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fcniîble ; il ne doit relier aucun moyen de s’ y
louftraire , & l'évènement a prouvé qu’en 1776
& en 1781 ori avoit encore des reflources. D ’autres
provinces avoient lutté contre des embarras
& . des malheurs plus grands , fans rien établir
qui reflemblât à la diélature. Lorfque cetre dan-
gereulé proportion fe fit pour la première fois ,
Maflachufett avoit reconnu que le gouyernement
des commîtes fuffifoir pour réfifter à une invafion j
la Virginie n’étoit alors en proie à aucune invafion.
A l ’époque où la propofîtion futienouvellée,
Maflachufett, Rhode-Ifland , la nouvelle Yorck
la nouvelle Jerfey , & la Penfylvanie , avoient
trouvé dans la forme républicaine de leur gouvernement
des moyens de furmonter les embarras
les plus effrayans. Y avoit-il donc fi peu de
vertu dans la Virginie 3 qu’il fallût imprimer la
terreur dans l’ame des citoyens ? Ceux qui pn>
pofoient un diélateur furent féduits par l’exemple:
d’une ancienne république dont .la conftitu-
tion & la pofition étoient abfolument différentes:
ils vouloient imiter Rome 3 qui feule a adopté
ce terrible expédient, dont elle a fini par être
la victime. Les faélions cruelles , & de fanglantes
émeutes 3 déchiroient cette république j des patriciens
impitoyables y opprimoient un peuple
féroce, que la pauvreté & la misère condui-
foient au défefpoir , & lorfque les querelles s’en*
venimoient , l’énergie & la violence des caractères
produifoient des effets fi fâcheux, qu’on avoit
befoin de la main d’un defpote pour rétablir la
tranquillité. Le peuple de la Virginie 3 au contraire
, elî doux > il elt patient dans la détrefle,
ii s’eft réuni pour la liberté publique, & il aime
fes chefs. Mais fi la conftitution de Rome don;
noit au fénat le droit de revêtir un feul homme
de toute ia puiffance de la république, s’enfuit-
il que l’afifemblée de Virginie avoit la même
autorité? La conftitution de h,Virginie déclare^
t-elle qu’on imitera les romains dans tous les
cas qu’elle n’a point prévus ? Et comment de
paifibles républiques qui ne fongent pas à faire
des conquêtes , qui s’occupent du bonheur du
peuple , & non pas de fa grandeur , fongent-elles
à imiter les romains ? 11 eft donc à propos d’interdire
à jamais l’ établiffement de la diélature
par un article de la conftitution de Virginie.
8°. Nous avons fa i t , en parlant des conftitu-
tions des autres états , plufieurs remarques critiques
qui font applicables à celle de Virginie 3
& nous ne répéterons pas ici ce que nous avons
dcja dit des dangers du pouvoir accordé aux
gouverneurs, & c . & c . &c.
90. Nous avons indiqué dans, les remarques
fur les conftitutions des Etats - Unis , ( article
Et a t s - U nis , feétion quatrième , ) comment
après avoir établi la tolérance religieufe dans la
déclaration des droits , la Virginie s’eft trouvé cependant,
par une oraiffion inconcevable de la
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c o n f t i t u t i o n , f o u m i f e , .fi l ’ o n e n c r o i t u n homme
t r è s é c l a i r é , à t o u t e s le s per le eu r io n s religieufes
q u o r d o n n a i t l a l o i c o m m u n e d 'A n g l e t e r r e . » L ’ a f -
f e m b l é e g é n é r a l e d u m o i s d ’ o é l o b r e 1 7 7 6 a n n u i i a ,
d i t - i l , l e s a é t e s d u p a r l e m e n t , q u i f a i f o i e n t u n
c r im e d e l a d i v e r f î t é d ’ o p in i o n s fu r le s m a t iè r e ^
r e l ig i e u f e s , q u i d é f e n d o i t t o u t c u l t e q u i n ’ é t o i t
p a s le c u l t e d o m i n a n t , & la m êm e d é c i f io n f u t
c o n f i rm é e e n 1 7 7 9 . L e s v e x a t io n s r e l i g i e u f e s a u t
