
grands & la noblefle, feules perfonnes CO à q u i,
félon le yéritable efprit du defpotifme féodal ,
appartienne le droit de pofleder des terres. Mais
au lieu de pouvoir , comme du tems de cet ancien
régime, s'armer & fe mettre à la tête de
leurs vaflaux , on ne leur demande que de fervir
dans l'armée , & ils font obligés de lui fournir
des recrues proportionnellement à l'étendue de
leurs poffeflions.
M. Coxe dit : » en RuJJie , comme dans tous
les gouvernemens orientaux , il n'y a prefque
d'autre diftindion de rang entre les nobles que
celle qui dérive des emplois & des grades que leur
confère le fouverain. Les fils aînés des perfonnes
élevées aux premières dignités n'ont aucune prérogative
attachée à leur naiflance , comme celles
des pairs d’Angleterre, des grands-d'Efpagne,
des pairs de France. La grandeur d'une famille qui
réunit des richeffes immenfes aux plus éminentes
dignités, eft comme anéantie à la mort de fon chef,
parce que les biens font également partagés entre
les fils , & parce que les titres qui font héréditaires
, fans la faveur du maître , ne contribuent
pas beaucoup à rendre grands ceux qui les portent.
Qu'ils foient princes, comtes ou barons, c'eft une
diftindion qui n’a pas une grande valeur fans
l ’appui de quelque emploi civil ou militaire. »
Mais cela n'eft plus vrai depuis le nouveau réglement
de l'impératrice que nous donnerons tout-
à-l'heure.
Avant Pierre - le - grand le feul titre héréditaire
étoit celui de kn&s , qu'on traduifoit par celui de
prince. Celui de boyar, qui lignifie confeiller
privé, ne fe tranfmettoit pas des pères aux fils.
Ceux qui prenoient le titre de kn&s defcendoient,
ou prétendoient defcendre, de quelques branches
collatérales de la famille régnante , ou de quelques
princes Lithuaniens qui s'étoient établis en RuJJie
au quatorzième & quinzième fiècles, ou de fei-
gneurs tartares qui devinrent fujets de l’empire
fous Ivan Vaflilievitch I I , & fes fucceffeurs immédiats
, ou de quelques familles polonoifes &
étrangères qui fe font établies en RuJJie. Avec le
tems j le nombre de ces princes s'eft. tellement
accru , que fuivant le lord W h itw o r th , il y en
avoit trois cent qui fervoient comme fimples fol-
dats dans le feul régiment de dragons de Men-
zicofi
Quoique Pierre-le^grand , à l'exemple des autres
cours de l’Europe , ait introduit les titres de
comtes & de barons 5 & que fes fucceffeurs l’aient
imité à cet égard , aucun de ces titres ni celui de
prince n’a paru une diftin&ion affez brillante , 8r
les favoris des fouverains .de RuJJie ont fouvent
defiré d'être créés princes de l'empire germanique,
comme Menzicof le fu t, fur la demande de Pierre
I , & les princes O rlo f & Potemkin fous le pré-
fent règne.
Les nobles ont dans leurs terres une autorité
prefque illimitée, & difpofent de leurs ferfs fans
aucune reftfi&ion , comme on le verra bientôt.
Selon le. nouveau règlement de Catherine fur
la noblefle Aucun noble ne fera privé de
fa noblefle que par un jugement légal , & ne
pourra être jugé que par fes pairs. Le jugement
d'un procès criminel intenté contre un noble ne
pourra être exécuté que lorfqu'il aura été revu
par le Sénat , .& confirmé par S. M- I. Il fera
permis à la. noblefle de prendre du fervice chez
les puiflances de l'Europe alliées de la RuJJie,
& en général de voyager dans les pays étrangers,
mais à condition de revenir dans la patrie aufli-tôt
après le rappel formel. L'héritage d'un noble
condamné pour crime ne fera point confifqué ;
mais il panera à fes héritiers légitimes. La noblefle
aura le. droit de pofleder des maifons dans
les villes ., & d'y établir des manufactures j mais
dans ce cas elle fera foumife aux loix des villes
quant à ces poffeflions. La noblefle pourra faire
vendre , conformément aux réglemens , les mar-
chandifes qu'elle fera fabriquer dans fes terres.
