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Nous nous bornerons ici à donner , i° . un
précis de Thiftoire politique du royaume de Prujfe
proprement dit. i ° . Nous parlerons de fa divifion,
& de fes productions. $°. D e fes manufactures , de
Con commerce , de fon adminiftration , de fes
états, de fes revenus, de fon régime eccléfiafti-
que, & de l’ancienne compagnie des Indes d’Emb-
den. 4°. Nous traiterons de la population, des
revenus & de Tétât militaire de la monarchie
pruflîenne. y°. Nous ferons des remarques fur la
monarchie pruflîenne en général, fur fa puiffance
& fes progrès fous Frédéric I I , & nous traiterons
de fes rapports politiques.
S E C T I O N P R E M I E R E .
Précis de Phifioire politique du royaume de Prujfe
proprement dit.
L ’hiftoire ancienne de la Prujfe elt trop obfcure
pour entreprendre ici de la débrouiller. Parmi
les petits peuples qui ont habité la Prujfe, les
plus remarquables étoient les Sudaviens, les Ga-
îindiens & les Schalavoniens. Le nom de Pruf-
lien , dont Torigine elt incertaine , n’eft connu
que depuis le dixième fiècle : les anciens varioient
dans la maniéré de Técrire} car nous trouvons
qu’ils ont employé les mots Pruci, Prucei, Pru-
z i , Prutî, Brurii du Bruchii. On dit que ce nom
vient de Porufifes , c’eft - à - dire contigus à la
Ruflîe , à caufe de leur voifinage avec cette province.
En effet, dans-l’ancien langage prulïien,
po lignifie auprès , à côté. L’hilloire de ce pays
commence à s’éclaircir vers cette époque. Les j
rois de Pologne fe donnèrent des peines infinies , !
& employèrent même la force des armes pour j
convertir les Prufiiens idolâtres au chriltianifme.
Bolellas I. châtia les Prufiiens, qui avoient maf-
facré faint Adeibert ou A lb e r t, qui étoit allé les
inltruire. Les1 fuccefiTeurs de Bolellas eurent de
fréquens démêlés avec eux. Bolellas IV. ravagea
la Prujfe en 1148 j mais les Prufiiens le battirent
en 1163. Us dévaltèrent au treizième fiècle Culm,
la Cujavie & la Mafovie ; & Conrad ,^duc de
Mafovie , fut obligé d’appeller à fon fecours les
princes , fes parens & fes alliés. On donnoit une
croix pour marque diftinétive à ceux qui dévoient
marcher contre e u x , comme côntre des ennemis
du nom chrétien. Mais les Prufiiens réfif-
tant toujours, Conrad eut recours aux chevaliers
Teutons , & les chargea de la défenfe de
fes frontières. Il leur abandonna d’abord en 1230
les diftriéts de Culm & de Dobrzin pour vingt
ans , au bout defquels ils les acquirent à perpétuité,
avec tout ce qu’ils pourroient conquérir
dans la fuite fur les Prufllenis. Ces guerriers, fécondés
par les chevaliers porte-glaives, réduifi-
rent tout le pays en moins de cinquante-trois ans.
Les grands-maîtres de leur ordre établirent en
1309 leur réfide.nce à Marienbourg. La guerre
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avec les Lithuaniens fut auffi très-fanglante. Ces
fuccès engagèrent les chevaliers Teutons à donner
un libre cours à leur orgueil & à leur cruauté ;
mais ils perdirent la confidéràtîon qu’ils s’étoient
acquife, lorfque les Polonois les défirent à la bataille
qu’ils leur livrèrent en 1410 proche Tannenberg
& Grunwald : les Polonois firent un carnage
épouvantable de ces chevaliers. En 1454 , la
moitié de la Prujfe fe fouleva contre Tordre Teutonique
, & fe fournit à^Cafimir I I I , roi de Polo-^
gne j & après plufieurs troubles il fut enfin décidé
en 1466 , que la partie de la Prujfe, appellée depuis
Prujfe Polonoife , feroit déformais libre fous
la protection du roi de Pologne , & que‘’l’autre
partie demeureroit foumife aux chevaliers
grand-maître de Tordre Teutonique-5 il fallut
même que Tordre s’engageât à ne tenir cette dernière
partie que comme un fief de la Pologne.
