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derrière elle les pays fertiles de la Pologne , de la
Bohême & de la Saxe , qui ne peuvent rien exporter
par mer que par les Etats Pruffiens, où ils
trouvent, au moyen de TElbe , de l'Oder & de la
Viftule , une exportation aifée & lucrative. On
pouffe aufli l'agriculture dans les Etats Pruffiens
avec tant d'induftrie & de zèle , tant de la part
des habitans & du fouverain , qu'elle augmente
d'une année à l'autre , de forte qu'elle ne manquera
jamais à la monarchie Pruflienne-j qu'elle
fera toujours fuffifante à fes habitait!» , & fera
même fouvent l'objet d’un commerce confidé-
rable. Les villes de Konisberg , de Memel, d'El-
bing, de Dantzig & de Stettin exportent, année
commune, plus d'un million de boifleaux de grains
de toute efpèce.»
» L'induftrie nationale eft la fécondé bafe
de la valeur & de la puiflance d’un Etat ,
& M. de Hertzberg dit que la monarchie Pruf-
fienne en jouit dans un degré éminent, & peut-
être immédiatement après la France, l'Angleterre
& la' Hollande , ces puifîances qui 3 depuis deux
lîècles, ont eu le monopole prefqu’exclufif des
manufactures, du commerce & de la navigation 3
pendant que les Pruffiens n’y ont pris quelque
part que depuis la fin du dernier fiècle & le commencement
du préfent.
» Nous avons, dit-il, prefque toutes les fabriques
& manufactures imaginables 3 tant pour les
objets de première néceflité que pour les commodités
de la vie & du luxe. Les unes ont acquis
un grand degré de' perfection, comme celles de
draps, de toiles, de porcelaine & autres j la plupart
font médiocres & parviendront peu-à-peu à la
perfection , fi l’on continue à leur donner l’atten
tion, les fecours & les foutiens que le gouvernement
Pruflien leur a véritablement prodigués jufqu’ i c i ,
jte fur-tout quand on y ajoutera les encourage-
me-ns & les moyens de l’émulation, abfolument
néceflaires pour la perfection des fabriques & des
manufactures. Nos fabriques en pourvoient exclu-
fivement tous les Etats Pruffiens, & avec une
concurrence aflez heureufe , fur - tout pour les
draps , les laineries & les toiles 3 la Pologne 3
la Ruflie , l'Allemagne, l'Italie 3 & fur-tout ï'Ef-
pagne & l'Amérique. Pour en donner une conviction
plus forte & plus claire, j'ajouterai ici un
tableau abrégé des principales fabriques & manufactures
qui exiftent dans la monarchie Pruflienne,
de leur produit & du nombre des métiers & des
perfonnes qui y font employées. »
On voit , par ce tableau, qu'il y avoir en
1784 dans les Etats Pruffiens cent foixante-cinq
mille perfonnes occupées aux.diverfes fabriques &
métiers y & que le produit a été de trente millions
deux cents cinquante mille ëcus de Truffe. Oh n'a
cependant mis en ligne de compte que les principales
fabriques > mais, il y en a de plus une
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multitude d'autres de moindre importance 3 q u i,
réunies 3 forment encore un objet de plufieurs
millions.
La monarchie Pruflienne, continue de M . Hertzberg
3 eft un des pays de l'Europe, ou du moins du
Nord , qui eft le plus avantageufement fitué pour
le commerce & la navigation. Elle a une côte maritime
de quatre-vingts milles d’Allemagne, en
Poméranie & en Truffe, le long de la mer Baltique.
