
jfëul fait le même effet que la recommandation
pour y nommer. Tous les emplois ne vaquent
nas à la fois dans le tems d’une faction. Il s*én-
füivroit donc qu’on doit craindre d’accorder beaucoup
d’autorité au roi, fous le prétexté que celui
qui partageroit induement fon autorité, jouirait
de trop de pouvoir : ainfi la conféquence de
cette obje&ion ne conduit à rien moins qu’ à l’anarchie
& à la foiblefle , fous prétexte des précautions
pour les éviter. »
» Pour y répondre mieux , je propoferai ailleurs
les principes & la méthode qui femblent
les meilleurs pour nommer aux emplois amovibles
Sc fans finance, »
53 L’extiriétion totale de la vénalité feroit faire i
certainement un grand pas au bonheur public.
Cette réforme eft d’ un befoin plus ou moins pref-
fant dans les différentes parties du gouvernement.
La finance; par exemple , le prix des offices de
maniement n’eft proprement qu’ une caution, &
au moindre cas de dépofition ou de dépoffeflion,
on commet à l’exêrcice, ou l’on vend d’autorité
la charge à un autre. »
» Dans l’adminiftration de la juftice, la vénalité
apporte de la lenteur dans l ’officier & quelque
deffein fecret, inconnu peut-être à lui-mêm
e , de fe récupérer par l’émolument & parles
épicés de l’intérêt de fa finance. »
53 Mais où il feroit plus preflant d’en purger
le royaume, c’eft en tout ce. qui eft chargé de
la police générale & particulière, d’où dépendent
l ’abondance , l ’ordre & le commerce, C e ne feroit'pas
le tout de retrancher de cette partie de
l ’adminiftration, la propriété & l’hérédité * il
feroit néceffaire que les officiers n’en fulTent plus
royaux , mais municipaux & populaires , afin
qu’ils puiffent agir fous la proteâion & fous
l ’autorité du ro i, mais pour les intérêts feuls du
peuple , & pour que le public fût admis autant
qu’ il fe peut dans le gouvernement du public. »
C e n’ eft plus un problème de favoir fi la vé- ,
nalité des offices de judicature eft utile & dange-
reufe, & nous ne perdrons pas notre tems à
difcuter une queftion qui a été réfolue tant de
fois. Nous nous bornerons à montrer fans aucun
commentaire y jufqu’à quel point l’intérêt &
l’efprit de parti aveuglent les hommes ; & avec
quel foin on cache les inconvéniens du régime
qu’on veut maintenir, & on exagère ceux du régime
qu’on veut empêcher. Voici comment un
auteur a défendu la vénalité des charges , quoiqu’il,
fe- fouvint très-bien de l’origine peu respectable
de cette vénalité de l’étonnement quelle
excite chez les autres peuples.
*> Là vénalité des offices de judicature qui a
lieu dans ce royaume, n’a été en ufage dans aucune
république, & ne trouve point encore au- S
!PUrj J1*1* d exemples ailleurs. On ne parle jamais
des defordrés qui fe commettent dans l ’adminif-
tration de la juftice en France , qu’on n’en cher-
che àuffi-tot la fource dans la vénalité des ma-
giltratures, &r dans l’établiffement de la paulette
qui les a rendus héréditaires. Le projet fi fouvent
forme pour les fupprimer eft-il praticable ? Se-
roit - i l utile ? C e font deux doutes qu’ il faut réfoudre.
