dépofée dans le tréfor public , 8c l'autre placée à
intérêt dans ce qu'on appelle les fonds publics
de différentes nations endettées de l'Europe fur-
tout dans ceux de la France 8c de la Grande-
Bretagne. Je ne prétends pas dire à quoi fe monte
la dépenfe totale que l'églife de Berne ou de tout
autre canton proteftant coûte à l'Etat j mais
il paroît par un compte exaéf , qu'en 1 7 ƒ ƒ tout
le revenu du clergé de l’églife d'Ecoffe , y compris
la rente des glèbes ou terres de l'églife 8c
celle de leurs maifons 8c habitations évaluée à un
taux raifonnable , n'alloit pas au-delà de foixante-
huit mille cinq cents quatorze liv. un f. cinq d.
& demi ft. C e modique revenu fournit une fub-
fiftance honnête à neuf cents quarante-quatre mi-
niftres. On ne peut guère fuppofer que toute
la dépenfe de l'églife 3 en y comprenant ce qu'il
en coûte accidentellement pour bâtir 8c réparer
les temples 8c les presbytères 3 paffe quatre-vingt
©u quatre-vingt-cinq mille liv. if. par an. Cette
églife d'Ecoffe , qui eft fi pauvre, maintient cependant
l'uniformité de la f o i , la ferveur de la
dévotion , l'efprit d’ordre 8c de la régularité 3
& la févérité des moeurs dans le grand corps
du peuple 3 auflî - bien que peut le faire l'églife
la plus opulente de la chrétienté. Elle produit
aufli complètement que toute- autre les bons
effets civils 8c religieux qu'on peut attendre d'une
églife dominante. La plupart des églifes p r o f itantes
de la Suiffe produifent ces effets encore
mieux , quoiqu'elles foient encore plus pauvres.
Vous n'y trouverez pas un citoyen qui né
faffe profeflion'du proteftantifme. Il eft vrai que
s'il fe déclare d'une autre religion que celle.de
l’Etat j les loix l’obligent à fortir du canton j
mais l'exécution d'une loi fi.rigoureufe 3 ou plutôt
fi oppreflive, eût été impoffible dans des pays
aufli libres , fi le zèle du clergé n'avoit converti
auparavant à l’églife'établie tout le corps du peuple
, à l'exception peut-être de quelques individus.
Aufli dans, quelques parties de la Suiffe,
où la converfion n'a pas été figénérale, à caufe
de l'union qui fe trouvoit par hafard -entre des
cantons catholiques 8c des cantons pro'teftans, les
deux religions font-elles non-feulement tolérées 3
mais établies par les loix.
Pour qu'un emploi foit bien éxercé, il femble que
le falaire ou la récompenfe de celui qui en eft
revêtu d,oit être proportionné, autant qu'il fe
p eu t, à la nature du fervice qu'il fait. Si ce fer-
vice eft mal payé , il fouffrira , félon toute apparence
, de la baffeffe & de l'incapacité de ceux
qui en feront chargés. S'il eft trop payé, il fouffrira
peut-être encore plus de leur négligence &
de leqr pareffe. Quelle que foit la prpfeflion d’un
homme qui/jouit d’un gros revenu , il croit être
en droit de vivre comme les autres perfonnes
opulentes , & de perdre une grande partie de
fon tems en fêtes, en vanités & en diflîpaùons.
Mais dans uft eccléfîaftique ce train de vie ne
confomme pas feulement le tems qu'il „devroit
mettre à fes fondions il détruit prefque entièrement
aux yeux du peuple cette fainteté de
caractère qui feule peut donner du poids & de
l’autorité à fon miniftère.
COLO N IE S . Nous avons placé à la lettre Ç
un article affez long fur les colonies, mais nous
croyons devoir ajouter par forme de fupplément,
des obfervations importantes tirées de M. Smith.
Nous traiterons d'abord des caufes de l’établif-
fement des nouvelles colonies, 20. des caufes
de la profpérité des nouvelles colonies.
S e c t i o n p r e m i e r e.
Des caufes de V‘établi[fement des nouvelles
colonies.
L'intérêt qui occafionna le premier établifîe-
ment des colonies européennes, dans le continent
8c aux ifles d’Amérique 3 n'étoit ni auflî
fenfible , ni aufli diftinét que celui qui dirigeoit
l'établiffement de l’ancienne Grèce 8c de Rome.
