
de la place de St.-Marc, deux habitans de l’I f
trie 8e de la Dalmatie, q u i, dit-on avoienc voulu
exciter un foulèvement. Au relie, on ne choific
que des hommes d'une droiture & d’une délica-
tefle fcrupuleufes ; on peut les déplacer d’un
moment à l’autre, en les nommant à des gou-
vernemens hors de Vtnifi..
Les exécutionsqüf fe font en vertu des jugemens
émanés des inquifiteurs ont toujours lieu dans
la prifon même ; quelquefois on enterre fur le
champ les, coupables ; dautresfois , ainfi qu’on
vient de le dire, on lés expofe entre les colonnes
de la place St.-Marc, avec des écriteaux qui dirent
quelques mots for t, vagues , fur leurs crimes
: on lifoit fur l'écriteau des derniers qu’on y
a expofé : Per gravi colpe di Jiata.
Nous avons dit à ^article inquifiteurs d'Etat,
les avantages qu’ à tirés Venife de cette terrible
magiftrature : nous avons obfervé qu’elle n’ eft
plus fi rigoureufe, & que les étrangers n’en ont
pas aujourd’hui une Julie idée.
La foupçonneufe vigilance à l’égatd de toutes
les chofes qui concernent l’Etat, oblige tout le
monde à Venife à être fort circonfpeâ dans, fes
difcours & dans fes démarches. Les inquifiteurs
ont la cle f de ces troncs qui font dans le palais
du doge, 8e dans lefquels on peut jerter par les
gueules de lion qui leur feryent d’ouverture, des
billets qui révèlent les fecrets qui peuvent inté-
reffer la république- Ces troncs font effrayans,
parce qu’on peut y dénoncer tous les citoyens;
mais on vante beaucoup la prudence des inaui-
fiteurs , qui calculent avec une’ grande fageife
le degré de foi qu’ils doivent ajouter à ces dé-
nanciations.
Du grand-confcil.
Les confeils dont nous venons de parler ne font,
à proprement parler, que des confeils d’adminif-
tration ; l’autorité fuprême réfide dans le grand-
confeil : il n’exerce le plus fouvent fon autorité que
ar des éleftions ; mais c’eftle fouverain de la répu-
lique. I! peut cafter les éleûions faites par le
prégadi ; celui-ci fa it , il eft vrai, la guerre 8c
la paix ; il fixe le prix de la monnoie s. il règle
les impôts, nomme les ambaifadeurs, difpofe des
charges militaires; maison n’y regarde ces opérations1
que comme des détails de la puiifance
exécutrice ; la puiifance de faire ou d’abolir
les loix réfide dans le grand-coufeil, qui eft le
peuple de la nobleife, comme le fénat eu eft
l'élite.
Les nobles, en qui réfide eflentiellemenr la
fouveraineté , étoient en 1782. ( V ayep le livre
d'or ) au nombre de douze cens fcixante-deux,
non compris les gens d’églife ; car ils n’ont a«4
cune parc au gouvernement.
La machine du gouvernement paroît trèscom-
pofée î mais, eh l’examinant’de près , elle eft un
peu plus fîmple. Il faut d’abord diftraire de ces
douze cens foiXante-douze nobles ayant droit • de
voter, les gouverneurs, les ambafladeurs, ceux
qui exercent hors de Venife des fonctions militaires
ou politiques, enfuite tous ceux d’entre les
nobles réfîdcns à Vmife , qui fe difpenfent d’aller
aux affemblées : en effet, les grands-confeils fe
trouvent réduits à neuf ou huit cens les jours où
ils font le plus nombreux. En 1779 j’allai deux
fois au grand - confeil, affemblé pour l’éleétio»-
d’un procurateur de S.-Marc ; il y avoit cens
quarante-un nobles la première fois , & fîx cens
dix la fécondé.
. Il n’ y a aucune peine, contre les nobles qui
s’abfentent du grand confeil ; on les réprimande
feulement fi on s’en apperçoit.
On dit que le grand confeil ne 's’ affemble jamais
qu’il n’y ait neuf charges à donner; & comme il
s’ affemble tous les dimanches, il y a donc neuf
charges à nommer toutes les femaines.
Les affemblées du grand-confeil font fort im-
pofantes, 8c elles le feroient bien davantage fi ,
pendant trois ou quatre heures de ballotation ,
chaque noble pouvoit avoir de l’attention, garder
fa. place ,. 8c fe taire.
11 y a quelques chargés que l ’on mfmme au
fcrutin ; & ce font fur-tout celles ci qu’on donne
aux nobles par forme de châtiment > quand on eft
mécontent d’eux.
Chaque noble concourt ainfi à l’éle&ion de
prefque toutes les charges, 8c il paffe fa vie à
dire oui ou non fur les différens choix qu’on
propofe. C e feroit un grand abus s’ il difoît oui
8c non fur les objets d’adminiftration ; mais cela
n’eft pas ainfi : il choifît tous les officiers ; ces
officiers forment enfuite de petits comités , quj
font aller l’adminiftration.
Il faut avoir vingt-cinq ans pour entrer au
grand confeil : on en excepte pourtant trente-fîx
nobles, qui , dès l’âgé de vingt-ans ; y entrent
chaque année. On imagina cet expédient à une
époque où il y avoit plus de deux mille nobles, 8c
parconféquent beaucoup de jeunes gens. Pour les
inftruire & les fatisfaire on imagina la barbarella,
mais aujourd’hui la barbarella eft au moins inutile,
8c fi inutile, que fouvent il n’y a pas trente-fix
nobles pour tirer chaque année à la barbarella.
La moitié, à-peu-près, des nobles eft dans les
charges, 8c employée foit à V en ife , foit au.-
dehors.
