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nourri. Un utopien qui veut voyager à la campagne
ou d’une ville à: Fautre , doit avoir la 'per-
miflîon du prince, & faire dans le lieu où il le
trouve. Je même métier qu’ il auroit fait chez lui.
En Utopie on meprife l’or & ' l’argent, 8c on
employé ces deux métaux au châtiment du crime
& à l ’amufement du bas âge j on en fait des
chaînes pour les criminels & des hochets pour
les enfans. Mais les utopiens «'en fervent aufli
lorfqu’ils ont une guerre à fou.tenir pour payer des
troupes , car ils n’en entretiennent..point : ils aiment
mieux expofer des étrangers au péril que
leurs concitoyens. Ils ont unextrême dédain
pour les perles, les diamans , & les pierres q u e
nous regardons comme précieufes. La chaffe ne
paroît à un utopien. qu’ un exercice de barbarie,
& un apprentifiage de cruauté. Notre voyageur
met beaucoup de philofophie, de force & de
raifon dans fes difeours fur la volupté j il ne la
trouve que dans les plaifirs de l’efprit ,. & il
compte la fanté pour le premier & le feul plaifir,
des fens. Morus approuve l’ ufage des utopiens,'
qui fe donnent 8c Te font donner la mort , lorfqu’
ils fouffrent fans efpoir de guérifon. La juftice
eft bien adminiftrée en Utopie ; il y a peu de loix;
les parties plaident elles - mêmes leurs affaires ,
& les juges les terminent d’une manière équitable
& fommaire. Les utopiens ne- font pas des
traités-par éciitavec leurs voifins ils favent que
.les écrits ne retiennent pas dans les voies de la
Ijuftice , fi.elle n’eft gravée dans les coeurs , 8c ils
ia’ignorent pas avec quelles facilités les peuples;
de notre monde violent les conventions réciproques
des états. Le lefteur n’apprendroit rien
dans des détails fur l’art militaire des utopiens.
C e qu’en dit Morus n’eft propre qu’à faire, voir
que pour fubjuguer Y Utopie > il fuffiroit, a qui
voudroit conquérir cette ifle , de favoir faire la
guerre. Les forces de nos infulaires font com-
pofées de leurs propres troupes levées tumultuai-
rement, de troupes auxiliaires que leur fournirent
les Etats-amis , & des foldats mercenaires
qu’ils prennent chez les zoopolètes leurs
voifins. I c i , fous le nom de zoopolètes , l’auteur
; fait un portrait des fuifies , qu’il blâme de fournir
des troupes à différentes nations, & d’expofer
leurs, concitoyens à s’entregorger pour la même
querelle> Il eft difficile de comprendre pourquoi
i]. donne des éloges à l’ufage où font les utopiens
de mettre à prix la tête d’ un prince ennemi, &
celles des perfonnes qui lui ont confeillé
de faire une guerre que ces infulaires trouvent
injufte. Ils excitent en même - rems, par l’appât
d’ une; grande récompenfe, les proferits à fe déclarer
convié leurs compagnons. C e qu’on dit
enfuite.de uîeligion de l ’ifle n’e ft, en beaucoup
de. .points,, que l’ hiftoire des égaremens où les
divers peuples du monde font tombés. Chaque
ville d’ Utopie a fon d ieu, & chaque dieu eft
feryi felpn les idées de fes batiu*’ «. V qç partie
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du peuple n’admet qu’un feul Dieu", '&■ la nation
divile fur cet article fe réunit néanmoins à
penfer qu il eft un être qui n’a ni fupériéur ni
e8?l; Les utopiens croyent l’ame im'mortelle Sè
creee pour le bonheur. Ils admettent une autre
vie où les vertus feront récompenféefc1, & leS
mauvaifes allions punies. L’auteur 'fongeoit à
■ Angleterre & à la Hollande, lorfqu’en parlant
de la religion , il dit : » Quand Ütopüs , le foii-
datéur de l’ Utopie, s’empara de I’ ifîe ; il y avoit
des d.ifputes & des guerres continuelles de religion.
»
U T R E C H T , l ’ u n e d e s f e p t p r o v in c e s d e
l ’ U n i o n B e lg iq u e .
