
en fâcilitoit l'aliénation : & celui à qui fon ac-
cordoit une grande étendue dé terrein , trouvoit
fon compte à en aliéner la plus grande partie
le plutôt qu’il pouvoit pour un petit cens. Il
règne dans les colonies efpagnoles & portugaifes
un droit qu’ils appellent de Mayora^o-) ( ju s
Mayoratus ) pour lès fucceflions de toutes les
grandes terres auxquelles il y a quelque titre d’hon-
heur attaché. Ces grands patrimoines vont à une
feule perfonne , & font, dans le fait , fubllitués &
inaliénables. I l eft vrai que les colonies françoifes
font fujettes à la coutume de Paris 3 qui, dans
l ’héritage des terres , eft beaucoup plus favorable
aux cadets que la loi d’Angleterre. Mais fi
quelque partie d’un bien tenu en fief noble ,
emportant la chevalerie ou l ’hommage , eft aliénée
dans ces colonies 3 elle eft fujstteî pendant
ur* certain rems au retrait de la part du chef ou de
l ’héritier de fa famille ; & comme les plus grands
domaines y font poflédés de cette manière ,
l ’aliénation y eft néceffair’ement plus.embarraf-
fée. Une grande terre inculte dans une nouvelle
colonie doit être naturellement plutôt divifée par
aliénation que par fucçëffiori. Cependant, une
quantité confidérable de terres ineultës entre les
mains d’un feul propriétaire, eft le plus grand obfta-
cle à leur défrichement & à leur culture j & , d’un
autre côté , il eft démontré que .le travail employé
à l'agriculture donne à la fociété le produit
le plus confidérable & le plus précieux. Dans
ce cas, le produit fournit non-feulement, de
quoi payer le falaire du travail avec le bénéfice
ordinaire des capitaux, mais encore de quoi
payer la rente de la terre fur laquelle on les ;em-
ployé* Le travail des colonies .angloifes de l ’A mérique
feptentrionale., étant donc plus, employé
au défrichement & à la culture des terres ,
a dû être d’un produit plus grand que celui des
trois autres nations , qui, faute d’une .divifîon
fuffifante dans les terres , y eft plus ou moins
détourné à quelqu’autre objet.
3 °c Non - feulement le produit du travail des
colonies angloifes a dû être naturellement plus
confidérable & d’une plus grande valeur , mais
à raifon de la modération de leurs taxes, il
leur reftoit une plus grande portion de ce produit
à mettre en réferve & en ufage pour augmenter
la quantité de travail. Ces colonies n’ont
jamais contribué en rien à la défenfe dé la mère
patrie , ni à l’entretien de fon gouvernement
civil-. C ’eft elle, au contraire, qui les a défendues
prefqu’entièrement à fes frais. Mais il n’y
a aucune proportion entre la dépenfe des flottes
& des armées, & la dépenfe néceffaire du-
gouvernement civil. Celle-ci a toujours été fort
modique. Elle s’eft bornée généralement à ce
qu’il falloir pour payer les honoraires au gouverneur,
aux juges, & à quelques autres officiers
de police, & pour l’entretien de quelques ou-
Vrages publics des plus utiles. Les frais de I'é-
tablifferrient civil de Maffachuffet, n’étoient pour
1 ordinaire , avant les troubles aétuels, que de
dix-huit mille liv. ft. pananjceux de New-Hamp-
shiré & de Rhode-Island , chacun de trois mille
cinq cents livres ; ceux de Conneélicut, de quatre
mille-; ceux de New-York Se de Penfylvanie,
de quatre mille cinq cents chacun ; ceux de New-
Jerfey, de douze cents ; ceux de la Virginie &
de la Caroline méridionale, de huit mille chacun.
