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qu’à vingt-quatre ans, qu’elle nommoit un régent
qui n’en avoir pas vingt-trois.
On régla, de plus, que le régent atiroit un
fceau particulier , fur lequel ieroit gravée cette
infcription : Philippe, fils du roi des François ,
gouvernant Us royaumes de France & de Navarre.
Charles le bel laifloit aufli fa veuve enceinte :
étant au lit de la mort, il avoit déclaré, en
préféuce des feigneurs qui étoient à fa cour ,
qu’il nommoit Philippe de Valois, régent du
royaume. Edouard l l i , roi d’Angleterre, dif-
pute la régence à Philippe. La queftion eft jugée
en faveur de Philippe, dans une aftemblée des
princes , prélats , nobles gens des bonnes villes , &
autres notables clercs , fai/ans & repréfentans les
troijS états généraux du royaume.
Voilà les faits des deux premières races & du
commencement de la troifième , jufqu’au règne
de Charles V , concernant la minorité de nos
rois & les régences qui ont exifté pendant les
minorités. Voici le peu de loix qui nous relie
de ces tems-là fur la matière que nous traitons.
3? S’il arrivoit, dis Louis le débonnaire dans la
*> chartre du partage de l’empire entre fes enfans,
» que, lors de notre décès, quelqu’ un d’eux ne
» fût pas parvenu à la majorité 3 [avant la loi des
» ripuaires, nous voulons que fon royaume foit
» gouverné par fon frère aîné, comme nous le
« gouvernons nous-même -, & quand il aura at-
» teint fa majorité , il exercera fa puiflance &
» gouvernera par-lui-même ».
La loi des ripuaires étoit donc reconnue comme
lo i , fous la fécondé race, pour cé qui concerne la
durée & le terme de la minorité. Or , voici ce que
dit la loi des ripuaires :
» Si un ripuaire eft mort, ou qu’il ait été tu é ,
v & qu’il ait laifleun fils, ce fils ne pourra, avant
as la quinzième année de fon âge révolue , pourfui-
55 vre aucune caufe ni être interpellé , ni obligé
35 de répondre en jugement j mais à l’âge de quinze
»5 ans , il fera obligé de répondre lui-même, ou de
35 choifir un défendeur. Il en eft de même de la fille».
M. le comte du Buat a dit dans fes origines,
que cette loi des ripuaires n’eft pas bien claire :
on vient d’en lire la tradudiôn fidelle, & je ne
crois pas qu’on y trouve ni obfcurité ni équivoque.
M . le comte du Buat dit encore que Louis le
débonnaire, en expliquant cette lo i, a déclaré
que toutes les affaires qui concernoient l’Etat ou
la propriété des mineurs , dévoient refter fufpen-
dues jufqu’à ce qu’ils fuftent parvenus à l’âge de
vingt-quatre ans ; & il en a conclu , que cet âge
étoit celui où tous les ripuaires jouiffoient d’une
majorité entière , celui par conféquent où les rois
pjenoient les rênes du gouvernement.
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J ’en demande pardon à M. le comte du Buat,
mais je crois qu’il n’a pas bien entendu le capitulaire
de Louis de débonnaire j en voici le texte
traduit : « Si Un ‘enfant, au-dejfous de l'âge de
» dou^e ans-, ufurpe injuftement la chofe d’au-
53 trui, il en payera la compofition > mais on ne
35 pourra pas exiger de lui 1 e fredurn. Il pourra,
s> pour des caufes de cette elpèce, être traduit
»3 en jugement ; niais on ne peut l’interpeller ni
35 le. traduire en jugement pour des conteftations
» relatives à l’hérédité paternelle ou maternelle,
33 avant qu’il foit parvenu à l’âge de dou-çe ans s».
Je vois bien que, fuivant ce capitulaire , la durée
de la minorité n’eft plus la même qu’elle étoit
par la loi des ripuaires. Mais quelle eft la différence?
