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tous les traités qui terminèrent la guerre à laquelle
la fucceflion d’Efpagne avoit donné lieu ;
il eft clair que les renonciations que j’examine
doivent être exécutées dans tous les cas 8c dans
tous les tems.
Pour n’être pas la tutrice de la maifon de France
, l’Europe n’en eft pas moins en droit de demander
8c d’appuyer l’exécution des renonciations
faites avec fon intervention & fous fa garantie,
à là fuite d’une guerre qui avoir déjà coûté quatre
ou cinq cens mille hommes. La branche qui
règne en Efpagne ayant renoncé à la couronne de
France en même-tems que la branche qui règne
en France , a renoncé à la couronne d’Efp.agne 5
les deux nations ayant concouru ou éxpreflement,
ou tacitement, ou diredtement , ou indiredtement,
le roi catholique 8c fes defcendans ne fauroient
plus rien avoir à prétendre à la monarchie Fran-
çoife„, d’abord par les raifons que je viens de
dire , enfuite parce que des étrangers ne peuvent
fuccéder au royaume de France.
C ’étoit la branche aînée de la maifon de France
, c’étoit Louis X V . qui auroit dû pofleder
l’Efpagne, fi les renonciations n’y avoient mis
obftacles. Philippe V . ne parvint donc à la couronne
d’Efpagnç 3 qu’à la faveur des renonciations.
Conviendrpit-il que fes enfans en attaquafîent la
•validité ? J ’ajoute que Philippe V. ne céda que
l ’efpérance très-douteufe d’ une fucceflion qui ne
pouvoir lui écheoir 3 qu’en fuppofantla mort d ’un
héritier plus jeune que fon fils aîné ; * & pour
prix de ce facrifice incertain , ce prince acquit
l ’ un des plus beaux & dés plus puiflans royaumes
du monde que fon fils pofleda paifiblemënt, au
lieu que Charles-Quint , fans dédommagement 3
& Amplement pour fatisfaire au defir de l’Europe,
alarmée de fa puififance , renonça en faveur de fon
frère cadet Ferdinand, à des Etats qu’il poffé-
doit.
La queftion que l’on examine i c i , & qui ne
peut erre la matière d’ un problème, un auteur
célèbre l’a déjà rél'olue de la-même manière. Il y
a employé un petit chapitre où le nom de France
& celui d’Efpagne ne fe trouvent point, quoiqu’il
foit évident qu'il a eu en vue les renonciations
dont on vient de parler. C e chapitre a pour
titre : Que. lorfque, par une circonfiance , la loi poli-
que détruit l'Etat , il faut décider par la loi politique
qui le conferve , qui devient quelquefois un droit
des gens. Je rapporterai les propres termes de cet
écrivain. » Quand la loi politique qui a établi
dans l’Etat un certain ordre de fucceflion, devient
deftrudhice du corps politique pour lequel
elle a été faite, il ne faut pas douter qu’une autre
loi politique ne puifte changer cet ordre ; &
bien loin que cette même loi fojt oppofée à la
première.elle y fera dans le fonds entièrement
conforme, puifqu’çlles dépendront toutes deux I
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i de ce principe : le falut du peuple ell la lupréme
| loi. J ’ai dit qu’ un grand E ta t, devenu acceffoire
d’ un autre, s’affoiblifloit, & même affoiblifloic
le principal. On fait que l’Etat a intérêt d’avoic
fon chef chez lui , que les revenus publics foient
bien adminiftrés, que «fa monnoie ne forte point
| pour enrichir un autre pays. Il eft important
| que celui qui doit gouverner ne foit point imbu
de maximes étrangères 5 elles conviennent moins
que celles qui font déjà établies 5 d’ailleurs, les
hommes tiennent prodigieufement à leurs loix 8c
à leurs coutumes, elles font la félicité de chaque
nation 5 il eft rare que l’on les change fans dé
grandes fecoufîes & une grande effufion de fang,
comme les hiftoires de tous les pays le font voir.
Il fuit de-là, que fi un grand Etat a pour héritier
le poflefleùr d’ un grand E tat, le premier peut
fort bien l’exclure, parce qu’il eft utile à tous les
deux Etats que l’ordre d# fucceflion foit changé.