Le territoire de chacun des états de la Grèce
étoit très-borné , 8c lorfque la population fe mul-
tiplioit au-delà du . nombre que le fol pouvait
nourrir lui-même , on reléguoit une partie
des habitans dans quelque pays éloigné :
des voifîns guerriers environnoient de tous côtés
ces états, dont la métropole ne pouvoit guère
s'étendre. Les colonies des Doriens fe portèrent
fur-tout dans l'Italie 8c la Sicile , où il n'y avoit,
avant la fondation de Rome 3 que des nations
qui n’étoient point civilifées. Celles des Ioniens
& des Eoliens, deux autres grandes peuplades
de la Grèce , allèrent fe fixer dans l'Afie mineure
dans les ifles de la mer E g é e , dont les habitans
paroiffent avoir été alors à^-peu-près auflî
barbares que l'étoient les naturels de l’Italie 8c
de la Sicile. Quoique la métropole confidérât
fa colonie comme ' un enfant qui avoit droit à f*
faveur 8c à fes fecours, & qui lui devoit beaucoup
de reconnoiffance 8c de re fp ed , elle la
regàrdoit cependant comme un enfant émancipé
fur lequel elle ne réclamoit aucune autorité ni
jurifdiélipn direéte. La colonie forrfîoit elle-même
fon gouvernement, fe donnoit des loix, choi-
fîfloit fes magiftrats, 8c faifoit la paix ou la guerre
avec fes voinns, comme un Etat indépendant qui
n'a pas befoin d’attendre l'approbation ou le consentement
de la métropole. Rien de plus firnple
& de plus clair que l'intérêt qui préfidoit à ces
fortes d’établiflemens.
Rome,ainfi que la plupart des autres républiques
anciennes, fut fondée originairement fur
une, loi agraire , qui divifoit le territoire public
dans une certaine proportion entre les diftérens
. , citoyens
citoyens qui compofoient l’Etat. Le cours que
prirent les affaires du monde par les mariages,
les fucceflions, les aliénations, dérangea nécef-
fairement ce partage , 8c mit fouvent dans' les
mains d’une feule«perfonne les terres qui avôient
été dpnnées pour la fubfiftance de plufîeurs familles.
Pour remédier à ce défordre, car on fuppo-
foit que c'en étoit u n , on fit une loi qui bor-
noit la quantité des terres que chaque citoyen
devoit pofféder , à cinq cents jugera. j ou environ*
trois cents cinquante acres d’Angleterre. Mais
fi cette loi fut exécutée dans une ou deux pccà-
fions , elle fut en général négligée ou éludée,
8c l’inégalité des fortunes prit un accroiffement
continuel. La plupart des citoyens n'avoient point
de terres, & fans terres il étoit difficile qu'avec
les moeurs 8cles coutumes de ce tems-là, un homme
libre confervât fon indépendance. Aujourd’hui ,
fi un homme pauvre n'a pas un pouce de terre,
mais un petit capital, il peut affermer les terres
d'un autre, ou faire un commerce de;détail5 8c
s'il n'a point de capital il peut trouver de l'emploi
, foit comme ouvrier travaillant à la terre,
foit comme artifan. Mais chez les anciens Romains
, les terres des riches étoient toutes cultivées.
par des efclaves travaillant fous un infpec-
teur qui étoit efclave. lui-même > de manière qu’un
homme libre & pauvre avoit peu de reffource pour
gagner fa vie comme Fermier ou garçon laboureur.
Tous les métiers & toutes les manufaélures , & le
commerce en détail même , étoient aufli entre les
mains des efclaves qui les exerçoient pour le bénéfice
de leurs maîtres, & ceux-ci étoient trop
puiffans 8c trop accrédités, pour qu’un homme
libre 8c pauvre pût foutenir aifément là concurrence
avec eux. C'eft pourquoi les-citoyens fans
terres n’avpient guère d’autre moyen de fubfifter,
que les gratifications descandidatsauxéle&ionsqui
fe faifoient tous les ans. Quand lès tribuns voûtaient
animer le peuple contre les riches 8c les
grands, ils lui rappélloient l’ancien partage des
terres, -8c lui repréfentoient la loi qui reftrei-
gnoit cette forte de propriété comme la loi fondamentale
de la république. Le peuple crioit pour
obtenir des terres, & on penfe bien que les riches
m les grands ne voûtaient pas céder les leurs.
