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aucun rems énervé leur valeur. Endurcis par les
frimats du nord, par les fatigues, d’une vie errante,
- fans ceffe fous les armes , fans cefl'e dans les combats
3 ces peuples n’ ont jamais difcontinué d’être
belliqueux. Une inquiétude ardente & fauvage les
a toujours dégoûtés de leurs dçferts pauvres 8c
incultes. L’ambition a continuellement tourné
leurs regards avides vers les contrées de T A fie renommées
pour leur opulence. Des nations amollies
par les arts & par le climat, n’ont pu foutenir
les attaques de ces hommes agreftes & féroces.
L ’habitude de faire la guerre fans foide & fans
magafins, a pouffé leur paffion pour le pillage au-
delà de tous les excès. Hors d’état d’affermir leurs
conquêtes par des loix juftes 8c une police exaébe,
ils ont par-tout fondé leur puiffance fur la terreur
Se la deftruétion,
C ’eft pour arrêter les irruptions'que ces brigands
faifoient à la Chine , que fut élevée , environ
trois fiècles avant l’ ère chrétienne, cette fa-
meufe muraille qui s’étend, depuis le fleuve Jaune
jufqu’à la mer deKamfchatka, qui eft terraflee partout
& flanquée par intervalles de groffes tours ,
fuivant l’ancienne méthode de fortifier les places.
Un pareil monument prouve qu’il y avo:t alors
dans l’empire une prodigieufe population : mais il
doit qiufl» fairepréfumerqu’on y manquoitd’énergie I
& de fçience militaire. Si les chinois avoient eu
du courage , ils auroient eux-mêmes attaqué des
hordes errantes, ou les^. Liraient contenues par des
armées bien djfciplinées; s’ils avoient fu la guerre
ils auroient compris que des lignes de cinq cens
lieues ne pouvoiént pas être gardées par tou t, 8c
qu’il fuffifoit qu’elles fuflent percées à un feul endroit
, pour que Iç refte des fortifications devint
inutile.
Auflî les incurfions des tartares continuèrent-
elles jufqu’au treizième fiècle. A cette époque,
l’empire fut conquis par ces barbares , que com-
mandoit Gengiskan. C e fçeptre étranger ne fut
brifé que lorfqu’au bout de quatre-vingt-neuf ans,
il fe trouva dans les mains d’un prinçç indolent,
livré aux fçmmçs, efçlave de fes miniftres.
Les tartares, chafles de leur conquête , n’établirent
point dan^ leur pays les loix 8c la police de
la Chinç. En repafiant la grande muraille ils tombèrent
dans la barbarie , 8c vécurent dans leurs
déferts , aufti grofliers qu’ils en étoient fortis. Ce-,
pendant , joints au petit nombre de ceux qui
avoient continué leur vie errante, ils formèrent
plusieurs hordes qui fé peuplèrent dans le filence,
8c q u i, avec le tems , fe fondirent dans celle des
Mantchoux- Leur réunion leur infpira le projet
«fenvahir de nouveau la Chine , qui étoit en
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proie à toutes les horreurs dès dlfifentions domef*
tiqües.
Les mécontens étoient alors fi multipliés, qu’ils
formoient jufqu’à. huit corps d’armée , fous autant
de chefs. Dans cette confufion , les tartares,
qui depuis long-tems ravageoient les provinces
■ feptentrionales de l’empire, s’emparèrent de la capitale
en 1644, & bientôt après de l’Etat entier.
Cette invafion fembla mbins fubjuguer la Chine,
que l’augmenter d’ une portion confidérable de la
Tartarie. Bientôt après , elle s’agrandit encore par
la foumiflion des tartares Mogols, célèbres pour
avoir fondé la-plupart des trônes de l’A fie , celui
de l’Indoftan en particulier.