A u fli, la loi de Ruflie 3 faite au commencement
du règne d’Elifabeth, exclut-elle très-prudemment
tout héritier qui pofîedéroit une autre
monarchie j aufli, la loi de Portugal rejette-t-elle
tout étranger qui feroit appellé à la couronne
par le droit du fang. Que fi une nation peut exclure
j elle a à plus forte raifon le droit de faire
renoncer. Si elle craint qu’un certain mariage n’ ait
des fuites qui puiftent lui faire perdre fon indépendance
ou la jetter dans un partage, elle pourra
fort bien faire renoncer les contradlans , 8C ceux
qui naîtront d’eu x , à tous les droits qu’ ils au-
roient fur elle : celui qui renonce, & ceux con-
. tre qui on renonce , pourront d’autant moins fe
' plaindre, que l’Etat auroit pu faire une loi pour
les exclure. Voye% les articles Espagne 8c
: France.
REPRESAILLES. Dans la politique on entend
par repréfailles cette efpèce de guerre imparfaite,
ces a êtes d’hoftilités que les fouverains exercent
les uns contre les autres. On employé les reprê-
failles pour fe faire juftice foi-mêmequand on
ne peut l’obtenir autrement. Si une nation s’eft
emparée de ce qui appartient à une autre, fi elle
refufe de payer une dette, de réparer une injure,
ou d'en donner une jufte fatisfadtion, c e lle -c i
peut fe faifir d’une chofe appartenante à la première
, & l’appliquer à fon profit jufqu’à la concurrence
de ce qui lui eft dû , avec dommages 8c
intérêts, ou la tenir en gage jufqu’à ce qu’on lui
ait donné une pleine fatisfadtion'. Dans ce dernier
cas , c’eft plutôt arrêt où faille, que repréfailles:
on les confond fouvent dans le-langage ordinaire.
Les effets faifis fe confervent tant qu’il y a efpé-
rance d’obtenir fatisfadtionou juftice; dès que
cette: efpérance eft perdue, on les confifque,
8ç alors lés repréfailles s’accompliffent. Si deux
peuples_ eh viennent à une rupture ouverte , la
fatisfadtion eft cenfée refufée dès le moment de
là - déclaration de guerre ou dçs premières-hof-
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iilités, fe dès-lors aufli les-effets faifis peuvent
être confifqués.
Le droit des gens ne permet les repréfailles
que pour une caufe évidemment jufte , pour une
•dette claire & liquide ; car celui qui forme une
prétention douteufe, ne peut demander d’abord
que l’examen équitable de fon droit. En fécond
lieu j il faut, avant que d’en venir là , que l’on
•ait.inutilement demandé juftice, ou au moins que
l ’on ait tout lieu de croire qu’on la demanderait
vainement : alors feulement on peut fe faire foi-
même raifon d’ une injuftice. Il feroit trop contraire
à la paix & au repos des nations, à leur
commerce mutuel, à tous les devoirs qui les lient
les unes envers les autres, que chacune pût tout-
d’un-coup recourir aux voies de fa it , fans favoir
fi l’on eft difpofé à lui rendre juftice, ou à la
tefufer.
Mais il faut obferver que f i , dans une affaire
îitîgietife , notre adverfàire fe refufe à ce qui
$éut éclaircir le droit , ou qu’il élude artificieufe-
ment la difeuflion, s’il ne fe prête pas de bonne
foi aux moyens pacifiques de terminer le différend,
& fur-toüt s’il en vient le premier à quelque
voie de fa it, il rend notre caufe jufte de problématique
qu’ elle étoit ; nous pouvons mettre en
ufage les reprêfailles ou la faifie de fes effets , pour
le contraindre à adopter les plans de conciliation
que la loi naturelle preferit : c’eft une dernière
tentative,avant que d’en venir à une guerre ouverte.
