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avoir une grande part dans un commerce qui fe
trouve fi avantageux à la Hollande.
Troifîèmement, il n'y a point de méthode certaine
, de juger de quel côté fe trouve ce qu’on
appelle balance du commerce entre deux nations,
c ’eft-à-dire,quelle eft celle des deux qui exporte pour
une plus grande valeur. La prévention & l’ani-
mofité nationales , toujours infpirées par l’intérêt
privé des négocians particuliers , font les principes
qui en général règlent nos jugemens fur toutes
lès queftions qu’on peut faire à ce fujet. On a
cependant adopté deux indices, favoir, les livres
delà douane, & le cours du change. Tout le
monde , je perffe , convient aujourd’hui que les
regiftres de la douane font un indice très-incertain
, à caufe de leur inexactitude dans l’évaluation
qu’ils font de la plupart des marchandifes.
Le cours du change, tel qu’on l’a eftimé jufqu’ici,
elt peut être pour le moins Suffi équivoque.
Lorfque le change entre deux places, telles
que Londres & Paris , eft au pair , on dit que
c’eft une preuve que la fomme due par Londres
a Paris elt compenfée par ce que Paris doit à
Londres. Au contraire, quand on paye une prime
à Londres pour une lettre de change fur Paris,
on fe perfuade que les dettes de Londres à Paris
ne font pas compenfées par celles de Paris à
Londres, mais qu’il faut envoyer de Londres
une balance en argent, & que c’eft pour le rifque,
l’embarras & la dépenfe de cette exportation,
que la prime eft demandée & accordée. On
ajoute que l’état ordinaire des dettes & des
créances refpeétives de ces deux villes , fe règle
par le cours ordinaire des affaires qu’ elles font en-
femble. Que fi les importations & les exporta
tions mutuelles de l’une & de l’autre font d’une
valeür égale , leurs créances & leurs dettes fe
compenfent. Que.fi l’une porte pour moins de
valeur chez l’ autre qu’elle n’en importe , elle lui
elt redevable de quelque chofe 5 leurs créances
& leurs dettes ne font plus compenfées , & il
faut que celle qui doit davantage lui envoyé de
l’argent : ainfi le cours ordinaire du change
indiquant l ’état ordinaire des dettes & des créances
entre deux places, il indique également le
cours ordinaire de leurs exportations & importations
refpeétives , puifque ce font celles-ci qui
règlent cet état,
Mais quand on conviendroit que le cours ordinaire
du change indique d’une manière affez
sûre- l'état ordinaire des dettes - & des créances
entre deux places, il"ne s’enfuivroit pas que
la balance du commerce fût en faveur de celle qui
auroit l’avantage dans l’état ordinaire des dettes
& des créances. L ’état ordinaire des. dettes &
des créances entre deux places , n’eft pas toujours
réglé en entier par le cours ordinaire des affaires
qu’elles font entre elles ; les opérations de l’ une
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des deux avec beaucoup d’autres places', y influent
fouvent. Si par exemple , les négocians
d Angleterre font dans l ’ufage de payer les marchandifes
qu’ils achètent à Hambourg , à Dant-
zick ,■ à Riga, &rc; avec des billets fur la Hollande
, l’état ordinaire des dettes & des créances,
»entre l’Angleterre & la Hollande, ne fera pas
réglé- en entier, par le cours ordinaire des a£
faites de commerce que les deux pays font entre
eux 5 les affaires de commerce de l’Angleterre ,
avec ces autres places dont nous venons de parler
y influeront aufïï. L’Angleterre pourra être obligé
d’envoyer chaque année de l’argent en Hollande,
quoique les marchandifes qu’elle envoyé dans ce
pays , furpaffent de beaucoup la valeur des marchandifes
qü’elle en tire, & quoique ce qu’on
appelle la balance du commerce puiffe être d’ une
fomme très confîdérable en faveur de l’Angleterre.
