
fe faifoient par troc. Le principal outil dont ils
fe fervoient dans leur agriculture, étoit une be-
che de bois. .Des pierres tranchantes leur fervoient
de couteaux 8c ; de haches. Des os de
poifibns 8c les nerfs durcis de certains animaux,
etoient leurs aiguilles à coudre j 8c il paroît que
c’étoient-là les principaux inftrumens de leurs différées
métiers. Dans cet état des chofes, l'un
& l’autre de ces empires peuvent-ils avoir .jamais
été améliorés & cultivés, comme, ils le font
de nos jours, avec toutes fortes de beftiaux en
abondance , avec Tu Page du fer, de la charrue
8c de la plupart des arts de l’Europe? Or la popu
lation d’un pays eft toujours en raifon de fon amélioration
,8c de fa.culture. Malgré la cruelle def-
truélion des naturels qui füivit la conquête ,
ces deux grands empires font probablement plus
.peuplés aujourd’hui qu'ils ne l’avoient été, 8c
le peuple y eft .plus éclairé ; car on ne peut nier
je penfe , qu’à bien des égards , lçs créoles ef-
pagnols ne foient fupérieurs aux anciens indiens*.
Aprçs les établiflemens des efpagnols, celui
des portugais dans le. Bréfîl eft le plus ancien de
tous ceux des européens en Amérique* Mais
comme on n’y trouva des mines d’or Sç d’argent
que long-tems aprçs la première découverte du
pays, 8c que par çéjte raifon la couronne de Portugal
n’en tiroir que peu' ou point dé revenu , il attira
peu rartên.tidn cèe la mère-patrie, & profita
fi bien de fon indifférence, qu’il devint une
grande 8c pui (Tante colonie. Tandis que le Portugal
étoit fous la domination de l’Éfpagne , le
Bréfîl fut attaqué par les hollandbis , qui s’emparèrent
de fept dç fes quatorze provinces. Ils
comptoient s’emparer des fept autres , quand le
Portugal recouvra fon indépendance par l’élcva- ■
vàtio'n dé la famille de Bragârice au trône. Alors >.
lès hollandois 8c les portugais devinrent’amis , :
parce que les deux nations croient également
ennemies des efpagnols. Les premiers' convinrent ;
de laifler la partie du Bréfîl qu’ils n’avoient point
conquife, au roi de Portugal , qui, de fon côté,
confentit à leur laifler l’autre , comrne un objet
qui ne valôit pas l'a peinç d’être difpute à de ;
fi bóns alliés. Mais le gouvernement hollandois.
ayant commencé bientôt a opprimer les colons
portugais , ceux-ci, au lieu de perdre ’ le tems
à fe plaindre , prirent fes armes contre leurs nou-'
veaux maîtres,'8c par leur valeur & leur fermeté,
le Portugal étant de connivçnce avec*
eux, mais ne leur donnant ouvertement aucun
fecours , ijs les chafferenç du Bréfjl., Lçs hôllap-
dois ne pouvant plus efpérer d’y riçn‘ conieryer;
prirent le parti de l'abandonner en entier a la
couronne de Portugal, On dit qu’il y a dans
cette colonie plus de fîx cents mille amçs,tant;
portugais que defeendans de portugais , créoles ,
Mulâtres, & une race mçlée de portugais 8c
dè Bréfiliétij. C ’eft, à ce qu’on croit , la colonie
de l ’Amérique où il y a le plus de gens d'extraction
européenne.
/Vers la fin du quinzième ,8c pendant la plus
grande partie du feizième fiècle, l’Ëfpagne 8c le
Portugal çtbient ;les deux grandes puiiïances navales
fur l ’océan ; car quoique les vénitiens éten-
diflenc leur comSnerce fur chacune des parties de
l’Europe, leurs flottes ne fortoienc guère de la
Médirerranefe. Les Befpagnols prétendirent que
toute l’Amérique étoit à eux; & quoiqu’ils ne
puflent empêcher une puiflance navale auffi con-
fîdérafle que celles du Portugal, de s’établir
dans, le Bréfîl, telle étoit • cependant la 'terreur
de leur nom , que la plupart des autres nations
de l’Europe craignoient de faire aucun ctablifTe-
ment .dans ce vaftè continent. Lès françois qui
tentèrent d’en faire un dans la Floride, furent
tous maffacrés par les efpagnols. Mais par J a
décadence de fa marine, arrivée vers la fin du
feizieme fiec-Ie , d'après la défaite oit la mau-
vaife conduite de l’invincible Armada , TEfpa*
gne perdit le pouvoir de traverfer p!ps long-tems
les projets des autres nations fur [’Amérique. Du*
ran|: le cours du dix-feptième* lièçle les an*
glois, les françois , les hollandois, les danois
& Jes fuedois , c’eft-à-dire, toutes les grandes
nations - qui ont des ports fur l’Océan, entreprirent;
quelques établiffemens dans le Nouveau-
Monde.
