
<qu’ ils appelloient de nouvelles tables, c*eft-à-dire,
une lai qui les autorisât à s’acquitter complette-
ment, en payant feulement une partie de ce qu’ils
dévoient. Comme la loi qui réduifoit la monnoie
de toutes les dénominations à un fixième de fa
valeur, les mettoit en droit de payer leurs dettes
avec un fixième de ce qu’ils dévoient réellement,
elle étoit équivalente aux tables nouvelles les plus
avantageufes. Pour contenter le peuple, les riches
& les grands furent obligés , en différentes occa-
fions, de confentir aux loix pour l’abolition des
dettes , ou l’introduôlion' des nouvelles tables j
& il- eft vtaifemblable qu’outre ce m o t if, ils
avaient encore celui de libérer le revenu public,
& de rendre ainfi fa vigueur au gouvernement,
dont ils avoient la principale direction. Dans le
cours de la fécondé guerre punique, l’as éprouva
encore une nouvelle réduction , d'abord de deux
onces de cuivre à une once, & enfuite d’une once
à une demi-once , c’eft-à-dire , qu’il fut réduit à
te vingt-quatrième partie de te valeur primitive.
Si l’on combinoit ces trois opérations romaines
en une feule, l'Angleterre réduiroit tou« d’un
coup une dette de cent vingt-huit millions fterl.,
à une dette de cinq millions trois cents trente-
trois mille liv. fix fchellings huit pences : & la
dette de la Grande-Bretagne , toute énorme quelle
eft , ferait bientôt payée de cette manière.
D ’après ces beaux expédiens , il n’y a , je crois,
aucune nation dont la monnoie n’ ait été graduellement
de plus en plus réduite au-deffous de fa valeur
primitive, & où la même-Comme nominale
ne foit venue par degrés à contenir moins* &
moins d’argent.
Quelquefois les nations ont altéré le titre de
leur monnoie dans la même vue , c’eft-à-dire >
quelles y ont mis une plus grande quantité
d alliage. S i , par exemple, au lieu du poids de
dix-huit pences d’ alliage , qu’a la livre fterling
au titre aétuel , on y mêlait huit onces d’alliage,
une livre fterling, ou vingt fchellings d’ une‘ telle
monnoie , ne vaudrait guère que fix fchellings &
huit pences, de la monnoie aéhielle d’Angleterre,
t a quantité d'argent contenue dans fix fchellings &
huit pences de la monnoie a&uelle, feroit donc
élevée à la dénomination d'une livre fterling-.
L'altération du titre a exaâeovent le même effet
que ce que les François appellent une augmentation
, ou le hauffement direél de la dénomination
de la monnoie.
L’augmentation ou hauffement de te dénomination
des monnoies , eft toujours, & doit être
par fa nature , une opération avouée & à découvert.
En vertu de cette opération, des pièces
d'un moindre poids & d’un moindre volume font
appellées du même nom qu’on donnoit auparavant
à des pièces plus pefantes & plus volumi-
neufes* L’ altération du titre, au contraire, a été
généralement une opération cachée , par laquelle
on fabriquoit des pièces de la même dénomination
, & autant qu’ il fe pouvoit du même poids ,
, du même volume & de la même apparence, que
celles qui avoient cours auparavant & qui étoient
-d’une bien plus grande valeur. Lorfque le rai
Jean de France altéra le titre de fa monnoie, tous
les officiers de l’hôtel des monnoies furent obligés
au fecret par ferment. Ces deux opérations
font injuftes j mais la fimple augmentation eft l’in-
juftice d’une violence ouverte, au lieu que l’altération
eft l'injuftice d’ une fourberie perfide ; &
celle-ci,dès qu’elle a été découverte, & il n’étoit
pas poffible qu’elle ne le fût bientôt, a toujours
excité beaucoup plus d'indignation que la première.
Il eft fort rare qu’après une augmentation
confidérable, la monnoie foit revenue à fon premier
poids j mais après les plus grandes altérations
, elle eft toujours revenue à fon titre ; il n’y
. a pas eu moyen d’appaifer autrement la fureur &
l’indignation du peuple.