L ’établiffement civil de la nouvelle Ecoffe Se
de la Géorgie étoit en partie défrayé par un don
annuel du parlement ; mais la Nouvelle - Ecoffe
paye en fus environ fept mille liv. Se la Géorgie
avant la révolution en payoit environ deux
mille cinq cents. En deux mots ,tous les établiffe-
mens civils de l’Amérique Septentrionale, hors
ceux de Matylahd Se de la Caroline feptentrionale
j^dont on n’a pu avoir un état exaél, ne
coûtoient pas, avant le commencement des troubles.
aéluels j plus de foixante - quatre mille fept
cents liv. ft. par an, exemple, à jamais mémorable
du peu de dépenfes qu’il faut pour que
trois millions d’hommes Soient gouvernés, Se bien
gouvernés. A la vérité là dépenfe la plus importante
du gouvernement f celle de la défenfe
8e de la proce&ion , eft tombée toujours fur la
mere-patrie. A joutez que le cérémonial du gouvernement
civil dans ces colonies 3 à la réception
d’un nouveau gouverneur , à l ’ouverture
ffune nouvelle affemblée, Séc. quoique décent,
n’étoit' jamais accompagné d’une pompe & d’un
appareil coûteux. Leur gouvernement eccléfiàf-
tique étoit réglé fur un pied également modefte.
On ri’y connoît point les'dîmes, & le clergé,
qui n y eft pas a beaucoup près nombreux, y
vit de gages modiques ou des contributions volontaires
du peuple. Les puiffances de l’Efpa-
gne & du Portugal tirent, au contraire , quelques
Secours des impôts qu’elles lèvent fur leurs
colonies, La. France , il eft vrai, n’a jamais tiré
un grand revenu de les colonies j les impôts qu’elle
Ieve fur elles ne Sortant pas de'chez elles. Mais
le plan fur lequel font gouvernées les colonies
de ces trois nations 3> & le cérémonial , font
beaucoup plus coûteux. Ce qui s’eft déf>enfé,
par exemple pour la réception d’un nouveau
viceroi du Pérou, a été Souvent énorme. Ces
Sortes de fetes ne font pas feulement des taxes
réelles payées par les; riches colons dans des oc-
cafîons particulières, elles fervent encore à introduire
parmi eux l’habitude de la vanité & de
la dépenfe , dans toutes les occafions. Ce font
non-feulement des charges accidentelles fort lourdes
à porter, mais elles contribuent à en établir
de perpétuelles encore plus onéreufes , celles
du luxe & de l’extravagance, qui ruinent les particuliers.
Ajoutez que le gouvernement eceléfiafti-
que y eft extrêmement oppreflif. Dans toutes,
on paye les dîmes. Se dans celles de 1-Efpagne
&
& du Portugal, la dîme eft levée avec la ’
plus grande rigueur. Il ne faut pas oublier cette
multitude de moines mendians qui les ronge ,
& dont la mendicité fe trouvant non-feulement
permife, mais confacrée par la religion, eft une
très-lourde taxe'fur le pauvre peuple, à qui l’on
a.grand foin de perfuader que c’eft un devoir
que de leur faire la charité. Enfin, ce qui eft
en corepis, les plus grandes poffeflions en terres
y font entre les nfains du clergé pour n’en jamais
fortir.
4 . Les colonies angloifes ont été les plus
favorifées pour le débit de leur furabondant, ou
de ce qu’elles ne peuvent confommer. Les nations
européennes ont cherché plus ou moins à faire
elles-mêmes le monopole du commerce de leurs
colonies. En conféquence elles ont défendu aux vaif-
fe'aux des -nations étrangères de commercer avec
elles , & à elles d’importer des marchandifes
Venant d’une nation étrangère. Mais ce monopole
s’eft exercé de différentes manières , qui n’étoient
pas également préjudiciables aux colonies.
Quelques nations ont abandonné tout le commerce
de leurs colonies à une compagnie exclu-
five,! de qui les colons étoient obligés d’acheter
toutes les marchandifes d’Europe dont ils avoient
befoin , & à laquelie ils étoient tenus de vendre
le furabondant de leur produit. Il étoit par con-
féquent de l’intérêt de la compagnie , non-feulement
de vendre ce qu’elle portoit aux colonies,
le plus cher , & d’acheter ce qu’elle y prenoit le
meilleur marché poflible, mais de n’acheter, même
à vil prix , que ce qu’elle pouvoit vendre cher en
■Europe ; non-feulement de déprimer dans tous
les cas la valeur du furabondant du produit des
-colonies, mais d’en décourager l’accroiffement
naturel & d’empêcher qu’il n’y en eût trop. De
tous les expédiens qui peuvent être imaginés pour
arrêter les progrès naturels d’une colonie, celui
d’une compagnie exclufîve eft, fans contredit,
le plus efficace. Telle a été cependant la politique
de la Hollande, quoique la compagnie hoi-
landoife ait renoncé de notre tems en grande
partie à l’ufage de fon privilège exclufif : telle a
été celle de Danemark, jufqu’au règne du feu
roi : telle a été accidentellement celle de la France :
& depuis 175y , après que fon abfurdité reconnue
l’a fait abandonner de toutes les autres nations,
le Portugal*n’a pas craint de l’adopter, au moins
par rapport à deux des principales provinces du
Bréfil, celles de Fernambouc & de Maragnan.