/ D ’ ailleurs d’après la manière dont on a calculé
jufqu’ ici le pair du change , foh cours ordinaire
n’indique pas d’une manière affez sûre que l’état
ordinaire des de.ttes & des créances,, foit à l’avantage
du pays qui femble ou qu’on fuppofé
avoir en fa faveur le cours» ordinaire du change ;
ou , le change réel peut être, & dans le fait il
eft iouvent fi différent du change tel qu’on le
calcule, qu’en beaucoup d’occafiôns on ne peut
d après l’état'du dernier, tirer aucune induétion
certaine fur l’état du premier.
Lorfque pour une fomme d’argent payée en
Angleterre , contenant au titre de la monnoie an-
gloife un certain nombre d’onces d’argent pur ,
vous recevez une lettre de change pour une fom-
me d’argent à payer en France , contenant au
titre de la monnoie françoife un égal nombre
d’onces d’argent pur, on dit que, le change eft
au pair entre l’Angleterre & la France. Lorfque
vous payez davantage , vous êtes fuppofé donner
une ..prime, & on dit que le change eft contre
l’Angleterre & en faveur de la France. Quand
vous payez moins , vous êtes fuppofé. gagner
une prime, & on dit que le change eft contre
la France & en faveur de l’Angleterre.
Mais i Q. nous ne pouvons pas toujours juger
de la valeur des efpèces courantes des différens
pays, par les titres de leurs monnoies refpe&i-
vés. Dans quelques-uns , elles font plus ou moins
ufées, rognées ou autrement dégradées. O r , la
valeur des efpèces courantes de chaque pays,
comparée avec celles d’un autre pays, e ft en
proportion, non de la quantité d’argent purqu’elles
doivent contenir ., mais de la quantité quelles en*
contiennent réellement. Avant la réforme de la
monnoie d or foiis le roi Guillaume , le change
entre l’Angleterre & la Hollande, calculé à la
manière ordinaire félon le titre de leurs mon?
noies refpe&ives, étoit de vingt-cinq pour cçnç
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contre FA'ngleterre. Mais la valeur des efpèces
courantes d’Angleterre étoit pour lors de plus
de vingt-cinq pour cent au-deffous de leur titre>
ainfi que nous l’apprenons de M. Lowndes.
Ainfi le change réel peut avoir été , dans ce tems
même , en favyur de l’Angleterre , quoique le
change de compte fût fi fort contre elle ; avec moins
d onces d’argent pur, payées en Angleterre , on
auroit pu acheter une lettre de-change de plus
d onces d’argent pur à payer en Hollande , &
celui qu’on fuppofoit dormer la prime, pouvoit
dans la réalité la gagner. La monnoie de France,
avant la dernière refonte de la monnoie d’or an-
gloifè, étoit beaucoup moins ufée que celle d’Angleterre
, & étoit peut-être de deux ou trois
pour cent plus près de fon titre. Par conféquent,
fi le change de compte n’étoit què de deux ou
trois pour cent contre l’Angleterre, le change
reel. peut avoir été eh fa faveur. Depuis la réforme
de la monnoie d’or angloife, le change a
été conftamment en faveur de l'Angleterre contre
la France.
2.0. Dans certains pays, les frais de monnoyage
font au compte du gouvernement jdans d’autres,
ils font payés par les particuliers qui portent
leurs lingots à la monnoie | & le gouvernement
tire même quelque revenu du monnoyage. En Angleterre,
le gouvernement paye les frais du monnoyage
, & vous portez une Iivje pefanc d’argent
au .titré' à la monnoie , vous y recevez
foixante - deux-fehelings , contenant une livre
pefant d’argent au même titre. En France , on
déduit un droit de huit pour cent, pour, la fabrication
, ce qui non-feulement en paye les frais,
mais rapporté- encore quelque revenu au gouvernement.
