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humaine, d’obliger les fujets dans tous les cas
douteux , & à moins d’une liaifon manifefte , a
fe foumettre aux fentences des tribunaux étrangers
, pardevant lefqucls ils ont affaire.
De même que l ’on peut faifîr les chofes qui
appartiennent à une nation , pour l’obliger à
rendre juftice , on peut également , ou pour les
mêmes raifons , arrêter quelques-uns de fes citoyens
3 & ne les relâcher que quand on a reçu
une entière fatisfaétion. Ç ’eft ce que les Grecs
appelloient androlepfie , prife d'homme. A Athènes,
la loi permettoit aux parèns de celui qui avoit
été affaflîné en pays étranger , de faifir jufqu’à
trois perfonnes de ce pays-là , & de les détenir
jufqu’ à ce que le meurtrier eût été puni ou livré.
Mais dans, les moeurs aétuelles , ce moyen n’ eft
guères en ufage que pour fe faire raifon d’une
injure de même nature 3 c’eft-à-dire x pour obliger
un fouverain à relâcher un fujet qu’il retient
injuftement.
Au refte, les fujets ainlî arrêtés , n’étant retenus
que comme une fureté , un gage ,.pour obliger
une nation à faire juftice , fi leur fouverain
s’obftine à la refufer 3 on ne peut leur ôter la
vie , ni leur infliger aucune peine corporelle 3
pour un refus dont ils ne font jpas coupables.
Mais un fouverain eft en droit d’ufer de force
contre ceux qui réfiftent à l’exécution de fon
droit 3 & d’ en ufcr autant qu’ il eft néceffaire
pour furmonter leur injufte réfiftance. Il eft donc
permis de repouffer ceux qui entreprennent de
s’oppofer à de juftes reprêfailles ; & s’il faut pour
cela aller jufqu’à leur ôter la v ie , on ne peut
accufer de ce malheur que leur réfiftance injufte
& inconfidérée. Grotius veut 3 qu’en pareil cas ,
on s’abftienne plutôt d’ufer de reprêfailles.
Après avoir démontré qu’ il eft permis d’en venir
aux reprêfailles , quand on ne peut obtenir
juftice autrement j il eft aifé d’en conclure qu’un
fouverain n’eft point en droit d’oppofer la fori
c e , ou de faire la guerre à celui qui 3 ordonnant
& exécutant des reprêfailles en pareil cas 3
ne fait qu’ufer de fon droit.
Et comme la loi de l’humanité ne prefcrit pas
moins aux nations qu’aux particuliers 3 de préférer
conftamment les moyens les plus doux,
quand ils fuffifent pour obtenir juftice j toutes les
fois qu’un fouverain peut, par la voie des reprêfailles
, fe procurer un jufte dédommagement,
ou une fatisfa&ion convenable , il doit s’en tenir
à ce moyen, moins violent & moins funefte
que la guerre j & il faut ici relever une erreur trop
générale. Si un prince ayant à fe plaindre d’une
in juftice , ou de quelques commencemens d’hof-
tilités, & ne trouvant pas chez fon adverfaire des
difpofitions à lui donner fatisfadlion , fe détermine
à ufer de reprêfailles , pour effayer de le j
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le contraindre à écouter la juftice, avant que
d’en venir à une rupture ouverte i s’il faifit
fes effets, fes vaiffeaux, fans déclaration de
guerre , & les retient comme des gages j certaines
gens crieront au brigandage. Mais fi ce
prince eut déclaré la guerre tout de fuite, ils ne
diroientmot, ils loueroient peut-être fa conduite.
C ’eft un étrange oubli de la raifon & des vrais
principes ! N e fem b le - t - il pas que les nations
doivent fuivre les loix de la chevalerie 5 fe défier
en champ-'clos, & vuider leur querelle comme
deux braves dans un duel ? Les fouverains doivent
penfer à maintenir les droits de leur Etat, à fe
faire rendre juftice, en ufant des moyens légitimes,
& en préférant toujours les plus doux: &
encore un cou p , il eft bien évident que les reprêfailles
dont nous parlons , font un moyen infiniment
plus doux , ou moins funefte que la guerre.