»3
• ” ^ ab ord 3 ^ fuppofer qu’il eft comme
impoffibJe que le roi fe trouve jamais en état dô
rembourfer la finance de cette multitude prefque
infime d’offices qu’il y a en France. Quelque puif-
fant que foit ce monarque, les dépenfes à quoi
1 engage la confervation d’un fi grand état, montent
à autant que fes revenus ; & les befoins actuels
ne permettent jamais de réferver des fonds
allez confidérables pour faire un rembourfement
que le nombre des offices à fupprimer rendroit
prodigieux. Si c’eft un mal, ce mal eft déformais
fans remede.^ Il femble, par conféquent, qu’il
foit inutile d’examiner's’il conviendroit de continuer
l ’hérédité des offices fur le pied qu’elle eft
établie p ou de la fupprimer, en ne laififant aux
fujets d’efpérance de pouvoir parvenir aux emplois
de judicature que par le feu 1 mérite j mais
comme le préjugé public , eft pour cette dernière
opinion, & que je l’eftime faülTe , j ’ai cru devoir
la réfuter. »3
y> Pjut ^:re P°ur l’affirmative, que de ne
confier 1 adminiftration de la juftice qu’à des mains
chargées d’or & d’argent, c’eft éteindre l’amour
(les lettres,^ des lo ix , des anciennes maximes,
parce que c’eft le rendre inutile ; que ces emplois
împortans qui décident de la fortune, de l’honneur,
de la vie des: citoyens , doivent être la ré-
compenfe du mérite, & comme un prix qui ferve
d aiguillon à la vertu & qui anime au travail $
que fi la vénalité des magiftratures étoit fuppri-
me.e * ces pffices ne feroient donnés qu’à des gens
qui fe feroient rendus dignes de les exercer; que
le choix du roi, toujours réglé par la confidération
de la vertu & des talens , tomberoit fur de bons
lujets ; que la juftice ne verroit dans ces places
importantes , que des magiftrats éclairés & intègres
, que l’ignorance & la corruption feroient -
bannies des tribunaux. »3
» Si cela devoit être, qui pourroit dquter qu’on
ne dut fouhai'ter là fuppreffion de l’hérédité des
offices ? mais qu’il y a loin de ces idées à la vérité
! C e n’eft-là qu’un de ces portrait^ de fan-
taifie , où la vérité du fujet a moins de part que
l’imagination du peintre. 3»
»» I .S ’il étoit queftion de fonder l’état, il enfaii-
droit peut-être bannir la vénalité des magiftratures.
La raifon veut qu’en faifant un établiffe-
ment, on tende à la perfection ; mais quand un
état eft fondé, que les imperfections ont pafle'
en habitude, & que le défordre même a quel- 1
que chofe d’utile à l’état ; la prudence défend d’y
faire des changemens, Elle veut qu’on fe contente
d’une règle modérée , conforme aux moeurs
préfentes & aux Ufages reçus, & qu'on n’en
cherche pas une plus auftère q u i, changeant ces
ufages, pourroit troubler l ’é tat, au lieu de le réformer.
»3
s» II. La nomination aux offices de judicature
ne fauroit dépendre de la volonté feule du ro i,
qu’elle ne dépendît du crédit & des artifices des
courtifans , parce que les princes & les minif-
tres ne peuvent connoître le mérite des fujets
que par le rapport qu’on leur en fait., La faveur
diftribueroit les grâces du prince , autant & plus
que le mérite. Les hiftoriens de tous les rè-:
gnes acculent la plupart de nos rois, ou d’ava-
rice ou de foibleffe dans la nomination aux offices.
Ils, n'ont pas même épargné faint-Louis ; ils
difent que le trafic des offices étoit fi public fous
fon règne, qu’on affermoit les revenus qui en
provenoient. L ’éleCIion aux bénéfices feroit une
voie plus ancienne & plus canonique que celle
de la nomination du r o i , qui en eft aujourd’hui
le collateur ; & néanmoins les grands abus qui fe
commettroient dans les élections, abus qu’il feroit
impoffible d’éviter, rendent la voie de la nomination
plus avantageufe. De même , bien que
la fuppreffion de l’hérédité des offices fût plus
conforme à la raifon , les abus inévitables qui fe
commettroient dans la diftribution des emplois
de judicature, rendent la voie dont on y pourvoit
aujourd’h u i, plus fupportable que celle qui
les diftribuoit anciennement, »a
33III. Les charges feroient remplies par des per-
fonnes fouvent plus chargées de latin que de biens,
& l’ardeur de parvenir à des dignités dont la fplen-
deur éblouiroit, feroit abandonner les vues du
commerce, à des gens qui s’y appliquent utilement
pour l’éta t, & qui n’afpirent pas à des offices
qu’on ne peut acquérir qu’à prix d’argent, sa
33IV . Ces offices font aflez dignement remplis
quoiqn’achetés. Un officier qui a mis une grande
partie de fon bien à l’acquifition de fon office,
eft retenu dans les bornes de fon devoir par la
crainte de perdre fon bien. Le prix de fon office
eft le gage de fa fidélité, & même des citoyens
qui tiennent à lui par des iiaifons de famille & d’intérêt.