Si 1 on excepte un petit diftriét qui touche au
Suderféevers le fiord, cette province eft entourée
de celles de Hollande 8c de Gueldres. L*àir y eft
bon y 8c le fol allez généralement fertile»
Précis de Vhijloiré politique. '
Plufieurs détails fur l’hiftoire politique de cette
province fe trouvent à l’art. Pr o v in c e s -Unies :
nous y parlons de l’origine, de la çai^fe 8é des
troubles qui viennent d’agiter les fept provinces,:
cet article général contient .beaucoup d’autres re-
marques applicables A chacun des états de la.confédération
, & nous y renvoyons le leéteur.
La province d Utrecht formoft autrefois la
partie inférieure de l’évêché ü Utrecht, & Pévê-
queyavoit la fupériorité territoriale ^ ainfi que fur
la partie fupérieure , Ç Obervlfel. j Le premier
évêque^ fut Willebrord. L e pape Serge I le facra
archevêque de la Frife en 695 , fous le npm de
Clément. C e fut lui vraifembl.abiement, qui m
719 bâtit à Utrecht un couvent & une égiife &
qui y établit le fiège épifcopal. Les cinq chapitres
de ejette ville , élurent fes fucçeffeurs ,
& eurent part au gouvernement de la province!
Henri de Bavière eft le dernier évêque , qui
ait réuni la puiflance temporeJlfc & fpirituelîe- Il
régna en 1J2.4 j fon efprit turbulent porta fi
fouvent fes fujets à la révolte , que les principaux
d-entre eux.èurent enfin recours à Charles
duc de Gueldres., qui lui fit la guerre. Henri'*
trop fbibie pour réfifter à tant de forces , vendit
en i j 1,8 fon domaine temporel1 & la fupériofité
territoriale à l’empereur Çharles V , qui la même
année étoit devenu pofTeffeur, en qualité de diic
de Brabant & de comte de -Hollande , de tous
les droits temporels fur la ville d‘ Utrecht & fur
la partie inférieure de l ’évêché. C e même empereur
unit-en 1556 à perpétuité, à la provipce de
Hollande, non-feulement la ville d’ Utrecht mais
tbutes les autres, & les pays qui en dépendent,
fi tués en-deçà de TYITel »pbu.r.être régis" par un
feul 8c même gouverne«. Ces tertre* de réun&ç
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ftipolèrent. en outre que; les. états refpe&iB des
deux provinces feroient unis,, également pour ne
plus .former qu’une feiile^affemblée. ^oye^ pour
fa fuite l’article P r o v in c e s -Un iÉs.
? Confiitutiortparticulière de la province a Utrecht.
« o -v '
- Les Etats d’ Utrecht font compofés de trois membres
: des élus, de la nobleffe'& des villes. ^Utrecht
étoit le fiège archiépifcopal de^.ces provinces
avant la révolution : il y 3voit cinq chapitres qui
enypyoient des députes aux états favoir , le
jDôme ,-St.-Pierre , Sr.-Jean , le vieux monaftère
&. Sainte-Mariç. A la réforme la plupart des
membres de ces chapitres embraffèrent la nouvelle
do&rine 1 ils fe marièrent *, mais ils confer-
yèrent leurs prérogatives , particulièrement celle
d’(êtf£ppartie intégra-nt.é, du , gouvernement. Au -
jourii’hfti ces chapitres fo.nt repréfentés. par des
féçuîjers , qui, achètent les plpces dé chanoines ,
ou à. qui elles font conférées par le, prince Sta:
thôuder , lequel en, difpofe dans quelques mois
de l ’année. Chacun de ces chapitres élit un cer- .
.tain nombre- de députés , ( ordinairement nobles
ou patriciens , ),.qui forment le premier ordre des
Etats , fous le nom à'élus. Le fécond eft celui de
la noblefte. Les r.epréfentans de la noblefte doivent
être’nbbles .d’qriginp Sc avoir 'des pofleftions, dans
la. province. En 177.3 dix membres formôient
cette partie des.étars. Le troifiême ordre eft celui
dés Villes , qui font Utrecht, Amersfort, Rhenen, ;
"V^yicby/.;, JÇ>ür\rftede ; Montfort. C e gouverne- ,
ment eft presque aviftocratique.
