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parties trop détachées de ce grand état. De Tanéan-
tifleroçnt ae tous les genres a’efclavages #ril fortira
un tiers-état, fans lequel.il n'y eut jamais chez
aucun peuple, ni arts, ni moeurs, ni lumières.
Jufqu’ à cette époque, la cour de Rujfie fera des
efforts inutiles pour éclairer les peuples, en appelant
des hommes célèbres de toutes les contrées.
Ces plantes exotiques périront Mans le pays ,
comme les plantes étrangères' périfTent dans nos’
ferres. Inutilement on formera des écoles 8c des
académies à Pétersbourg ; inutilement on enverra
à Paris , à Rome , des élèves fous les meilleurs
maîtres. Ces jeunes gens, au retour de leur voyage,
feront forcés d'abandonner leur talent, pour fe
jetter dans desponditions fubalternes qui les nour-
riflent. En to u t, il faut commencer par le commencement
, & le commencement eft dé mettre
en vigueur les arts mécaniques & lès clalfes baffes.
Sachez cultiver la terre , travailler des peaux, fabriquer
des laines S & vous verrez s'élever rapidement
des familles riches. D e leur fein fortiront
des enfans q u i, dégoûtés de là profeffion pénible
de leurs pères, fe mettront à penfer, à difcourir,
à arranger des fyllabes, à imiter la nature }•& alors
vous aurez des poètes-, des philofophes, dès orateurs
, des ftatuaires & des peintres. Leurs productions
deviendront néceffaires aux hommes opu-
lens, & il les achèteront. Tant qu’on eft dans le
befoin , on travaille j on ne ceffe de travailler que
quand le befoin ceffe. Alors naît la parefte , avec
la parefte l'ennui ; & par-tout les beaux arts font
les enfaos du génie , de la parefte 8c de l'ennui.
Etudiez les progrès de la fociété , & vous
verrez des agriculteurs dépouillés par des brigands,
ces agriculteurs oppofer à ces brigands une portion
d'entr’eux , & voilà des foldats. Tandis que
les uns récoltent, & que les autres font fentinelle,
une poignée d'autres citoyens dit au laboureur &
au foldat, vous faites un métier pénible & laborieux.
Si vous vouliez , vous foldats , nous défendre
, vous laboureurs , nous nourrir', nous
vous déroberions une partie de votre fatigue par
nos danfes & nos chanfons. Voilà le troubadour
& l'homme de lettres.
Suivez la marche conftante de la nature j aufli
bien chercheriez - vous inutilement à vous en
écarter. Vous verrez vos efforts & vos dépenfes
s'épuifer fans fruit} vous verrez tout périr autour
de Vous} vous vous retrouverez prefqu’au même
point de barbarie dont vous avez voulu vous tirer,
& vous y refterez.jufqu’à ce que les circonftances
faffent fortir dé votre propre fol une police indigène
, dont les. lumières, étrangères peuvent,tout
au plus accélérer .les progrès. N'en éfpérez pas
davantage , & cultivez votre fol.
Un autre avantage que vous y trouverez,1 C*eft
que les fÇiences & les arts -nés" für Votre' fol’^
s’avanceront peu-à-peu à leur perfection , & ‘que
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vous ferez des originaux } au lieu que , fi vous
empruntez des modèles étrangers, vous ignorerez
la raifon de leur perfection , & vous vous con-'
damnerez à n’être jamais que de foibles copies.
G ’eft une opinion généralement reçue , que le
peuple en Rujfie fuccombe fous le poids des
taxes. Après même que le fardeau aura été beaucoup
allégé, il faudra l’alléger encore , fi' les arts
ne fe multiplient pas , fi l’agriculture en particulier
ne prend pas des accroifîemens remarquables.
On feroit des efforts inutiles pour l’encourager
dans- les contrées les plus feptentrionale^. Rien
ne peut profpérer dans ces climats glacés. C e /era
toujours avec des oifeaux, avec des poiflons,
avec des bêtes fauves , que fe nourriront , que
s'habilleront, que paieront leur tribut les habitans
difperfés de loin en loin , dans ce climat dur 8c
fauvage.
A mefure qu'on s'éloigne du nord , la nature
devient moins avare en hommes & en productions.