o r i f é e s p a r c e q u ’ o n a p p e l l e l e s ft(atuts , c ’ e f t - à -
d i r e , p a r le s a é le s d u p a r lem e n t fu r e n t a in f i a b o l i e s ,
m a is a u c u n a r t i c le f o rm e l d e l a c o n f t i t u t i o n , o ù
a u c u n e l o i p a r t i c u l i è r e , n ’ a y a n t e x p r e f f é m e n t a u t o -
n f e l a d i v e r f î t é d e s c u l t e s , la Virginie fe t r o u v a f o u -
. a c o m m u n e d ’ A n g l e t e r r e , q u i conti-
n u o i t à e r r e e n v i g u e u r d a n s c e t t e p a r t ie d e l ’ A m é -
r i q u e , o u a u x a é le s p a r t i c u l i e r s d e l ’ a f l’e m b l é e d e
c e t é t a t . O r a u c u n a é t e p a r t i c u l i e r d e l ’ a f iem -
b l e e d e Virginie n ’ a v o i t c o n f a c r é l a t o l é r a n c e r e l i g
i e u f e :i & f é l o n l a l o i c o m m u n e d ’ A n g l e t e r r e ,
1 héréfîe eft un crime capital qui entraîne la peine
du feu. » M.Jefferfon aujoute qu’un aéle d e l’affem-
blee du mois d’oélobre 1 7 7 7 , ch. 1 7 , attribue
à la cour générale, la connoifiânce de ce délit, puif-
qu elle^ déclare que la jurifdiélion de cette cour
fera generale dans tout ce qui devoit être jugé
par la loi commune» L’habile auteur que je viens
de citer montre en détail les vices & les dangers
de cette omiflion , & il répond à ceux qui difent
que tout état doit avoir une religion dominante:
les Etats de Penfylvanie & de la nouvelle Yorck
ont fubfiflé long - cems fans avoir une religion
dominante. Ils firent un eflai- d’un genre bien
nouveau & bien incertain j il réuflit au - delà de
toute efpérance ; car ces deux colonies acquirent
beaucoup de fplendeur.
M . Jefferfon favoit bien fans doute que les
citoyens de la Virginie ne fouffriroient pas aujourd’hui
qu’on brûlât un hérétique, & qu’ on em-
prifonnât trois ans celui qui ne comprend pas
les m y Itères^ de la Trinité j mais cette fagefie
du peuple n’eft pas une fauve garde-infaillible &
permanente. D ’ailleurs l’efprit public peut s’altérer
fur cette matière, ainfi que fur les autres :
les chefs de l’état fe corrompront , & le peuple
fe corrompra de fon côté : un feul fanatique
commencera les perfécu.tions , & les honnêtes
gens deviendront fes viélimes. On ne fauroit
trop le répéter aux Etats-Unis } le moment favorable
polir établir fur une bafe légale , les
droits de l’homme & du citoyen , eft celui' où
les premiers perfonnages de la nation font encore
honnêtes , & où rien ne divife l’union de tocrç
les citoyens. Nous le remarquerons avec regret}
du moment où 1 à guerre s’ eft terminée , l’efprit
patriotique & les grands principes des nouvelles
républiques fe font affoibli , & ce mal
ne fera qu’augmenter de jour en jour.
Au refte les inquiétudes de M. Jefferfon fur
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cet objet font diflipées. Il écrîvoit en 1781 fes
notes fur l’état de Virginie ; & dans la feftion de
178 y & 1786 l’aflemblée générale de Virginie
a accordée par une loi qu’il a rédigé lui-même,
& que nous avons inférée à l’arricle Eta t s -
Unis , la tolérance la plus illimitée qu’on ait
vu dans aucune contrée de la terre. Nous dirons
plus bas que dans la féance de 1786 1787 ,
la même afiemblée de Virginie a converti en loix
tous les aéles rédigés par cet homme admirable,
& par -fon ami M. Whithe.
Il vient de donner des. loix civiles à fon pays,
& comme il embrafle to u t, il lui propofe la conftitution
nouvelle que voici.
Efquiffe d'une conftitution fondamentale pour la
république de Virginie , par M. Jefferfon, ancien :
gouverneur de cette république, & aujourd'hui ■
miniftre des Etats-Unis a la cour de France. (1) !
P r é a m b u l e .