Elle jouira .de la pleine propriété de fes terres,
non-feulement de ce que la furface produira,
mais aufli des productions minérales & du droit
de pêche. & autres droits fur les étangs & rivières
qui .s'y trouveront. Chaque noble fera
exempt, pour fon individu , des impofitions per-
fonnelles. La noblefle aura le droit de tenir des
aflemblées dans les gouvernemens refpeCtifs, 8s
de délibérer fur les intérêts communs j-mais les
délibérations & les repréfentations qui auront été
arrêtées feront reinifes au gouverneur général, &
il fera interdit à la noblefle de faire des arrêtés
contraires auxloix. Chaque aflemblée dans chaque
gouvernement aura des archives ^ un fceau particulier
; elle'pourra aufli fe donner uh fecrétaire,
& établir une caiffe particulière pour fes intérêts.
On ne pourra jamais arrêter quelqu'un de
la noblefle lorfqu'elle tient fes aflemblées. On
tiendra dans chaque gouvernement un protocole
des familles nobles qui y font établies > on y
portera , d'après l’ordre alphabétique , le nom
des familles , les mariages , les naiflances, les
rangs, les emplois. La première partie de ce pro»
(1) M. le Clerc d it que Catherine H , en confirmant les immunités de la nob lefle , a ordonné : » Que le d ro it d’acheter
» ou de vendre des terres , fero it propre aux feuls nobles. » ’ . , . .
Cela regarde la RuJJie proprement dite j car en U k ra in e , 8c dans les provinces de la Suède ( l ’Ingne exceptée j les terres
peuvent être pofledées pat des roturiers.
tocole fera dellinée à l'enregiftrëment des familles
nui prouveront une nobleife de cent ans, 8c de
celle que nous ou nos fucceffeurs au trône , amii
que d'autres monarques auront gratifiées d un
diplôme de noblefle ; la fécondé fervira a 1 en-
regiftrement de la nobleife militaire. Tous les
officiers de l'armée , qui ne font pas nobles de
naiflance , deviendront noble.s. par le fervice ;
il leur fera délivré des patentes de. noblefle ,
qu'ils tranfmettront à leur poiïériteTégitime. La
troifièmë renfermera la noblefle des huit premiers
rangs; c’eft-à-dire , tous les employés nationaux
ou étrangers , qui ont un brevet ou rang dans
les huit premières claffes de l'Etat; ces employés
gt leurs enfans légitimes, quoiqu'ils ne foient
pas nobles de naiflance , jouiront de toutes les
prérogatives de l'ancienne noblefle- La quatrième
contiendra foutes les familles étrangères. La cinquième
, les familles titrées ou brevetées ; &
enfin la fixième partie , les anciennes familles
nobles qui pourront prouver plus de cent ans
de noblefle , & dont l'origine fe perd dans l'obf-
curité des fiècles précédens. Les familles prouveront
leur noblefle par des titres originaux ou des
copies dignes de foi ; le maréchal du gopverne-
ment, & les députés de la noblefle feront chargés
d'examiner les preuves, qui doivent confifter
dans les pièces fuivantes : lavoir, lettres de no- ■
bleffe accordées par nous, ou nos prédéceffeurs,
ou d'autres têtes couronnées ; armoiries données
par les fouverains ; brevet pour un emploi qui
donne rang de noblefle ; pièces qui attellent que
les aïeux de celui qui fait preuve ont été décorés
d'un ordre équeftre de RuJJie ; lettres de concef-
fion de terres ; concédions de fiefs ; lettres , ordres
ou inftruclions qui attellent que les aïeux de.çelui
qui fait preuve ont été employés dans les affaires
d’état, comme ambaffadeurs, miniitres, &c.pièces
qui prouvent des fervices nobles ou des poffeflions
de terres. Les officiers fupérieurs , qui ne font
pas nobles de naiflàncê, auront la noblefle pour
ceux de leurs enfansqui font nés'lorfqu’ils avoient
le grade d’officier ; fi leurs enfans font venus au
monde antérieurement à cette époque, !a nobleife
ne fera accordée qu’ à un des fils que le père aura
choifi. Les enfans des employés civils avec rang
; d’officier fupérieur , ne feront pas nobles , la
i noblefle de leur père ne devant être que pet-
■ fonnelle. Cependant lorfque l’aïeul, le père &
le fils auront eu des emplois qui donnent la no-
i bleffe perfonnelle , leurs héritiers pourront, de-
! mander la noblefle héréditaire. Donné le ay avril
| iy8yi- ■ ■ — -
L . S. C a t h e r i n e .