A la fin du règne d’Henri V I I I , & au com-i
mencemens de celur d’Edouard V I , la monnoie
angloife fut non-feulement élevée dans fa dénomination
, mais altérée dans fon >titre. On ute
de la même fourberie en Ecoffe , durant la mi-;
norité de Jacques V I , & ' on l’a pratiquée en,
certaines occafions dans d'autres pays.
On fe flatterait en vain de libérer complette-
menc, ou d'avancer beaucoup la libération des
dettes de la Grande-Bretagne, tandis que l’Etat
a fi peu de revenu au-delà de ce qu’il faut pour
défrayer la dépenfe annuelle en tems de paix. Il
eft évident qu’on n’en viendra jamais à bout, fans
une augmentation» confidérable du revenu public,
ou fans une diminution confidérable de la dépente.
Des taxes plus égales fur les terres & la rente
des maifons, avec les changemens d'ans le fyftême
des douanes & de l’accite, produiraient peut-être
dans la Grande-Bretagne une grande augmentation
de revenu , fans charger davantage la plupart des
fujets , & en rendant feulement la répartition des
impôts plus égale entr’eux. Mais le plus confiant
faifeur de projets, fe promettrait à peine qu’une
pareille reffource fuffît jamais , pour acquitter la
dette nationale en tems dé paix , ou pour, prévenir
ou en compenfer l’accumulation en tems de guerre.
On pourrait compter fur encore plus de revenu,
fi on étendoit le fyftême d’impofîtion britannique
à toutes les provinces de l’empire, dont les ha-
bitans font anglois ou européens d’origine. Il ne
ferait cependant peut-être guère poffible de Ilii
donner cette exrenfion, en fuivanr les principes
delà conftitution angloife, fans admettre dans le
parlement, o u , fi l’on veut, dans les états-généraux
de l’empire, une repréfentation véritable
& -égale de chacune de ceç provinces, c’eft-àdire,
qui aurait la même proportion avec le produit
de fes impôts , que peut avoir la repréfenta-
tion de la Grande-Bretagne avec le produit des
fiens. L ’intérêt particulier de plufieurs perfonnes
puiffantes, les préjugés enracinés de plufieurs
grandes claffes du peuple, femblent mettre aujourd’hui
à ce changement des obilacles qu’ il eft
fort difficile, peut-être impoffible de furmonter.
Sans vouloir décider fi la chofe eft praticable ou
non , peut-être n*eft-il pas hors de propos de con
fidérer, dans un ouvrage comme celui-ci, jute
qu’où le fyftême d’impofition britannique peut
être applicable à ces différentes provinces, quel
revenu fon application pourrait donner , & comment
une telle union générale pourrait influer
fur le bonheur & la profpérité des provinces qui
le compoferaient.
La taxe fur les terres , les droits., de timbre &
les différens droits de douane & d’accife , confti-
tuent les quatre grandes branches de tous les
impôts britanniques.
L’ Irlande eft certainement àuffi capable, &Ies
plantations angloifes de l’Amérique & des Indes
occidentales, font plus en état de payer une taxe
fur les terres , que la Grande-Bretagne. Un propriétaire
qui n’eft fujet ni à la dîme , ni à la ,
taxe pour les pauvres, eft certainement plus en
état de payer un impôt, que celui qui porte déjà
les deux autres charges. Si la dîme fe lève en
nature , elle ôte plus de la rente du propriétaire
que ne ferait une taxe de cinq fchellings par livre
fur les terres. On trouvera que la plupart du tems
elle fe monte à plus du quart de la rente réelle
de la terre, pu de ce qui relie , déduction faite
de tout le capital à remplacer, & de tout le profit
raifonnable du fermier. Sur les abonnemens, on
ne pourrait guère eftimer moins de fix à fept
millions ft. la dîme perçue dans la Grande-Bretagne
& l’Irlande > s’ il n'y avoit point de dîmes,
les propriétaires pourraient donc payer fix ou
fept millions de plus en impôt fur les terres , fans
être beaucoup plus chargés que la plupart d’en-
tr'eux ne le font à prêtent. L'Amérique ne paye
pas de dîmes, & peut fort bien payer une taxe
fur les terres. Il eft vrai qu’en général les terres
n'y étant point affermées , on ne pourroit aflèoir
l'impôt fur aucun rôle des baux i mais les terres
d’Angleterre n’étoient pas impofées dans le quatrième
a.éfce de Guillaume & de Marie, fuivant
les baux ou rentes, mais par une eftimation qui;
n’étoit ni ftridte ni exa&e. Les terres de l’Amérique
pourraient ‘être impofées de même , ou
fuivant une évaluation équitable , d’après un bon
arpentage , tel que celui qu’on a fait dernièrement
dans le Milanois & dans les domaines d’Autriche,
de Pruffe & de Sardaigne.