Dans la plupart des provinces , il ne manqué au
, laboureur que des outils moins imparfaits ,^de
meilleures méthodes , & de plus, grands moyens
d'exploitation. Le progrès des lumières doit faire
efpérer que ces vices feront enfin corrigés. On
portera une attention particulière fur l'Ukraine,
l’une des plus fertiles contrées du monde connu.
La Ruße en tire la plupart de fes confommations ,
la plupart des objets de fon commerce } & elle
n’en obtient pas la vingtième partie de ce qu'on
pourroit lui demander.
Oh réuflira d’autant plus facilement à exciter
les travaux champêtres , que les .Rufes n'aiment
pas le féjour des villes , qu'ils ont fous la main
le fer , ce grand 8c ineftimable mobile de l ’agriculture.
La nature l'a prodigué à la plupart des
contrées de l’empire | & l'a donné à la Sibérie
aufli parfait qu’à la Suède même. A TextraCtion
du fer , on ajoutera celle de ces précieux métaux
qui ont enflammé la cupidité de toutes les nations
& de tous les fiècles; Les mines d'argent, près
•d'Argun , font connues très - anciennement} 8c
l ’on a'découvert depuis peu des mines d’argent
& d’or dans le pays des Baskirs. Il eft des peuples
auxquels il conviendroit de condamner a l’ oubli
ces fources de richëfle. Il n'en eft pas ainfi de la
R u ß e , où foutes les provinces intérieures ‘ font
dans un tel état de pâuvreté , qiî’on y connoît à
peine ces dignes de convention qui repréfentènt
toutes chofes dans le commerce.
$ E C i I Q N I I ï.
Remarques fur les.. (Lîyerfes provinces de l ‘empire de
Ruffie x fur leurs-productions.,
1 Une partie d f l'empire:.d,e. Rußt, eft, fituée-en
Europe, & l ’atitre en Afîe. La parcie^Euröpcennc
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comprend la grande & la petite R u ß e , avec la
Rujfie blanche , dont les fouverains de la Ruße
ont pris le titre jufqu'en 1721 , & les provinces .;
delà Pologne que Catherine II a obtenues lors du
partage. Il faut ajouter à ,1a partie Européenne,
les provinces conquifes fur les Suédois, 8c qui
formoient avant les derniers changemens les gou> I
vernemens de St.-Pétersbourg , de Wibourg , de
Revel 8c de Riga. Toute la partie feptentrionale
de l’Afie,_Cqui forme au de-là du tier§ de cette
partie du monde, ) reconnoîtla domination Rufte,
Sc étoit avant la nouvelle divifion établie par l ’impératrice
aétuelle , diftribuée en quatre gouver-
I fiemens : celui de Cafan , celui d'Aftracan , celui
d'Orenbourg ßc celui de Sibérie..
La partie de l'empire Rufte, qui eft fituée en
A fie , renferme une portion confidérable de la
grande Tartarie , ou la Tartarie afiatique. Le mof
[ de Tatar ou Tartar, ffignifie proprement le maître
du pays : de-là vient que ce nom n'eft propre à ,
[ aucune nation tartare en particulier} encore moins 1
eft-il le nom d'un fleuve 3 comme on le.croyoit'
| autrefois. Il-paroît sûr que les Tartares & les T urc s :
©nt la même origine : leur langue leur phyfio- ■
I nomie le démontrent afiez* Le nom de Tartarie
n'appartient p-roprement qu'à une partie du yafte
| pays qui le porte. On le donne improprement aù
ï refte. C 'eft aufli fort mal-à-propos qu'on nomme
tout ce pays la Mungalie } car il eft encore douteux
que les peuples qui habitent plus au fepten- ;
triôn que vers le levant aient jamais fait partie de ces
[ Tartares ou Mungales. Les Jakuthiens & les peuplades
plus reculées ont un genre de vie très-différent
des vrais Tartares. Les Sibiriakes les Oftiakes
ne font comptés parmi les Tartares,.que parce que '
[ ceux-ci, ou pour mieux dire , les Mungales ont)
envahi leur pays , & l'ont rempli de colonies ^ou î
\ bien parce qu’ils ont autrefois appartenus au grand
î empire de Tartarie établi par Zingis-Can. Cétte
I remarque convient particulièrement à la Tartârie
I Rufte.
M. Bufchin^ parle en détail des differentes
1 nations qui cofnpofent la partie afiatique de l’em-
» pire de Ruße.
