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fa£hon fur les deux autres dont nous venons de
parler. Le cabinet de Saint-James qui a des vues
îecrettes j qui efpère vraifemblablement détacher
quelques provinces de la confédération
attend des trnnhlp« I ITVC nn1il
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attend des troubles intérieurs, des fuccès qu'il
n a pu obtenir par les armes j & le lord Car-
mathen a répondu officiellement que l'Angleterre
cxecuteroit le. traite , lorfque l’Amérique fe dé-:
terminera de fon côté à en remplir tous les
articles : il a formé des plaintes contre prefque
toutes les républiques. Nous en avons parlé dans
ies articles de ces diverfes provinces. Voici les
plaintes qu il a articulé au fujet de la Virginie.
Par un édit du gouverneur du i juillet 1783,
tous les agens 8c fréteurs anglois, qui étoienr
arrrves dans cet état, ont eu Ordre d'en partir5
craufe qui fut annullée dans le mois de novembre
Tuivant, & i\ fut permis aux agens & facteurs
anglois de revenir. Par un a<5te d’o&obre 1784,
toutes les dettes angloifes doivent être remboursées
en fept paiemens égaux, dont le premier
doit fe faire le premier avril 3 & lés autres
de^ fuite dannee en année.. . . . Il y eft dit
? ^ anj nnCcor<lera aucun int« ê f aux fujets delà
grande-Bretagne , pouraucun tems écoulé depuis
Je 19 avril 1775 3 jufqu’au trois de mars 1783.
intervalle qui ne fera confidéré que comme un
leul. . . Qu'aucun établiflement fait par obligatio
n , ou autre engagement, ne portera intérêt?..
C e t acte fut pafifé à la chambre des délégués
& du fénat; mais il ne fut point revêtu de toutes
les formalite'«, & en conféquence, il eft douteux
s il a force de loi.
Nous avons dit à l’atticle Et a t s -Unis ce
qui peut atténuer les plaintes, & nous y renvoyons
le leéteur.
S E C T I O N I X .
Remarques générales fur la république de Virginie.
Les-virginiens, dit avec jnfteffe M. le marquis
de Châtellux , diffèrent effentiellement des
peuples qui habitent au nord & à l'eft de la
baie, non-(eu|ement pat la nature de leur climat,
pat celle de leur fol & pat la culture qui lui eft
propre, mais encore par ce cara&ère indélébile
que toute nation acquiert au moment defonori-
gine, & q u i, fe perpétuant de race en race,
juftifie ce grand principe, que tout ce qai eft
participe de ce qui a été. La découverte de la
Virginie date de la fin du feiiième fiècle, &
1*etablifieirtent de la colonie eut lieu au commencement
du dix - feptième. Ces évênemens
fe paffèrent fous les règnes d'Elifabeth & de
Jacques premier. Alors l’efprit républicain &
démocratique n'étoic pas encore commun en
Angleterre; celui du commerce & de la navigation
naiffoit à peine, & k s longues guerres
avec la France & l'Efpagne avoienr perpétué ’
n Z 5 r ne, M (°rl^e I le méme efPrit militaire
que Guillaume-le-Conquérant, Richard-caeurde
l.on Edouard 1 1 1 ., & ]e prince noir lui
avoient donne. On ne voyoit plus de chevaliers
comme du tems des croifades , mais à leur place,
nombre d aventuriers qui fervoient indifféremment
leur patrie 8t les puilïances étrangères, de
gentilshommes qui- dèdaignoient l'agriculture &
le commerce , Si qui n'avoient d'autres profef-
«ons que celle des armes ; car alors l’efprit mili-
n n [ j,if laIrj enoiu @ préjugés favorables à la
oWelie, dont il a été iong-tems infépatabie ,
Si d ailleurs la nobleffe de pairie étant moins commune
en Angleterre, celle d'extraélion avoir coi -
fetve plus d éclat & plus de confiance. Les
premiers colons de la Virginie furent compofés i
en grande partie, de ces militaires & de ces
gentilshommes, dont quelques-uns cherchoient
pa„ ffUnCr ??.eJ.ques autres les aventures,
tn effet, fi 1 etabliffement d'une colonie exige
toute 1 induftrie du commerçant & du cultiva-
teur , la decouverte , la conquête des terres nou-
velles, tient plus particulièrement aux idées guerrières