Lorfque le gouvernement de la Grande-Bretagne
a voulu., contre toutes les Joix , s'arroger
fur les états américains, & établir par la force
une autorité oppreflîve, les états du nouvel
Hampsfiire , de Maflachufiett, de Rhodeifland,
de Cojineélicut , de nouvelle Yorck ,v du nouveau
Jerfey, de Penfylvanie , de la De laware,
du Maryland , de Virginie, dé la Caroline fep-
tentrionale , de la Caroline méridionale & de
la Géorgie , ont! jugé la réfiftance , & tout
le cortège de mîfères qu’ell^. devoit entraîner,
un moindre malheur qu’ une foumifliori abjeéte,
& ils ont fait la guerre à leur tyran*. L’arbitre
fouverain des deftinées humaines a bien voulu
donner à cet appel aux armes, une iffue favorable
aux droits des Etats-Unis } nous mettre en état
d’abjurer à jamais toute efpèce de dépendance,
envers un .gouvernement qui a ?r fort abufé de la
confiance qu'on lui avoit accordée , & d’obtenir
de ce gouvernement une reconnoi fiance 'formelle
& explicite , que les treize républiques américaines
forment des Etats libres, fouverains &
indépendans. Dans le cours de la guerre qu’il
a fallu foucenir pour l’établi(Tement de nos
droits , le corps légiflatif de la république de
Virginie s’eft trouvé obligé de régler promptement
l ’organifation de cet é ta t, afin de prévenir
l'anarchie, & diriger avec plus de fuccès nos
efforts vers les deux ob;e s importans de la
guerre: c’tft à dire, le foin de repou fier nos
.ennemis, & de procurer la paix & le bonheur
à l'intérieur de i’état. Mais cet a é le , ainfi qae
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tous les autres du corps légiflatif, peut être
changé par les légiflatures fubféquentes , qui
feront revêtues du même pouvoir. On a cru que
la conftitution ainfi établie, fans pouvoir fuffi-
fant & d’après la néceflîté, devoit recevoir les
altérations que le te ms & l’expérience ont
indiquées, & être déclarée permanente par un
pouvoir au - deflus du corps légiflatif ordinaire.
L’aflemblée générale de Virginie a donc recommandé
au bon peuple de cet état , de
choifir des repréfenrans qui formeroient une convention
générale , & qui feroient revêtus des
pouvoirs néceflaires pour établir une conftitution
, & faire des articles qui renferment cette
conftitution , des loix fondamentales auxquelles
toutes nos loix préfentes & à venir feront fu-
bordonnées. D’après la recommandation de l ’af-
femblée générale , le bon peuple de Virginie nous
ayant choifîs pour fes délégués à la convention
générale.& nous ayant revêtu des pouvoirs nécef-
faires fur fon objet.
La convention générale établit la conftitution-
fuivante pour règle fondamentale du gouvernement
de l’état de Virginie.
Ledit état fera toujours gouverné fous la
forme d’une république. :
Les pouvoirs de l’adminiftration formeront trois
départemens féparés, & chacun d’eux fera
confié à un corps particulier de magiftrature ;
favoir, le pouvoir légiflatif à un corps partir,
culier, le pouvoir judiciaire à un fécond,. & le
pouvoir exécutif à un troifième. Aucune perfonne
nî aucun corps , qui appartiendra à un de ces
départemens , n’exercera l’autorité appartenante
à l’ un des deux autres , excepté dans les cas
qui feront indiqués plus bas d’ une manière exprefie.
I. Le pouvoir légiflatif
Le corps légiflatif fera compofé de deux
chambres, l’ùne appellée la chambre des délégués
, & l’autre le lenat ; & les deux chambres
réunies feront nommées l’afiembîée générale. La
concurrence des deux chambres, exprimée fur
trois différentes leélures d’un b ill, fera nécef-
faire pour établir une loi.
Election des delegués ou des repréfentans.
T e s délégués & les repréfentans à l’aflembîée
générale feront choifîs le dernier lundi dii mois
de novembre de chaque année. Mais fi l’élection
ne peut fe faire en entier le même jou r.
fi) M. Jetterfon n’a point fait de déclaration des droits , parce qu’elle le trouve fondue dans la contticurion qu’o*
va lire , ou parce qu’on pourroic contèrver celle qui le trouve à la ’été de la conilitution , que fuie à ptéfenc la république
de Virginie. _ - *
(i£con. polit. & diplomatique, Tom, I f M m m m