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Si nous obfervons ce qui s’ eft pratiqué dans les
différentes minorités , depuis le commencement
de la monarchie, nous ne trouverons dans les faits
que des contradictions perpétuelles.
Je vois bien que les fils de Clovis s’emparoient
des .Etats de leurs neveux mineurs ; je vois bien
auffi que Gontran devint le régent d’Auftrafie
pendant la minorité de Childebert fon neveu ,
celui du royaume de Soiffons, pendant la minorité
de Clotaire I I , fon autre neveu.
Mais je vois auflî que 3 fous la minorité de
Childebert, Wandelin.avoitétë régent d’Auftrafie
avant Gontran y que, fous la minorité de C lo taire
I I , Landry fut régent du royaume de Soiffons
après Gontran y que le royaume de Neuftrie futs
fous la régence d’un maire du palais pendant la
minorité de Clotaire 1115 celui d’Auftrafie fous
la régence d'un autre maire du palais pendant la
minorité de Childéric II.
Dans la race des Carlovingiens, Hugues le
grand, étranger à la famille régnante , gouverne
le royaume 3 fous le titre de duc des François ,
pendant la minorité de Louis d’outremer.
Pendant la minorité d’un des premiers fucçef-:
Leurs de Hugues C a p e t , la. régence eft déférée à
Baudouin, comte de Flandres , qui étoit étranger
à la couronne au préjudice de Robert, duc de
Bourgogne , qui étoit oncle paternel du jeune
monarque.
Pendant le voyage de Louis le jeune^ dans la
Paleftine , c’étoient encore des hommes étrangers
à la couronne , qui avoient été déclarés régens ,.
l ’abbé Suger-& Raoul de Vermandois.
Il en fut de même pendant la dernière croi-
fade de faint Louis. C e monarque confia la régence
du royaume à Matthieu de Vendôme abbé
de faint-DeniSj & à Simon dç Clermont de
N elle.
S’il falloit juger le droit par les faits , celui
des reines mères à la régence ne feroit^ guère
mieux établi que celui des héritiers préfomp-
tïfs de la couronne,
Brunehault eft la feule reine de la première
race qui ait gouverné le royaume pendant la minorité
de fon fils, encore fa’ régence fut-elle de
courte durée.
- M . l’abbé Velly prétend que Fredégonde fut
déclarée régente pendant la minorité de Clotaire
II. On a vu que ce fait étoit démenti par le
témoignage d’Aimoin.
Il met aufli Bathilde & Nantilde au nombre
des reines régentes de la première race. C ’eft
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encore une erreur : Bathilde & Nantilde furent
tutrices de leurs fils mineurs y aucune dalles
n’eut la régence du royaume.
Sous la fécondé race, la reine Emme, mère
de Louis le fainéant, eft la feule qui ait eu
la régence ; & elle ne T a eue, pour-ainfî-dire,
que quelques inllans.
Depuis Hugues Capet jufqu’au règne de Charles
IX , deux reines ont eu aufli la régence,
Alix de Champagne,mère de Philippe Augufte 3
& Blanche, mère de faint Louis ( i ).
Mais, d’un autre côté, combien de reines qui
ont été exclues de la régence, non-feulement
par les héritiers préfomptifs du trône, mais encore
par des étrangers ? Je ne parle plus des.
reines des deux premières races, je me renferme
dans la troifième,
La reine, mère de Philippe premier, vivoit
lorfque Baudoin, comte de Flandres, fut déclaré
régent du royaume.
L’époufe de faint Louis vivoit auffi lorfque
ce monarque nomma Matthieu de Vendôme 8c
Simon de Clermont de Nefle régens du-royaume.
On alla même, après la mort de Henri II ,
jufqu’ à difputer aux reines la capacité d’être régentes
du royaume.
Mais les derniers exemples ont fait prévaloir
l’opinion contraire.
\Jn point de cette importance devoit-il être
livré au choc des opinions ? Y avoit-il de l’inconvénient
à fixer un ordre immuable pour l’ad-
miniftration du royaume pendant les minorités ?
En Suède , les cinq grands officiers de la couronne,
le grand-jufticier, le grand-connétable, le
grand-amiral, le grand-chancelier & le grand-
tréforier font régens nés du royautrie pendant la
minorité des rois. C e peuple a du çnoins. évité
par-là les troubles & les fecouffes que le defîr
de gouverner pouYoit exciter à chaque minorité,
Avons-nous du moins une loi ou des uPages
certains, qui nous apprennent en quelles main.s
rëfîde le droit de 'nommer les régens du royaume
?
De loi ? je n’en çonnois point. Des ufages ?
voici Jes faits,
Sous la première race . je vois d’abord les frères,
les oncles s’emparer des Etats de leurs frères
ou de leurs neveux mineurs. Ainfi firent les frères
de CJodomir y ainfi fit Gontran.
I Je les vois même difpofer de la régence comme
(») Je ne crois pas de vo ir compter la prétendre régence d’Ifabetle de B a vière , époufe de Charles VI.
d’ une
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d’une propriété. C ’eft Gontran , régent du royaume
de Soiffons pendant la minorité de Clotaire
I I , qui donne cette régence à Landry.
C ’eft encore le roi Dagobert qui nomme Ega
régent du royaume de Neuftrie , pour le gouverner
pendant la minorité de Clovis II. fon
fils, n,
' M a is , fous la fécondé race , ce font les grands
du royaume qui difpofent de la régence pendant
la minorité de Charles le Simple, en faveur
de Charles le Gros & d’Eudes.