C ’eft que le capitulaire fixe l ’époque de
la majorité à douze ans , au lieu que les loix
ripuaires la fixoient à quinze. Il n’eft donc pas
vrai que le capitulaire de Louis le débonnaire
ait reculé cette époque à vingt-quatre ans, comme
M. du Buat l’a cru.
Voilà donc , dès le commencement de la monarchie
, une loi qui réputé mineurs tous les en-
fans au-deflbus de l’âge de quinze ans. Les Lombards
avoient auflî une loi femblable, & le capitulaire
de Louis le débonnaire prouve que , fous
la fécondé race , cette loi étoit le droit commun
des François, qu’elle s’appliquoit aux enfatis des
rois comme aux autres François. Il n’eft donc
pas poffible d’entendre littéralement M. Houard ,
lorfqu’ il dit qu’au commencement de la monarchie
Us enfans des rois étoient réputés majeurs
dés le berceau. Cette maxime , qui eft démentie
par l’hiftoire & par les codes de nos anciennes
loix, ne s’accorderoit ni avec la marche de la
nature, nj avec l’intérêt des peuples.
Sans doute les enfans des rois avoient un droit
certain à la couronne après la mort de leurs pères ;
mais ils ne pouvoient l’exercer en leur nom , que
lorfqu'ils avoient atteint l’âge de majorité. Jufr
qu’alors c’étoit le régent qui gouvernoit, & qui
gouvernoit en fon nom.
L ’exemple des enfans de Clodomir prouvequ’on
ne les couronnoit pas même pendant leur minorité.
Les rois mineurs qui font venus après eux , ont
é té , à la v érité, couronnés dans leur enfance;
mais il n’ont régné qu’après avoir atteint leur
majorité. Charles le fimple eft le feul, dans les
époques que je viens de parcourir, que je vois
régner fans tuteur & fans régent avant l'âge de
quatorze ans.
Malgré le couronnement & le facre des rois
mineurs, c’étoit toujours le régent qui régnoit juf-
qu’ à la majorité du roi. C ’étoit du fceau du régent
& en fon nom que fe fcelloient & s’expédioient
les aétes, les Chartres 8c les diplômes. Tous les
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©îonumens de Thiftoire l’atteftent, & nous en
avons vu la preuve, foit dans la chartre de Louis
le débonnaire pour le partage de l’empire entre
fes enfant, foit dans le réglement du parlement
de France pour la régence de Philippe le long.
Mais qüel étoit en effet l’âge de la majorité
des rois ? Oblervoit-on exactement la loi des ripuaires
? Trouvons-nous, dans les premiers fiècles
de la monarchie , un véritable ufage fur ce point?
Clovis n’avoit que quinze ans lorfqu’il monta
fur le trône. C ’eft à quinze ans aufti que Gontran
déclara majeur fon neveu Childebert. Les enfans
de Louis le bègue, Philippe premier & Philippe-
Augüfte, ont régné aufli fans régent, quoiqu'ils
ne fuftent âgés que de quinze ou feize ans. Voilà
la loi des ripuaires exécutée fous les deux premières
races, & même fous la troifième.
Mais, d’un autre c ô té , Charles le fimplè règne
fans régent' avant l’âge de quatorze ans.
Le royaume eft mis fous la régence de là reine
mère de Louis le fainéant, quoique ce monarque
fût âgé de dix-huit ou dix-neüf ans.
Saint Louis n’eft déclaré majeur, & ne gouverne
par lui même qu’à l’âge de vingt-un ans.
Philippe le bel règne fans régence à l’âge de
dix-fept ans.
• Et le parlement de France règle, que fî la
veuve de Louis hutin accouche d’un prince,
Philippe le long aura la régence & la tutelle pendant
dix-huit ans.
Voilà des faits qui contredifent la loi des ripuaires
& le capitulaire de Louis le débonnaire,
& qui fe contredifent entre eux fur le terme de
la minorité des rois , les uns en le rapprochant,
les autres en le reculant plus ou moins.
