
lîx millions huit cents vingt-iîx mille huit cents
foixante-quinze 1. Durant une paix d'environ fept
ans , l’adminiftration fage & vraiment patriotique
de M. Pelham, ne fut pas capable d’acquitter
une vieille dette de lîx millions ft. Pendant
une guerre qui eut à-peu-près la même durée
, on contraria une dette d’environ foixante-
dix millions.
Au $ janvier 1775 j hypothéquée de
la Grande-Bretagne montoit à cent vingt-quatre
x millions neuf cents quatre-vingt-feize mille qua-
tre-ving-lix 1. un f. lîx den. un quart. La dette non
hypothéquée, non compris la dette de la lifte
civile , à quatre millions cent cinquante-mille deux
cents trente-lîx 1. trois f. onze den. fept huitièmes.
Les deux enfemble, à cent vingt-neuf millions
cent quarante-lîx mille trois cents vingt-
deux 1. cinq f. lîx den. Selon cet éta t, toute la
dette acquittée pendant onze ans d’une paix profonde
montoit feulement à dix mijlions quatre
cents quinze mille quatre cents foixante-quatorze 1.
feize fols neuf deniers fept huitièmes , encore
cette petite réduction de la dette n’a - 1 - elle
pas été faite en entier par les épargnes du revenu
ordinaire de l’Etat. Diverfes fommes étrangères
& absolument indépendantes de ce revenu y ont
contribué. Nous pouvons mettre de ce nombre
le fchelling par livre ajouté de plus pour trois
ans 3 les deux millions fterlings reçus de la compagnie
des Indes orientales en indemnité pour
fes acquifitions territoriales, & cent cinquante
mille liv. fterlings reçues de la banque pour le
renouvellement de fa chartre. A quoi il faut joindre
plufieurs autres fommes , q u i, provenant de
la dernière guerre, doivent être confidérées peut-
être comme autant de déductions des frais qu’elle
a coûtés.
Le produit des prifes
fur la France . . . . . . . 690449 I. 18 f. 9 d.
Compofîtion pour les
prifonniers françois. . . . 670000 1. o f. o d.
C e qu’on a reçu de la
vente des ifles cédées. . . 9 S 500 I. o f. ô d.
T o ta l.. . 14 j y 949 1. 18 f. 9 d.
Si nous ajoutons à cette Somme la balance des
comptes du lord Chatam & de M. Calcraft, &
les autres épargnes de la même efpèce fur l’année
y avec ce qu’on a reçu de la banque, de la
compagnie des Indes , & le fchelling' par livre
Surajouté à la taxe fur les terres, le total paf-
fera de beaucoup cinq millions. Ainfî la dette
acquittée par les épargnes du revenu ordinaire
de l’Etat, ne s’eft pas montée * une année dans
Tautre , à un demi-million par an. Le fonds d’a-mortiflement a fans doute beaucoup augmenté
depuis la paix , pat la dette acquittée, pat la
réduction des quatre pour cent, rachetables 4
trois pour cent, & parles annuités à vie qu’on
y a fait tomber > & on efpère aujourd’hui y prendre
annuellement un million pour l’acquit de la
dette*. Aufli paya-t-on un autre tnillioi? en 1774 ;
mais en même tems on n’a rien acquitté d’ une
grofte dette de la lifte civile 5 à cette époque l’Angleterre
s’engageant dans une nouvelle guerre, qui,
dans fes progrès , eft devenu plus difpendieufe
encore qu’aucune des précédentes. En effet, on
évalue aujourd’hui ( commencement de 1788 )
à plus de deux cents quarante millions fterling ,
c ’eft à dire à environ cinq milliards ; la dette de
la Grande-Bretagne. La nouvelle dette qu’elle a
ainfî contractée eft fupérieure à toute l’ancienne
acquittée • par les épargnes du revenu ordinaire
de l’Etat. C e feroit donc une pure chimère,
que ci imaginer que la dette publique foit jamais
complètement acquittée par des épargnes du revenu
ordinaire tel qù’il eft à préfent.