L'empire de Ruße que Pierre I avoit partagé
I ieh neuf vaftes gouvernemens paroît, aujourd’hui
I en contenir quaranterdeuxj chacun de ces goii-
I vernemens ne contient guère que de trois à quatre
K cent mille âmes. Un officier nommé nameftnick
K ou gouverneur, eft prépofé fur un gouvernement
S ou fur plufieurs , & il a fous lui un vice-gouver-
■ neur , un confeil , & urfe cour de juftice civile &
9 criminelle dont la cour nomme quelques membres,
B & les'éurtres font élus par la nobleffe. Par cette
■ Jnftitution Catherine a mis à quelques égards des
B bornes à fon autorité abfolue, en diminuant le
B pouvoir des . tribunaux qui ne dépendoient que
I -de la couronne, 8c en le transférant à la noblelfe 3
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8c en donnant à cet ordre plufieurs privilèges ré-
kuifs à l’adminiftration de la juftice. De même en
établiftanr dans chaque gouvernement des tribunaux
fupérieurs qui- prononcent définitivement ,
elle a prévenu les fréquens appels qui interve-
noient aux collèges impériaux de Pétersbourg &
de Mofcow,, ainfi que les dépenfes 8c les délais
confidérables qui en éroient la fuite. En formant
pour les finances , la police , 8cc. des départe-
mens diftinéls des cours de juftice, qui s’embar-
rafloient autrefois les uns les autres en s'aflem-
blant dans le même lieu , elle a facilité l'expédition
des affaires & celle de l’adminiftration de
la juftice.
Les premières provinces érigées en gouvernemens
, en vertu ae la nouvelle inftitution , font
T w e r 8c Smolensko en janvier 1776. Ceux qui
ont été établis enfuitè, avant & pendant mon
féjour en Rujfie 3 dit M. Coxe , font les fuivàns.
Néyogorod 8c Kaluga en décembre 1776. Plescof,
Yaroslaf & Tlila ën décembre 1777. Polotsk 8c
Mohilef en mai 177.8. Refan ,LVolodimir, Kof-
truma 8c Orel en décembre 1778.
Suivant les dernières relations de Pétersbourg ,
les gouvernemens font difpofés dans l'ordre fui-
yant.
1. Mofcow. 2. Pétersbourg 3. Wibourg.
4. Tver. Si Novogorod. 6. Plescof. 7. Smolensko.*
8. Mohilef, 9. Polotsk. 10. Orel. n . Kursk.
j 12. Karkof. 13- Voronetz. 14. Tambof. I j. Refan.
ié . Tula. 17. Kaluga. 18. Yaroslafy 19 Vologda.
s 2d. Volodimir. 21. Koftromà. 22. Nishnei-No*
vogorod. 23. Viatka. 24. Permia. 15. Tdbolsk.
26. Kolyvan. 27. Irkutsk. 28. Ufà. 29. Simbirsk.
3;o. Cafan. 31. Penza. 32. Saratof. 33. Aftracan.
^•V:Afof. 35. Nouvelle Rujfie. 36. Petite Rujfie.
'37.-Kiof. 38. Tchernichef. 39. Livonie ou Riga.
4oLEfthbnie on'Revel. 41. NoVogorod-Sev.erskoi.
•42. Orenbourg. ,
La Finlande ruffienne qui appartenoit ci-devant
aux Suédois -fut cédée à la Rujfie „ en partie par
la paix de Nyftadt en 1721 , en partie par le
traité d'Abo en 1743. Cètte province jouit encore
delà plupart dè fes anciens privilèges* Elle produit
bons pâturages, du feigle, de l'avoine,
dé l'orgue , pais en trop petite quantité pour les
befoins de fës habitans. Wibourg a confervé fes
cours de juftice civile 8c criminelle. Lorfqu'elle
prononce cependant des fentences de m o r t, la loi
de Rujfie doit èfre fuivie par préférence à celle du
code fuédois , 8c dans ces cas pu fubftitue à la
peine capitale le knout ou la tranfportation en
Sibérie.
La fertilité & lès produirions varient beaucoup,
félon les diverfes provinces de l’empire de Rujfie.
Au-delà du foixantièmé degré, vers le pôle , le
bled mûrit en peu d'endroits, & dans les contrées
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