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Frédéric II. a. fait pour fa gloire Sc celle de la
monarchie , il faudroit examiner jufqu’où il a
travaillé pour le bonheur de fes fujets, & fi ce
grand prince fut toujours jufte j jufqu’à quel point
fon gouvernement militaire a nui à fes fujets , Sc
quelles effroyables calamités Tmvafion de là Silélîe
a attiré fur eux ; mais nous ne nous permettrons
pas ici c$tte difcujfion : Sc nous flairons cette
feétion par Tétât fuivant.
De V indu fr ie & des fabriques du roi de Prujfe,
en 17 8/.
Marchandifes. Fabricant. Métiers.
Valeur en
rixdalers.
Toile . . . . . . 80,000
|- 00
0
9,000,000
Draps 8c lainerie. 58,000 18,000 8,000,000
Soierie. . . . . . 6,000 4,100. ■ 3,000,000
Indiennes-. . . . 7Îooô J ^36oo 1,200^000
Cuirs . . . . . .
F e r , acier, cui-
4,000 2,060,000
vre j, 8cc. . .
Tab a c, 140,000
quintaux étoient
. 3,000 i',ooo,coo
du cm du pays. 2,000 2,000,000
Sucre. . . . . . . .
Porcelaine 8c
1,000 : „ 2,0C 0,000
faïence............... '700 200,000
P a p ie r ............... 800 - 200,600
Savon Sc fu if.. .
300 400.000
Verre , glaces . .
200.000
Or manufa&uré,
dentelles, bro-
derie, 8cc. . .
Garanqe de la Siléfie.
| ...............
;1,000 ■ 400.000
300.000
H u i l e ................. 600 30O,0QP(
Ambre jaune . . 6co . 50,000
Total. . . 16y, 0001 30, 250,000
S E C T I O N V I ,
Des rapports politiques de la Prujfe.
Les diverfes provinces qui compofent la monarchie
Prufîienne, ne forment qu'une chaîne
de pays , tantôt contigus, Sc tantôt féparés. Il
n’y a point de royaume en Europe qui foit auflî
lbng 5 mais la largeur du territoire PrufTien ne
répond pas à fa longueur. Elle n’eft conlidérable
que du-côté de la Siléfie} le relie forme une
efpece de langue de terre , qui traverfe environ
la moitié de l’Europe. Si Ton confidere la fitua-
tion locale de cet E ta t , on verra ce qu’il fau-
droit au roi de Prujfe pour joindre fes provinces ,
8c fe procurer une communication non interrompue
de l’une à l’autre. g
Cette vâfte longueur de pays a bien des in-
^pnvéniefts, 8c elle multiplie trop les-voifitis du
p r u
roi de Prujfe. On en compte jufqu'à quarante ;
grands 8c petits , avec lefquels il faut avoir mille
négociations pour les limites, ou pour d'autres
objets.
La Prujfe eft une monarchie qui marche
à grands pas vers le période de fa grandeur >
elle doit avoir des jaloux Sc des envieux. Il faut
une circonfpeétion infinie pour imprimer la crainte
aux uns, infpirer la confiance aux autres, gagner
l’amitié des principaux Etats , 8c paroître formidable
à tous. La maifon de Brandebourg a déjà
fait valoir plufieurs de fes anciennes prétentions ;
elle en a encore , .Sc elle voit dans un certain
éloignement de brillante« perfpçétives. Sa grande
politique doit être de faim* toutes les occafions
juftes & légitimes qui fe préfenteront, pour obtenir
les Etats qu’elle peut revendiquer.
Les conquêtes brillantes de Frédéric II. ont fixé
fur la Prujfe les regards Sc l’ attention de toute
l’Europe. Le roi de Prujfe eft donc obligé d’entretenir
une armée très-confidérable } aufti compte-
t-on environ deux cent mille hommes effectifs, que
ce monarque a' fur pied } mais pour lès faire agir
efficacement & promptement, pour qu’ils puiflent
voler au fecours de tant de 'provinces éloignées
il faut une caiffe proportionnée , 8c capable de
donner de l’a&ivité à un aufti grand corps d’armée j
Sc c’eft-là le but du tréfor que les rois de Prujfe
accumul-ent par leurs épargnes.