Un auteur a repréfenté les fonds publics des
nations endettées de l’Europe, fpécialement ceux
d’Angleterre , comme l’accumulation d’un grand
capital furajouté à l’autre capital du pays , &
par le moyen duquel fon commerce s’étend, fes
manufactures fe multiplient, &■ fes terres font
cultivées beaucoup mieux qu’elles ne pourroient
l’être avec le premier capital feulement. Il ne penfe
pas que le capital avancé au gouvernement par
les premiers créanciers du public, é to it, du moment
où ils l’ont avancé , une certaine portion du
produit annuel détournée de la fonction d’un capital
à celte d’un revenu} qu’au lieu de fervir ,
comme il faifoit, à entretenir des ouvriers productifs
, fa deftinée eft d’en entretenir qui ne
produifent rien, & d’être généralement confumé
& diflipé dans le cours d’une année, fans la
moindre efpérance d’aucune reproduction future.
Il eft vrai qu’en retour du capital qu’ils ont avancé,
ils ont obtenu dans les fonds publics une annuité
qui, la plupart du tems , vaut davantage. L’annuité
a fans doute remplacé leur capital, & leur
a donné le moyen de faire un commerce & des
affaires peut-être plus étendus qu’auparavant}
c’eft-à-dire, qu’elle les a mis en état, ou d’emprunter
un nouveau capital fur le crédit Qu’elle
leur donnoit, ou de fe procurer, en la vendant,
un nouveau capital égal , ou fupérieur à celui
qu’ils avoient avancé au gouvernement. Mais ce
nouveau capital, acheté ou emprunté , doit avoir
exifté auparavant dans le pays, & y avoir été
employé, comme tous les autres capitaux, à
entretenir le travail productif. Lorfqu’ il a paffé
entre les mains de ceux qui ont avancé leur argent
au gouvernement, c’é toit, à certains égards, un
nouyeau capital pour eux j mais ce n’é to it, pour
.
le pays , qu’un capital retiré de certains emplois ,
pour être appliqué à d’autres. Il remplaçoit bien
pour eux celui qu’ils avoient avancé au gouvernement
; mais il ne le remplaçoit pas pour le
pays. S’ils ri’avoient pas prêté au gouvernement,
il y auroir eu dans le pays deux capitaux , deux
portions du produit annuel, au lieu d’une , qui
atiroient été employées à entretenir le travail productif.
Lorfque le gouvernement, pour défrayer fa dépenfe
d’ une année , leve un revenu fur le produit
d’impôts qui ne font pas engagés , ce n’eft alors
qu’une certaine portion du revenu des particuliers,
qHi eft détournée g de manière qu’au lieu d’entretenir
une efpèce de travail qui ne produit rien ,
il en entretient une autre. Une partie de ce qu’ils
payent pour ces impôts pouvoit fans doute être
accumulée en capital, & conféquemment être
employée à l’entretien du travail productif} mais
la plus grande partie auroit été probablement dé-
penfée, & conféquemment employée à entretenir
un travail qui ne produit rien. La dépenfe publique,
défrayée de cette manière , empêche plus
ou moins l ’accumulation d’un nouveau capital}
mais elle n’opère pas néceflairement la deftruCtion
d’aucun capital actuellement exiltant.
