
7 ? ï ï > E T
confiflération de Ton propre revenu, à tenir-fon
bien dans le meilleur état poflible , en bêtifiant
& réparant les maifons de fes tenanciers, en fai-
fant & en entretenant les tranchées & les clôtures
néceflaires, & en s’occupant de toutes les autres
améliorations difpendieufes qui le regardent. Mais
le revenu du propriétaire peut être tellement
diminué par des taxes fur les terres, & ce revenu
diminué peut être réduit à une fi petite valeur par
les impôts fur les chofes de nécellicé & de,corn-
modité,, qu’il ne fera plus en état de faire, ni
d'entretenir ces améliorations -coûteufes. Cependant,
quand le propriétaire cefle de remplir fa
partie, le tenancier ne peut continuer de remplir
la fienne. L'agriculture du pays ' tombe à mefure
que le propriétaire fe trouve plus à l’étroit.
Lorfque les propriétaires des capitaux &■ ceux
qui employent ces capitaux , voyent qu’avec tout
le revenu qu’ils en tirent dans le pays qu’ils habitent,
les impôts fur les néceffitès & les commodités
de la vie font caufe qu’ils ne peuvent y
acheter la même quantité de. chofes néceffaires &
commodes qu’ils auroient avec un revenu égal
prefque par-tout ailleurs, ils font difpofés à fe
retirer ailleurs > & lorfque , pour la levée des
impôts, tous les marchands & manufacturiers ,
c ’eft>à~dire, tous ceux qui employent les plus
grands capitaux ,. ou du moins lorfque la plupart
d’entr’eux viennent à être expofés à des vifîtes
mortifiantes & vexatoires de la part des collecteurs
des impôts, cette difpofition à quitter le pays fe
réalifera bientôt, & ils s’en iront.en effet. L’in-
duftrie de la nation tombera par la perte du capital
qui la foutenoit, & la ruine du commerce &
des manufacturés fuivra la décadence de l'agriculture,
Si on retire, des mains des propriétaires des
terres & des capitaux, Ja plus grande partie du
revenu que produifent ces deux grandes fources ,
pour le faire pafier dans les mains des créanciers
du public} on l’ôte à des gens in té rê ts immé-
. diatement à ce que chaque portion de terre foit
. en bon,état, & à ce que chaque portion des capitaux
foit bien adminiltrée, pour le donner à dés
gens qui n’ y ont pas le même intérêt particulier j
d’où il doit réfulter à la longue que les terres
foient négligées, & que les fonds capitaux foisnt
diffipés ou tranfportés ailleurs. Un créancier du
public a.fans doute un intérêt général à la profpé-
rité de l’agriculture, des manufactures & du
commerce du pays , & par conféquent à ce que
fes terres foient bien tenues, & fes fonds capitaux
bien adminiftrés. Si quelqu’une de ces trois
chofes venoit à manquer ou à déeheoir par-tout,
Je produit des impôts ne fuffiroit plus pour lui
payer l’annuité ou ^intérêt qui lui eft dû. Mais
un créancier du public , dans fa qualité de créancier,
n’a pas d’intérêt à ce que chaque portion
particulière de terre foit bien cultivée, ou à ce
D - E T
que chaque portion particulière des capitaux foit
bien adminiltrée. Comme créancier du bien public
, il ne*connoît point de telle portion particulière
, il n’en a point l’infpeâion , & il ne s’en
mêle point. Elle peut être ruinée , la pluparr du
tems, fans qu’il s ’en doute, & il ne peut en être
affeCté directement.
De tous les Etats qui ont adopté la pratique
des emprunts a hypothèques , il n’en eft-aucun
qu’elle n’ait affoibli par degrés. Elle femble avoir
commencé dans les républiques d’Italie. Gênes &
Venife, y ont perdu toutes deux de leur puiflan-
ce. L’Efpagne, qui parole l’avoir àpprife des républiques
d’Italie, y a perdu encore.plus de la'
fienne, en proportion de fa force naturelle , vrai-
femblablement parce qu’ elle a été encore moins
judicieufe dans le choix &: la répartition des impôts.