Le plateau de la grande Tartarie paroît avoir
été le berceau de cés peuples tranfplantés qu’on
appelle tartares , 8c dont nous avons parlé à l’article
C r i m é e , R u s s i e , & O t t o m a n . Il fe-
roit difficile de donner des notions bien précifes
fur leur gouvernement & furjeur adminiftration*
8c nous nous bornerons à ajouter ici quelques
détails tirés de Montefquieu : on pourra conteftec
I’exaélitude de ces remarques, mais on eft bien
tenté de croire à la jufteffe de ces apperçus du
génie.
Quand les peuples du nord de l’Afie 8c ceux du
nord de l’Europe ont conquis,'les effets de la conquête
n’étoient pas les mêmes. Les peuples du
nord de l’Europe l’ont conquile en hommes libres $
les peuples du nord de l’Afie l ’ont conquile en
efclaves, & n’ont vaincu que pour un maître.
La raifon en e ft, que le peuple tartare, conquérant
naturel de l’A fîe , eft devenu efclave lui-
inême. I! conquiert fans ceffe dans le midi de
l’Afie , il forme des empires ; mais la partie de la
nation qui reftè dans le pays , fe trouve foumife à
un grand maître , q u i, defpotique dans le midi,
veut encore l’être dans le nord ; 8c avec un pouvoir
arbitraire fur les fujets conquis , le prétend
encore fur les fujets conquérans. Cela fe voit bien
aujourd’hui dans ce vafte pays, qu’on appellera
Tartarie chinoife", que l’empereur gouverne pref-
que auffi defpotiquement que la Chine même , &
qu’il étend tous les jours par fes conquêtes.
On peut voir encore dans l’hiftoire de la Chine,
que les empereurs ( t ) ont envoyé des colonies
chinoifes dans la Tartarie. Ces chinois font devenu
« tartares, & mortels ennemis de la Chine;
mais cela n’empêche pas qu’ ils n’aient porté dans
la Tartarie l’efprit du gouvernement chinois.
Souvent une partie de la nation tartare qui a
cono,uis, eft chaffée elle-même ; & elle rapporte
dans
f i ) Comme Yen-pi , cinquième empereur de la cinquième tlynafiie;
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dans fes déferts un efprit de fervitude qu’ elle a
acquis dans le climat de I’efclavage. L’ hiftoire de
la Chine nous en fournit de grands exemples , &
notre hiftoire ancienne auffi ( 1 ).
C ’ eft ce qui a fait que le génie de la nation tartare
ou gétique, a toujours été femblable à celui
des empires de l’Afie. Les peuples dans ceux - ei
font gouvernés par le bâton ; les peuples tartares
par les longs fouets. L’efprit de l ’Europe a toujours
été contraire à ces moeurs ; & dans tous les
tems, ce que les peuples d’Afie ont appelle
punition^ les peuples d’Europe l ’ont appellé outrage
(2 ) .
Les tartares détruifant l’Empire- grec , établirent
dans les pays conquis la fervitude & le defpotifme :
lesgoths., conquérant l’empire romain, fondèrent
par-tout la monarchie & la liberté.
Les arabes 8c les tartares font des peuples paf-
teurs. Les arabes font libres-; au lieu que les tartares
( peuple le plus fingulier de la terre) fe trouvent
dans l’efclavage politique (3 ). J’ai déjà ( 4 )
donnés quelques raifons de ce dernier fait : en
voici de nouvelles.
Ils n’ont point de villes , ils n’ont point de forê
ts , ils ont peu de marais ;. leurs rivières font
prefque toujours glacées, ils habitent une im-
menfe plaine, ils ont des pâturages 8c des troupeaux
, 8c par conféquent des biens: mais ils
n’ont aucune efpèce de retraite ni de défenfe.
Si - tôt qu’un kan eft vaincu , on lui coupe la
tête ( y ) ; on traite de la même manière fes enfans ,
8c tous fes fujets appartiennent au vainqueur. On
ne les condamne pas à un efclavage civil ; ils
ferôient à charge à une nation fimple , qui n’ a
point de terres à cultiver, & n’ a befoin d’aucun
fer vice domeftique. Ils augmentent donc la nation.