& romanefques. Auffi la première compagnie
qui obtint la propriété exclufiye de la Virginie
. tut-elle compofée en grande partie des homirns
les plus diftingues parle ran§>m par la naiffancb
Sc quoique tous ces illuftres aérionnaires ne foiei r
pas devenus colons , plufieurs d'entre eux n'or.t
un* Paffet un .ord Delawate plaemS ui1 1“le5s Ip r&em iers g«omuvpetreneurs
de la Virginie. Il étoit donc naturel que
taL s°«ye] UX co.lons, ’ 5e™Phs <fes principes militaires
& des préjugés de la nobleffe, les portaf-
fent au milieu meme des fauvages dont ils ve-
noient ufurper les terres ; & fans doute de toutes-
les idées européennes, ce font celles que ces
peuples grofliers conçurent le plus aifément. IL
fam'iMetPmS-qUn n Petlt n°mbte de ces anciennes
ramilles, mais elles ont conferve une grande confi-
1f,pren,‘ere imPul(ion “ “ fois donnée.
M. de Châtellux ajoute à ce fujet r ». H n’eft olus
au pouvoir d'aucun légiflateur, du tems même ,
d en détruire 1 effet. Le gouvernement peut bien
devenir démocratique, comme il l'eft au moment
prirent, mais J efpm national, l'efprit même du
gouvernement fera toujours arîftocratique, »
» La Virginie confervera fon caraélère diftimftif
plus long.tems que les antres états ; fort que les
préjugés fo,eut d'autant plus durables qu'ifs font
plus abfurdes& plus frivoles ; foit que ceux qui
ne bleffént qu une partie du genre humain , foient
plus remarques^ que ceux qui en affeélent la tora-
bte. Dans la révolution préfente, les anciennes
familles ont vu avec peine des hommes nouveaux
occuper des pjaces diftinguoes dans l'armée
. , s la “la-giftrature. Les torys en ont même
tire avantage poui refroidir les moins ïélés d'entre '
IvS WiîJgS. »
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Nous nous contenterons de répondre que des
hommes très-éclairés comptent un peu plus fur
îts effets d’une conftitution républicaine , & qu il
y auroit des moyens de détruire ces difpofi-
tions.
» On demandera, fans doute, continue le même
auteur comment ces préjugés ont pu s’arranger
avec la révolution a&uelle dont les principes font
fi différens. Je répondrai qu'ils y ont peut - être
concouru ; que peut-être tandis que la nouvelle
Angleterre fe révoltoit par raifon & par calcul,
H Virginie fe révoltoit par orgueil. Je dirai encore
ce que j’ai donné à entendre plus haut, c'eft
que, dans le principe , l'indolence même de ce
peuple a pu lui être utile , parce qu'il a été obligé
de s'en rapporter à un petit nombre de citoyens
vertueux & éclairés qui l’ont mené plus loin qu’il
n'auroic é t é , s’ il avoit marché fans guide , &
confulté fes propres difpofitions. Car il faut
avouer que, dans le commencement des troubles,
la Virginie fe montra de très-bonne grâce ; qu'elle
fut la première à offrir des fecours aux boftoniens,
& la première auffi à mettre fur pied un corps de
troupes confidérable ; mais on peut obferver auffi
q ue , dès que la nouvelle légiflation fut établie,
& qu’au lieu de chef on eut un gouvernement,
alors les citoyens ayant part à ce gouvernement
l’efprit national prévalut, & tout alla de mal
en pis. Ainfî les états , comme les individus ,
naiffent avec une complexion particulière, dont
le régime & les habitudes peuvent prévenir les
mauvais effets, mais qu’on ne peut entièrement
changer i ainfi les légiflateurs, comme les médecins
, ne doivent jamais fe flatter de donner à
leur gré un tempérament particulier aux corps
politiques , mais s’ attacher à connoître celui qu’ils
ont déjà , 8c à combattre les inconvéniens,
comme à multiplier les avantages qui peuvent
en réfulter. » Nous avons dit ailleurs, & nous
le répéterons i c i , qu’on ne connoît pas encore
tout l'empire de la légiflation fur les hommes ,
& que les nouvelles républiques américaines
offriront vraifemblablement fur ce point des faits
qu’on ne croit pas poffibles.