Le fouverain de la Truffe eft maître des
embouchures de trois grandes rivières qui fe jettent
dans la Baltique } favoir, de l’O d e r , de la
Viftule, du Pregel & du Memel, outre Un grand
nombre d'autres plus petites rivières navigables
ou flottables. Il poflede le long'de cette côte maritime
les ports de Stettin , de Colberg, de Dantzig
, de Pillau & de Memel, qui font tous , ou
qui peuvent aifément être rendus très-bons pour
une marine commerçante & militaire , outre ceux
de Camin , de Trep tow * de Rugenwalde , de
Stolpe. La grande rivière de . l'Oder traverfe en
long les principales provinces Pruflîennes , la Poméranie
, la Marche* & la Siléfie dans une étendue
de quatre-vingts milles d'Allemagne , depuis
la Baltique jufqu'en Moravie. Cette grande rivière
communique avec la Havel & I3 Sprée, &
par de bons canaux avec l'Elbe > & de l'autre côté
avec la Viftule par la Varthe , la Netze , la Braa
& le canal de Netze. Par ce moyen le corps des
Etats Pruffiens, fitué èhtre l’Elbe & la Viftu le,
eft tellement combiné pour la navigation, qu’ il
peut exporter par l'O d e r , par la Viftule , par le
Pregel & par le Memel dans la Baltique, non-
feulement toutes les productions des Etats Pruffiens
, mais aufli celles de la Pologne & de la
Lithuanie , qui font un objet peut-être de dix ou
douze millions d'écus par an. 11 peut également
exporter par l'Elbe , & par les villes de Mag-
debourg & de Hambourg les principales productions
de la Saxe & de la Bohême. Ces pays,
très-fertiles en eux-mêmes, ne peuvent faire aucun
commerce maritime ni aucune exportation
'de mer que par la monarchie Pruflienne. Ils peuvent
s’en occuper avec un grand avantage pour eux-
mêmes & pour la Truffe, & le fouverain de ce
royaume peut tirer de cette fituation le plus grand
parti, pour approprie!à fon Etat le s • prihcipales
branches du commerce du Nord , en favorifant
celui des voifins , & fur-tout le commerce de la
Pologne , fur lequel il y a le plus à gagner , parce
qu'il confifte prefque tout en matières brutes &
en objets de première néceflité, tels que les grains,
les bois & les toiles groflières, dont les nations
du Sud ne peuvent fe pafîer. Je ne dirai rien ici
des grandes rivières du W e fe r , du Rhin & de
l'Ems, que le roi ne poflede qu’en partie , dont
il tire un grand profit pour fes revenus , mais
qui n'appartiennent pas au corps de la monarchie
Pruflienne, parce qu'ils paflent par des pays qui
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font détachés de ce corps , & n’influent pas immé--
diatement fur le grand commerce de la monarchie
Pruflienne ,.fi ce n’eft par la communication que
la rivière d’Ems & le port d'Embden peuvent
entretenir avec la Baltique. »
m Je crois que ce que je viens d'expofer fuffit
popr prouver que la monarchie Pruflienne a non-
feulement déjà une bonne agriculture, une grande
induftrie nationale , un commerce de terre & de
mer avantageux, .& une navigation étendue 5 mais
qu'elle peut aufli pouffer tous ces objets beaucoup
plus lo in , & à un degré de perfection plus
grand. Si l’on veut fe donner la peine de récapituler
& d’examiner les tableaux, les calculs & les
données que je n'ai fait qu'indiquer, on comprendra
fans peine que la monarchie Pruflienne
doit avoir une balance de commerce non-feulement
favorable , mais encore afîiirée , parce que
toutes fes productions naturelles & artificielles,
ainfi que fon exportation , font prefque toutes
des objets de première néceflité , & dont les
nations du fud ne . peuvent fe pafler, comme les
grains, les bois , les toileries & les laineries. Il
ne convient pas , il ne feroit pas même facile de
déterminer au jufte le produit net de la balance du
commerce Pruflien ; mais on peut juger aifément
qu’èlle doit exifter d'une manière aufli avanta-
geufe que décidée , quand on confidère que le roi
a foutenu quatre guerres longues & coûteufes qui
avoient prefque abîmé fon pays, mais qu’il a rétabli
fur un pied plus floriflant qu'avant ces guerres,
& qu'il a pu deux fois amafler le tréfor le plus
considérable qu'aucun fouverain ait jamais pofîe-
dé , fans que le numéraire & la circulation aient
diminué dans le pays j l'argent y abonde plutôt
, puifque les intérêts font tombes de fix & cinq
à quatre pour cent, & que le prix des terres a
haufle extraordinairement. »
, » S'il eft donc vrai , s'il eft prouvé par les ob-
fervations précédentes, que la monarchie Pruf-
fienne a une population aflez grande, proportionnellement
à fon territoire 5 qu'elle a une lionne
agriculture & une grande induftrie ÿ qu'elle a une
balance de commerce favorable & aflurée j fi elle
eft habitée par une nation indultrieufe & guerr
e , qui fe diftingue par un caractère national,
& chez qui l ’on ne voit que des fortunes
médiocres , mais mieux diftribuées pour le bien
de 1 Etat que dans la plupart des autres royaumes j
fi elle eft ^défendue par une grande armée nationale
, fi bien difeiplinée, & fi taCticienne , qu'elle
a la réputation d'être la première de l’Europe ?