D ’autres nations, fans établir une compagnie
exclufîve , ont réduit le commerce de leurs
colonies à un port particulier de la métropole,
d’où elles n’ont permis à aucun vaiffeau de
faire voile qu’avec d’autres , & dans une certaine
faifon de l’année, à moins qu’il n’eût pour
faire le voyage feul, une permiffion fpéciale qu’il
(Scon, polit, & diplomatique. Tome IV *
payoit bien. Cette politique ouvroit, à la vérité,
le commerce des colonies à tous les naturels de
la mere-patrie , pourvu qu’ils le fiffent du port,
à la faifon , & dans des vaiffeaux convenables,
ou tels qu’ils avoient été réglés. Mais comme
tous les négôcians qui réunifient leurs capitaux
pour équiper ces vaiffeaux autorifés , trouvent
leur compte à agir de concert, leur commerce
fe fait à-peu-près fur le même plan ou les mêmes
principes que ceux d’une compagnie privilégiée.
Leur profit n’eft ni moins exorbitant ni moins
oppreflif. Les colonies font mal fournies & forcées
d’acheter à très-haut & de vendre à très-
bas prix. Ce fyftême a néanmoins été celui de
l’Efpagne. Aufli dit-on que toutes les marchandifes
européennes fe vendent un prix énorme dans
leurs poffeflions de l’Amérique. A Quito, une
livre de fer çoûtoit au tems d’Ulloa , environ
quatre fehelings fîx pences , & une livre d’acier
en coûtoit fîx & neuf pences. Or c’eft principalement
pour acheter des marchandifes d’Europe
, que les colonies fe deffaififfent de leuts productions.
Plus elles payent donc pour les unes,
moins elles reçoivent pour les autres, par la règle
que dans tout échange la cherté d’une chofe fait
le bon marché de l ’autre. La conduite du Portugal
, à cet égard, eft la même que celle de -
l’Efpagne. I l faut pourtant excepter Fernambouc
I & l e Maragnan , par rapport auxquels il fe conduit
encore plus mal.
D ’autres nations Iàiffent à tous leurs fujets la
liberté du commerce avec leurs colonies, de ma-
I nière qu’ils peuvent le faire de tous les ports de
la métropole, & qu’ils n’ont befoin-pour cela
que des permiflions -ordinaires de la douane. Dans
ce cas, il eft impoffible que les différens négo-
cians qui font ce commerce , entrent dans aucune
ligue générale , attendu leur nombre & leur dif-
perfîori, & leur concurrence eft affez forte pour
empêcher' des bénéfices outrés. En conféquence
de cette honnête liberté, les colonies peuvent
vendre leur produit & acheter les marchandifes
d’Europe à un prix raifonnable. Or telle a été
la conduite de l’Angleterre avec fes colonies,
depuis la diffolution de la compagnie de Ply-
mouth , teins où elles n’étoient encore que dans
l'enfance. Telle a été généralement au fil celle de
la France, 8t elle n’a point varié depuis la diffolution
de la compagnie du MiJJiJJipi. De-Ià il
arrive que les profits que font la France & l’An-
gietèrre avec leurs colonies, quoique plus forts
qu’ils ne feroient fi la concurrence étoit libre
pour toutes les autres nations , ne font pourtant
pas exorbitans. Aufli dans la plupart des colonies
de ces deux nations, les fnarchandifes d’Europe
ne font-elles pas exceflivement chères.
D ’ailleurs ce n’eft que par rapport à certaines
marchandifes, que les colonies angloifes font bornées
à la métropole dans l ’exportation du fnra*
E e e e $