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foufcriptïôîis avec un bénéfice, ils ne foufcri-
roient jamais ; ce feroit une perte pour eux ,
que d’acheter des annuités fur leur propre tête ;
ils les vendroient toujours à perte, parce qu'e
perfonne.^ne donnera pour une annuité fur la tête
d’une autre à-peu-près de même âge & de même
fanté que lui , le même prix qu’il donneroit pour
une annuité fur fa propre tête. Il eft vrai qu’une
rente viagère fur la tête d’un tiers eft d’ une valeur
égale pour l’acheteur & pour le vendeur >
mais fa valeur réelle commence à diminuer du
moment - qu’elle co u r t, & diminuera toujours
de plus en plus, tant qu’elle fubfifte.ra. Elle rfe
peut donc jamais être un fonds qu’on puifle foire
pafifer d’ une main ctans une autre aufli facilement
qu’ une annuité perpétuelle , dont fa valeur eft,
fuppofée toujours la même, ou à-peu-près la
meme.
En France , le fiège du gouvernement n’eft
pas dans une grande ville commerçante > les
négocians ne font pas une partie aufli coniidé-
rable de ceux qui avancent leurs capitaux au gouvernement
, & , mille caufes relatives au luxe ,
aux moeurs & au gouvernement, déterminent le
goût des capitaliftes pour les placemens viagers.
Par exemple le nombre des gens riches qui
n’aiment pas le mariage, ou qui font d’ une condition
à fie pouvoir fe marier avec avantage, eft
beaucoup plus grand en France qu’én Angleterre.
Rien n’eft pluycommode pour ces fortes de gens,
qui ne fe foucient que peu ou point de leur
poftérité , que d’échanger leur capital pour un
revenu qui dure autant qu’eux.
La dépenfe ordinaire de la plupart des gou-
vernemens modernes , en tems de paix, étant
égale , ou à-peu-près , à leur recette ordinaire,
iî la guerre vien t, ils n’ont ni la volonté ni le
pouvoir d’augmenter leur revenu en proportion
de leur dépenfe. Ils ne le veulent point | par
la crainte de choquer le peuple, qu’ un accroif-
fement foudain & confîdérable. d’impôts dégoû-
teroit bientôt de la guerre; il ne le peuvent pas,
Faute de favoir quels impôts fuffiroient pour
produire le revenu dont ils ont befoin. La facilité
d’emprunter les tire de cet embarras. Avec
des emprunts & une modique augmentation d’impôts,
ou même fans aucune augmentation d’impôts,
ce qui paroîtroit incroyable fi on ne i’avoit pas vu,
ils lèvent tous les ans aflez d’argent pour foire la
guerre} & parla pratique d’alfigner ou hypothéquer
des fonds à perpétuité , il ne leur fout que
le plus petit accroiflement d’impôts,, pour trouver
annuellement les plus grandes fommes d’argent.
Dans les grands empires, les gens qui vivent dans
îa capitale, & dans les provinces éloignées, du
théâtre de la guerre , n’en reffentent prefque pas,
du moins pour la plupart, les inconvéniens, &
ils. jouiftent du plaifir de lire dans les nouvelles
les exploits de leurs flottes & de leurs armées.
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C e t amufement les dédommagé du peu que les
nouveaux impôts leur font payer de plus} ils
font communément fâchés du retour delà paix
qui vient mettre fin à leurs agréables pafie-
-tems, & à mille efpérances chimériques de conquête
& de gloire nationale, qu’ils fondôient
fur la durée de lâ guerre.
Il eft vrai que le retour de la paix les foulage
rarement de la plus, grande partie des impôts
mis.pendant la guerre 5 ils font engagés pour
l’intérêt des dettes qu’elle fa fait contracter. S i ,
outre ce qu’ il, fout pour payer cet intérêt & défrayer
la dépenfe ordinaire du gouvernement,
l'ancien revenu & les nouveaux impôts produi-
fent encore quelques fommes , il femble qu’il doit
en réfulter un fonds d’amortiftement pour le
payement de la dette. M ais, en premier lieu,
ce fonds d’amortiftement, en fùppofant même
qu’il ne fût jamais appliqué e d’autre ufage, eft:
en général infuffifant pour payer la dette contractée
durant la guerre, dans l’efpace de tems
qu’on peut raifonnablement efpérer que continuera
la paix} & en fécond lieu, ce fonds eft
prefque toujours appliqué à quelqu’autre ufage.)