Mais au lieu de l’efclavage c iv il, on conçoit,que
l ’efclavage. politique a du s’introduire.
En effet, dans un pays-où les diverfes hordes
fe font continuellement la guerre & fe conquiè- •
rent fans ceffe les unes les autres y dans un pays
où , par la mort du ch e f, le corps politique de
chaque horde vaincue eft toujours détruit, la nation
en général ne peut guère être libre : car il n’y
en a pas une feule partie qui ne doive avoir été un
très grand nombre de fois fubjuguée.
Les tartares paroiffent entre eux doux & hu-<
mains ; 8c ils font des conquérans très-cruels : ils
paflentau fil de l’épée les habitans des villes qu’ils
prennent ; ils croient leur faire grâce lorfqu’ ils les
vendent ou les diftribuent à leurs foldats. Ils ont-
détruit l’Afîe depuis les Indes jufqu’ à la méditer-
ranée ; tout le pays qui forme l’orient de la Perfe
en eft refté défert.
Voici ce qui me paroît avoir produit un pareil
droit des gens. Ces peuples n avoient point de villes
; toutes leurs guerres fe faifoient avec promptitude
8c avec impétuofîté. Quand ils efpéroient
de vaincre, ils combattoient ; ils augmentoient
l’armée des plus fo r ts , quand ils ne l’efpéroient
pas. Avec de pareilles coutumes, ils trouvoient
qu’ il étoit contre leur droit des gens, qu’une ville
qui ne pouvoit leur réfifter les arrêtât. Us ne regardaient
pas les villés comme une affemblée
d’habitans, mais comme des lieux propres à fe
fouftraire à leur puiffance. Ils n’avoient aucun art
pour les affiéger, 8c ils s’expofoient beaucoup
en les aflîègeant : ils vengeoient par le fang tout
celui qu’ils venoient de répandre.
T E C K L E N B O U R G , comté fouverain d’Allemagne
qui appartient aujourd’hui au roi de Pruffel
Ses bornes font au nôrd 8c à l’eft, l ’évêché d’Of-
nabruck ; au füd & à Touêft, celui de Munfter't*
fon étendue eft d’environ cinq milles de longueur
fur deux & demi de largeur.
Sol.
Son fol eft fertile : il offre des champs propre*
à toutes fortes de grains, de pâturages; on y trouve
beaucoup de bétail , de bois; & c . Ôn y fabrique
d’ailleurs une quantité confidérable de toiles.
Régime -eccléftaftique.
Le comte Conrad y avoit introduit le Iuthéra-
nifme dès le commencement de la . réformation ;
mais Arnould.de Bentheim , 8c Tecklenbourg fon
pêtit^fils , né de fa fille , y fubftitua lé calvinifme,
auquel tout le pays eft encore attaché.
Précis de l*hiftoire politique.
Le Tecklenbourg, autrefois bien plus confidérable
qu’il ne.l’eft aujourd’h u i, comprenoit, outre
la feigneurie de Lingen, les feigneurie , bajila®e
8c château de Cloppenburg, la petite ville de
( 1 ) Les fcyches conquirent trois fois l ’Afie , & en furent trois fois chattes. Juftirt. l i v . II.
(2.) C e c i iï’ eft' point contraire à 'c e que je dirai au liv. XXVIII , chap. X X , fur la manière de penfer des peuples germains
r ut le b âton : .quelque inftrument que ce fû t , ils regardèrent toujours comme un affron t, le p ouvoir ou î ’ad io n arbitraire
’L battre. , |
( j ) Lorfqu’on proclame un k a n , tout le peuple s’ écrie : Que fa. 'parole lu i fe rv e de g laive,
(4) Liv. XVII. ch. V.
( j ) Ainû il ne fau t pas être étonné û M id v é is , s’ étant tendu maître d’Ifpahan , fit tuer tous les princes du fang,
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