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fait perdre aux pirates de leur audace. Les troubles
civils qui bouleverfent fans ceffe cette malheure
ufe contrée, ont fait feuls décliner d’abord &
tomber enfuite fes forces de mer. Voye£ les articles
A frique & Barbaresques.
TRIUMVIR, T r ium v ir a t .
La république romaine fe vit deux fois gouvernée
defpotiquement par trois chefs qui eurent le
titre de triumvirs. Le triumvir ifétoit pas un ma-
giftrat fouverain, mais Tufiirpateur d’une magif-
trature fouveraine. Céfar, Pompée & C ra ffu s ,
furent les premiers triumvirs qui partagèrent en*
tre eux le gouvernement, & c’eft ce qu’on appelle
le triumvirat. Oétavius, Antoine & Lepidus,
furent les féconds triumvirs, & la république finit
par dégénérer en monarchie. Il ÿ eut aufli à
Rome des triumvirs des colonies : c’étoient des
magillrats prépofés pour établir des colonies.
Ces fortes de magillrats fe créoient dans une
affemblée du peuple par tribus : toutes les fois ;
que les Romains envoyoient des colonies dans le.s j
pays qu’ils avoient fournis , pour maintenir les
peuples dans l’obéiffance & les empêcher de fe-
couer le jou g , on choififfoit des magillrats qu’on
appelloit ou duumvirs , ou triumvirs , ou décemvirs
, félon leur nombre. Quand par une ordonnance
du peuple , ou par un décret du fénat, on
avoit déterminé la colonie & fait je choix de
ceux qui dévoient partir, on chargeoit les triumvirs
de les conduire : c ’étoit à eux à fâire J’éta-
bliffement de la divifîon des terres qui lui étoient
adjugées , & d’affigner à chacun ce qu’on lui don-
noit en propre à cultiver j après cela, ils tra-
çoient avec une charrue les limites du terrein
dont ils avoient fait le partage. On trouve des
monumens de cette mftitution fur les médailles,
où l’établiffement des colonies eft marqué par une
charrue attelée de boeufs.
On trouve encore dans l’hiftoire romaine des
triumvirs de nuit , triumviri no ci urni ,* c’étoient
des bas officiers prépofés pour la police de la
nuit Augufte voulant s’affermir fur le trône, s’appliqua
à rétablir l’ordre & la fureté de la ville de
R om e , où il y avoit eu autrefois des triumvirs,
dont l’emploi étoit de maintenir le repos public
pendant la n u it, & de veiller aux incendies j c’eft
par cette dernière raifon qu’ils furent appel lés
triumviri noüurni • mais comme il étoit difficile
que ces officiers puffent fuffire à ces deux emplois
, Augufte créa fept cohortes : l’une d’elles
lut chargée de veiller dans deux quartiers de Rome
, & il lui donna un chef qu’il appella pr&-
fectus vigilum , -dignité mentionnée dans plufieurs
jnfcriptions anciennes , qui ont été rapportées par
Panvinius , de civitate romana. Revenons au triumvirat
de C é fa r , de Pompée & de Craffus.
. Le fcnat étoit alors dévoué à Pompée & à
CralTus, ennemis &• rivaux dansle gouvernement}
1 un le plus puiffant & l’autre le plus riche de Rome.
La république tiroir au moins cet avantage
de leur méfintelligence, qu’en divifartt le fenat,
elle tenqit leur puiffance en équilibre, & mainte-
noit la liberté. Céfar réfolut de s’ unir tantôt avec
U r Jj*ant0t aVec Va^tre y & d’emprunter , pour-
ainli-dire, leur crédit de tems en tems , dans la
vue de s en fervir pour parvenir plus aifément au
confulat & au commandement des armées. Mai»
comme il ne pouvoit ménager en même tems fa mine
de deux ennemis déclarés , il ne fongea d’a-
b c qU3 Ies rf conc.iher. Il y réuffit, & lui feut
profita d’une réconciliation fi pernicieufe à la li-
berte publique. Il fut perfuader à Pompée & à
Craflus de lui confier, comme en dépôt, le confulat,
qu’ ils n’àuroient pas vu fans jaloufie paffer
entre les mains de leurs partifans.il fut élu con^
fui avec Calphurnius Bibulus, par le concours
des deux frétions. Il en gagna fecrettement les
pnncipaux, dont il forma un troifième parti, qut
opprima dans la fuite ceux même qui avoient le.
