gneuv fur les payfans, fuivant les anciennes loix »
il pouvoit les faire juger par fes propres officiers
de juftice , ou les punir fans les avoir juges. II
pouvoit leur infliger arbitrairement toute forte de
peines , excepté le knout, les faire fouetter > les
enfermer dans un. cachot, les envoyer dans une
maifon de correâion, les reléguer en Sibérie , en
un mot, les condamner pour toute faute qui n etort
pas un délit public. Il n'avoit à la vérité aucun droit
fur leurs v ie s , car fi un ferf avoit été battu par
ordre de fon maître , 8c mourait dans 1 efpace de
trois jours, le maître éroit regardé comme coupable
de meurtre , à moins qu'il ne pût alléguer
d'autres caufes de . fa mort. Mais netoit-ce pas
une juftice illufoire 8c une vraie moquerie ? Car
un homme peut fans doute être châtié d’une
terrible manière, & n'en pas mourir au bout de
trois jo u is , & fi le ferf châtié mourrait, 8c que
fon maître fût un homme puiffant, qui eft - ce
qui étoit-Ià pour le citer en juftice ? Par le nouveau
code ce pouvoir énorme des feigneurs a été ref-
treint fur les principes d'humanité qui diftinguent
tous les règlemens émanés de l'impératrice, 8c le
droit de punir a été remis aux perfonnes feules
auxquels il appartient, aux magiftrats publics &
à euxfeuls. Il fubfifte cependant encore bien des
abus.
„ Aucun gentilhomme Ruffe, dit M . C o x e , n a
affranchi fes payfans, comme cela s eft pratiqué
en Pologne; mais j'oferois prédire que Je tems
où cela arrivera n’eft pas éloigné, quoiqu'un préjugé
prefque général femble encore prévaloir, &
faffe regarder les payfans comme incapables de
la liberté. »
.La Rufie eft à-peu-près dans le même éta t,
du moins quant à la généralité de la nation, où
étoit la plus grande partie de l'Europe dans le
onzième & douzième fiècles , lorfque le fyftême
féodal étoit fur fon déclin , lorfque l'autorité illimitée
des feigneurs fur leurs ferfs commençoit a
être contrebalancée par l'ordre intermédiaire des
bourgeois induftrieux, lorfqu'il fe formoit fans
ceffe de nouvelles villes, & quelles acquerroient
des nouvelles immunités, lorfqu’enfin la couronne
commençoit à affranchir la plus grande partie des
fiefs qui en dépendoient.
Il y a dans le gouvernement defpotifque de la
Rujfie des inftitutions & des établiffemens qui ne
conviennent qu’ à la monarchie j nous ne citerons
que les ordres de chevalerie.
L’ordre de faint-André , ou le cordon bleu
de Rujfie eft le plus ancien. C'eft Pierre I qui
l'inftitua en 1698 , à fon retour de fon premier
voyage.
L'ordre de fainte-Anne de Holftein fut inftitué
en 173; par Charles - Frédéric duc de Holftein,
en mémoire de fa femme Anne , fille de Pierre-
le-grand ; fon füs, Pierre III l’introduifit en Rujjîe.
Le grand duc en difpofe dans fa qualité de duc de
Holftein. Le cordon eft rouge bordé de jaune.
Celui de faint-Alexandre N e u sk i, ou le cordon
rouge, a le même prince pour fondateur, mais
il fut conféré pour la première fois en î y z j par
Catherine I.
L ’ordre militaire de faint-George, ou du mérite,
précède celui de fainte-Anne. 11 a été créé par
l'impératrice en 1769 , en faveur des officiers de
terre 8c de mer; 8e ne fe donne jamais qu'en
tems de guerre. Le cordon eft rayé noir 8e orange.
L'ordre comprend quatre claffes ; les chevaliers 1
de la première font les grandes-croix ; ils por-
tent le ruban fur l'épaule droite, 81 l'étoile au
côté gauche. Ils ont une penfion de fept cents
roubles ou cent quarante livres fterlings par an.