Il eft évident que les droits de timbre peuvent
être levés, fans aucune variation , dans tous les
pays où les formes des procédures légales & fe*
aâes qui transfèrent la propriété tant réelle que
perfonnelle, font les mêmes, ou à-peu-prês.
Rien lie feroit plus avantageux pour l’Irlande
& les plantations angloifes, que d'étendre le»
lo.ix de douane de la Grande-Bretagne jufqu’i
elles, pourvu qu'on y étendît en même tems U
liberté du commerce. On ne verroit plus ni le»
entraves odieufes qui oppriment le commerce de
Ij Irlande , ni la diftinétion entre les marchandifes
énumérées de l'Amérique & celles qui ne le font
pas. Les contrées au nord du cap Finillere fe*
roienc ouvertes à toutes les productions de i'À mêlions
. comme le font à .prêtent les pays au fud
de ce cap à certaines parties de ces productions.
En conféquence de cette uniformité dans les loi*
de douane , le commerce entre toutes les parties
de l'empire britannique, feroit auffi libre que le
commerce qui fe fait par les côtes de la Grande-
Bretagne ; cet empire fournirait ainii dans fon
propre fein un marché immenfe pour toutes. les
productions de fes différentes provinces ; l'étendu®
de ce marché feroit bientôt pour l'Irlande & les
plantations, une compenfation de oéqn'élles fo u f
friraient d'une augmentation des droits de douane.
L'accife eft la feule partie du fyftême d’impo-
-fition britannique, dont il faudra«varier l’application
félon les différentes provinces où elle
feroit établie, j Gn pourroit l'appliquer à l'Irlande
, fans y rien changer, le produit & la con-
fommation de ce royaume étant exactement de
la même nature que ceux de la Grande-Bretagne.
Dans fon application à l'Amérique & aux Indes
occidentales, dont le produit & la confomma-
tion font fi différens de ceux de l'Angleterre ,
il faudroit apporter quelques modifications ,
comme on fait en Angleterre dans les comtés à
cidre & à bière.
Par exemple, ce qui fait la boiffon d'une grande
partie du peuple de l'Amérique , eft une liqueur
fermentée, qu’on appelle bière, mais qui ne ref-
femble guère à la notre , parce qu'elle eft faite
avec de la melaffe. Comme il n'eft pas poffible
de la garder plus de quelques jours, il n'eft pat
poffible de la préparer & de l'emmagafiner dans
de grandes brafferies pour la vendre-; affujett-ir
chaque famille particulière aux vifites & aux recherches
odieufes des collecteurs de l'impôt ,
comme on y foumet en Angleterre les cabare-
tiers & les bralfeurs , ce feroit chofe abfolument
incompatible avec la liberté. Si on croyoit qu'il
fût nécelfaire pat rapport à J'égalité , de mettre
un impôt fur cette liqueur, on pourroit le faire
peut-être en taxant la matière dont elle eft faite ou
dans le'lieu même de l'a mamifaétute, ou, fi les cir-
conftanees ne le permetroient pas, en mettant un
droit fur fon importation dans' la colonie où elle doit
être confommée. üuire le droit d’un penny par
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