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bondant de leurs productions. Ces marchandifes
ont été dénombrées dans l’aCte de la navigation
& dans quelques autres fubféquens. De-là vient
qu'on les appelle marchandifes énumérées. Les autres
, gu on appelle non émumérées , peuvent être
exportées directement à d’autres pays , pourvu
qu’elles lé foient dans des vaiffeaux anglois ou
dans ceux des colonies 3 & que le maître & les
trois quarts de l ’équipage foient fujetsdela Grande-
Bretagne.
Parmi les marchandifes non énumérées , il fe
trouve quelques-unes des plus importantes productions
de FAmérique , les grains de toute ef-
pèce , les bois de conftruCtion , les provifions
de chair falée, le poilïon , le fucre & le rum.
Le grain eft naturellement le principal' objet
de la culture de toutes les nouvelles colonies. En
leur ouvrant le marché le plus étendu pour cette
denrée, la loi en encourage la production bien
au-dela de ce qu’il faut pour la confommation
du pays , dont les habitons font clair-feinés, &
par cette attention 3 elle pourvoit d’avance à une
ample fubfiftance pour l’accroiffement^ continuel
de la population.
Dans un pays couvert de forêts , & où le bois
de charpente eft de nullè ou de petite valeur,
la dépenfe du défrichement eft le plus grand obfta-
cle à la culture. En permettant aux colonies de
vendre par-tout à qui en veut, leur bois de conf-
truCtion, la loi d’Angleterre facilite la culture ,
parce qu’elle ajoute du prix à une chofe qui autrement
ne vaudroit prefque rien , & qu’elle met
ainfîi les- colons en état de tirer quelque profit de
ce qui n’eût été pour eux qu’un objet de dépenfe.
Dans un pays qui n’eft qu’à demi-peuplé ou à
demi-cultivé , les beftiaux fe multiplient au-delà
de ce que les habitons peuvent en confommer,
& par cette raifbn le bétail n’y a que peu ou
point de valeur. Mais avant que la plus grande
partie des terres foit cultivée , il eft néceflàire
cjue le prix du bétail ait une certaine proportion
à celui' du grain. En accordant au bétail de l’A mérique
le débouché le plus étendu , la loi d’An-
gleterre tâche d’augmenter la valeur d’une den- i
rée dont le haut prix eft fi effentiel à la culture, j
Cependant les bons effets de cette liberté doivent
être un peu diminués par l’aCte de la quatrième
année de Georges I I I , chap. 15, qui en mettant
les cuirs & les peaux au rang des marchandifes
enumérées, tend à réduire la Valeur du bétail
américain.
I l paroît que l’objet delà légiflation, en étendant
les pêcheries des. colonies angloifes, a été
d’augmenter la marine & la puiffance navale de
. la Grande-Bretagne. C ’eft pourquoi ces pêcheries
©ht éu tout l ’encouragemeln que la liberté peut
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donner, & c’eft-là ce qui les a fait fleurir. La
pêche de la Nouvelle-Angleterre, avant la révolution
, étoit peut-être une des plus importantes
de l’univers. La pêche de la baleine , qui., malgré
une gratification extravagante , fe fait avec fi peu
de fruit dans la Grande-Bretagne , que, dans
l’opinion de plufieurs perfonnes ( que je ne prétends
cependant pas garantir ) elle n’excède guère
ce qu’elle coûte annuellement de gratification,
étoit très-fruCtueufe dans la Nouvelle-Angleterre,
& s’étendoit fort loin, quoiqu’elle n’eut point
cet aiguillon. Le poiflon eft un des principaux
articles du commerce de l ’Amérique jeptentrio-
nale avec l’Efpagne, le Portugal & la Méditerranée.
Le fucre fut d’abord une marchandife énumérée
, qui ne pouvoit être exportée qu’à la Grande-
Bretagne. Mais en 173 y , fur une repréfèntatiori
des planteurs, l ’exportation en fut permife pour
tous les pays du monde. Cependant les reftric-
tions miles à cette liberté, jointes à la cherté
du fucre dans la Grande-Bretagne , font caufe
que ce changement n’a pas produit un grand effet.