r On pourroit critiquer ce règlement de plufieurs
I manières; mais comme il doit-rapprocher l'autorité
abfolue de l’impératrice de Rujfte de la
: monarchie, cette confidération doit arrêter les
r cenfeurs,
Le fécond ordre de l'Etat eft le clergé. Le patriarche
étoit autrefois le chef du clergé. Pierre
le fupprima en 1719 , mais au lieu de fe déclarer
formellement chef de l'églife en fa place,
il remit prudemment la principale direction des
affaires eccléfiaftiques à une commiflion qu'il
nomma le facré fynode , & qu'il mit réellement
dans fa dépendance , en faifant prêter ferment
à chacun de fes membres de le reconnoître comme
juge fuprême. Le fynode a l'empereur pour
préfident, & il eft compofé de plus d'un vice-
préfident, qui eft ordinairement l'archevêque métropolitain
, & d'un certain nombre de confeillers
& d'afîefîeurs. Nous reviendrons dans la feétion
fuivante fur le régime eccléfiaftique.
Le clergé eft compofé de réguliers Sc de fé-
culiers} les premiers font les moines, les féconds
les prêtres ou curés de paroiffes.
i ° La plus grande partie des richefles de l'églife
eft concentrée dans les monaftères dont les revenus
annuels fe montoient autrefois à 400,000 livres
fterlings. Comme les autres poiTeffeurs de fiefs,
les moines exerçoient un pouvoir abfolu fqr leurs
payfans, On verra dans la feétion fuivante quelles
difpofitions l'impératrice régnante a fait fur ces
biens eccléfiaftiques. Plufieurs monaftères ont été
fupprimés , & le nombre des moines confidéra-
blement réduit dans ceux qui furent confervés. On
a défendu d’en recevoir au-delà d'un certain nombre
, & on a fixé l'âge où l'on peut prononcer fes
voeux.
La troifièmë clafte des fujets rudes, eft la claffe
intermédiaire entre la noblefle & les payfans, que
l'impératrice définit de là manière fuivante dans
le X V I chapitre des inftruélions pour le nouveau
code.
" Cette clafle d'hommes digne que nous en
« faflions'mention, & dont l'Etat peut fe promettre
» d e grands avantages, quand elle aura'reçu une
» forme ftable, & qui ait pour but l'encouragement
y des bonnes moeurs & l ’amour du travail , c'eft
» l'état mitoyen.
» C et état compofé d'hommes libres , n'appar-
» tient ni à la clafle des nobles, ni à. celle des
- » payfans. On doit.ranger dans cette clafle tous
» ceux qui, fans être ni gentilshommes pi pàyfan^,
» s’occupent des arts, des fciences , de (a navi-
v gation, du commerce ou exercent des métiers.
»•On.doit y placer encore tous ceux qui, nés
» de parens roturiers , fortirontdes écoles & mai-
» fons d'éducation religieufes ou atitrës fondées
» par nous, ou par nos prédéceffeurs.
i » De même les enfans des officiers & écrivains
»,de chancellerie. Mais comme ce tiers-état eft
fufcéptible de différens degrés de prérogatives,
» dont nous ne voulons pas traiter en détail, nous