
toujours été dirigé dans Ton choix par le cierge,
& en général parles plus factieux & les plus
fanatiques de cet ordre. Les eccléfiaftiques , pour
maintenir leur influence fur le peuple, font devenus
j la plupart, ou du moins ont fait fem-
blan de devenir eux-mêmes des fanatiques 3 ont
en cou ƒ âgé le fanatifme dans le peuple , & ont
prefque toujours donné la préférence à un candidat
fanatique. Une auffi petite affaire que la
nOmiriation d’un miniftre de paroiffe occafîon-
nôit prefque toujours une contèftation violente,
non-feulement dans là paroiffe même , mais encore
dans toutes les paroiffes voifines , qui ne
man^uoient guère de fe mêler de la querelle.
Si la paroiffe étoit fituée dans une ville 3 tous
les hàbitans fe divifoient en deux faisions , &
lorfqüe la ville étoit une petiterépublique ou lechef
lieu & la capitale d’une petiterépublique, ce qui eft
lé cas dé plufîeurs villes confidérables de la Suiffe
& dé la Hollande , outre qu’une auffi miférable
difpute aigriffoit l’animofîté de toutes les autres
faétions , il n’en falloir pas davantage pour faire
craindre un nouveau fchifme dans l’églife & dans
l’Etat. Le magiftrat de ces petites républiques
vit donc bientôt là' néceffité de fe faifir, pour
le bien de la paix, du droit de préfentation à
tous les bénéfices vacans. En E coffe , le. pays
le plus étendu de ceux où le gouvernement presbytérien
fe foit établi, les droits de patronage furent
réellement abolis par l’aéle qui établit Je pref-
bytérat au commencement du règne de Guillaume
III. C e t a&e inveftit du moins certaines claffes
d’hommes du pouvoir d’acheter à bon marché
le droit d’élire leur propre pafteur. On laiffa
fubfîfter cette conftitution environ vingt-deux ans 5
mais’ elle fut abolie par le dixième aéte du règne
de Ja reine Anne 3 à-caufe des défordres & de
la confufion que cette méthode plus populaire
d’éleétion avoit occafionnés par-tout. Cependant
un tumulte arrivé dans une paroiffe éloignée ne
devoit pas , félon toute apparence, troubler autant
le gouvernement d’un pays auffi étendu que
î’Ecbffe, qu’ il le faifoit dans un pays plus borné.
Le dixième a été du règne de la reine Anne
rétablit les droits *de patronage. Mais quoique
les loix en Ecoffe donnent fans exception les bénéfices
à la perfonne préfentée par le patron ,
cependant réglife, peu.uniforme à cet égard dans
fes décifÿçns, exige quelquefois une certaine concurrence
de füjets , ayant de donner au préfenté
ce qu’on : appelle un bénéfice à charge d’ames ,
ou la jurifdiélion eccléfiaftique dans la paroiffe.
Elle diffère au moins quelquefois d’y pourvoir,
jufqu’à ce qu’on puiffe amener 'cette concurrence ,
alléguant le zèle dont elle fe pique pour le bien
de la choie. Les intrigues particulières de quelques
membres du clergé voifin , foit pour procurer
un concours .de fujets, fo it , comme il
arrive plus Touvent, pour l ’empêcher,, & l’étude
qu’ ils font des moyens de gagner le peuple,
afin de le mener plus fûrement dans ces occa-
fions , font peut-etre les principales caufes qui
entretiennent les reftes de l’ancien efprit de fanatifme
dans le clergé & dans le peuple d'E-
coffe.
L’égalité que la forme du gouvernement eccléfiaftique
presbytérien établit dans le clergé,
confîfte , i ° . dans l ’égalité d’autorité* ou de ju-
rifdiélion ecléfiaftique , & 20. dans l’égalité des
bénéfices. La première eft parfaite dans- toutes
les églife presbytériennes, la fecoxde ne l’eft pas.