Sous la troifième ce font eux encore qui déclarent
Baudoin , comte de Flandres, régent du
royaume pendant la minorité de Philippe premier.
Au départ de Louis le Jeune pour la terre-
fainte, c’eft le parlement de France qui choifit
le régent.
C ’eft avec la permijjion dés barons, que Phi-
Iippe-Au^ufte partant auffi pour la terre-fainte,
déclare qu’il laiffe le gouvernement du royaume
& la tutelle de fon fils à la reine fa mère &
au cardinal de Champagne fon oncle.
Louis V III avoit déclaré en mourant, en pré-
fence de l’archevêque de Sens 8c des_ évêques
de Beauvais & de Chartres, qu’il vouloit que
la reine Blanche eût la régence du royaume pendant
la minorité de fon fils. Les trois prélats
atteftèrent cette déclaration du monarque par
leurs lettres fcellées de leurs fceaux ; mais la
reine Blanche dut la régence à fon courage &
à fà prudence, plus qu’ à déclaration duieu roi.
C e fut auffi faint Lour^ qui déclara la reine
Blanche régente lors de fa première, croifade ; &
lors de fon dernier voyage, ce fut encore lui qui
donna la régence à Mathieu de Vendôme 8c à
Simon de Nefle.
M a is , après la mort de Louis le~ Hutin , ce
font les grands du royaume qui défèrent la régence
à Philippe le long.
Après la mort de Charles le b e l, c ’eft par les
princes , prélats , nobles gens des, bonnes villes &
autres notables clercs , faifans & repréfentans les
trois états généraux du royaume, qu’eft jugée la
fameufe querelle concernant la régence entre
Edouard III & Philippe de Valois.
C ’eft par les états affemblés à Compiegne, que
Charles V eft déclaré régent du roya'ume pén-
dant que le roi Jean fon père eft prifonnier en
Angleterre.
C ’eft aux états affemblés qu’on foumet la con-
teftation qui s’étoit élevée fur la régence , après
la mort de Louis X I , entre madame de Beau-
jeu, M~ le duc d’Orléans 8c M- le duc de Bourbon
; & les états écartent tous les concurrens,
(Scott, polit, 6* diplomatique. Tome IV .
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& terminent la difpute en déclarant Charles VIII
majeur.
En 16 10, c’ eft le parlement de Paris qui déclare
la reine Marie de Médicis régente du royaume.
Quelques hiftoriens ont obfervé que c’eft la
première fois que cette compagnie ait déféré la
régence> & cela eft v ra i, fi l’on ne fait remonter
l’hiftoire du parlement de Palis qu’à l’époque oà
il fut rendu fédentaire par Philippe le bel.
On peut même ajouter que ce ne fut pas en
vertu de l’arrêt du parlement que Marie de Médicis
eut la régence. Le jeûne roi tint fon lit de
juftice le lendemain de l’arrêt. M. l’avocat général
Servin requît qu’il plût à fa majefté ordonner
que cet arrêt feroit publié. Sur quoi Al. le chancelier
prononça l’arrêt qui fuit :
» Le roi féanten fon lit de juftice, par l’aVis des
princes de fon fang, autres princes, prélats, ducs,
autres pairs & officiers de fa couronne 3 ouï 8c ce
requérant fon procureur général, a déclaré 8c déclare
, conformément a Varrêt donné en fa cour de parle-
ment le jour d'hier, la reine fa mère régente en France
, pour avoir foin de l’éducation 8c nourriture
de fa perfonne , & l’adminiftration des affaires de
fon royaume pendant foh bas âge , 8c fera le
préfent arrêt publié & enregiftré, & c . ».
C ’eft l’arrêt rendu en lit de juftice qui eft le
titre de Marie de Médicis.à la, régence, & non
l’arrêt du parlement. C ’eft de l ’arrêt rendu en
lit de juftice, qu’on ordonne la publication 8c
l’exécution , 8c non de l ’arrêt du parlement. A la
vérité, on fait, mention de l’arrêt du parlement
dans l’arrêt rendu au lit de juftice y on femble
l’approuver par ces mots , conformément a Carrêt.
On prit fans doute ce tempérament pour concilier
tous les intérêts en ne décidant rien. ,
C ’eft encore dans un lit de juftice que la régence
fut déférée à la reine mère de Louis X IV .
C ’eft le parlement feul qui d’abord a déféré
la régence à M. le duc d’Orléans après la mort
de Louis X IV , qui a annullé ou modifié les dif-
pofîtions du feu roi , qui a réglé les pouvoirs
relatifs , foit à la tutelle 8c à l’ éducation de Louis
X V , foit à i ’adminiftration du royaume.
Mais on a fuivi littéralement la forme qui
avoit été pratiquée pour la régence de Marie de
Médicis. Le roi a tenu un lit de juftice, a rendu
un arrêt exactement conforme à celui du parle.-
ment, 8c c’eft l’arrêt rendu en lit de juftice qut
a été publié 8c exécuté y c ’eft çet arrêt qui a
été le titre de M. le duc d’Orléans à la régence.
Je crois déyoir terminer cet article par le discours
de Philippe P o t , feigneur de la Roche,
aux états affemblés à Tours en 1484 , après la
mort de Louis XI > rien ne me paroîtplus pro-
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