Les chevaliers eflayèrent dans la fuite de fe dégager
de ce lien féodal j mais leurs tentatives furent
fans fuccès. Us crurent mieux réuflir par la vpie
des armes que par celle de la négociation ; & la
guerre fut déclarée en 1419. Elle dura fix ans :
la paix fe fit en iy z y . Par le traité figné à Cra-
cov ie , le margrave Alb e r t, grand-maître de
Tordre Teutonique, fut qualifié de duc féculier
& héréditaire de la Prujfe ultérieure. Les conditions
de ce changement furent, que le nouveau
duc tiendroit cette partie de la Prüfe en fief de
la Pologne j qu’elle paflferoit par droit de fuccefi
fion à fes defeendans mâles ; qu'au défaut de ceux-
ci elle appartiendroit à fes frères & à fes defeendans
en ligne mafeuline. Ainfi fe termina en Prujfe
le règne de Tordre Teutonique , après avoir duré
trois cens ans. Le nouveau duc de Prujfe introd
u i t la doéirine de Luther dans fes Etats , &
fonda en 1544 Tuniverfité de Königsberg. L ’électeur
Joachim Frédéric fit entrer le duché de Prujfe
dans la maifon électorale de Brandebourg , à
laquelle, depuis ce tems , elle eft demeurée unie.
La Prujfe eut beaucoup à fouffrir des Suédois durant
la guerre de trente ans ; au commencement
de cette guerre elle étoit gouvernée par Téleéteur
George Guillaume. Son fils & fuccefîeur , le puif-
fant électeur Frédéric Guillaume , avoit d’abord
embrafifé le parti de la Suède ; mais il l’abandonna
bientôt, & fe rangea du côté des Polonois. II
n’eut pas lieu de s’en repentir. Cafîmir, roi de
Pologne , le dégagea, par les traités de Wehlau
& de Bromberg de 16 5 7 , du lien féodal envers
fa couronne, & le déclara, lui & fes defeendans
en ligne mafeuline, feigneur fouverain & indépendant
de la partie de la Prujfe qui compofoit
fon fief. Frédéric Guillaume obtint en outre les
feigneuries de Lavenbourg & de Bulow , aux
mêmes conditions qu’elles avoient été polfédées
r par les ducs de Poméranie j il augmenta la puif-
fance de fa maifon par d’autres polfefllons , & il
acquit le furnom de grand.
Frédéric, fils Ôc fuccefifeur du grand électeur, •
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érigea le duché de Prujfe en royaume, fe couronna
lui-même, & mit la couronne fur la tête de fon
époufe à Königsberg, le 18 Janvier 1701. C e
prince fut bientôt après reconnu roi par les princes
chrétiens > & nous parlerons plus bas des difficultés
qu’ont fait les papes. La république de
Pologne n’avoit point encore rèconnu la dignité
royale de TéleCteur de Brandebourg 5 mais elle a
imité l’exemple durefte de TEuropb, en l’avouant
à la diète de convocation de 1764. Le roi Frédéric
Guillaume , ,qui monta fur le trône en 17 13 ,
reçut dans fes Etats plufieurs milliers de colons
étrangers, & il fit en général un grand nombre
d’établiflemens utiles & glorieux. U eut en 1740
pour fuccefifeur le roi Frédéric II. Nous dirons
plus bas tout ce qu’ a fait ce prince pour la monarchie
j nous obferverons feulement ici qu’ il a
relevé le commerce maritime j qu’ il changea en
1747 l ’ordre & l’arrangement de fes finances. En
1751 il établit neuf collèges d eju fticeàla place
des grands bailliages ; il mit en même-tems une
grande réforme dans T adminiftration de la juftice,
& établit en 17 j 2 dix confeils provinciaux. En
1757 la petite Lithuanie fut envahie par une armée
confîdérable de troupes Rulfes , qui y firent
beaucoup de dégât. Ces troupes occupèrent même
tout le royaume de Prujfe , depuis 1758 juf-
qu’en 17 6 2 , époque où il fut évacué & remis
entre les mains du roi.