Prefque tout le fucre des plantations angloifes
continue de fe vendre dans la Grande-Bretagne
& dans fes colonies. La confommation qu’elles
en font devient fi forte de jour en jour , que,
malgré les progrès de la culture dans la Jamaïque
& les ifles cédées , qui en donnent beaucoup
plus depuis vingt ans , on dit qu’il ne s’en exporte
guère plus dans les pays étrangers qu’auparavant.
Le rum eft un article fort confidérable dans
le commerce que les Américains font à la côte
d’Afrique, d’où ils ramènent en retour des ef-
claves Nègres.
Si on avoit mis dans l’énumération tout le fu-
rabondant du produit de l’Amérique en grains de
toute efpèce, en chair & en poiffoïïs falés, 8ç
qu’on eût forcé les colonies de les vendre exclu-
fîvement à la Grande-Bretagne, on auroit fait trop
de tort à l’induftrie de la métropole. C ’eft moins
par égard pour l’Amérique, que pour éviter fa
concurrence, qu’on a non - feulement exclu ces
importantes marchandifes de l’énumération, m^js
qu’on a prohibé dans le cours ordinaire, -fSS
portation de toutes fortes de grains dans la Grande-
Bretagne , & qu’on n’y a permis que celle
du riz & dés faîines.
Les marchandifes non énumérées pouvoient
être originairement exportées à toutes les parties
du monde. Les bois de conftruCtion & le
riz furent mis enfbite dans l’énumération , & lorf-
qu’on les en retira, leur exportation fut reftreinte
aux pays fitués au midi du cap Finifterre. Par
l’aCte de la fixième année de Georges I I I , ch. yz ,
toutes les marchandifes non énumérées furent
foumifes à la même reftriCtion. Les parties de
l ’Europe fituées au midi du cap Finifterre ne font
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pas des pays manufacturiers,. & l’Angleterre crai-
gnoit moins que les vaiffeaux de fes colonies en
rapportaient des chofcs capables d’entrer en con-
curence avec celles que leur fourniffent les manufactures,
angloifes.
Les marchandifes énumérées" font de deux fortes
; premièrement, celles qui font particulières
à l’Amérique , & qui ne peuvent être ou du
moins ne font pas produites dans la mère-patrie.
Tels font la melaffe, le café, les noix de
cacao., le tabac, le piment, le gingembre, les
nageoires de baleine, la foie écrue, la laine de
coton , le caftor & autres pelleteries d’Amérique
, l’indigp , le. bois de fenteur & autres bois
de teinture : fecondement, celles qui n’étant pas
des productions particulières de l’Amérique , font
& peuvent être produites dans la métropole , mais
en trop petite quantité pour ce qu’elle tire principalement
des pays étrangers. Tels font les munitions
navales, les mâts, les vergues, les antennes,
le goudron , la poix & la térébenthine , le fer en
gueufe & en barre, le cuivre en minerai, les peaux,
les cuirs & la potaffe. La plus grande importation
des marchandifes du premier genre ne pouvoit
décourager la , production , ni croifer. le débit
d’ aucune partie du produit- de la mère-patrie.
En la bornant à la Grande-Bretagne , on comptoit
bien que les négocians Anglois pourroient non-
feulement avoir ces chofes à meilleur marché dans
.les colonies, & en tirer par conféquent en Angleterre
un plus grand bénéfice , mais qu’il s’é-
fcahlirbït- entre les plantations & les pays étrangers
un commerce avantageux de tranfport dont
la Grande-Bretagne feroit le< centre ou l’entrepôt,
puifque l’importation fe feroit d’abord chez
elle. On •fupp'ofoit auflï que celle des marchant
difes du fécond genre pourroit s’arranger de manière
qu’elle ne croiferoit «que la vente de celles
de même efpèce qui venoient des pays étrangers,
& . point du tout le débit de .celles que produi-
foit la mère-patrie , parce qu’on y mettroit les
droits qu’il faudroit pour qu’elles fulfent en même
tems & un peu plus cher que les marchandifes
angloifes, & meilleur marché que celle des autres.