Les nouvelles taxes ont été impofées uniquement
pour payer l’intérêt de l’argent emprunté:
fur elles ; fi elles produifent davantage, c’eft
pour l ’ordinaire un furplus qu’on n’avoit pas en
vue , auquel on ne s’attendoit point, & par con-.
féquent un excédent qui n’eft: guères confidérable.
C e qui a donné naififance aux fonds d’amortiflè-
ment, n’eft pas tant le furplus dû produit des
impôts, quand on a défalqué le paiement de l’intérêt
de la dette , que la réduction qui s’eft faite
enfuite de cet intérêt. Celui de Hollande, en
U»5J, & celui de l’Etat,eccléfiaftique, en 1685»
ont été formés de cette manière. De-là l ’infiifr
fifance ordinaire de pareils, fonds.
Dans la plus profonde paix , il arrive des évè-
nemens qui exigent une dépenfe extraordinaire ,
& le gouvernement trouve plus commode pour
lui d’y fubvenir en divertiflant le fonds d’amor-
tififement, qu’en établiïfant un nouvel impôt, qui
eft toujours plus ou moins fenfib'e au peuple
qui occafionne toujours quelque murmure , &
rencontre quelque oppofîtion. Plus les impôts
ont été multipliés, plus on a forcé les droits fur
les divers objets , plus le peuple crie contre ceux
qu’on établit de nouveau, & plus 'il eft difficile
aufli de trouver de nouvelles taxes, ou le moyen
de foire monter plus haut les anciennes. Le peuple
ne fent pas immédiatement une fufpenfion
momentanée du payement de la dette ; elle n’oc-
cafîonne ni murmure ni plainte. Prendre le fonds
d’amortiflement eft un expédient fimple & facile
pour fe tirer d’affaire dans le moment : plus les
dettes publiques ont été accumulées , plus îi
eft dangereux & ruineux de détourner aucune
partie du fonds d’amortiffement $ & moins il y
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a d’apparence qu’il fe fofte aucune rédu&ion con- ,
fidérable de la dette publique , plus il y a de certitude
qu’on divertira ce même fonds pour l’employer
aux dépenfes extraordinaires qui furvien-
dront pendant 1a paix. Lorfqu’une nation eft déjà
furchargée d’impôts , rien ne peut engager le
peuple à en fupporter patiemment de nouveaux,
fi ce n’eft les befoins d’une nouvelle guerre ,
j’animofité de la vengeance nationale , ou le, foin
de fa propre fûreté : dedà vient la mauvaife application
du fonds d’amortifiement.
Depuis que l’Angleterre a eu recours à l’expédient
ruineux des fonds perpétuels, la réduction
de la dette en tems de paix, n’a jamais eu
la moindre proportion avec fon accumulation en
tems de guerre. C e fut dans la guerre commencée
en 1688 , & terminée par le traité de Rif-
\yich en 1697 , que furent jeités les fondemens
de l’énorme dette qu’a contra&ée la Grande-
Bretagne.
Le 31 décembre 1697 , les dettes publiques de
la Grande-Bretagne, hypothéquées ou non fur des
fonds, fe montoient à vingt-un millions cinq
cents quinze mille fept cents quarante liv. treize f.
huit deniers & un tiers de denier ft. Une grande
partie de ces dettes avoit été faite fur de courtes
anticipations , & d’autres fur des annuités à vie 5
de forte qu’avant le 31 décembre 170 1 , on acquitta
la Comme de cinq millions cent vingt-un
mille deux cents quarante-une liv. douze fols >
deux deniers & un quart ; il n’y a jamais eu
depuis une fi grande rédu&ion de la dette en fi
peu de tems. La dette reliante fe montoit donc
feulement 'à feize millions trois cents quatrevingt-
quatorze mille fept cents une liv. un fols fept d.
& un quart.