Les dettes de l’Efpagne font de fort ancienne
date. Elle étoit déjà fort obérée à la fin du Tei-
zième fiècle, environ un fiècle avant que l’Angleterre
dût un fchellin , & on fait combien elle s’ eft
permife de banqueroutes pour s’èn affranchir. La
France , malgré fes reffources naturelles , languie
fous le poids oppreffif de fes dettes. La république
des Provinces-Unies n’eft pas moins affoiblie
par les fiennes , que celles de Gênes & de Venife.
Eft-il vraifemblable' que la Grande-Bretagne foit
la feule , où une pratique qui a porté la foiblefîe
& la défolation dans tout autre pays , ne fera
jamais aucun mal ?
On dira peut-être que le fyftême d’impofitiori
établi dans tous ces pays-là , eft inférieur à celui
de l’Angleterre. Je lé crois} mais il faut fe fou-
venir que quand le plus fage gouvernement aépuifé
tous les objets de Finftitutiori, il faut que dans
une néceffité uigente il ait recours à ceux qui ne
le font pas. La fage république de Hollande a été
forcée , en certaines occafions , de recourir à des
impôts auffi onéreux que le font la plupart de
ceux d’Efpagne ; & une néceffité irréfiftible va
rendre le fyftême britannique d’impofition aufli
oppreffif que celui de la Hollande ou de l'Efpa-
gne. Il faut le dire à l’honneur du fyftême aétuel
d’impofition de l’Angleterre , il a fi peu gêné l’in-
duftrie jufqu’à préfent, que durant le cours des
guerres, même les plus difpendieufes, l’économie
& la bonne conduite des individus femblent
les avoir mis en état de réparer, par l’épargne
& l’accumulation , toutes les brêçhes que le gaf-
pillage & la profufion du gouvernement ont faites
au capital général de la fociété. A la fin de la
guerre de 17 5 6 , l’une des plus coûteufes que la
Grande-Bretagne ait jamais faite , fon agriculture
ptoit aufli floriflante , fes manufactures aufli nom-
breufes & aufli employées , & fon commerce aufli
étendu, qu’auparavant. Le capital qui foutenott
toutes ces diverfes branches de l'induftiie, étoit
donc aufli confidérable. Depuis cette époque ,
l’agriculture a encore fait des progrès 5 les rentes
dés maifons fe font élevées dans toutes les villes
&■ tous les villages du pays , preuve qûe la ri-
chefle & le revenu du peuple font augmentés 5
& le montant annuel de la plupart des anciens
impôts, des principales branches de l’accife &
des douanes ,en particulier', a toujours été en
croiflant, preuve également claire que la con-
fommation a été plus forte , par conféquent le
produit plus confidérable , puifque c’elt lui feul
qui fôutient la confommation.' La Grande-Bretagne
paroît porter avec facilité un fardeau qu’on
ne l’auroit jamais crue capable de fôutenir, il y
a un demi fiècle. N'ayons cependant pas la témérité
d’en conclure qu’il n’y a point de fardeau
qu elle ne foit en état de fupporter, & ne nous
flattons pas même qu’elle foit capable d’en porter
un , fans fe mettre fort mal à fon aifé , qui
foit un peu plus lourd que celui dont elle eft
chargée.
Je penfe qu’il n’y a pas un fçul exemple qu’une
nation ait jamais payé loyalement & complètement
fes dettes , lorfqu’elles ont été une fois accumulées
m m un certain point j fi on a libéré
entièrement-, le revenu p u b l i c ç a toujours été
par une banqueroute quelquefois déclarée , mais
toujours réelle, quoique fouvent colorée par un
prétendu payement.
Le mafque dont oji a couvert le plus ordinairement
une banqueroute publique, eft le haulfe-
ment delà valeur nominative de la monnoie. Si un
demi-fchelling , par exemple , étoit élevé par un
aéte du parlement ou une proclamation du roi,
à la, dénomination d’un fchelling, & vingt demi-
fchellings, ou fix pences 3 à celle d’une liv. fterl,
la perfonne qui auroit emprunté vingt fchellings
fous l’ancienne dénomination , ou près de quatre
onces d'argent, payeroit fous la nottvelle avec
vingt demi-fchellings , ou quelque chofe de moins
que deux onces} & l ’Etat pourroit rembourfer 1
fes créanciers avec la moitié de ce qu’il auroitreçu.
