
particulières^ de la conftitution d’Angleterre ,
les Etats-Unis n’ont pas fait aflez d’ attention aux
contrepoids , ménagées fi habilement par cette
conftitution , que leur effet fe trouve inévitable,
&: qu’ils iuffifent pour arrêter les écarts de
l’une des trois puiflance s. lis n’ont pas examiné
avec a fie z d’attention , les changemens qui de-
venoient néceflaires dès qu’ils ne vouloient point
de roi. Les moyens qu’ont adopté les anglois
pour contenir la puiflance royale ,. font ce qu’il
y a de plus jufie 8e de plus profond dans leur
gouvernement, & fi le refte eft impofant, il
*Le“ Pa.s ^ans défauts. Chacune des républiques
d Amérique a établi pour bafe de fon gouvernement,
que la puiflance légiflative, la puiflance
exécutrice , & la puiflance judiciaire^ feroient
feparees & diflinétes, de façon . que perfonne
ne pût exercer plus d’une de ces autorités à la
fois 5 mais elles n’ont pas mis une barrière aflez
forte entre ces diverles puiflances, & la Virginie
donné un exemple frappant de cette
omiflion. Les officiers chargés de la puiflance
judiciaire & de là puiflance exécutrice, font a
Ll.m.erd .du corps légiflatifj-c’efi: de-là que dépend
leur exiftence, & il y en a quelques-uns
qu il eft à tout moment maître de révoquer.
Si donc ce corps légiflatif s'arrogeoit la puiflance
exécutrice & la puiflance judiciaire, il eft vrai-
femblable qu’il n’efliiyeroit pas d’oppofîtion ,
& 1 ôppofition qu’il rencontreroit feroit inefficace,
car il' peut toujours donner à fa décifion
la forme d’un a&e de l’aflemblée générale, &
alors elle devient obligatoire pour toutes les
claflês de l ’état : il a en effet décidé plufieurs
points qui dévoient êt.re renvoyés à l’examen
des tribunaux & tout le tems qu’il a tenu fes
feances, la direction de la puiflance exécutrice
lui eft devenue habituelle & familière. Nous
en avons donné des preuves à l ’article Et a t s -
u n is . Les membres aétuéls ont de la droiture
& ils agiflent ainfi fans mauvaife intention. S’ils
fe mêlent de ce qui ne les regarde pas , c’eft
qu’ils font féduits par quelques perfonnes , &
qu’ils n’examinent pas les,-effets de leur conduite
: maisles citoyens des Etats-Unis doivent'
redouter par-deflus-tout la corruption de leurs
fénateurs & de leurs repréfentans.'; ils doivent
les furveiller avec foin , .fïnon leur liberté eft
en périlY & il faudra avant peu d’années ref-
treindre les fonctions de l’aflemblée :des repré-
feritans.
çQ. M._ Jefferfon , dont l’autorité eft ici d’un
grand poids , croit que d’ après ce quis’eft pafle
en Virginie, le légiflateur ordinaire pourroit
changer la conftitutiôn , fans y être autorifé \
d’une manière fpéciale par les citoyens. Il s’exprime
ainfi: « Les aflemblées qui avoient lieu
dans la Virginie , ayant cefle au commencement
des troubles, if fallut y fuppléer par un autre
corps , qui put diriger les opérations journalière«
du gouvernement , & faire ufage , contre la
grande-Bretagne , des forces de l’état. II le
forma des aflemblees compofées de deux députes
de chaque comté, qui fe réunirent fur
le plan de 1 ancienne chambre des bourgeois
5^ 1 : ces députés furent d’abord
depoflédés & confirmés à chaque feffion parti-
culieie j mais au mois de mars 1775 ils recommandèrent
au peuple de donner une année
d étendue aux fonctions des députés. Ces députes
, dont les fonctions dévoient durer un an ,
*urent en effet choifis au mois d’avril 17 7 5 , 8c
alï mo^s .^e juillet l’aflemblée pafla un aéte qui
ordonnoit de choifir les repréfentans au mois
. ?.Yn “ e chaque année. On fait qu’au mois, de
juillet 1775 3 aucun habitant de la colonie ne
fongeoit à fe ^ réparer de la Grande - Bre-
tagne , & à établir un gouvernement républicain.