Mais , comme elles y conduifent fouvent > entre
puififances dont les forces font à peu près égales ,
on ne doit y recourir qu’à l’extrémité. Le prince
qui tente alors cette voie , au lieu de rompre enf*
tierement, eft louable fans doute , par fa modération
& fa prudence.
Il eft des cas cependant, où les reprêfailles fe-
roient condamnables, lors même qu’une déclaration
de guerre ne le feroit pas 5 & ce font précisément
ceux dans lesquels les nations peuvent avec
juftice prendre les armes. Lorfqu’il s’agit, non
d’une voie de fa i t , d’ un tort reçu j mais d’un
droit contefté j apr,ès que l’on a inutilement, tenté
les voies de conciliation , ou les moyens pacifiques
d’obtenir juftice j c’eft la déclaration de
guerre qui doit fuivre , & non de prétendues reprêfailles
, lefquelles en pareil cas , ne feroient
que de vrais aéles d’hoftilité , fans déclaration
de guerre , & jfe trouyeroient contraires à la foi
publique , aufll bien qu’aux devoirs mutuels des
nations. C ’eft ce qui paroîtra plus évidemment,
parce que nous avons dit des raifons qui établiffent
l’obligation de déclarer la guerre avant que d’en
commencer les aéles. Voyez l’article Guerre.
Que fi par des conjon&ures particulières, &
par l’obftination d’un injufte adverfaire, ni les
reprêfailles, ni aucun des moyens dont nous ven
ons de traiter, ne fuffifent pour notre defenfe ,
& pour la protection de nos droits , il refte
la malheureufe & trifté refîburce de la guerre.
Les lettres des reprêfailles, ou lettres de
marque, font des lettres qu’ un fouverain accorde
à fes fujets , pour reprendre fur les biens
de quelqu’un du parti ennemi, l’équivalent de ce
qu’on leur a p ris, & dont le prince ennemi n’aura
pas voulu leur faire juftice*
Dans la guerre on employé le mot de reprêfailles
,-fous une autre exception. Voyez Ie ùi&ion-
I naire de I’A rt Militaire*
R E P R É S E N T A I
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RE PRÉ SENTANS . Les reprêfentans d’une
nation font des citoyens choifis, q u i, dans un
gouvernement tempéré, font chargés par la fo-
ciété de parler en fon nom, de ftipuler fes intérêts -3
d’empêcher qu’on ne l’opprime', de concourir à
l’adminiftration.
Dans un Etat defpotique , le chef de la nation
eft to u t , la nation n’eft rien i la volonté d’un
feul fait la loi > la fociété n’eft point repréfentée.
Telle eft la forme du gouvernement en A fie , dont
les habitans fournis depuis un grand nombre de .
fiècles à un efclavagehéréditaire, n’ont point imaginé
de moyens pour balancer un pouvoir énorme,
qui fans ceffe les écrafe. 11 n'en fut pas de même
en Europe , dont les habitans plus robuftes, plus
laborieux, plus belliqueux que les Afiatiques ,
fentirent de tous tems l’utilité & la néceffité qu’une
nation fût repréfentée par quelques citoyens, qui
parlaffent au nom de tous les autres > & qui s’op-
pofaffent aux entreprifes d’un pouvoir qui devient
fouvent abufif, lorfqu’il ne connoît aucun frein.
Les citoyens choifis pour être les organes ou les
reprêfentans de la nation , fuivant les différens
tems, les différentes conventions, & les circonf-
tances diverfes, jouirent de prérogatives & de
droits plus ou moins étendus. Telle eft l’origine
de ces affemblées connues fous le nom de dietes,
d ’états-généraux , de parlemens , de fênats , q ui,
prefque dans tous les pays de l’Europe , participèrent
à l’adminiftration publique, approuvèrent
ou rejettèrent les propofitions des fouverains, &
furent admis à concerter avec eux les mefures né-
ceffaires au maintien de l’Etat.