Le fécond objet de la politique Pruffienne M
( objet aufti important, Sc peut-être plus que
le premier ) eft.de faire fleurir chaque province
en fparticulier par l’agriculture , Je commerce ,
la navigation & Tinduftrie. Ceci demande le calme
de la paix, & une bonne intelligence avec les
autres puiffanees de l'Europe, Sc fur-tout avec
les Etats voifins. Le cabinet de Berlin cherche
à „conclure des traités de commerce avantageux ,
à obtenir les privilèges 8c les prérogatives qui
ont été àccerdés par d'autres nations aux Pruf-
fîens, ou à en ftipuler de n o u v e a u x Sc Frédéric
II« a donné fur cet objet un grand exemple
aux autres nations , dans fon traité avec les '
Etats-Unis. Voye% l’article Etats-Unis.
Quant aux mefures politiques qui conviennent
à la Prujfe, à l'égard de chaque puiffance. de
l’Europe en particulier , voici quelques obfer- :
varions.
Le Portugal eft fi éloigné de la Prujfe , leur
commerce réciproque eft fi peu important, Sc
“ces deux puiffanees peuvent iï peu s’aider ou fe
nuire , qu’il n’y a prefqu’aucune relation entre
elles, 8c qu’on n’a point d’exemple qu’elles le
l'oient envoyées des miniftres. Les correfpondances
réciproques ne confiftent qu’en çompiimens ,.en
, notifications de cérémonie , 8cc.
L ’Efpagne- n’a pas non plus beaucoup de rap-r
ports
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ports avec la Prujfe. Cependant, il y a eu au*
trefois des liaifons entre ces puiffanees, 8c dans
là fuite du tems il pourroit y en avoir de con-
fidérables. Le grand Electeur, pour fe faire rendre
juftice fur quelques prétentions qu’il avoit à la
charge de TEfpagne , fit armer ur.e efeadre prit
un vaifTeau Efpagnol richement chargé , & l’emmena
dans un de fes ports fur la Baltique. Mais
fans parler des prétentions qui occafionnèrent cet
a61e de vigueur , ni des millions que mylord
Stanhope 3 pendant fon ambaffade à Madrid ,
fut chargé de redemander à la cour d’Efpagne
au nom de la Prujfe, il femble que TEfpagne
& la Prujfe pourroient faire un commerce ré
ciproque, très-avantageux. L’Efpagne ne fau-
roit fe paffer des toiles de la Siléfie , 8c il lui
faut des étamines , des petites étoffes de laine
8c de filofelle , des b ois , des futailles, de la
verrerie, 8c mille chofes que fournit le Brande
bourg. Les fujets du roi de Prujfe ont befoin de
laines d’Efpagne pour les draps fins qui fe fabriquent
à Berlin, ainfi que de vins , d’huiles , de
fruits , 8c de quelques autres productions de TEfpagne.
Pourquoi nes*eft-il pas établi entre ces puif-
fances un commerce réciproque qui fût direCt,
8c fans l’ intervention des Anglois 8c des Hollan-
dois ? Il peut fe former d’autres relations politiques
entre TF.fpagne 8c la Prujfe , par l’interet
que Tune 8c l’autre prennent au fyftême général
de l’Europe. C ’eft ainfi que nous les avons vu
alliées en 1741 , contre la maifon d’Autriche }
mais Tune agiffoiten Italie, 8c l’autre en Bohême.
De pareilles occafioos peuvent revenir.