elle peut briller dans la clafle des premières puif-
fances, & prendre une part décidée à la confer-
vation de 1 équilibré de l’Allemagne & de l’Europe.
Elle doit le faire en toute occafion, félon
les réglés & les principes d’une politique , grande
, fage , jufte & généreufe , toujours préférable
aux appâts trompeurs d’unê politique ambitieufe
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& intéreflee, mais féduCtrice dans le fond. Elle
peut le faire d’une manière avantageufe & décifive
avec les grands avantages de fa population, de
fon commerce , de fon gouvernement civil &
militaire, & fur-tout parla pofition locale entre
les trois grandes puiflances continentales de l'E urope
, aux extrémités du grand empire Germanique
» lequel, par fa fituation & par la fotme fédérative
de fon gouvernement, eft véritablement
créé & placé par la nature au centre de l’Europe »
pour féparer les grandes nations rivales, pour empêcher
leurs chocs immédiats & le bouleverfe-
ment de l'équilibre géiiéral de l’Europe. Tout ob-
fervateur intelligent & impartial ne doutera plus ,
après ce que je viens d'expofer, qu'il n'exifte un
équilibre particulier en Allemagne , qui fixe en
même-tems celui du Sud & du Nord j qu'une
puiflance médiocre, mais qui a pour .elle les avantages
du gouvernement & du lo ca l, eft plus in-
téreffee & plus propre à conferver l ’équilibre général
& nécefîaire en Europe , que de grandes
puifîances, qui ont ordinairement plus de prétentions
& plus de confiance en leurs forces qu’il
ne convient à leurs propres intérêts & à ceux, des
autres nations. »
Nous ne difeuterons pas ici les dernières remarques
de M . le comte de Hertzberg j nous* nous
contenterons de rapporter un paflâge de fa dernière
diflertation , où il fe juftifie d'avoir publié
les reflources & le régime de la Truffe.
» On reconnoît de plus en p lus, d it-il, que
la grande politique ne confifte pas dans le myftère,
dont les gouvernemens fe couvroient jadis } mais
que ceux qui agiflent à découvert, avec publicité
& franchise, gagnent beaucoup plus la confiance
des fujets & des voifins. Voilà , puifqu'il faut
juftifier quelquefois les allions les plus innocentes
, les véritables & feules raifons qui m'ont engagé
à publier ces mémoires. Mon but eft de faire
voir à d'autres fouverains & à la poftérité ,
par des exemples aufli rares qu'inftruôtifs , ce
qu'un bon prince peut & doit faire pour procurer
& pour aflurer à fa nation toute la profpérité
dont elle eft fufceptible. Mon fécond & principal
but eft de faire connoître aux patriotes & à tous
ceux qui s'y intéreflent, par quels moyens Frédéric
II. eft parvenu à donner à fon E ta t, aufli médiocre
en étendue que pour la qualité du terroir,
un degré de puiflance, qui le met de niveau avec
les premières monarchies de l’Europe, à lui aflurer
une confiftance permanente , aufli long-tems
qu'on obfervera les mêmes règles de gouvernemens
, & à lui faire jouer ce rôle brillant, quoique
dangereux & difficile, qu’ il eft obligé de fou-
tenir dans la pofition de la monarchie Pruflienne >
pour fa propre confervation , & pour celle de
l'équilibre de l'Allemagne & de l'Europe.
Après avoir développé avec plaifir ce que