^ Si ces faits étoient de nature à pouvoir fe concilier
, perfonne n’étoit plus fait pour y réuflir
que M. de Montefquieu : mais le moyen de débrouiller
ce chaos l
M. de Montefquieu a v u , dans prefque toute
notre hiftoire, les traces des moeurs des Germains ,
combinées avec le gouvernement féodal , & il a
prefque toujours eu raifon : mais il lui eft arrivé
quelquefois, dans le rapprochement des faits,
de ne faifir que quelques traits faillans- qui fe
plioient à fon fyftême, & de négliger les détails
qui le combattoient.
I c i , par exemple^, il va chercher l’origine de
la majorité de nos rois dans les forêts de la Germanie.
H Les Germains , dit-il, ne fortoient de
33 l’enfance , n’étoient réputés majeurs & mem-
33 bres de la république , que lorfqu’ils étoient
33 en état de porter les armes. Les Francs étoient
y armés à la légère ; ils pouvoient donc être raa-
» jeurs à quinze ans. Voilà l’explication de la loi
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»» des ripuaires , de celle des Bourguignons ; voilà
33 pourquoi Childebert fut déclaré majeur à quinze
>3 ans.
35 Mais les armes des Francs devinrent plus
» pefantes dans la fuirc ; elles 1‘étoient déjà beau-
53 coup du tems de Charlemagne. Voilà pourquoi
y ceux qui avoient des fiefs, & qui dévoient
» par conféquent le fervice militaire, ne furent
» plus majeurs qu’ à vingt-un ans j voilà pourquoi
»s faint Louis ne fut majeur qu’à cet âge ».
Si M. de Montefquieu eût fait attention que
la loi des ripuaires fixe le même terme pour la
minorité dans les deux fexes , [militer & filia ,
je doute qu’il eût perfifté à voir dans cette loi
une inftitution militaire.
S’il eût vu qu’à l’époque oû les armes étoient
devenues beaucoup plus pefantes , l’âge de quinze
ans étoit encore le terme de la minorité, comme
il l’étoit par la loi des ripuaires, il auroît probablement
abandonné les rapports qu’il avoit cru
voir entre les loix fur la majorité & le plus ou
moins" de pefanteur des armes.
S’il eût réfléchi fur ce grand nombre de rois
de la fin de la fécondé race & du commencement
de la troifième , qui avoient été réputés
majeurs,. qui avoient gouverné fans régence-, les
uns à Tâge de quinze ans, d’autres à dix-fept,
d’autres avant 1 "âge de quatorze ans $ s’il fe fût
fouvenu de ce réglement fait pour la régence de
Philippe le long, qui fait durer la tutelle & la
régence pendant dix-huit ans , il n’auroit certainement
pas pris le fait unique de la minorité
de faint Louis, pour règle ou pour ufage général
concernant la majorité des rois, depuis l’établifte-
ment des fiefs.
Nous n’avions donc fur cette matière qu’une
ancienne loi qui étoit mal obfervée, point d’ufage
uniforme, des faits qui fe détruifoient mutuellement.
Philippe le hardi, fils de faint Louis, avoit
déjà voulu prévenir les inconvéniçns d’une longue
minorité : il avoit ordonné, qu’en cas qu’il
mourût avant que fon fils eût quatorze ans accomplis
, Pierre , comte d’Alençon, gouvernerait
le royaume pendant la minorité, & que fa
régence cefleroit aufli-tôt que le jeune prince
entreroit dans fa quinzième année.
M l n’étoit point-là une loi permanente , ce
n’étoit qu’ un a<fte d’adminiftration momentanée.
Charles V en fit une loi perpétuelle pour tous
les rois à venir, par l’ordonnance qu’il donna
à Vincennes au mois d’août 13 74 , & qui fut
eriregiftrée le 20 mars 13.75 , en préfence de l’uni-
verfiré, du prévôt des marchands & des échcvins
de la ville de Paris.
t »vE>ans tous les temps, dit cette ordonnance ,
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