Le but de cette difpofition étoit donc de décou- ’
rager le produit, non de la Grande-Bretagne ,
mais de quelques pays étrangers avec lefquels on
croyoit que la-balance du commerce nous étoit
défavorable.
La prohibition d’exporter des colonies angloifes,
des munitions navales ailleurs que dans la'Grande- •
Bretagne, tendoit à faire tomber le prix des bois de
conllruCtion dans les colonies, & conféquemment.à.
y augmenter les frais du défrichement, qui font les
plus grands obftacles à l ’avancement de la culture.
Mais au commencement de ce fiècle ( en 1703 )
la compagnie fuédoife de poix & de goudron, pour
faire payer ces marchandifes plus cher à la Grande-
Bretagne , s’avifa de défendre que l ’exportation
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s*en fît autrement que dans les vaiffeaux de la
compagnie, au prix qu’elle voudroit, & en telle
quantité qu’elle jugeroit à propos. Afin de contrebalancer
ce trait de politique mercantille , &
d e fe rendre auflï indépendante qu’il étoit pofli-
ble , non-feulement de la Suède, mais de toutes
les. puiffances du nord , la Grande-Bretagne mit
une gratification fur l’importation des munitions
navales deT Amérique , & par-là elle y fit haufler
le prix des bois de conftruClion beaucoup plus
qu’il ne pouvoit baiffer, par l’obligation d’importer
à la métropole feule .; & ..comme ces deux
réglemens ont été faits dans le même tems , l ’effet
de leur opération combinée fut plutôt de hâter
■que de retarder le défrichement des terres en Amérique.
Quoique le fer en gueufes & en barres ait été
inféré dans les marchandifes énumérées, cependant
, comme à fon importation de l’Amérique ,
il eft exempt des droits confidérables que paye
celui qui vient de tout autre pays , les forges de
l’Amérique étoient plus encouragées par une partie
de ce reglement, que découragées par l ’autre.
Or il n’y a point de manufacture qui con-
fomme autant de bois qu’une, forge, ou qui contribue
tant au défrichement d’un pays trop couvert.
La légiflation ne fe propofoit, ou ne concevoir
même peut-être pas le ferviçe qu’elle ren-
doit à l’Amérique par ces réglemens, mais ,il
n’en étoit pas moins réel.
L ’Anglererre permet la plus parfaite liberté de
commerce entre les colonies angloifes de l’Amérique
& des Indes occidentales , en marchandifes
énumérées.
La libéralité de l’Angleterre, à cet égard, a
pourtant des bornes ; elle ne va pas plus loin que
le produit brut des colonies, ou ce qu’on peut
appeller les premières ébauches en fait d’ouvrages
manufacturés. Les marchands & les manufacturiers
de la Grande-Bretagne fe réfervent les
manufacturés plus avancées ou plus raffinées, quoique
les colonies en produifent la matière, & ils
ont obtenu de la légiflation de les empêcher d’en
établir chez .elles, quelquefois par de gros droits,
quelquefois par des prohibitions absolues.
Par exemple , tandis que le fucre mofeouade
qui vient des plantations angloifes ne paie d’entrée
en Angleterre que fix fols quatre deniers ft.
de droits le cent pefant, le fucre blanc -paie
une liv. un Lois un denier, & 'le raffiné double
ou Ample en pains, quatre liv. deux fols ctfnq
deniers neuf vingtièmes. Lorfque ces gros drefits
furent impofés , la Grande-Bretagne étoitïe feul,
& elt encore le principal marché où ces fucres
fe rendoient ou fe rendent. De fi fortes entrées
équi-valoient donc d’abord à une prohibition 4e