plus contribué à fon élévation.
avuiuc lut alors en a 1 auiumun uc trois
hommes , q u i, par le crédit de leurs frétions réunies
, difpofèrent fouverainement des dignités &
des emplois de la république. Craffius toujours
avare, & trop riche pour un particulier , fon-
geoit moins a groflir fon parti, qu’à amafter de
nouvelles richeffies. Pompée^content des marques
extérieures de relpeéfc & de vénération que lui it-
l^^l3* ùs fcs victoires, jouiffoit dans une
oifivete dangereufe, de fon crédit & de fa réputation.
Mais Céfar plus habile & plus diffunulé
que tous les deux, jettoit fourdement les fônde-
mens de fa propre grandeur, fur le trop de fé-,
cunte de l ’un & de l’autre. Il n’oublioit rien
pour entretenir leur confiance , tandis qu’à force
de prefens , il tâchoit de gagner les fénateurs qui
leur etoient le plus dévoués. Les amis de Pompée
&: de Craffius , devinrent fans s’en apperce-
voir les créatures de Céfar j pour être averti de
tout ce qui fe paffioit dans leurs maifons, il féduifit
jufqu’à leur affranchis, qui ne purent réfifter à
fes libéralités. Il employa contre Pompée en particulier,
les forces qu’il lui avoit données, &
fes artifices mêrçjes j il troubla la Ville par fes
émiffiaires , & fe rendit maître des élections 5 les
dignités de confuls , prêteurs , tribuns, furent
achetées au prix qu’ il fixa.
Etant conful, il fit partager les terres de la
Campanie, entre vingt mille familles .romaines.
C e furent dans la fuite autant de cliens,. que leur
intérêt engagea à maintenir tout ce qui s’étoit fait
fous fon confulat. Pour prévenir ce que fes fuc-
ceffeurs pourroient entreprendre contre la difpo-
fition de cette lo i, il en fit paffer une fécondé qui
obligeoit le fénat entier, & tous ceux qui parviendraient
à quelque magillrature, de jurer de ne ja-
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mais rien propofer au préjudice de ce qui avoit j
été arrêté dans les affemblées du peuple pendant
fon confulat. C e fut par cette habile précaution
qu’il fut rendre les fondemens de fa fortune fi fûr$
& fi durables , que dix années d’abfenee, les tentatives
des bons citoyens, & tous les, mauvais
offices de fes envieux & de fes ennemis, ne la
purent jamais ébranler.
C e premier triumvirat fut fuivi de celui à A n toine,
de Lépide & d’Augufte , qui l’emporta
enfin fur fes rivaux. Voye^ l’article Rome.
TROUPE S. Nous ne voulons parler ici que
des armées.qu’entretiennent les puiffances pendant
la paix.
Une. des premières armées fur pied en tant de
paix , eft celle de Philippe de Macédoine. Ses
fréquentes guerres avec les thraces, les illy-
riens , les theffaliens, & quelques villes grecques
voïfines de la Macédoine, formèrent, par
degrés, fes troupes , qui d abord n etoient probablement
qu’une milice. Lorfqu’il étoit en paix,
ce qui arrivait rarement, & jamais pour longtemps
, il avoit foin de ne pas licencier cette armée.
Il vainquit & fournit , quoiqu’après une
vive & longue réfiftance, les milices braves &
bien exercées des principales republiques de 1 ancienne
Grèce 5 & enfuite , fans beaucoup de peine
, les milices efféminées & mal exercées du
grand empire de Perfe. La chute des républiques
grecques & de l’empire des Per fes fut l’effet de
la fupériorité irréfirable qu’une armée confiante
a fur toute efpèce de milice. Elle eft la première
grande révolution, dont l’hilioire ait confervé
un détail clair & circonftancié.
La fécondé eft la chûte de Carthage & l’élévation
de Rome qui en fut la fuite. On peut expli
quer par la même caufe toutes les variations dans
la fortune de ces deux fameufes républiques.
