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que les maréchaux de Wallis 8c de Neuperg
liguèrent en 17^0 dans le camp des turcs fous
Belgrade, au grand étonnement de toute la chrétienté.
On fixe ordinairement dans le traité un terme
aflez c o u r t , ni bout duquel les minières s ’en
gagent de procurer cette ratification de leurs cours
refpe&ives ; &r comme il eft rare que les intérêts
paillent changer en un fi petit efpace de te ms,
le traité ei\ ceufe fubfifter dès (angnature. 11 arrive
aufli quelquefois que Inexécution du traité
preffe , qu’on eft menacé d'un danger imminent,
& qu’il y a periculum in mord.-En ce cas les parties
peuvent agir fans attendre la ratification , mais il
faut en faire un article qui la promette dans le
traité même.
Comme la plupart des traités font rendus publics
, & qu’ il y a plufieurs chofes dont les fou-
verains conviennent entre eux , qui ne peuvent
être d’abord expoféesaux yeux de toute l’Europe ,
on les renferme dans des articles leparés , que
l ’on ajoute à la fuite du traité , & qu’on rêvet de
la même authenticité > en y inférant la formule :
les préfens articles féparés auront la même force
que s’ ils étoient inférés mot à mot dans le traité.
Souvent on les communique aux autres puiflfances
quelque tems après. Si les contraébans ftipulent
fur quelque objet qu’ il leur importe de laifler
ignorer à l’Europe entière , ou qui foit de nature
à être toujours caché , on fait alors des articles
fecrets que l’on écrit fur des feuilles réparées ,
Sc dont on tâche , par toutes les précautions pof1
fibies , de dérober la connoiffance aux autres
cours , aux miniftres & au public.
Après avoir conclu un traité d’alliance , ôn
s’ apperçeit quelquefois qu’il feroit avantageux
pour les contra&ans d’y admettre; encore telle ou
telle autre puifiance , & que cette puiffance peut
même avoir un intérêt naturel d’y prendre part. En
ce cas , on convient , par un des articles du
traité même , qu*on invitera la puiflance que les
conrractans ont en vue , & qu’ils nomment, d’accéder
au tra ité , & on fait les démarches né-
eeflaires pour qu’elle y confente. Souvent aufli on
comprend , purement & Amplement dans le
traité, un prince ou une république , dont la
confervation nous intérefle , qui eft foible , qui
court rîfque d’être opprimé par une force majeure
, & qui follicite notre affiftance.
T raités de commerce. C e font les traités
qui ont feulement rapport au commerce.
Celles des nations modernes qui paroifîent les
plus habiles, font encore peu avancées fur la
théorie des traités de commerce. Toutes les puif-
fances cherchent à s’ aflurer le monopole de quelques
pays : dans leurs conventions de commerce,
elles cherchent à favorifer leurs alliés aux dépens
ge leurs rivales > les peuples alliés fe traitent
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toujours en ennemis fur quelques points ; ils interdite
ut l'entrce de certains articles j ils en chargent
d’autres de gros,droits, & chacun croit
gagner beaucoup fur ces prohibitions 8c fur ces
rt'tervcs. Les lumières & les bons principes font’
cependant des progrès ; 8c le dernier traité de
commerce figné encre la France & l’Angleterre,
que nous avons rapporté à l’article Fr an c e j en
fournit une belle preuve.
Le commerce devroit être libre prefque partout
; chaque nation y prendroit part en proportion
de la fécondité de fon fol 8c de fon induftriè 5
& avec les traités de commerce 8c les régimes des
prohibitions ou des réferves , une nation ne peut
guère y prendre part en proportion de la fécondité
de fon fol & de fon induftriè. Comme
nous fommes bien en garde contre les règles generales
, nous avouerons que les traités de commerce
, les prohibitions & les réferves tournent
quelquefois l’induftrie d’un pays , d’un côté vers
lequel elle nfr fe feroit pas déterminée elle-même :
mais nous avons difeuté fort au long à l’article
Industrie ce qui arrive en pareille occafion ,
& nous avons fait voir de quelles iilufions on
alimente fes vues de profpérité.
Nous avons montré aux articles Importation
& M onopole, combien les vieux préjugés
fur cette matière font faux , & de quelles chimères
fe font occupées les puiffances. Nous avons
établi ainfi les véritables principes de la théorie
des traités de commerce , dont les avantages font
beaucoup moins confîdérables qu’on ne l ’imagine.
Pour ne rien laifler à defirer aux Ie&eurs , nous
allons examiner le fameux traité de commerce de
l’Angleterre avec le Portugal, qui fait l ’admiration
de l’Europe, depuis le commencement du
lïècle 5 & fi les avantages , en faveur de la Grande-
Bretagne , Te font trouvés illufoires, on pourra
juger de tous ceux qui ont été établis d’après les
vieux principes.
Lorfqu’une nation s’engage par un traité à permettre
à certaines marchandifes d’ un pays étranger
l’entrée qu’elle refufe à celles de tous les
autres , ou qu’elle les exempte de droits. qu’elle
fait payer à celles des . autres , le pays, ou du
moins les marchands & les manufacturiers du
pays'dont elle favori fe ainfi le commerce, fem-
blent devoir tirer un grand, parti du traité. I]s
jouiflent d’une, forte de monopole dans le pays
qui a tant de complaifance pour eux. Ils y trouvent
un marché plus étendu 8c plus avantageux 5,
plus étendu, parce que les marchandifes des autres
nations en étant exclues, ou chargées de gros
droits, ils y vendent une plus grande quantité
des leurs} plus avantageux , parce que les marchands,
du pays favorifé faifant une forte de mo-
nopoler dans celui qui les favorifé , ils vendront
leurs marchandifes plus cher que s’ils étoient ex-
pofés à la concurrence des autres nations.