Les biens des citoyens font partie de la totalité
«les biens d’une nation, & , d’Etat à Etat, tout
c e qui appartient en propre .aux membres , eft
confidéré comme appartenant au corps , & eft
affedté pour les dettes de ce corps; d’où il fuit
que , dans les repréfailles, on faifît les biens des
fujets, comme on faifiroit ceux de l’Etat ou du
fouverain. Ce.qui appartient à la nation eft fujet
aux repréfailles dès qu’.on peut s’en faifir, pourvu
que ce ne foit pas un dépôt confié à la foi publique;
ce dépôt ne fe trouvant entre nos mains
que par une fuite de la confiance que le propriétaire
a mife en notre bonne fo i , il doit être ref-
pedté, même en cas de guerre ouverte. C ’eft ainfi
que l ’on en ufoit en France , en Angleterre 8c ailleurs,
à l’égard de l’argent que les étrangers ont
placé dans les fonds publics, avant que l’ori coif-
nut l’importance du crédit.
Celui qui ufe de repréfailles contre une nation,
fur les biens de fes membres indiftindtemenr, ne
peut être accufé de faifir le bien d’un innocent,
pour la dette d’autrui. Car c ’eft alors au fouverain
a dédommager celui de fes fujets , fur qui font
tombées les reprêfaillesf* c ’éft une dette de l’E tat,
dont chaque citoyen ne doit fupporter que fa
part. Il n’appartient donc qu’aux fouverains d’ exercer
8c d’ ordonner les reprêfailles , fur le pied que
mous.venons de les.expliquer. ; '
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■ On peut ufer de repréfailles contre une nation *
non-feulement fur les faits du fouverain, mais aufli
fur ceux de fes fujets : & cela a lieu , quand
l’Etat ou le fouverain participe à l’adiion de fon
fu je t, ou lorfqu’ il ne la punit pas.
De même , le fouverain demande juftice . ou
ufe de repréfailles , non-feulement pour fes propres
affaires ; mais encore pour celles de fes fujets,
qu’il doit protéger , 8c dont la caufe eft celle de
la nation.
Mais accorder des reprêfailles contre une nation ,
en faveur des étrangers, c’eft s’établir juge en-
tre cette nation & ces étrangers ; ce qu’aucun
fouverain n’eft en droit de faire. La caufe des repréfailles
doit être jufte , 8c il faut même qu’elles
foient fondées fur un déni de juftice , ou déjà arrive
, ou probablement à craindre. O r , quel droit
avons-nous de juger, fi la'plainte d’un étranger
contre un Etat indépendant, eft ju fte , fi on lui
a fait un vrai déni de juftice ? L ’Angleterre ayant
accordé des reprêfailles en 1662 , contre les Pro-
vinces-Unies en faveur des chevaliers de Malthe *
les états de Hollande difoient avec raifon, que félon
Je droit des gens, les réfrêfàitlts ne peuvent être
accordées , que pour maintenir les droits des
fujets dé l'E tat, & non pour une affaire à laquelle
la nation n'a aucun intérêt.
Les particuliers qui , par leurs faits , ont’donné
lieu à de j liftes repréfailtês, font obligés de
dédommager ceux fur qui elles tombent & le
fouverain doit les y contraindre;'car on eft tenu
à la réparation du dommage qu'on a caufé'par
fa. fauté.
. Nous avons dit qu'on ne doit employer les re-
préfail/esquequnnà on ne peut point obtenir juftice:
orla juftice ferefufe de plufîeurs manières; i °. par
un déni proprement d it , ou par un refus d’écouter
vos plaintes,; ou celles de vos fujets,' de les admettre
a établir leurs droits devant les tribunaux
ordinaires. 2 '. Par des délais affeéîrs , dont on ne
peut donner de bonnes raifons ; délais.équivalons
à un refus, ou plus ruineux encore. 3°. Par un
jugement manifeftement ininfte & partial ; mais
il faut que l'injuflice foit bien claire & bien palpable.
Dans tous les cas fufceptibles.de doute, un
fouverain ne doit point écouter les plaintes de fes
fujets contre un tribunal étranger , ni entreprendre
de les fouftraire à l'effet d une fentence rendue
dans les formes: ce feroit exciter des troubles
continuels. Le : droit des gens preferit aux
nations ces égards réciproques pour la jutifdic-
tion de chacune,; par la même raifon que la lot
civilç ordonné dans l'Etat de tenir pour jufte
toute fentence définitive , rendue dans les formes.
L'obligation n'eft ni aufti expreffe . ni sufïï
j étendue de nation : à ■ nation ; mais on ne peut
nier qu'il ne foit très-convenable à leur repos
1 8e très-conforme à leurs devoirs envers 1» foc.iéj#