Dans la guerre de 1702 , terminée par le traité
d’Utre cht, les dettes publiques s’accumulèrent 1
encore davantage. Au 31 décembre 1714 , elles
montoient à cinquante-trois millions fix cents quatre
vingt, un mille foixante-feize 1. cinq fols fix d.
un douzième. La converfion des longues & courtes
annuités en fonds de la mer du fud augmenta
le capital des dettes publiques, de manière qu’au
31 décembre 17 2 2 , il montoit à einquante:cinq jj
millions deux cents quatrevingt-deux mille neuf!
cents foixante dix-fruit liv. un fols trois deniers
& demi. La réduction de la dette .commença
en 172 3 , & fe fit fi lentement qu’au 31 décembre
1739 , au bout de dix-fept ans d’une paix
profonde , la fomme acquittée ne fut que de huit
millions trôis cents vingt-huit mille trois cents
cinquante-quatre liv. dix-fept fols onze deniers
un douzième , le capital de la dette reliante étant
de quarante-fix millions neuf cent« cinquante-
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quatre mille fix cents vingt-treis. liv. trois fols
quatre deniers fept douzièmes.
Là guerre d’Efpagne commencée en 17 3 ? , &
la guerre de France qûi fuivit bientôt après,
groffirent encore la dette , q u i, au 31 décembre
174B j après la guerre terminée par le traité d 'Aix-
la-Chapelle, fe montoit à foixante-dix-huit millions
deux cents quatre vingt-treize mille trois cents
treize 1. un fou .dix den. un quart. Une pro-
fonde^ paix de dix-fept ans n'en avoit pas an-
neanti plus de huit millions trois cents vingt-
huit mille trois cents cinquante-quatre liv. dix-
fept f. onze dèn. un douzième ; une guerre de
moins de neuf ans y, ajouta trente-un millions
trois cents trente-huit mille fix cents quatre-vingt-
neuf 1. dix-huit f. lïx den. & demi ( ij .
Sous l’adminiftration de M . Pelham , l'intérêt
de la dette publique fut'réduit, ou du moins
on prit des mçfures pour le réduire dequatre à
trois pour cen.t; le fonds d’amortifTement s'accrut
& une partie de la dette fut acquittée. En
*75 5, avant que la derniere guerre éclatât, la
dette hypothéquée de la Grande-Bretagne fe montoit
à foixante-douze millions deux cents quatre-
vingt-neuf mille fix cents foixante-treize I. ft. Au
S de janvier 1763 , elle fe montoit à cent vingt-
deux miilions fix cents trois mille trois cents
trente-fix 1. huit f. deux den. un quart. La dette
non hypothéquée avoit été arrêtée à treize miilions
neuf cents vingt-fept mille cinq cents quatre
vingt neuf 1. deux f. deux den.;. mais la dé-
penfe occafionnée par la guerre ne finit pas avec
la paix . de forte que le y janvier 176+, la
dette fondée ou hypothéquée fut augmentée (tant
par un nouvel emprunt, que par le fonds af-
figné à une partie delà dette non hypothéquée)
jufqu'à la fomme de cènt vingt-neuf millions cinq
cents quatre-vingt-fix mille fept cents quatre-vingt-
neuf 1. dix f. un den. un quart ; il reftpit encore,
félon l'auteur très r bien informé des confidéra-
fions fur le commerce & les finances delà Grande-
Bretagne , une dette non hypothéquée de neuf
millions neuf cents foixante-quinze mille cent dix-
fept 1. deux f. quinze quarante - quatrièmes. En
1764 , la dette publique hypothéquée & non hypothéquée
fe montoit donc, fuivant cet auteur,
à cent trente-neuf millions cinq cents feize mille
huit-cents feptliy.^ deux f.quatre dèn. D'un autre
coté , les annuités à vie accordées comme primes
aux fouferipteurs des. nouveaux emprunts ,
Çn )7 S7 , eftimées au denier fept , furent évaluées
à quatre cents foixante-douze mille cinq cents 1.
les annuités à longues années accordées dé
même comme primes, en r y é i & 1762 ^ eftimées
au dénier trois & demi, furent évaluées à
( 1 ) Vo y ez Pkiftoire du revenu public d ’A n g lete rre , pat Jae*]ués Posfletwaite.