La confidération dont jouiffent les villes qui
envoyent aux états h’ eft point la même : celle
^Utrecht l’emporte de beaucoup fur ies autres j
comme rien " n’ éft fixé dans les conftitutions des
Provinces-Unies, elle prétend 'que dans les délibérations,
les voix des quatre autres villes ne
doivent être-comptées que pour une. On dit en
effet que la ville d’ Utrecht peut s’oppofer au parti
pris par les quatre autres , & que celles-ci ne
peuvent, réfifter à celui de la première 5 & fi cela
^ft , cela-, eft bien .étrange.
Ça provinèe d'^Utrecht n’ayant pu réfiftèr ahx
. armes" vVét'ôrfelifes-de*Louis XÏV; , Sâ ayant pafle
avec là Gueldre & l’Overyffel'fous * la domination
momentanée de la France , fut reprife enfuite
par le prince d’Orange , avec quelques autres
villes du Brabant : les états-généraux des fix provinces
déclarèrent alors qu’Hs n’admettoient plus
celle-ci à l’union , & qu’on latraiteroit en pays de.
conquête. Les états à'Utrecht furent irrités de
cette délibération j mais leur colère fe calma par
l’intervention du prince d’Orange , & les états
de la province obtinrent de nouveau leurs anciens
privilèges & leur droit de féance aux états-
eénéraux.
U T R 6.79
Mais les autres provinces en la réintégrant
dans la confédération , raffujettirent à bien des
égards à la domination'ftadhoiidérierme $ voilà
pourquoi le ftadhouder avoit confervé un pouvoir
& une autorité fi étendue fur la province d‘ Utrecht.
Jufqu’à l’époque des troubles il a nommé à toutes
les magiftratures & à tous les emplois de la
province., de fon autorité privée , ou fur des
liftes de recommandatioh.' Il pàroît que cent ans
d’humiliation lui ont femblé.' plus que fuffifans
pour expierune.faute qui. étoit involontaire, 8c
qû’élle,né pQU.voit évitèr Cette province , réfoluç
de fe. mettre àû niveau des autres provinces confédérées
par' rapport à fa liberté civile , a pris
les plus fortes, rëfolutions pour fe débarrafîer des
entraves qu’on lui avoit mifes.
L ’ariftocratie avoit régné impérieufement , &
la démocratie a voulu réclamer fes droits.
Les troiibles1 ont commencé dans cette pro*
vince par les prétentions de ia régence de la ville
d’Utrecht.
Cette régence a cru pouvoir fecouer le joug
du réglement de 1674 , & çonferver la plénitude
de fon autorité , l’ augmenter même , en abaiflant
celle du ftathoûder. La bourgeoifie a déliré de
fon côté de fortit de Ton àneântîlfement, éc de
révoquer les prérogatives exclufîves que donnoit
à la magiftraturele 'contrat de 1674. Elle a profité
de Finllant où l’on difputoi.t fur chaque point
du droit public dé là république , & .oü l’on
enflammoit tous les efprits pour s’ aflfembler, pour
délibérer, pour s’armer. Aux premières démarches
de fes bourgeois , qui prenoient & fe don-
noient des repréfentans , des' tribuns , des constitués
, le magiftrat intimidé .les flatta d’une ré-
ponfè' favorable. Ils -fentirent leurs'forcés ; la 'ré gence
voulut reprendre de la fermeté» Jufqu’ rci
elle avoit eu le. privilège dé choifir efte-îmême
fes membres fur la préfentation du ^ftathoûder :
on la força , en 1784, à^-caffer l'une de fes élections
j la pluralité du cohfeil, irritée de cette
violence , donna fa démiffion j il fallut' négocier ;
on jetta une goutte d’eau fur l’ incendie qui n’a
pas fardé à fe rallumer :1es pétitions ont recom-
rnencé., ainfi «que les. armeméns & les tumultes:
•en fé préfentant aux portes de l’hôtel - dé - ville,
4a 'bourgeoifie çn a- di<ftéc lés délibérations : la
•régence , privée de tous les moyens de réfifter
c éd a , ou promit tout ce qu’on vouloit. Enfin,
les états de la province^, c’eft-à-dire, le fouve-
rain, crurent devoir empêcher les progrès ultérieurs
de cette anarchie. Elle leur parut à un
degré fi alarmant à Amersfoort , ville voifine
d‘Utrecht, que le comité des confeillers députés,
qui agifïoit au nom de l’ affemblée fouveraine pendant
fes vacances, requit le ftathoûder de Jui
prêter main-forte. Après cette réqmfition, ]$
1 prince fit marcher un corps de troupes.