Nous avons obfervé plus haut qu’on ne trouve
pas un mendiant en Virginie ; mais 1VÏ. le marquis
de Châtellux déplore la misère dans laquelle y
viventf un grand nombre de blancs. » C ’eft-là ,
d i t - i l, que depuis que j’ai pafle les mers , j’ai vu
pour la première fois des pauvres. En effet, parmi
ces riches plantations où le nègre feul efi malheureux
, on trouve Couvent de miférables cabanes
habitées par des blancs, dont la. figure
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hâve 8c l’habillement déguenillé annoncent la
pauvreté. D ’abord j’avois peine à m’expliquer
comment, dans un pays où il y a encore tant de
terres à défricher, des hommes qui ne fe refufent
pas au travail , pouvoient relier dans la misère >
mais j’ai fu que toutes ces terres inutiles, ces
biens immenfes , dont la Virginie eft encore
; couverte , reconnoiffoient des propriétaires. Rien
de plus commun que d’en voir qui pofsèdenc
cinq ou fix mille acres de terre , mais qui n’ en
exploitent que la quantité que leurs nègres peuvent
cultiver. Cependant ils ne voudroient pas en donner
, ni même en vendre la plus petire partie ,
parce qu’ils font attachés à leurs pofteflions , 8c
qu’ils efpèrent toujours augmenter par la fuite
leur culture. Ces blancs , fans fortüne & fouvent
fans induftrie, font donc reftreints de tous côtés
& réduits au petit nombre d’acres de terre qu’ils
ont pu acquérir. Or la terre n’étant pas généralement
bonne en Amérique , 8c fur-tout en Virginie
, il en faut beaucoup pour défricher avec
fuccès, parce que ce font les beftiaux qui aidenc
8c qui font vivre les cultivateurs. On voit beaucoup
de défrichemens dans l’ eft ; mais les portions
de terre qu’on y achète aifément & à très-
vil prix', font toujours de deux cens acres au moins.
D ’ailleurs , dans le fud , le climat eft moins
fain j & les nouveaux colons , fans participer à
la richeffe de la Virginie , participent aux incon*
véniens du climat, & même à la parefle qu’il
infpire. «
Les virginiens paflent avec raifon pour vivre
noblement chez eux , & pour être hofpitaliers ;
ils reçoivent volontiers les étrangers 8c les reçoivent
bien. C ’eft que d’ un côté n’ayant point
de villes où ils puifTent fe raffembler, ils ne
connoilfent guère la fociété que par les vifites
qu’ils font ou qu’ ils reçoivent 5 & de l’autre ,
que leurs terres 8c leurs efclaves leur fourniffant
les denrées 8c les mains-d’oeuvres dont ils ont
befoin , cette hofpitalité fi renommée ne leur
eft aucunement à- charge. Leurs maifons font fpa-
cieufes 8c bien ornées (1 ) , mais les logemens
n’y font pas commodes : on ne craint pas de
mettre trois ou quatre perfonnes dans une même
chambre, & celles ci ne craignent pas non plus
de fe trouver ainfi entafiees, parce que ne con-
noifiant pas le befoin de lire & d’ écrire , il
ne leur faut dans toute la maifon qu’ un lit „
une falle à manger & une faile de compagnie.
La principale magnificence des virginiens confifte
en meubles, en linge & en vaiflelle d’argenr,
de forte qu’elle reflemble à celle de nos pères,
(1) On emploie rarement la pierre & la brique dans la conftruftion des édifices particuliers. Les habitans de cet état croient
que les maifons de-brique ou de pierre font moins faines que celles de bois : les hommes éclairés ont-prouyé la foctüe 4«
«c préjugé , Sc il y a lieu de croire que leurs réclamations auront du fuccès..