Les repréfentans choifis en vertu de cette
ordonnance , ne peuvent avoir été choifis par
des factions dont l’idée n’exiftoit fûrement pas
dans l’efprit de ceux qui paffèrent laéte. Lorf-
que le peuple nomma fes repréfentans au mois
d avril 17 7 6 , il ne fongegit ni à fe rendre indépendant,
ni à établir un gouvernement démor
cratique. Les papiers de la Virginie avoient donné
pendant le mois de février, des extraits du pan-
pnlét j intitulé common fenfe ( ou le fens
commun ). Un petit nombre d’habitans avoit lu
1 ouvrage en entier, mais les idées républicaines
, le^ projet d indépendance qu’on y trouve,
n avoient point encore gagné le peuple. Ainfi
les électeurs du mois d’Avril 17 76 , & les lé-
giflateuis du mois de juillet I77J ne revêtirent
point les députés ^qui ont formé le corps Jégif-
lacif en 1776 , de 1 autorité dont ils avoient befoin
pour concourir à l’ aéte d’indépendance & établir
la conftitution ».
Ces idees font développées dans les notes fur
l état de Virginie : & , il faut l’avouer , l’auteur
les defend avec beaucoup de juftefle & de fa-
gacite. Nous nous permettrons d’ ol^ferver feulement
que lorfqu’une conftitution s’établit, il
n elt pas commun de la voir revêtue de toutes
'es3 formalités , rigoureufement néceflaires pour
quelle foit valide ; que le confenrement tacite
ou exprès du peuple lui donne . la jforce qu’elle
n avoit peut-être pas , & que l’état de Virginie
ainfi que les autres provinces, femblent avoir ratifié
1 a<fte d^indépendance & leurs conftitutions. C ’eft
etre, un bonheur , que pour donner l’aéte
d indépendance & établir les conftitutions ,„on n’ait
pas eflayé de s ’afllijettir à autant de formafltés :'
les oppofitions qu’on auroic rencontré de toutes
parts, les modifications & les tempéramensqiYau-
roient propofés les efprits minutieux ou froids 5
la lenteur qui eut été la fuite de ces délibérations,
auroient fervi la grande-Bretagne plus
qu’on ne peut l’imaginer» Peut-être ne doit-on
pas conclure de ce qui s’eft fa it , que le corps
légiflatif annuel & triennal pourroit changer la
conftitution , fans y être autorifé fpécialement ;
la déclaration des droits & la conftitution elle-
même ont réfervé ce pouvoir à la nation en général
, & fi elle veut le déléguer, il faut que
la délégation foit exprefîe & formelle.
6°. II paroît que la chambre des délégués de
l’ état fe croit-revêtue du droit de déterminer la
quotité des membres néceflaires pour pafler une
loi , & les abus qui peuvent réfulter de ce
fyftême font bien dangereux. Durant -.fa première
feffion, elle fuivit la loi m a jo f is patris 3
fondée fur la loi commune d’Angleterre & le
droit commun : c’eft la règle naturelle de toutes
les aflemblées , dont la quotité des membres
n’eft fixée par aucune autre loi : elle continue
à exiger la préfence du plus grand nombre des
repréfentans pour pafler une loi. Comme le parlement
de la grande-Bretagne fixe lui - même la
quotité des membres qu’il faut pour pafler une
lo i , les aflemblées des Etats unis & celle de la
Virginie en particulier, ont voulu l’imiter, &
dans ces fortes de cas un exemple favorable à
l ’autorité fait plus d’impreffion que cent exemples
qui lui font contraires. La chambre des députés
de la Virginie, déclara, le 4 juin 17S1 , que
durant l’invafion aéfuelle quarante membres fu f
firoient pour expédier les affaires. Elle craignoit
dé ne pouvoir pas raflfembler Ja majeure partie I
des membres. Lorfqu’ un état eft envahi , lorfqu'il
fe trouve dans une grande détrefte s on eft obligé
quelquefois d’adopter des expédiens dangereux s
mais il faut examiner ces expédiens dans les
momens de calme , & ne les permettre qu’ à la
dernière extrémité , fans qu’on puifie jamais s’en
prévaloir; il faut enfin le déclarer par une loi. Nous
invitons la Virginie , & chacun des autres états,
à méditer foigneufement fur ce point ; ils le
doivent d'autant plus, que la loi n’a pas cir-
conferit d’une manière allez nette les fonctions
de la chambre des délégués , & quelle peut s’arroger
& s’arroge déjà quelqueidétails de la puif
fance exécutrice & de la puimnee judiciaire.