Aufli propofèrent-ils fouvent, pour contenter
en quelque manière le peuple qui fe mutinoit,
d ’én détacher une partie pour former ailleurs
line nouvelle colonie. Rome conquérante n’étoit
pas forcée dans ces occafions , d’envoyer tous
citoyens chercher fortune, pour-ainfî-dire , 8c
courir le monde à l’aventure , fans fa'vqir où
ils fe fixeroient. Communément elle leur aflignoit
des terres dans les provinces conquifes de l'Italie j
ils demeuroient fous la domination de la république
, & ils ne pouvoient jamais former un
Etat indépendant 5 ils ne faifoient tout au plus
qu une efpèce de corporation toujours fujette à
la correélion , à la jurifdiétion & a l'autorité lé-
(BScon. polie. 6* diplomatique, Tome IV ,
giflative de la métropole: En établi{Tant des colo-\
nies de cette nature, non-feulementfelle donnoit
quelque fatisfaélion au peuple, mais. e^e.m.ettoit
encore une garnifon dans une. province 'nouvellç-,
ment conquife, 8c la contenoit aïnfi dans l'obéif-
fance. Soit que nous envifagions la nature ou les.
motifs de l’établiffement, une colonie romaine
étoit donc fort différente ,d’unc colonie grecque.
Aufli les mots qui le désignent dans les*‘deux langues
, ont-ils des lignifications bien différentes-. Le
mot -latin ( Colonia ) fignifie fîmplemënt.une plan-,
tatibn ; lé mot grec ( Âttoikicc) fignifie ,,'.au contraire,
une feparation de demeure j il marque qu'on
abandonne un pays, 8c qu'on quitte la maifon.
Mais quoique les colonies romaines fuffent, à bien
des égards, très-peu reffemblantes. à celles des
Grecs ,. l'intérêt qui porta Rome a les fonder
n'eft pas moins firnple.'8c moins clair. Les deux
inftitutions tiro.ient leur origine ou d’une néceflité
irréfiftible , ou d’ une utilité manifeftè.
L'établiffement des colonies européennes en
Amérique & 'dans les Indes orientales ne fut
point l’ouvrage de la néceflité j 8c quoiqu'il en
ait réfulté une grande utilité, elle li'eft ni auflî
claire ni auflî évidente. On ne l'avoic point en
vue dans l'origine 5 elle ne fut pas plus le motif
des premières"colonies, que celui des découvertes
qui les ont occàfionnées j 8c la nature , l’étendue
& les bornes de cette utilité , ne font peut-
être pas encore bien connues aujourd’hui.
Les Vénitiens faifoient dans les quatorzième &
quinzième fiècles un commerce foit avantageux
d’épiceries 8c autres marchandifes de l’ Inde , qu'ils
diftribupient à toutes les nations - de l'Europe.
Ils les achetoient en Egypte , où regnoient les
M'ammelus , ennemis des Turc s , dont les Vénitiens
étoient aufli les antagoniftesj 8c cet intérêt
commun , foutenu par l'argent de Venifè , forma
une fi grande liaifon entr'eux , que les fujets de
cette république eurent prefque 4e monopole de
ce commerce.
f e grands profits qu'ils y faifoient tentèrent
1 avidité des-Portugais. Ces derniers s'étoient efforcés
^ pendant le quatorzième fîècle5 de trouver
pat mer 'une route qui conduisît aux pays d'où
les Maures leur apportoient de l’ivoire 8e de
là poudre d’or à travers le défert. Ils découvrirent
les ifles de Madère , des'Canaries . des Aco-
res j du Cap Verd 3 la cote de Guinée/ celle
de C o n g o , d’Angola, de Loango , & enfin le
7 a/P j, onne-Efpérance. Ils. avoient long-tems
dente d avoir part au trafic lucratif des Vénitiens,
8e après cette dernière découverte ils eurent
lefpérance d’y parvenir. En 1 4 9 7 , Vafco, de
trama, ht voile de Lisbonne avec quatre vaiffeaux,
& après^ une navigation d’onze mois , il arriva
fur la cote de l’Indollan, 8e acheva ainfi une
fuite de decouvertes pou fiées avec une grande
D d d d d
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