* Dans un Etat purement démocratique , la natio
n , à proprement parler, n’eft point repréfentée
} le peuple entier fe réferve le droit de faire
connoître fes volontés dans les affemblées-géné-
xales, compofées de tous les citoyens ; mais dès
que le peuple a choifi des magiftrats qu’il a rendus
dépofitaires de fon autorité} ces magiftrats deviennent
fes reprêfentans ; & fuivant le plus ou le
moins de pouvoir que le peuple s’eft réfervé , le
gouvernement adopte le régime ariftocratique, où
il prend une des combinaisons fans nombre de la
démocratie.
Dans une monarchie abfolue, le fouverain jouit
du confentement de fon peuple , du droit d’être
l ’unique Repréfentant de fa nation , pu bien, contré
fon gré, il s’arroge ce droit. Le fouverain parle
alors au nom de tous j les loix qu’il fait fon t, ou
du moins font cenfées l’expreffion des volontés de
toute la nation qu’il repréfente.
Dans les monarchies tempérées , le fouverain
n’eft dépofitaireque de la puiffance exécutrice, il ne
repréfente fa nation qu’ en cette partie j elle choifît
d’autres Reprêfentans} pour les autres branches de-
l ’adminiftration. C ’eft ainfi qu’ en Angleterre la
puiffance exécutrice réfide dans la perfonne du mo-
(Econ. polit, ô* diplomatique, Tom, IV .
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nârque, tandis qu’ il partage la puiffance légiflative
avec la chambre des pairs & la chambre des communes
j c’eft-à-dire, l’ affemblée générale des dif-
férens ordres de la nation britannique, compofee
du clergé, de la nobleffe & des communes j ces
dernieres font repréfentées par un certain nombre
de députés choifis par les villes , les bourgs & les
provinces de la Grande-Bretagne. Par la conftitu-
tion de ce pays, le parlement concourt avec le
monarque , à l’ adminiftration publique j dès que
ces deux puiffances font d’accord, la nation entière
eft réputée avoir parléj & leurs décifions
deviennent des loix. Voyez l’article A ngleterre.
En Suède le monarque gouvernoit d-devant,
conjointement avec un fénat, qui n’étoit lui-
même que le repréfentant de la diète générale du
royaume j Celle-ci étoit l’affemblée de tous les
reprêfentans de la nation Suédoife. Mais la révolution
de 1772 , a changé la conftitution, &
voyez à l’article Suède, jufqu’où la nation demeure
aujourd’h u i, repréfentée par la diète.
La nation germanique, dont l’empereur eft le
c h e f , eft repréfentée par la diète de l’empire ;
c’eft-à-dire, par un corps compofé de vaffaux fouverains
, ou de princes tant eccléfiaftiques que
laïques, & de«députés des villes libres, qui re-
préfentent toute la nation Allemande. Voyez les
articles Allemagne , & Diète de l’empire.
La nation Frariçoife fut autrefois repréfentée par
les états - généraux du royaume, compofee du
clergé & de la nobleffe , auxquels par la fuite des
tems, on affocia le tiers - état, deftiné à repré-
fenter le peuple- Ces affemblées nationales ont
ceffé depuis l ’année 1628 , mais elles vont fe renouvelle!*.
Sous le gouvernement féodal, la nobleffe & le
clergé eurent long-tems le droit exclufif de parler
au nom de toute la nation , ou d’en être les
uniques reprêfentans.
Dans les Etats defpotiques, tels que la Turquie,
on ne parle que des reprêfentans du >def-
pote i on n’y voit point de nobleffe j le defpote
n’a que des éfclaves également vils à fes yeux ;
il n’eft point de juftice , parce que la volonté
du maître eft l’unique loi 5 le magiftrat ne fait
qu’exécuter fes ordres j le commerce eft opprimé
, l’agriculture abandonnée , l’induftrie anéantie
j & perfonne ne fonge à travailler, parce que
perfonne n’eft fur de jouir du fruit de fes travaux ;
la nation entière, réduite au filence , tombe dans
l’inertie, ou ne s’explique que par des révoltes.
Un fultan n’eft foutenu que par une foldatefque
effrénée , qui ne lui eft elle-même foumife qu’au-
tant qu’il lui permet de piller & d’opprimer le
refte de fes fujets j enfin fouvent fes janiffaires
l'égorgent & difpofent de fon trône , fans que la
nation s’intérefle à fa chute, ou défapprouve le
I changement.
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