y ". En indiquant les vices de la conftitution
actuelle de Virginie , on ne doit pas lui attribuer
les défauts de quejques particuliers ; & nous
nous garderons bien d’imputer à la loi ,';nda-
mentale un défordre qui a menacé, & qui en
pareille occalîon menaeeroit peut être" encore
cette république : mais il en réfulte cependant
que l’efprit de la conftitution n’eft ni bien
connu ni bien ftnti , & qu’ainfî la conftitution
exige de plus grands détails.
Au mois de Décembre 1776 la Virginie fe
trouvoit fi embarraflee 5 que la chambre des
députés ptopofa de créer un directeur, & de [
le revêtir de'.toute l’autorité légiflative , exécutrice
& judiciaire, militaire & civ ile , de lui
donner droit de vie & de mort fur les habitans,
& rfç le rendre maître abfolu de toutes les propriétés.
Cette province fe trouvant à-peu-près
dans la même détrefte au mois de juin 17S1 ,
on renouvellj là même ptopofition , & elle fut
rejettée feulement de quelques voix. Les citoyens
, que l’amour de la liberté & le reflen-
timent avoient armés, qui s’étoient dévoués
a^tous les facrifîces & à tous les dangers, pour
rétablir leurs droits fur une bafe folide , qui
n’avoient pas craint de verfer leur fang & de
perdre leur fortune, pour fecouer le joug de
l’Angleterre , revêtir de l’autorité du gouvernement
des hommes qu’ils choifiroient eux mêmes,
& fe garantir déformais de l’oppreflîon que vou-
droit établir un homme corrompu , durent
être faifis d’étonnement, lorfqu’ils virent une
portion cojifidérable de leurs repréfentans prêts
à fe livrer à la merci d’un feul homme. Et fur
quoi donc fe fondoit la chambre des députés ï
Eft-ce fur les anciennes loix de la colonie ? On
n’en trouve aucune qui l ’autorisât à une pareille
démarche. Eft-ce fur quelque principe
rappelle ou fuppofé dans la nouvelle conftitution
? Chacun des articles de la déclaration des
droits & de la conftitution s’y oppofoit, & l ’ef-
farit de ces deux a êtes fondamentaux s’y oppofoit
également. Ils déclarent l’un & l’autre que le
gouvernement fera républicain. Ils proferivent
fous le nom de prérogative, l’exercice de toute
efpèce dé pouvoir qui n’eft pas circonfcrit par
les loix ; ils placent fur cette bafe tout le fyftême
de^ l’adminiftration ; ils n’admettent aucun cas
qui permette de s’écarter de ces principes : fî
toutes les communautés de la Virginie , frappées
de terreur, euflent alors propofe de nommer urt
diétateur, on pourroit gémir fur leur foiblelte &
fur leur aveuglement, & il eut été difficile de
leur contefter ce droit : mais on ne confulta pas
ces communautés, & ce projet futformé par quelques
uns des repréfentans. Or les anciennes loix
déclarent expreffément, & la conftitution elle-
même déclare implicitement, que des délégués ne
pourront déléguer leur pouvoir à d’autres. Vouloient
- ils abandonner leur polie dans un tems
de détrefte ? les loix leur défendent d’abandonner
leur pofte , même dans les tems ordinaires , &
fur-tout de ne pas transférer leur pouvoir à d’autres
fans confirmer le peuple. L’impérieufe né-
ceffité faifoit - elle donc une loi de cet expédient?
Lorfque la détrefte brife les refïorts d’ un gouvernement,
elle remet , dans les mains du peuple
l’autorité qu’il a délégué ; & chaque citoyen
rentre dans les loix delà nature qui lui promettent
de veiller comme il pourra à fa sûreté & à fes
intérêts. Mais jamais on ne peut les foumettre à
l’autorité abfolu d ’un diétateur. C e n’ eft pas tout
fi U néceffifé autorifé la diélature , elle doit étr