Depuis qu’on a réfolu d’aggréger le corps des
nobles
nobles de Venife, des nobles de Terre - ferme , .
c e u x - c i ne fe montrent pas très - empreffés ;
outre deux cens ans de nobleffe, il faut prouver
quarante mille livres de rente.
11 y a au moins cinq cens nobles pauvres, qui
font à la penfion de la république.
Les'nobles pauvres peuvent recevoir quelques
ducats à chaque élection des riches , 8c , fans
vendre leurs fuffrages , ils en font récompenfés.
Tout le monde voit les abus qu’entraînent ces
circonftances ; nous ne nous occuperons pas ici
du foin de les relever, 8c nous renvoyons le
le&eur à l ’article A r is t o c r a t ie .
L’adminiftration de la juftice eft confiée à la quarante
civile 8c à la quarante criminelle, 8c aux ju-
rifdiétions fubalternes , qui^ reffortiffent aux qua-
ranties pour l’appel. Ces jiîrifdiétiqns fubalternes
fe font multipliées à l’excès ; la compétence de
chacune fe trouvant reftreinte à des affaires affez
bornées. -
Les fecrétaires du fenat;8c des autres collèges
font tirés des anciennes maifons de: la bourgeoifie
vénitienne} ils ont des appointemens confidéra-
bles, Si on leur confie tous les fecrets des collèges
, de l’inquifition d’état, du confeil des dix
8c du fénat : auffi font-ils fouvent plus confiderés
que les nobles même , qui quelquefois prennent
leur confeil dans les tribunaux- fuprimes qui fe
renouvellent fouvent; il n’eft perfonne qui con-
noiffe auffi - bien qu’eux la liaifon des affaires
d’état : les plus habiles font même quelquefois
chargés d’ambaffades importantes. Parmi
les droits très-anciens, dont jouiffoit l’ordre de la
bourgeoifie , il a confervé la charge de grand-
chancelier: c’eft la feule perfonne de cet ordre,
qui fe mêle de la plus grande partie des affaires
* de -l’Etat.
Des avogacors.
Les avogadors rempliffent les fonctions de ce,
qu’on appelle en France le miniftère public ; mais:
leur autorité, eft beaucoup plus étendue : ils^ont
celle de revoir , 8c fouvent révoquer, les jugemens,
quand ils les croyent contraires aux loix;
celle auffi de tenir lieu pour le provifoire de
quelques tribunaux, dans les tenis de vacance.
Les provinces de la république font gouvernées
par des perfonnes choifies dans le corps des
nobles, qui adminiftrent ces charges pour un tems
déterminé ,■ 8c font enfuite remplacées par d’autres.
-Le gouverneur d’ une province s’appelle pro-
véditeur- général. Il y a pour commander dans les
grandes villes un podefta avec un caftellah, 8c un
.Capitaine y préfide aux affaires militaires.
Nous pourrions indiquer beaucoup d’autres
(Econ, politI & diplomatique % Tome IV*
charges ; maïs ce que nous venons de dire fufnt
dans un ouvrage de la nature de celui-ci.
Le gouvernement de Venife eft fi complique,
qu’on eft étonné de fa marche 8c de fa duree j
le le&eur doit obferver d’abord le doge 8c les
fages-grands, qui lui donnent une grande aéHvite 5
ils reçoivent les pièces de tout ce qui regarde 1 ad-
miniftration économique , politique 8c militaire
de la république, 8c ils préparent les propofitions
à faire au fénat ; il faut les regarder comme
lés véritables chefs en activité du corps politique,
8c l’activité première réfide fucceflî'vetnent en
chacun d’eux, puifqu’ils font tour-à-tour en fonctions
chaque femaine.
Quoique le doge n’ ait que fa voix dans les af-
femblées, on a cru devoir, pour faciliter les affaires
8c y mettre de la vivacité, lui donner une
grande prérogative, celle de pouvoir faire,quand
il Je veut, en toute affemblée, même au grand-
confeïî, telle propofition qu’il juge convenable,
fans l ’avoir communiquée à perfonne, ce que ne
peut aucun autre magiftrat patricien.
T ou t membre du prégadi, peut, il eft vrai >
dans le prégadi prendre la parole, 8c faire, mettre
en délibération , s’il y a lieu , d ordonner aux
fages de faire une propôfîtiVn fur tel ou tel objet,
8c cela fans avoir donné à fes membres aucun è
communication de cette motion : mais le doge
exerce les mêmes privilèges dans toutes les af*
femblées.
Une autre chofe facilite l ’adminiftration ; ç ’eft
la réunion des rnagiftrats auxquels il appartient
de connôître ce qui a rapport à la moralité civile;
c’ eft-à-dire, premièrement des crimes d’ état,
8c de quelques'autres approchant de la nature de
-ceux-ci, enfuite de tout ce qui peut porter quelque
trouble dans l’ordre focial.
Des loix & des regleméns qui ont rapport au main-
tien du gouvernement.
\ La plupart des loix de Venife font di&ées pat
|une prévoyance fagement timide. Tous les ec-
cléfiaftiques font exclus des charges 8c des
confeils publics. On a craint que le pape, qui
nomme à. la plupart des bénéfices , ne fe formât
une fa&ion , 8c que par elle les intérêts de la république
ne fuffent faerifiés à ceux de la cour de
Rome. Pour être exclu de toutes les délibérations
touchant lés ecçléfîaftiques, il fuffit d’avoir un
frère , oncle ou neveu cardinal. L’entrée du faint-
office eft auffi fermée à tous ceux qui'prétendent
au chapeau.
On a jufqu’à ces derniers tems découragé le
commerce que vouloient entreprendre les nobles,
non par mépris pour cette utile profeffion : ceux
qui veulent tout juftifiec difoient qu’on adoptoit
; : * G g g g