La France eft, de toutes les puiffanees , celle
avec laquelle la Prujfe a le plus de liaifons. Si
on examine bien le fyftême de tous les princes
8c Etats de T Europe, on verra qu’ il n’y en a
point qui puiffe prendre moins d’ombrage de
î ’agrandiffement de la maifon de Brandebourg ,
que la France. IntérefFée à maintenir dans l’empire
une puiffance qui contrebalance l’autorité de
la maifon d’Autriche , 8c n’en trouvant point
d’autre que la Prujfe , elle doit concourir à augmenter
les forces de la monarchie Truffienne ,
jufqu'à ce que ,cet équilibre foit obtenu- AuftTi
avons-nous vu la France 8c la Prujfe étroitement
alliées , lors de la guerre qui éclata pour la fuc-
ceffion de l’empereur Charles V I , jufqu’à la paix
de Drefde. Les liens qui uniffent aujourd’hui
l ’empereur 8c le roi de France , loin d'être une
raifon pour la cour de Berlin de ménager peu
celle de Verfailles , doivent au contraire i’enga
,ger à rechercher' de plus en plus l ’amitié de la
France , 8c à la cultiver. 11 eft bon , du refte
que ces deux puiffanees ne foient pas voifines ,
car il paroît que l’amitié de la France cefferoit
d’être auffi vive , dès que la Prufe polféderoit
quelque province limitrophe des fiennes Mais il
peut réfu'ter de la rivalité entre ces deux puif-
QEcon. polit. & diplomatique. Tom% IV .
fances, pour des branches de commerce , 8c fur-
tout pour certaines manufactures de fo ie , qui
font tous les jours de grands progrès dans le
Brandebourg. Ainfi la Prujfe a toutes fortes de
raifons de ménager la France , d'en faire fon principal
a llié , 8c de cultiver fon amitié.
Autrefois la cour de Berlin regardort T Angleterre
comme fon alliée naturelle. C e fyftême
changea lorfque la maifon de Brandebourg fit i’ac-
quifition de la Siléfie. L'Angleterre étoit amie de
la maifon d’Autriche , 8c^ elle T étoit trop par
principe pour pouvoir l’être fincèiement de la
Prujfe, dans les'tems où les cours de Vienne
8c de Berlin fe trouvoient brouillées. On dira
peut être que c'eft l’ Angleterre cependant qui a
fait les traités de Breflau 8c de Dretde , par lef-
, quels la Siléfie a été affurée au roi de Prujfe ;
mais je réponds , qu'il ne faut point êtte la dupe
de certaines démarches involontaires , auxquelles
les circoriftances forcent les fouverains, ni prendre
pour fervice amical une o'pération intéreftfée.
, Il étoit d’une néceffité abfôlue, pour l’Angleterre,
de débarraffer alors la reine de Hongrie d’un
ennemi victorieux, tel que le roi de Prujfe, afin
qu’elle pût agir ailleurs félon les vues de la
Grande-Bretagne. Or la paix ne pouvoit fe faire
que par la ceflion de la Siléfie ; le roi d ’Angleterre
engagea la cour de Vienne à faire ce facri-
fice , 5c à céder aux circonftances, en attendant
une occafîon plus favorable pour regagner ce que
Ton venoit de perdre. L'Angleterre avoit alors la
politique, bien ou mal fondée, de foutenir dans
le continent la puiffance de la maifon d’Autriche
, pour s’en fervir au befoin 5 la Prujfe eft
intéreffée que cette maifon ne devienne pas plus
formidable} 8c la France, rivale naturelle de l’ Angleterre
, devenoit l ’alliée naturelle de la Prujfe.
Mais depuis le traité d'alliance, qu'ont figné les
cours de Vienne 8c de Verfailles} depuis que les
Anglois ont enfin reconnu qu’il eft peu de leur
intérêt -de fe mêler dçs affaires du continent,
cette révolution a changé les maximes politiques ;
8c tant que cette alliance fubfiftera , la P>ujfe
pourroit compter davantage fur l’ Angleterre , fi
le cabinet de S.-James vouloit fe mêler de fes
affaires autrement que par des négociations ou
par des menaces j 8c la France n'ayant pas le
defir de s'aggrandir , ayant befoin de repos , elle
relie , malgré fon alliance avec la maifqiv d’A u triche
, la nation qui peut le plus contribuer aux
vues 8c aux intérêts bien entendus de la Prujfe.
D'ailleurs le gouvernement d’Angleterre ne voit
pas avec plaifir, que la Prujfe étende fon commerce
Sc fa navigation , foit par fes ports fur la
Baltique , foit par Embdeïï Sc Greetficl fur la
mer du Nord. Durant la guerre de 17 56, Jes
armateurs Anglois ont fait des in fuites marquées
au pavillon Pruffien ^ 8c il n a pas été poffiuls