Des officiers dont la confidération & la fortune
font principalement fondées fur les charges qu’ils
pofsèdent, contribuent puifiamment à maintenir
l ’autorité du roi dont la leur eft inféparable. Les juges
de ce royaume font ainfi l’appui le plus folide
du trône de nos rois, & par conféquent, du
bonheur des peuples, qui ne peut fe trouver que
dans l ’éloignement des guerres civiles. François I.
établit la vénalité, en France, à l'occafion de la
guerre d’Italie qu’il entrepreneur* La perfuafion
ou il étoit que fes courtifans vendoient fe< grâces
à fon infçu , te befoin où il fe tiou vo it, & i envie
de s'attacher les officiers qui avoient acquis
leurs offices à-prix d'argent, furent fans qbst
motifs qui l'y déterminèrent. Henri IV ,
d’un tiès-bon cenfeil, dans une paix proto,
& dans une fituation exempte de néceffité , ajouta
à l'établilfement de François premier, celui de la
paulette. L'un des puilfans moyens que le duc de
Guife avoit employé pour élever cette pudfjtice
formidable que forma la ligue fous Henri l i l ,
fut le grand nombre d'officiers que fon crédit avoit
introduit dans les principales charges du royaume
, & ce fut-là la vraie raifon qui obligea Henri.
IV de rendre les offices héréditaires, par l'é-
tabliffement de la paulette. C e bon & excellent
prince put bien avoir égard au revenu qu'elle
produiroit ; mais. il y fut déterminé principalement
par l’intérêt d'écarrer 1er inconvéniens dans
Iefquels le crédit du duc de Guife avoit fait tomber
Henri I I I . ..
» V . L'ancien ufage avoit lès inconvéniens,
le nouveau à les liens, cela n'eft pas douteux ;
mais les défordres que les néceffités publiques ont
introduits, & que la raifon d’état fortifie, ne
doivent ni ne peuvent être réformés tout à-coup,
11 eft toujours dangereux dans le gouvernement
de palier d'une extrémité à l'autre. Difficilement
pourroit-on changer aujourd'hui la manière de
parvenir aux emplois de judicature , feus altérer
l'affeâion de ceux qui les pofsèdent; & il lcroit
à craindre que les officiers »’excitaient le peuple à
la révolte, au lieu qu'ils ont toujours iervi à le
maintenir dans la foumiffion, »
» Il convient donc que le roi lailfe les cho-
fes en l’état qu'elles font, & qu'il fe borne
à veiller a l’adminiftration de la jultice , en
ne mettant dans les charges de judicature , &
fur-tout dans les premières places,, que les meilleurs
fujets qu'il eft poffible de trouver. L ’héritier
& même le fils d'un efficier décédé , pour
exercer fon office , a befoin de l'agrément & des
provifions du prince , & il doit fubir une information
de vie & de moeurs, & un examen. Il
eft vrai que tout cela ne fe fait que pour la forme,
c’eft-Jà un abus réel ; mais cet abus eft
aile à réformer. Le prince peut apporter le même
foin pour accorder fes provifions, qu'il japporte-
roit en faifant fa nomination , fi la vénalité étoit
fupprimee. Il peut charger les préfidens & les
procureurs-généraux des compagnies, de faire
faire avec une grande attention les informations
de vie & de moeurs de ceux à qui U accorde des
provifions , & punit ceux qui trompent le public
en rendant un faux témoignage. Il peut défendre
aux juges d’admettre ceux qui n'ont pas la vertu
& les talens nécelfaires pour remplir les charges
, où ils demandent d'être inftallés, & marquer de
tems en tems fon indignation aux juges qui ne