S E C T I O N I I .
V e la divifion , des productions , des manufactures,
du commerce , . de Cadminiftration , des revenus ,.
du régime eccléfiafiique, des Etats, de la Prujfe
: proprement ait.
Si on divife la Prujfe, d’après les deux chambres
de la guerre & des domaines , il faut
diftinguer le département Allemand & le département
Lithuanien.
I. Le département Allemand.
C e département s’étend fur quarante-trois villes
, cinquante-quatre bailliages & deux cents quatre
vingts paroififes, parmi lefquelles on en compte
fept de réformés & fept de catholiques romains.
II. Le département de Lithuanie.
C e département renferme dix-huit villes , foi-
xante-deux bailliages & cent cinq paroififes.
La petite Lithuanie, qui a vingt-quatre milles
de longueur , fur huit & douze de largeur , comprend
l’ancienne province de Schalavie , la plus
grande partie de celle de Nadravie, & une petite
partie de celle de Sudavie. Elle fut prefque entièrement
dépeuplée par la pefte en 1710. Leroi
Frédéric Guillaume y attira vers l’an 1720 plufieurs
«Ailiers de Suififes, de-François, de Pala-
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tins de Franconiens , & en 1732 environ
quinze à feize mille Saltzbourgeois. Ces émi-
grans cultivèrent ce canton défert, abattirent &
détruifirent les forêts & les broufifailles fuperflues ,
defiféchèrent les marais, bâtirent des villes , des
villages, des églifes & des métairies, & firent
ainfi en peu d’années changer de face à leur nouvelle
patrie î & le roi de Prujfe fe vit richement
dédommagé des millions qu’il avoit donné à ces
nouvelles colonies. Mais ce pays a beaucoup fouf-
fert des Rufles , qui s’en emparèrent en 1757.
La petite Lithuanie eft en elle-même la partie
la plus fertile du royaume de PruJJé. La terre y
eft d’un grand rapport. Les pâturages y font ex-
cellens. Elle produit plufieurs milliers de lafts de
grains , qui fe verfent en partie dans les magafîns
royaux des vivres , & 'dont le refte fe tranfporte
hors du pays , de beaux troupeaux de boeufs &
de vaches , d’excellens chevaux , quantité de
moutons , de très-bon beurre & des fromages
d’un goût excellent. La pêche y eft abondante.
Elle offre de beaux bois & une quantité confî-*
dérable de gibier. Elle a quelques manufactures.
On fabrique principalement des draps fins & greffiers
, des cuirs , & c . Les Lithuaniens , qui font
les anciens habitans du pays , ont un idiome
particulier, dans lequel on a traduit la bible ,
le cathéchifme , & quelques, autres livres édi-
fians. Us ne font ni auflfi fimples, ni aufli grof-
fîers qu’on Je croit communément, & les colons
Suififes entendent très-bien ce qui regarde le foin
du bétail. Les François font plus verfés dans la
culture & le commerce du tabac, qu’ils ont
introduit dans cette contrée. Les Suififes , les
François & les Franconiens font en général de
la religion réformée î & il y a dans la petite Lithuanie
dix paroififes de réformés , Allemands &
François., Les autres foixante-deux font luthériennes.
Il y en a une de catholiques.
Le fol de la Prujfe produit prefque par-tout
du froment, du feigle, de l’orge , de l’avoine,
du bled-farrafin, du millet 4 oes p o is , du lin ,
du chanvre, du houblon , du tabac, des pâturages
, & des légumes de toute efpèce.
On y élève beaucoup de beftiaux & de chevaux.
La Prujfe ne produit ni vin ni fe l, & on n’y
trouve que des mines de fer.
Elle renferme foixante-deux villes. Ses habitans
font de différente origine. On y diftingue
trois nations principales. La première eft celle
des Prufiiens proprement d its , qui defeendent
des anciens Germains , dont ils ne diffèrent, ni
par la langue,, ni par les moeurs , & parmi lef-
quels on compte les colons Allemands. La fécondé
eft celle des Lithuaniens , qui tirent leur
origine des anciens Schalayiens & Nadraviens.