C e ne feroit dans le fait qu’un prétendu payement
, & les créanciers du public y perdroient
réellement dix fchellings par livre de ce qui leur
eft dû. Le malheur s’étendroit bien au-delà des
créanciers du public, & ceux de chaque particu- j
lier louffriroient une perte proportionnée ,& cela
fans aucun avantage, mais au plus grand détriment
des créanciers du public. S'ils étoient eux-
mêmes dans le cas de devoir beaucoup, ils pour-
roient en quelque forte compenfer leur perte,
en payant leurs créanciers de la même monnoie
dont le public les payeroit. Mais dans la plupart
des pays, les créanciers du public font en général
des gens riches , qui fonr plutôt créanciers que
débiteurs à l'égard des autres particuliers. Un
prétendu payement de cette efpèce, au lieu d’alléger
, ne fait donc qu’aggraver fouvent leur pert
e , & qu’étendre la calamité, fans aucun avantage
pour le public, .à un grand nombre de për-
(ïïcon. polit. & diplomatique. Tome
: Tonnes innocentés. Il occafionne unbouîeverfement
I général & ttes-pernicieux dans les fortunes des
particuliers, en enrichiflaiit le debiteur fainéant
& prodigue, aux depens du créancier économe
& induftrieux, & en faifant palier une grande
; partie du capital national des mains qui doivent
l'augmenter & l’améliorer, en d'autres q u i, félon
toute apparence-, doivent le détruire & le dilapider.
Quand un Etat eft forcé de fe déclarer
banqueroutier' comme un particulier eft quelquefois
obligé de le faire, nue banqueroute franche
, ouverte & avouée!, eft toujours la voie qui
déshonore moins le débiteur , & qui fait le moins
de tort au créancier. L’honneur d'un Etat eft fûre-
ment très-compromis, lorfque , pour couvrir la
honte.d'une banqueroute réelle, il a recours à
une: fineffe (ï groffière, que tout le monde la pé-
WSÿ * & H eft en même tems fuivie de lï pernicieux
effets.
C'eft cependant à cette charlatanerie, que tous
ies Etats anciens & modernes ont eu recours dans
certaines occafions, lorfquiis fe font vus réduits
à cette néceffité. Les romains-, à la fin de la première,
guerre punique , réduifirent l'as, .qui .étoir
la monnoie de compte d ’après laquelle ils calcù-i
loient la valeur de toutes leurs autres monnoies,
de douze onces, qu il contenoit, à deux onces,,
c eft-a-dire, qu iIs élevèrent deux onces dé cuivre
a la dénomination qui exprimoit auparavant la
valeur de douze onces. La république paya àtnfî
les grandes dettes quelle avoir contradées , avec
la fixtème partie de ce qu'elle devoit réellement.
: il femble qu'une banqueroute aufli grande. & aufli
fubite, dût exciter de violentes clameurs dans le!
peuple; il ne paroît pas qu'elle en ait excité
aucune. La loi qutl etabliffoiE, etoit, comme tou—^!
tes les autres concernant la monnoie, préfentée
& foutenue par un tribun, & c'étoit probablement
une loi fort populaire. A Rome, ainfî que
dans toutes les anciennes tépubliques , le pauvre
peuple étoit conftamment débiteur des riches &
des grands, q u i, pour s allurer des voix aux élections
annuelles, étoient dans l'ufage de lui prêter
de l’argent à un intérêt exorbitant, lequel n'étant
jamais, payé , formoit bientôt une fomme fi confidérable
, qu’il étoit impollible au débiteur de la
payer lui-même , ou à tout autre de l’acquitter
pour lui. La crainte d'une exécution rigoureufe
obligeoit le débiteur-à voter, fans autre récom-
penfe, pour le candidat recommandé par fon
créancier. En dépit de toutes les loix contre les
brigues , les gratifications de la part des candidats
, 8c les diftributions de bled ordonnées dans-
l’occafion par Iefénat, étoient ies principaux fonds
d'où les citoyens pauvres tiroient leur fubfiftance,
dans les derniers tems de la république romaine.
Pour s'affranchir de l'affujettiffement à leurs créanciers^
les plus pauvres citoyens demandoient
toujours une entière, abolition des dettes, ou ce
H h h h h