Les chevaliers de la fécondé claffe portent l ’étoile
fur le côté gauche , le ruban 8c la croix qui y eft
attachée autour du cou.1 Ils ont quatre cents roubles
par an. Les chevaliers de la troifième claffe
portent une petite croix pendue autour du cou;
ils ont deux cents roubles de penfion.
Les chevaliers de la quatrième claffe portent une
petite croix attachée à la boutonnière , comme
les chevaliers de faint-Louis en France. Ils ont
chacun cent roubles, ou vingt livres fterlings de |
penfion.
Il y a un fonds-de quarante mille roubles par an
affigné par l’impératrice au paiement de ces pen-
fions 8c des autres dépenfes de l’ordre. Le nombre
des chevaliers n’eft pas limité. En 177 ^ il n'y
avoit dans la première claffe qui eft réfervée pour
des généraux , que quatre chevaliers.
Dans la fécondé claffe il n’y avoit cjue huit
chevaliers , quarante-huit dans la troifieme, 8c
deux cents trente-fept dans la quatrième. Il faut
avoir fait quelque aétion brillante pour entrer dans
' l’ordre , ou avoir du moins fervi avec diftinâion
conme officier vingt-cinq ans fur terre , 8c dix-
huit fur mer. ■ ■ . ’
Enfyi il y a l’ordre de fainte-Catherine, qui
eft affeélé aux femtiîps feules. Pierre Finftitua en.
1714 à l’honneur de Catherine fa femme, la de-
vife eft amour & fidélité. Il avoit voulu illullrer
les vertus que cette princeffe avoit fait briller dans
la fameufe affaire du Pruth. C e t ordre_ eft extrêmement
honorable. Outre, J’imperatrice , la
grande-ducheffe , 8c un petit nombre de princefles
étrangères , il n’y a que cinq dames Ruffes qui
le portent.
Dans l’ordre de faint-André, outre les princes
fouyerains 8c les étrangers , il y avoit en 177“
vingt-fix feigneurs ruffes. Dans celui de faint-
Alexandre , cent neuf. Dans celui de fainte-
An n e, deux cents huit. Il faut ajouter que Impératrice
a suffi. en quelque forte a fa -dffpofitioi
les ordres Polonois de l’Aigle-blanc 8c de Saint-
Staniflas.
L’impératrice , pour s’attacher un plus grand
nombre de créatures, a. crée le 4 oftobre g K z
L nouvel ordre de Saint - Volodimir, en faveur
des perfonnes de l ’etat civil. Il eft a - peu-
mès fur le même pied que celui de SaintGeor-
; ees à l’égard des appointemens affeéles aux
differentes claffes qui -le composent. 11 y a dix
I chevaliers grand - croix , vingt dans la fécondé
I claffe , trente dans la troifième , foixante dans la
j quatrième, outre une cinquième en faveur de ceux
qui ont fervi trente-cinq ans.
S E C T I O N V.
Du régime eccléjiafiiquc en Ruffte.
Nous avons déjà dit quelques mots du clergé
I de Rajie , en parlant des diverfes claffes de fu-
I jets : nous allons ajouter ici d'autres remarques.
Les pays conquis fur la Suède fuivent la religion
Luthérienne ; Se les proteftans, dont le nom-
| bre eft confidêrable en Rafiie , o n t , auffi bien que
I les catholiques , la liberté de confcience , & le
I libre exercice de leur religion : ils ont des egliles
[ à Pétersbourg , à Cronftadt j à M o fc ow , a Ar-
f change! ,8c à Aftracan. Les Jéftiites furent ban-
I nis en 1689} mais on fait que lJimperatrice actuelle
a donné dans fes Etats un afyle aux relies
de cette fociété fameufe. Les juifs furent bannis
en 1718 î mais la févérité à leur égard a diminuée
depuis cette époque» Un très-grand nombre
de fujets Ruffes étoient mahométans, ayant
que la Crimée fut au pouvoir de l'impératrice :
cette acquifîtion en a augmenté le nombe , &
on trouvé beaucoup de payens dans fes Etats.
Le defir de convertir les payens & les manome-
tans a engagé le fynode a établir un college de
miffion j & les nouvelles publiques parlent: fou vent
de plulîeurs milliers de fujets convertis à la religion
chrétienne. Si l'on ajoute foi à ce que dit
Gmelin dans fon voyage de Sibérie, parts 1 , fol.