Lorfque la dépenfe publique eft défrayée par
des fonds hypothéqués, elle l’eft par la deftruCtion
annuelle d’un capital qui exiftoit auparavant dans
le pays, par la perverfîon d’une portion du produit
annuel qui étoit deftiné à l’entretien du travail
productif, & qu’on détourne à l’entretien d’un
travail qui ne produit rien. Cependant, comme
.dans ce cas les impôts font plus légers qu’ils
n’auroient é té , fi on avoit levé dans l’année un
revenu fuffifant pour défrayer la même dépenfe ,
le revenu particulier des individus eft nécessairement
moins chargé., & par conféquent ils font
plus en état d’épargner & d’accumuler quelque
partie de ce revenu , pour en faire un nouveau
capital. Si l’ ufage d’hÿpothéquer.eft plusdeftruCtif
de l'ancien capital, il eft moins défavorable à
l’accumulation ou acquisition d’un nouveau , que
l ’ufage de défrayer la dépenfe publique par un
revenu leyé dans l’année. Sous le fyftême des
fonds hypothéqués, iJ eft plus facile à l’économie \
& à l’induftcie des particuliers de réparer les brèches
que la diflîpation & la profufîon du gouvernement
peuvent occafionner dans le capital général
de la fociété;
Au refte, le fyftême d’hypothéquer ne peut
avoir cet avantage fur l’autre que pendant la continuation
de la guerre. Si on défrayoit toujours
la dépenfe de la' guerre par un revenu levé dans
l’année, les impôts qui fourniroient ce revenu
extraordinaire, ne dureroient pas plus que la
guerre. La*faculté qu’auroient les particuliers d’ac-,
cumuler , feroit moindre pendant la guerre, mais
plus grande en tems de paix , qu’elle 11e l’eft avec
le fyftême d’hypothéquer. La guerre n’occafîonne- J
ïoit pas “néceflairement la deftjudïion d’anciens 1
capitaux , 8r la paix occafionneroit l’accumulation
de bien des capitaux nouveaux. On fe hâteroit
moins de conclure .la guerre , & on ne l’entre-
prendroit pas fi légèrement- Le peuple, qui en
fentiroit le fardeau , & qui le porteroit en entier,
s ’en lafieroit bien vite ; & le gouvernement, pour
fatisfaire le peuple , feroit dans la néceflité de ne
pas la pouffer plus long-rems que les circonftances
ne l’éxigeroient. La perfpeCtive des charges lourdes
& inévitables de la guerre , empêcheroit le peuple
de la demander indifcrétemenc, lorfqu’il n’y auroit
pas un intérêt réel & folide à la faire. Le tems
où les particuliers perdroient un peu de la faculté
d'accumuler arriveroit plus rarement, & feroit
plus court; & celui où ils feraient en pleine
jouiffance de cette faculté feroit moins interrompu,
ou feroit de bien plus longue durée.
Lorfque le fyftême des emprunts fur hypothèque
a fait certains progrès, la multiplication des
impôts, qu’il amène avec lu i, enlève, en tems
dp paix , aux particuliers autant de moyens
d’amafier, que l’autre fyftême leur ,n ôte pendant
la guerre. Le revenu public de la Grande-
Bretagne, en tems de paix, fe monte à plus de
douze millions fterlings par an. S’il étoit libre ,
ou non engagé , avec une bonne adminiftration ,
il pourrait fuffire pour foutenir la guerre la plus
vigoureufe , fans contracter un fchelling de dette.
Le revenu particulier des habitans de la Grande-
Bretagne eft actuellement auffi chargé, en tems de
paix, & leurs moyens' d’accumuler aulfi diminués,
qu'ils l’auroient été dans le tems de là guerre la
plus difpendieufe , fi le pernicieux fyftême des emprunts
fur hypothèque n’avoit jamais été adopté.
On a dit qu’en payant l’intérêt des dettes publiques
, c eft la main droite qui payoit à la main
gauche. L’argent, dit-on , ne fort pas du pays.
C ’efi feulement une partie du revenu d’une ciafle
d’habitans qui pafie à une autre, & la nation
nen^eft pas plus pauvre. Cette apologie porte
entièrement fur les fophifmes du fyftême mer-
cantille. C e raifonnement fuppofe d’ailleurs que
l’Etat ne doit rien qu’aux -habitans du pays ; ce
qui n’éft pas vrai, puifque les hollandois & d’autres
nations étrangères ont une grande part dans
les fonds publics de l ’Angleterre & de la France ,
qui font les deux peuples de l’Europe Iqs plus
endettes. Mais quand elles n’en aufoient aucune,
/cette erreur n'en feroit pas moins pernicieufe. ?
Les terres & les capitaux font les deux fources
primitives de "tout le revenu public & privé. Les
capitaux payent le falaire du travail productif employé,
foit à l’agriculture, foit aux manufactures,
foit au commerce. L’adminiftration de ces deux
fources primitives du revenu , appartient à deux
clafles d’hommes , aux propriétaires des terres ,
& à ceux qui ont ou qui employent les capitaux’
Le propriétaire d'une terre eft intcrefle, par la