regarde le doge,
le prégadi, le collège , le confeil des fages, les
inquifiteurs d’ état , le grand-confeil, les quaran-
ties, & c.
D u Doge.i
Le chef de la république eft le doge. Après
les obsèques de fon prédéceffeur , on i’ élit de
la manière- fuivante. Tous les nobles, âgés
dé -plus de trente ans , fe raffemblent au palais
de St.-Marc : on met dans un vafe autant de
boules qu’il y âMe nobles préfens : trente-deux
boules font d o r é e s & toutes les autres font,,
argentées. Chaque noble en tire une à fon tou r , &
les trente nobles qui ont tirées les boules dorées,
fe retirent dans une pièce particulière pour conti- .
•rmer l’éleCtion. Mais afin qu’il n’y ait dans chaque
famille qu’ une feule perfonne qui y concoure
par fon fuffrage, dès qivune boule dorée eft fortie
, tous ceux qui font de la famille de celui qui
l ’a urée , doivent fortir de Taffembiée , & alors j
.on ôte du. vafe autaut de boules blanches qu’il
y a de perfonnes qui viennent de fe retirer. Ces
trente électeurs tirent de nouveau , chacun, une
boule, d’un vafe , où il y en a vingt & une d’argentées
& neuf de dorées. Ceux à qui les dorées
tombent en partage, élifent quarante autres élec
teurs dans d'autres familles : ils ont cependant
le droit de fe nommer eqx - mêmes. Des qua-
• tre premiers, chacun peut en élire, cinq , & des
cinq autres, chacun quatre. Ces nouveaux électeurs
fe rédiiifent de même par la voie du fort
au nombre de douze, qui de nouveau en nomment
vingt-cinq autres, en forte que le premier
en ehoifit trois à lui fe u l, & les onze autres
chacun deux ; ces vingt cinq tirent encore au fort
pour fe réduire, à neuf; de ces neuf-perfonnes
chacun en ehoifit cinq autres , & du nombre
de ces quarante-cinq électeurs , le fort en fé-
pare onze , qui pour la dernière fois en'élifent
quarante-un , de façon que chacun des huit premiers
eh nomme quatre , & chacun des trois autres
, trois. Ces quarante-un électeurs font confirmés
par le grand-confeil, formalité qui s’ob-
fetve à toutes les élevions précédantes, & ils fe
renferment dans un appartement du palais ducal,
où ils reftenc jufqu’à ce qu’ils aient élu un doge
; ce qui fe fait communément dans l’efpace de
fix à huit heures. Les élections qui* précédent
cette dernière , demandent ordinairement deux
jours. Le doge, pour être légitimement élu ,
doit avoir pour lui vingt-cinq voix fur quarante
& une. On n’a point vu de gouvernement où
l’on ait combiné le fort & le ferutin avec tant
de foin , afin d’y prévenir les brigues : il eft bien
impoftible à qui que ce foit d’intriguer avec fuc-
cès, pour obtenir la place de doge. La nomination
des autres charges eft plus où moins compliquée ,
félon l’importance de ces charges : pour celles
de procurateur deSt.-Marc, on prend à-peu-près
les mêmes précautions. Lorfque le doge eft élu,
on le couronne, en lui mettant fur la tête un bonnet
ducal, furmonté d’ un arc ou croiflant, qui
défîgne le pouvoir illimité de la république. Cette
cérémonie a lieu quand il fait fon entrée folem-
nelle dans l’églife de St.-Marc , o ù , au milieu du
grand efcalier, , appelle; l’efcalier des géants : il
eft reçu ici par h féréniÏÏîme feigneurie, qui au
moment où il met le pied fur la dernière marche
de l’efcalier, lui.pofe le bonnet ducal fur la tête.
Ou dit du d o g e , que c’eft un roi quant à
l’habillement Sc à la décoration extérieure, un
fénaceur, quant à la puifiance, un prifonnier dans
la v ille , & un fimpie; particulier dès qu’il en eft
dehors, il ne petit fortir de Kenifi , fans la
permiftion du conféil. Voici aujourd’hui à quoi
fe réduifent fes droits : i ° . la monnoie porte
l’empreinte , non de fa figure , mais de fon
nom. 20. Dans les lettres de créance qu’on
donne aux ambafladeurs de la république , fon
-nom précède tous les autres ; mais il ne peut
ni les ligner ni y mettre fon fceau. 30. Les
relations & les lettres des ambafladeurs de la ré
publique, auffi-bien que les lettres des princes
étrangers , lui font adreffées ; mais il ne peut les
ouvrir qu’en préfence de quelques membres du
confeil. 4°- H eft le chef de tous les eonfeiis ,
comme nous le dirons plus bas, & il a le droit
d’exercer toutes les fondions qui appartiennent
à cette place. Il peut dans toutes les affemblées
même au grand-confeil, faire toutes les propo-
fitions qu’ il juge convenables , fans les avoir communiqué
à perfonne. Dans la ville de Kenifi
il va de pair avec quelque prince fouverain que
ce fo it , & porte le titre de féréniffime. 6°. U
ne fe découvre que devant les princes fouverains
ou ceux du fang royal, ou bien devant les cardinaux.
70. Les lettres qui compofent fon nom,
font gravées fur les médailles & les chaînes d’or
dont on fait préfent aux ambafladeurs étrangers
au moment de leur départ, &c. mais en même rems
on y placé au-deffus de fou nom deux lettres
S. C . , qui fignifie finatus confuUo. S°. Il a la
collation de toutes les prébendes de i’é«life de
St.-Marc. 90. Cette cgii-fe ns corinok d’astre