Si ces traités peuvent être avantageux aux marchands
& aux manufa&uriers du pays en faveur
duquel on les ligne , ils font néceflairement défa-
vantageux à celui qui les fait pour favorifer
l ’autre. Il accorde à une nation étrangère un
monopole contre fes propres marchands 8c manufacturiers
, 8c il faut que ceux-ci achètent fou-
vent les marchandifes étrangères dont ils ont be-
foin , plus cher que fi les autres nations étoient
admifes à la concurrence. La nation qui accorde
ce privilège eft donc obligée de vendre à meilleur
marché cette partie de fon produit qui paie
ces marchandifes étrangères, parce que quand on
échange deux chofes l’une contre l'autre , le
bon marché de l’une eft une fuite néceflaire, ou
plutôt ne diffère pas de la cherté de l’autre.
Ainfi chaque traité de cette efpèce doit diminuer
la valeur échangeable de fon produit annuel.
Il n’eft cependant guère poflible que cette diminution
aille jufqu’à une perte réelle ou pofitive j
elle va feulement à rendre.fon gain moins con-
fiderable .qu’il n’eût été fans cela- Quoique la
nation qui donne cette préférence à une autre
vende fes marchandifes à meilleur marché , elle
ne les vendra probablement pas moins qu’elles ne
lui coûtent 5 elle ne les vendra pas , comme elle
fait dans le cas des gratifications, pour un prix
qui ne remplace pas le capital employé, & qui
ne donne pas en même tems les profits ordinaires
des fonds > car fur ce pied - là fon commerce ne
durerait pas long-tems. Elle peut donc y gagner
encore , mais elle y gagnera moins' que li elle
n’avoit pas écarté la concurrence.
On a fuppofé néanmoins d’après des principes
fort différens de ceux-là, que certains traités de
commerce exclufif font avantageux 3 & une nation
commerçante a quelquefois accordé un monopole
de cette efpèce contre elle-même à certaines marchandifes
d'une nation étrangère , parce qu’elle
cfpéroit que dans la totalité du commerce elle
lui vendrait annuellement plus qu’elle n’achete-
roit d'ellé , 8c qu’il lui reviendroit tous les ans
une balance en métaux. C ’eftfurce principe qu’on
a vanté le. traité de commerce, conclu en 1705
par M. Methuen, entre l’Angleterre & le Portugal.
Il ne renferme que les trois articles fuivans.
A r t i c l e p r e m i e r .
Le roi de Portugal promet , tant en fon nom
qu’au nom de fes fucceflèurs , d’admettre toujours
déformais dans le Portugal les étoffes de
laines & le refte des manufactures de laine de la
Grande-Bretagne , comme il étoit d’ulage avant 1
qu’elles fuflent défendues par une loi} mais à eette
condition.
I I.
C ’eft-à-dire , que le roi de la Grande-Bretagne
s’obligera, en fon nom & au nom de fes fuccete
feurs , d’admettre toujours dorénavant dans la
Grande-Bretagne les vins du crû du Portugal 3 de
forte qu’en tout tems , foit qu’il y ait paix ou
guerre entre la France & l’Angleterre , on ne demandera
pas pour ces vins fous le nom de douane,
de droit , ou à tout autre titre, directement ou
indirectement, foit qu'ils foient importés dans la
la Grande - Bretagne en pipes, ou muids, ou
autres efpèces de fûts , que ce qui fera demandé
pour pareille quantité ou mefure de vin de France,
en déduifant ou diminuant le tiers des droits de
douane ou d’ aides. Et s’il arrive jamais que cette
déduCtion de droits , oui doit fe faire comme on
vient de le dire , fouffre quelqu'atteinte ou préjudice
, fa majeflé portugaife pourra jufteinent
8c légitimement prohiber de nouveau les étoffes
de lainfes de la Grande - Bretagne & fes autres ouvrages
en laine.
I I I.
Les plénipotentiaires s’engagent à faire ratifier
ce traité par leurs maîtres fufnommés , & ils promettent
que dans l'efpace de deux mois les ratifications
feront échangées. (1)
Par ce traité , la couronne de Portugal s’oblige
d’admettre les laines angloifes fur le même pied
qu’avant la prohibition , c’eft-à-dire , à ne plus
lever les droits qui avoient été payés avant cette
époque. Mais elle ne s’oblige point à les admettre
à de meilleures conditions que celles d’aucune
autre nation , que celles de la France, par
exemple , ou de la Hollande. La couronne de la
Grande - Bretagne , au contraire , s’oblige à admettre
les vins de Portugal-, en ne leur faifant
payer que les deux tiers du droit que paient les
vins de France, les feuls qui pouvoient - naturellement
entrer en concurrence avec eux. A cet
égard, le traité eft donc manifeftemeot dçfavan-
tageux à la Grande - Bretagne.
Toutefois on l’a vanté comme le chef-d’oeuvre
delà politique angloife , en fait de commerce. Le
Portugal reçoit annuellement duBréfil plus d’orqu'il
ne peut en employer dans fon commerce domelti-
que , fous la forme de monnoie, ou fous la forme de
vaiflelle. Le fuperflu eft trop précieux pour qu’on
l’enferme dans des coffres , & comme il ne peut
trouver un marché dans l’intérieur du royaume
(1). Le Portugal a enfin fenti le défavantage de ce t r a ité , Sc il paroît que cette puiiîànce vient d’en figner us r.cuveau
avec l’Angleterre. Nous avons parlé fort au long à l’article P o r t u g a l des défsvamages du traité de Méthu.'a pour «eîte
nation : nous allons l’examiner ici cl’àgrè-s les y rais principes de la théorie des traités de commerce.