267,3.34, 3 3 J , & c .3 ces convenions ne fe font
pas fans violence , & les nouveaux convertis ont
une affez mauvaife idée d'une croyance que la
feule force leur a fait adopter.
Pierre I. déclara le 31 Janvier 17*4* 1^. que
tous les foldats congédiés & hors d état de travailler
, ainfi que les autres pauvres , feroient
diftribués dans les couvens , & que pour cela
on y bâtiroit des hôpitaux. Des moines font
chargés de foigner les plus infirmes 3 & il y en
a qui font obligés de travailler & de cultiver la
terre , pour fe procurer eux-mêmes la fubimance.
Les religieufes â de leur, côté , font obligées en
partie de foigner les pauvres de leur fexe y &
GScon, pôlit. & diplomatique, Tom,
patrie d’élever des orphelins. C e s deux difpo«
fitions font fages.
Suivant un état dreffé en i 7 îd;, ,P « ordre du
gouvernement, les archevêques , evenues 8c couvents
avoient huit cents trente-neuf mille cinq
cents quarance-fix
le revenu. L'impératrice Elifabeth donna le 11
oâobre 1737- un édit concernant les revenus d-s
1 1 ! ü | couvens ; Pierre I1L le conffi™
& par une déclaration du 17 février , 8e du pre
mier avril 1761 , il ftatua : que dorénavant, tous
les biens du fynode , des évêques, -des couvens
8e des égiifes feroient admimftres fous 1 inspection
du fénat par un collège économique, enge
pour cet effet à Mofcow ; 8e que les payfans
qui en dépendoient payeraient, outre une o p i lation
de foixame-dix copeckes un rouble par
I an , au lieu des femmes qu ils a cq u itten t à
leurs anciens propriétaires, auxquels ce pnnÇ®
affigna une fomme fixe par an. Catherine I I , en
révoquant cette déclaration le SB août 1761 ,
remit le clergé en poffeffion de fes_biens ; mais
elle annonça en même-rems 1 etabhffement d une
commiffion particulière , pour mettre 1 état eceie-
fiaftique fur un pied fixe & invariable, conformément
aux vues de Pierre I , & aux loix de
l'églife. C e réglement parut en 1764. L impératrice
ordonna que chacun des neuf cents dix
mille huit cents foixante-fix payfans qui depen-
doient des évêques , des cloîtres 8c des egliles,
payeroienc annuellement un demi-roub.e ; que
ce revenu feroit adminiftré par un college economique
, établi à M o f c o v , & que les eve-
ques, les cloîtres & les égiifes en recevraient
une certaine fomme par année ; que le lurpius
feroit employé à l’entretien des invalides, des
hôpitaux, des infirmeries , des veuves Sc des
orphelins.
Tous les dignitaires de l’ églife font tirés de
l’ordre des moines. C e font les archevêques & les
évêques, les archimandrites ou abbes, & les igou-
mens ou prieurs. « L’ordre epifcopal en Rufite
» eft dillingué par les divers titres de metropo-
» litain, d’archevêque 8: d’ éveque. Les titres de
K métropolitain 8c d’archevêque ne font pas atta-
» chés au liège qu’ ils occupent. Gérant a ptelent
„ des diftinaions purement petfonnelles que le
I fouverain accorde, 8c qui ne donnent aucun
» nouveau pouvoir , 8c à peine meme une Pra -
» féance à ceux oui les obtiennent |1 Voila du
moins ce qu'en dit le dofteur Kmg dans fon traite
de l’églife grecque. Il y a trente-trois archevecbes
ou évêchés. 11 Novogorod. a1’ . Mofcow. 3 • Pe-
tersbourg. y Cafan. M Aftracan. 6“. Tobolsk.
H f Roftof. 8°. Pleskof. | Kratirz. 10». Rezan.
11» Tver. n <', Slavensk 8c Kerfon..13®
Mohilef. i 4®. Smolensko. y » ..N ishne,- Novogorod.
IÔ”. Bielgorqd. 17 - Sufdal- 18 . Vologda.