Cependant la différence d’un" bénéfice à un autre
eft rarement’ affez confidérable , pour que celui
qui en poffède un petit, foit tenté de s’en procurer
un meilleur, en faifant bafiemfent fa cour
à fon patron.C’eft par des voies plus nobles &
plus légitimes que le clergé en général tâche de
gagner la faveur de fes fupérieurs j c’eft parle
favoir, par la régularité d’ une vie irréprochable
& par la fidélité & l’exa&itude à remplir fes
devoirs. | Ses patrons fe plaignent fouvent de
fon efprit indépendant, qu’ils prennent volontiers
pour de l’ingratitude , mais qui ordinairement
n’eft tout au plus que cette indifférence fondée
fur la perfuafion qu’on n’a plus de nouvelles
faveurs du même genre à attendre. A
peine trouvera-t-ori en Europe une efpèce d’hommes
plus favans, plus décens, plus indépendans,
plus refpeéhbles que la plus grande partie du
clergé presbytérien de Hollande, de Genève, de
Suiffe & d’Ecoffe.
Dans un pays où les bénéfices font à - peu-
près d’égale valeur, ils ne peuvent être d’un
grand rapport i & leur modicité , quoique pouvant
fans doute être pouffée trop loin, ne laiffe
pas d’être falutaire. Il n’y a que les moeurs les
plus exemplaires, qui puiffent donner de la dignité
à un homme qui n’a qu’une petite fortune.
Le.s vices de la vanité & de la légéreté le rendent
néceflairement ridicule , & font d’ailleurs
prefque auffi ruineux pour lui que pour le bas
peuple. C ’eft ^ce qui l’oblige à fuivre dans fa conduite
ce fyftême de moeurs, qui eft le plus ref-
pe&é par les gens du peuple. Il gagne leur ef-
time & leur affection par ce plan de v ie ’que
fon intérêt & fa fituation lui confeilleroient. Les
gens du peuple ont pour lui cette bienveillance
que nous fentons naturellement pour ceux qui
approchent un peu de notre condition, mais que
nous regardons comme devant appartenir à une
condition plus relevée. L’affe&ion des pauvres excite
naturellement la fienne , il devient zélé pour
leur inftru&ion, & attentif à les fecourir & à
les foulager dans^ leurs peines. Il ne méprife pas
même les préjugés de gens fi favorablement dif-
pofés pour lu i, & jamais ne les traite avec ces
airs dédaigneux & arrogâns qu’on effuye fi fouvent
de la part des dignitaires orgueilleux de$
égüfes opulentes & richement dotées. Auffi le
clergé presbytérien a-t-il plus de crédit fur I’efprit
du peuple , que n’en a peut-être le clergé de toute
autre églife 5 les pays presbytériens font les feuls
où les gens du bas peuple fe conveutiffent fans
perfécution & prefque fans exception à l’églife
établie.
Dans les pays où les, bénéfices font, pour
la plupart, d’un revenu fort modique, les
chaires des univerfîtés y font en général plus
avantageufes que les bénéfices eccléfialtiques.
Les univerfîtés peuvent prendre & choifir leurs
membres dans tous les eccléfiaftiques du pays ,
q u i, par-tout, forment la claffe la plus nom-
breufe des gens de lettres. S i , au contraire, il
y à beaucoup de bons bénéfices, les universités
fe rempliffent de maîtres dont la charité
eft fouvent affez foible^ M. de Voltaire a ob-
fervé que le P. Pore., étoit de tous les profef-
feurs qu’il y a jamais eu en France , le feul
dont les ouvrages méritent d’être lus. Il eft
affez- fingulier que dans un pays fi. fécond en
hommes de lettres d’un mérite éminent, à peine
s’en trouve-t-il un qui ait été profefTeur dans
une univerfité. Gaffendi commença par être pro-
feffeur dans celle d’Aix. Aux premières étincelles^
qui parurent à fon génie, on lui remontra
qu’en entrant dans l’églife il fe procureroit ai-
fément un état plus tranquille, plus agréable,
& où il auroit plus de facilité à pourfuivre fes
études , & fur le champtil fe rendit à ce confeil.
La remarque de M. de Voltaire peut être appliquée
, je crois, non feulement à la France, mais
à tous les autres pays catholiques romains. Il eftfojt
rare d’y trouver un profefTeur d’univerfité qui
foit diftingué par fon mérite littéraire, à moins
que ce ne foit peut-être dans les chaires de
droit & de médecine. Après l’égüfe romaine,
celle d’Angleterre eft , fans comparaifon , la plus
riche 8r la mieux dotée de la chrétienté. Auffi
épuife-t-elle continuellement les univerfîtés, en
leur enlevant les plus célèbres de leurs mem-~
bres, & il eft auffi extraordinaire d’y voir un
ancien régent de collège connu & diftingué en
Europe par fon mérite littéraire, que de le trouver
dans les pays catholiques. C ’eft tout le contraire
à Genève , dans les cantons proteftans
de la Suiffe , & dans les pays proteftans de l’Al-
magne, en Ecoffe, en Suède & en Danemàrck.