Les fuedois s’établirent au New-Jerfey , 8c; le
n ombre,dç familles fuédoifes qui s’y trouvent encore
, montre affez que cette' colonie devbît naturellement
profpérer , fi elle eût'été protégée
par la' mère-patrie. Mais négligée par la Suède ,
elle fut bientôt engloutie par la colbnie hb.llan-
dpife de New-York , qui*', en 167.4. ^ tomba fotis
la dômiiiation des anglais.
- Lçs petites ifles dç Saint r Thomas 8c de Sanc*
ta-Çyuz , font les feuls pays du-Nouveau-Monde
qui ayenç jamais été poffédés par les danois.
.Çes médi,ocres, çtabj.iffemens . étoienf d’ail leurs
fous le gouvernement d’une compagnie excl'ufivç,
qui ,avojj: feule, le droit d’acheter le furabo.ndant
du produit des côlons 8c dç Içur vçndre les
marchaficiiTes, dont 'ils., avoient bèfoin , par ppn-
féquent elle avoit dans les achats & dans les
ventes u'p double môÿen de lçs opprimer , 8c
"eri fu ite; la plus grande tentation de le faire.
Le gouvernement d’une compagnie exclüfive eft
peut-être lé plus mauvais qu’on, puiffç donner,
Il ne fut pourtant pas capable d’arrê.ter entièrement
le, progrès de ces. colonies ' qui a feulement'été
plus lent & plus languiffant. Depuis
que le dernier roi de Dannemàrck a difïbus cette
Compagnie, elles jouifferit d'une grande pfofpç-
rlte.
Lçs épblifTemçns hollandois dans les Indes
occidentales 8c orientales, ont été originairement
gouvernés par une compagnie exclüfive.
Auffi quoique les. progrès de quelques - uns
ayent été' confidérables-, en comparaifon de
ceux d’un pays peuplé 8c ancien , ils ont été
foibles 8c tardifs , en comparaifon de ceux
de la plupart des nouvelles colonies. Celle de
Surinam’, _quoique fort confidérable, çft encore
inférieure à la» plus grande partie des -colpnies à
fucre des autres nations de l’Europe. La colonie
de Nova-Belgiaî, qui forme actuellement les
républiques d'Amérique, celle de New-York
8c celle de New-Jerfey , feroir probablement
auffi devenue floriftante, quand elle feroit reftée
fous le gouvernement hollandois. La quantité 8c
le bas prix des, bonnes terres font de fi puif-
fantes caafes de profpérité , que la plus mau-
vaife adminiftration politique peut à peine anéantir
la force de leur aétion. D ’ailleurs la diftance
qui fépare les colons de la mère - patrie , leur
donne plus ou moins la facilité d’éluder , par
la contrebande , le monopole qu’une compagnie
exerce contre eux. A préfent la compagnie permet
à tous les vaiffeaux hollandois de commercer
à Surinam , en payant un . 8c demi pour cent
fur leur cargaifon, pour le prix-de la permiffion
qu’ejle accorde j elle ne fe réferve que le commerce
exclufif de l’Afrique à l'Amérique; qui
confifte prefque entièremenc dans la traite des
efclaves. Cette complaifance de la compagnie
à fe relâcher de fes droits exclufifs, eft vraifem-
blablement la principale caufe du degré de prof-
périté dont la colonie jouit actuellement. Curaçao
8c Saint-Euftache , les deux principales ifles
des hollandois en Amérique , font des ports francs,
ouverts aux vaiffeaux de toutes les nations. Cès
ifles ftériles doivent leur profpérité à cette li berté
qu’elles confervent au milieu d’autres colonies
, qui n’ouvrent leurs ports qu’à une feule
nation.
