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La dernière conjecture paroîtra la plus vraî-
femblable à ceux qui auront , une jufte idée des
maîtres du pays. Plus généralement encore que
les autres Efpagnols Américains, ils vivent dans
line oifiveté dont rien ne les fait fortir, dans
des débauches qu’aucun motif ne peut interrompre.
Ces moeurs font plus particulièrement
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les moeurs des hommes que la naiflance > les
emplois ou la fortune ont fixés dans la ville de
Quito y capitale de la province , & très-agréablement
bâtie fur le penchant de la célèbre montagne
de Pichincha. Voyez l’article Espagne , &
les articles des divers établiflemens Efpagnols en
Amérique.
R A G
R a g u s e , petite république d’Europe, dans
la Dalmatîe.
• C ’eft l’unique pays libre qui exifte , de Venife
au Kamfchatka. Il a dix-huit lieues de long, dix
de large , quatre-vingt-dix de furface. La capitale
contient huit mille âmes , & l’Etat entier cin-
quante-fix mille. En 1779 i l Y avoit fur les re-
giftres de l’amirauté de Ragufe cent foixante-
deux vaifleaux de dix â quarante canons , &
yingt neuf fur les chantiers. Point d’impôts fur
le fol j liberté entière de commerce & de circulation.
Une garde de cent foixante foldats &
une milice réglée, compofent tout l’état militaire
de la république.
Son gouvernement eft formé fur le modèle de
celui de Venife. Ainfiil eft entre les mains de là
noblefle, qui cependant eft fort diminuée. Le
chef de la république s’appelle reéteur, & il
change tous les mois , foit par la voie du fcriî-
t in , ou de deux manières différentes par le fort.
Montefquieu dit à cette occafion : le chef de
la république de Ragufe change tous les mois ,
[ les autres officiers toutes les femaines, le gouverneur
du château tous les jours. Ceci ne peut
avoir lieu que dans une petite république, environnée
de puiffances formidables , qui corrom-
proient aifément de petits magiftrats.
■ Durant fon adminiftration , le re&eur demeure
au palais , & porte la robe ducale , c’eft-à-dire
un long habit de foie à larges manches. Ses
appointemens font de cinq ducats par mois >
mais s’il eft un des pregadi, qui jugent des affaires
en appel, il reçoit un ducat par jour } après
lui vient le confeil des d ix , i l conjiglio de i dieci.
L e grand-confeil eft compofé de tous les gentilshommes
qui ont au-delà de vingt ans, & qui
choififîent les foixante - neuf qui compofent le
confeil du pregadi. Ces pregadi ont le département
des affaires de guerre & de paix 5 ils dif-
pofent de toutes les charges , reçoivent & en-
voyent des ambafladeurs. Leur emploi dure une
année. Le petit confeil, qui eft' compofé de
trente gentilshommes , eft chargé de la police ,,
du commerce } il adminiftre les revenus publics ,
& juge dans les affaires d’appel qui font de moin
dre importance. Cinq provifeurs confirment à la
pluralité des voix les opérations de ceux qui gou
vernent. Dans les affaires civiles , & fur • tout
dans celles qui regardent les dettes, fix féna-
leurs ou confuls, jugent en première inftance :
on en appelle au collège des trente| 8c de celui-ci
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encore dans quelques cas au confeil. Il y a un
juge particulier pour les affaires criminelles. Trois
perfonnes préfident au commerce de la laine.
Cinq confeillers de fanté préfervent la ville des
maladies contagieufes. Quatre autres ont le département
des péages, de la douane, de la mon*
noie , &c. On dit que la république a eu autrefois
environ une tonne d’or de revenu. Comme
elle n’eft pas aflez puifîante pour fe défendre elle-
même , elle s’ eft mife fous la prote&ion de plu-
fîeurs puiflances , & principalement fous celle de
l’empereur Turc. On n’eft pas d’accord fur la
quotité du tribut qu’elle lui paye j Bufching l’é*
value, y compris les frais de l’ambaffade députée
tous les trois ans , à vingt mille fequins.
Ses relations avec les Turcs remontent à Orcan,
fécond Sultan des T u r c s , en '13 30. Raguf e obtint
de lui le privilège de commercer librement dans
fes Etats avec des exemptions fpéciales, moyennant
une redevance annuelle. Elle a toujours
vécu avec les Turcs dans la meilleure intelligence
i fon pavillon eft refpeété par les Barba-
refques^ > feule des puiflances Européennes, elle
jouit d’un logement libre à Conftantinople.
Le gouvernement de Ragufe eft ariftocratique.
Si l ’on obferve la délicatefle de fa pofition entre
les Ottomans , la maifon d’ Autriche & les Vénitiens
, & l’indépendance qu’elle a fu conferver,
on aura une bonne preuve de l’extrême fagefle
de cette république.
Quelques divifions, promptement appaifées ,
s’élevèrent en 1763 entre deux partis, nommés
les Salamanquois & les Sorboniftes. Les premiers
, à l’arrivée des Rufles dans l’Archipel,
étoient difpofés à entrer avec eux en • négociation
; mais ce projet ne prévalut point. Les
Rufles voulurent forcer les Ragufàins à recevoir
leurs vaifleaux de ligne 5 & , fuivant l’ufage, ils
prirent tous les vaifleaux de la république qui fe
trouvèrent fur leur paflage , bloquèrent le port,
| & menacèrent de bombarder la ville. La répu-
. blique foutint fon refus avec fermeté, & fe
• prépara à une opiniâtre réfiftance.
! C e démêlé ayant amené une négociation , le
comte Ragni, député de Ragufe , fut envoyé à
Pétersbourg, & renvoyé de Pétersbourg au comte
d’Orlow , alors à Pife. Pour préliminaires , ce
dernier demanda une églife Grecque à Ragufe.
Ragni répondit : » J’ai ordre de ne pas écouter
» une pareille propofition. Sa majefté impériale
» peut bombarder Ragufe ; mais jufqu’à fa def