Les gens de lettres fupérieurs que ees contrées
ont produits i ont é té , non pas tous à la vér
ité , mais la plupart, profeffeurs dans les uni -
verfités qui enlèvent continuellement à l’églife
ce qu’elle a de plus précieux en ce genre.
Une chofe qui peut être digne de remarque,
c’ eft q ue, Il nous exceptons les poètes, quelques
orateurs -& quelques hiftoriens, les gens
de lettres célèbres de la Grèce & de Rome paroi
ffent avoir été en très-grande partie ceux qui
©nt enfeigné la philofophie ou la rhétorique en
public ou en particulier.Cette obfervation fe vérifie
depuis le tems de Lyfias , d’Ifocrate , de Platon,
& d’Ariftote , jufqu’à celui de Plutarque , d’E-
pi&ète , de Suétone & de Quintilien. Plufîeurs
autres femblent avoir été des précepteurs particuliers.
Nous favons que Polybe l’etoit de Sci-
pion Emilien. Il y a quelques raifons de croire
que Denys d’Halicarnafie l’etoit des enfans de
Marcus & de Quintus Cicéron. Il paroît qu’il
n’y a réellement point de méthode plus efficace
pour rendre un homme confommé dans une
fcience, que de le mettre dans la néceffité de
l’enfeigner toujours. Obligé de marcher chaque
année fur le même terrein , pour peu qu’il ait
de difpofîtions, il fe met bientôt au fait de chacune
de fes^ parties , & fuppofé qu’il ait pris fur
quelque point particulier une opinion précipitée
& mal fondée, il la réformera vraifemblablement
dans la fuite , lorfqu’il fera conduit par le cours
de fes leçons à confîdérer'de nouveau le même
fujet. Où les bénéfices de l ’églife font médiocres
, cette médiocrité même conduit la plupart
des gens de lettres aux places dans Iefquelles ils
peuvent être le plus utiles au public, & tend
en même tems à Jeur donner la meilleure éducation
, peut-être, dont ils font fufcèptibles. Elle
tend encore à les rendre auffi favans & auffi
utiles qu’ils peuvent l ’être.
Il faut obferver qu’en mettant à part ce cui
revient à l’églife de certaines terres ou manoirs
particuliers , fon revenu eft une branche du re-
venu, général de l’Etat, qui ne tourne point à
la défenfe de l’E ta t, mais à un ufage fort différent.
La dîme, par exemple , eft une vraie taxe
réelle qui ôte aux propriétaires le moyen de contribuer
aüffi largement à cette défenfe qu’il pourvoient
le faire fans cette charge. Cependant, félon
quelques-uns , la rente des terres eft Je feul,
& félon d’autres elle eft le principal fonds d 01Î
les grandes monarchies tirent en dernière ana-
lyfe dé quoi fubvenir à tous les befoins de l’Etat.
Or il eft évident que plus on donne de ce
fonds à l’églife, moins il en refte pour l'Etat.
On peut pofer pour maxime cerraine que , toutes
chofes d’ailleurs égales, plus l'églife eft riche
, plus le fouveràin ou le peuple font pauvres
& toujours moins en état de fe défendre.
En plufîeurs pays proteftans , particulièrement
dans les cantons de la S'uifle qui fuivent la réforme
le revenu qui appartenoit anciennement à l’églife
catholique romaine , les dîmes & les terres .de
l’églife, ont été trouvés fuffifans, non - feulement
pour donner des appointemens honnêtes au clergé
.réformé , mais pour défrayer entièrement , ou à
peu de chofe près , toutes les autres dé peu fes
de l'Etar. Les magiftrats du canton de Berne
par les épargnes qu’ils ont faites fur ce fonds ,
ont a ma né une grande fomme , qu’on fait monter
à plufîeurs millions IL donc une partie eft