La colonie françoife du Canada a été foumife
à une compagnie exclüfive , pendant la plus
grande partie du dernier fiècle 8c une partie du
nôtre. Sous un gouvernement aulfi défavorable ,
fes progrès ont été néceffairement tardifs en comparaifon
de ceux des autres nouvelles colonies\ mais
ils s’accélérèrent lof fque cette compagnie fut dif
foute î après la chute du fyftême de Miffiffipi.
Quand les anglois ont .prjs" poffeftîon du Canada,
ils y ont trouvé prefque le double des habitans
que le P. Charlevoix y,avoit vus vingt à trente
ans auparavant; Ce jéfuire l’avoit parcouru en
entier , 8c i! ne vouloit fûr’ement pas faire ^la
population de ce pays-là moindre qu’elle n’étoit.
La colonie françoife de Saint-Domingue fut
établie par des pirates 8c des .flibuftiers, qui fe
maintinrent ,long-tems fans. demander la protection
de .}a F ra n c e 8 c fans reconnoître fon autorité
j 8c .lqrfque cette raee de bandits fut devenue
allez patriote pour reconnoître la métropole
, iL fallut long-tems les gouverner avec
.‘une grande douceur. L ’accroiffement de la co-
Ionie- fut prompt 8c très-fenfible , durant cet
intervalle. Quoique l'oppreffion de la compagnie-
exclüfive a laquelle elle fut foumife avec toutes
les autres colonies françoifes, ait retardé ces progrès
, elle n’a pu les arrêter entièrement. Délivrée
de cette oppreffion , elle reprit auffi-tôc
le cours de fa profpérité. De toutes les colonies
àTucre des-Indes occidentales , elle eft aujourd’hui
la plus importante, & on dit qu’elle
vaut feule toutes les colonies angloifes à fucre pri-
fes enfemble. Toutes celles de la même nature
qui appartiennent à la France, font en général
: dans un état de; profpérité.
Mais il n’y en a point qui ayent fait des pro-
; grès plus rapides que lés colonies angloifes de
l’Amérique feptentrionale ; 8c la révolution qui
vient de s’y opérer, en eft une belle preuve.
i . I l femble que les deux- grandes califes de la
profpérité de toutes les nouvelles colonies foient
la grande .quantité de ^bonnes terres , 8c la
liberté de faire leurs affaires comme elles l’entendent.
Les Etats-unis de l’Amérique, quoique fans
doute abondamment pourvus de bonnes terres ,
font inférieurs, à cet égard, aux colonies efpa-
gnoles 8c portugaifes , 8c n’ont pas plus d’avan-
’ rage que n’en avoient les,;fitançois-avant la dernière
guerre. Mais les inftitutions politiques des
colonies angloifes ont été plus favorables au défrichement
Sc à la culture , que celles de toutes
les autres nation^.
i ° . Quoiqu’on n’ait pu empêcher abfolument
dan s k s colonies angloifes la poffeflion d’une trop
grande quantité de terres , on y a cependant
mieux réuffi que par-tout ailleurs , par la loi qui
obligeoit chaque propriétaire de défricher 8c de
cultiver dans un tenns limité une certaine portion
de ces terres , 8c qui , faute par lui de le
faire, déclâVoit itnpétrables ces terres négligées. Si
cette loi n’a peut-être- pas eu fon exécution à la
rigueur, elle n’a pas été fans effet.
2°. Le droit de primogéniture n’avoit pas
lieu en Pen-fylvanie,■ Sc les terres, comme les
biens-meubles , y étoient partagés également entre
tous les enfans de la famille. Dans trois des provinces
delà Nouvelle-Angleterre, l ’aîné avoit feulement
une part double comme dans la loi de
Moïfe. S’il arrivoit donc quelquefois dans ces
provinces qu’un individu réunît une trop grande
quantité de terres, elles éto'ient de nouveau fuf«
fifamment, divifées dans le cours d’une ou deux
générations. A la vérité , le droit dé primogéniture
exiftoit dans les autres colonies angloifes
comme dans la loi d’Angleterre ; mais dans toutes
, les terres étoient en franche roture, ce qui