Comme le monnoyage ne coûte rien en
Angleterre , les efpèces courantes ne peuvent pas
Stre d’une valeur beaucoup plus grande que la
quantité d’argent en lingots qu’elles contiennent:
eh France , comme on paye la fabrication , cette
fabrication' ajoute à la valeur des efpèces, comme
elle ajoute à la valeur de la vaiffelle dont on
paye la façon. Ainfi une fomme en monnoie de
France , contenant un certain poids égal d’argent
pur, vaut plus qu’une fomme en monnoie d'Angleterre
, contenant Un poids égal d’argent pur ,
& il faut plus d’argent en lingots, on plus d’autres
marchandifes , pour l’acheter. Ainfi quand
les efpèces courantes de ces deux royaumes fe-
ïoient également près du titre de leurs monnoies
refpeélives, une fomme en monnoie d’Angleterre
ieroit au-deffous d’une fomme en monnoie
de France contenant un égal nombre d’onces d’argent
pur j on n’obtiendroit pas une lettre-de-change
fur là France de pareille fomme, il faudroit donner
quelque chofe déplus. Si ce furplus fuffi-
foit Amplement- pour compënfer la dépenfe du
monnoyage de France, le change réel pourroit
erre au pair entre les deux pays , & leurs dettes^.
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& leurs créances refpe&ives pourroient fe com-
penfer les unes les autres, tandis que le change
de compte feroit confidérabiement en faveur de
la France. Si on donnoit moins pour avoir cette
lettre, le change réel pourroit être en faveur de
l’Angleterre, tandis que le change de compte
feroit en faveur de la France.
3°. Dans certaines places , comme Amfterdam ,
Hambourg, Venife, &c. on paye les letres-de-
change étrangères en ce qu’on appelle argent
de banque 5 tandis que d’ailleurs , comme à
Londres , Lisbonne , Anvers, Livourne , &c.
elles font payées en efpèces courante^ du pays.
C e qu’on appelle argent de banque a toujours plus
de valeur, que la même fomme nominale en efpèces.
courantes. troyei l'article H ol lande.,
où nous avons parlé de la banque d’Amfterdam,
& ce que nous avons dit ailleurs du dépôt. Mille
florins à la banque d'Amfterdam , par exemple ,
valent plus de mille florins en efpèces courantes
d’Amfterdam. La différence de ces deux valeurs
eft ce qu’on nomme l’agio de la banque, q u i, à
Amfterdam, eft généralement de cinq pour cent.
En fuppofant que les efpèces courantes de deux
pays fuffent également près de leurs titres, & que
l’un payât des lettres de change étrangères en ef-
! pèces courantes, tandis que l’autre les payeroic
| en argent de banque , lorfque le change réel feroit
en faveur de celui qui payeroit en efpèces de
cours, & cela par la même raifon que le change
de compte peut être etrfaveur de celui qui paye
en argent meilleur ou plus près de fon titre
quoique ‘le change réel foit en faveur de celui
qui paye en argent qui.n’eft pas fi bon. En
Angleterre, le change de compte, avant la
dernière réforme de la monnoie d’o r , étoit généralement
contre Londres avec Amfterdam
Hambourg, Venife, & , je penfe , avec toutes
les autres places qui payent en ce qu’on appelle
argent de banque. Il ne s’enfuit pourtant pas que
le change réel fut contre Londres. Il a été en fa
faveur avec routes ces places, même depuis la
dernière réforme de la monnoie d or. Le change
de compte y a été aufft généralement avec Lisbonne,
Anvers, Livourne; & je penfe que la
France exceptée, il l’a été de même avec toutes
les autres parties de l’Europe qui payent en efpè-
çes «mirantes 3 & il n’eft pas improbable que le
change réel ne l’ait été de même.
Au refte rien ne peut être plus abfurde que
cette doctrine de la Dalance du commerce fuc
laquelle font fondés non-feulement les règlemens
qui tendéne à le reftreindre, mais- encore prefque
tous les autres qui tendent à le diriger. Si deux
places commercent l’une avec l’autre , cette doctrine
fuppofe que fi la balance eft égale , aucune
des deux ne perd ni ne gagne , mais que pour
peu quelle penche* d’un côté I l’une perd &
l’autre gagne felqn qu’elle s’ éloigne d’un exadk
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