Depuis la fin de la première guerre punique,
jufqu’au commencement de la fécondé, les armees
de Carthage furent continuellement en campagne,
& furent employées fous trois grands généraux,
qui Te fucçédèrent l’un à l’ autre dans le commandement,
favoir, (Amilcar, fon gendre Afdrubal,
& fon fils Annibal ) dlabord à châtier les efclaves
rebelles, enfuite à fubjuguer lesnations révoltéesde
l’Afrique, & en dernier lieu ? à conquérir le grand
royaume d’Efpagne. L ’armée qu’Annibal condüi-
fit en Italie, avoit'dû néceffairement fe former
par degrés dans ces différentes guerres, à la discipline
exaéle d’une armée fur pied. Les Romains
pendant cet intervalle, ne furent pas tout-à-fait
en paix , mais ils ne firent aucune guerre qui fût
importante, & on dit que leur difcipline étoit
bien relâchée. Les armées romaines , qu’Annibai
combattit à Trebie , à Prafimene & à Cannes,
étoient une milice oppofée à une a*mée confiante.
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Cefte différence contribua probablement plus que
toute autre chofe à décider le fort de ces batailles.
L’armée fur pied qu'Annibal laiffia en Efpagne
eut le même avantage fur la milice que Rome y
envoya. Celle-ci en fut chaffée prefqu’entière-
ment en peu d’années par les troupes carthagî-
noifes, commandées par le jeune Afdrubal, frère
d’Annibâl.
Carthage négligeoit de foutenir Annibal. L t
milice romaine, étant toujours en haleine, devint
, dans le cours de la guerre , une armée fur
pied bien difeiplinée & bien exercée 5 & la fu-
pénorité d’Annibal diminua de jour en jour.
Afdrubal jugea qu’il étoit néceffaire de mener
en Italie au fecours de fon frère tou te , ou pref-
que toute l’armée fur pied qu’il commandoit en
Efpagne. On dit qu’il fut trompé dans fa marche
par fes guides j furpris .& attaqué dans un
pays qu’il ne connoiffioit point, par une armée de
troupes réglées égale ou fupérieure à la fienne à
tous égards, il fut entièrement défait.
Lorfqu’Afdrubal eut quitté l’Efpagne , le grand
Scipion n’eut plus en tête qu’une milice inférieure
à la fienne. 11 vainquit & fournit cette
milice , & , dans le cours de la guerre , fa milice
devînt néceffairement une armée bien difeiplinée
& bien exercée. Cette armée paffa en-
fuite en Afrique où elle n’eut à combattre-
qu’une milice. Pour défendre Carthage, iL
fallut rappeller les troupes réglées d’Annibal
La milice africaine , découragée & fouvent battue
, fe joignit à lu i, & faifoit à la bataille de
Zama la plus1 grande partie des foldats d’Annibal.
; L’événement de cette journée décida le fort des
■ deux républiques rivales.
Depuis la fin de la fécondé guerre punique ,
jufqu’à la chûte de la république romaine , les
armées de Rome furent, à tous égards, eompo-
1 fees de troupes régléees. Elles effuyèrent quelque
réfiftance de la part des troupes réglés de Macédoine.
11 en coûta à Rome , au faîte de fa
grandeur , deux grandes guerres & trois grandes
batailles pour fubjuguer ce petit royaume, dont
la conquête eût été probablement encore plus
difficile fans la lâcheté de fon dernier roi. Les
milices de toutes .les nations civilifées de l’ancien
monde , de la Grèce , de l’Egypte & dé la Syrie,
n’oppofèrent qu’une foible réfiftance aux armées
romaines de troupes réglées. Les milices de quelques
nations fe défendirent beaucoup mieux. Les
milices feythe & tartare, que Mithridates tira des
pays fitués au nord du Pont - Euxin & de la mer
Cafpienne, étoient les plus redoutables ennemis
que les romains euffent rencontrés depuis la fin
de la fécondé guérie punique. Les milices des
parthes & des germains s’en firent auffi toujours
refpeéter * & remportèrent clans plufieurs oeca