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» abbaye , dudit Louis-le-gros , datées de Ton
» règne Tan douze & quatorzième, & de celui
» de ladite reine Alix , Tan iixiême & huitième.
» Un autre en l'églife de Paris, dudit Louis-le-
» gros , datée l'amonzième ,de fon règne., & Pan
» cinquième de celui de ladite reine Alix.
» Les autres rois tenans leur trône royal au lit-
de-juftice , ont fait feoir les reines leurs mères
» ou femmes en leurs parlemens , joignant leur
»» dextre. Ainfî fit le roi Charles V à la reine
*» Jeanne de Bourbon, fa femme , en l’afiemblée
« des trois Etats ( i ) , qu’il tint en la chambre de
»» fondit parlement à Paris , les neuvième 8c on-'
» zième mai 1369«.
A toutes ces preuves du concours des reines dans
l'adminiftration du royaume, je n'ajouterai pas les
exemples fréquens des régences que les rois ont
confiées à leurs époüfes lorfqu'ils étoient forcés
de s'abfenter du royaume, ni de celles qui ont été
confiées aux reines mères pendant la minorité des
rois leurs fils, J'en ai parlé-dans l'article des régences.
Voyei cet article dans le fupplément.
Obfervons cependant que , dans tous, ces a<ftes
d'adminiftration , les reines n'exercent point un
empire qui leur foit propre. La nation s.'eft.fou-
mife à l'empire d’un feul} tous les pouvoirs émanent
du roi }• c'eft à fa décharge que la ehofe publique
eft adminiftrée par ,le&: différens dépofî-
taires de fa confiance.
C ’eft par-là " qu’ il faut expliquer la différence
qu'il y a entre le facre du roi & celui de la reine.
L e roi contra&e avec la nation 8c lui prête ferment.
La reine ne promet rien , ne s’engage à rien,
ne fait aucun ferment. Au facre du r o i , il fe fait
un pa<fte entre la nation & le . roi. Le facre de la
reine n'eft qu'une augafte cérémonie.
Du T illet nous apprend quelle eft la forme qu’ on
obferve au facre des reines.
» Quand les rois étoient mariés, la couronne
» leur échéant, ordinairement les reines leurs
** femmes étoient couronnées avec eux. Si après
»» leur couronnement ils fe marioient?, leurs fem-
» mes étoient couronnées ailleurs qu'à Rheims«^
11 rapporte plufieurs exemples de reines facrées,
les unes dans l’églife de Notre-Dame, d ’autres
dans la Sainte-Chapelle du palais, d'autres à
Orléans , d'autres à Sens , 8c la plupart à Saint-
Denis en France.
» Les reines , dit i l , l'ont feulement ointes au
chef ( i ) , & d'autre chrême que celui de la
fainte ampoule, lequel n'eft employé que pour
n les rois.
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b » Parce que le vrai office des rois &■ reines eft
99 déclaré par les oraifons 8c cérémonies de leurs
;M facres & couronnemens , ne fera impertinent
» inférer l'ordre commandé, par le roi Louis le-
»? jeune , jufqu'à préfent obfervé avec fomptuo-
99 fités plus grandes,
»9 Quand la reine eft facrée 8c couronnée. . . .
9» lui foit préparé un trône moindre aucunement
99 que celui du ro i. . . . la reine foit amenée en
99 l'églife, & fe profterne devant l'autel pour faire
»s fon oraTon > laquelle achevée , foit relevée par
„ les évêques fur fes genoux , & incline fon chef
„ pendant que l'archevêque dira l ’oraifon qui en-
[ fuit :
»9 Seigneur, entends à nos fupplications, & ce
: 99 qui eft à faire par le miniftère de notre humilité
,99 foit rempli de l'effet,de ta vertu.
, 99 Les tunique 8c cherpife de la reine doivent
»» être ouverte julqu'à la ceinture , 8c ledit arche-
99. vêque l'oigne du faint huile au chef & en la
» poitrine, difant : Au nom du père, & du
99 fils , 8c du faint-efprit, cette onétion d'huile
>» te profite en honneur 8c confirmation éter-
»■ . nelle. [
99 Après ladite oraifon , dife î’oraifon qui en-
99 fuit : Dieu éternel, tout-puiffant , infunde
>ï l'abondant efprit de ta bénédiction fur ta fer-
99 vante , afin qu'elle cejourd'hui inftituée reine
99 par l'impofition de notre main ., demeure par
»:.ta fanCtification digne & élue, & que jamais
99 ci-après elle comme indigne né foit féparée de
99 ta grâce > par notre feigneur Jéfus-Chrift, &c.
99 Puis ledit archevêque, fans oraifons, mette
99 ès mains de la reine le fcèptre, moindre &
99 d’autre manière que celui du roi , & la main
»9 de juftice femblable à celle d'icelui roi.
99 Et lors lui mette l'anneau au doigt', lüi difant:
99 Prends l'anneau de la foi*, fignal de la fainte
99 Trinité, par lequel tu puififes éviter toutes ma-
» lices hérétiques } 8c par la vertu qui t'eft donnée,
» appeller les nations barbares à la connoiffance
99 de la vérité.
„ » Après ! dife l’oraifon fuivante : D ieu , du-
» quel eft toute puilfance & dignité , donne à ta
99 fervante, par ce ligne de ta foi , l'effet prof-
99 père de fa dignité , en laquelle foi elle demeure
>9 toujours ferme , 8c continuellement elle s'ef-
99 force de te plaire : par notre feigneur Jéfus-
99 Chrift , & c .
99 Soit puis après par le feul archevêque im-
» pofée la couronne fur le chef de ladite reine ,
( z ) C e doit être encore une erreur. Le procès - verbal du lit de juftice prouve que ce n’ é to it pas une aflcmbléc des'
états. . " ' <:
( 1 ) Cependant ou ver» tout à l’heure qu’elles font aulfi ointes fut la poitrine.
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» laquelle couronne foit foutenue de toutes parts
» par les barons s & la mettant, dife ledit arche-
» vêque : Prends la couronne de gloire , honneur
,9 de lielfe , afin que tu reluifes fplendide3 & fois
» couronnée de joie pardurable.
» Après avoir mis ladite couronne 3 ajoute l’ar-
» chevêque l’oraifon qui enfuit : Seigneur, fon-
99 raine de tous biens & donneur de tous hon-
99 neurs j oétroie à ta fervanre bien régir cette
99 dignité qu’elle a prife, & fortifie en elle par
» bonnes oeuvres la gloire que lui as donnée :
99 par notre feigneur Jéfus-Chrift, & c .
99 C e fa it, les barons foutenant la couronne ,
» la mènent & colloquent en fon trône 3 étant
99 lefdits barons &-les plus grandes & nobles
» dames joignant elle «.
Il y a quelque différence entre ce rituel & celui
qu’on fuivit pour le facre d’Ermentrude , époufe
de Charles-le-chauve’i mais on ne voit-rien dans
l’un ni dans l’autre , qui annonce un engagement
de la reine envers la nation.
Ce facre d’Ermentrude femble prouver que
l’ufage de cette cérémonie eft de la.plus haute
antiquité i car il y eft dit qu’avant elle plufieurs
reines avoient été facrées , foit par le pape , foit
par les évêques. Uxorem fuarn dominamnofiram in
notnine regins, benedicumus , Jicut Cf a fede apojiolica
& a no fins decejforibus antea de aliis faiïum compe-
rimus. Mais pourrons nous fixer l'époque & indiquer
les motifs de cette inftitution ?
Elle n'a rien de commun avec la diftin&ion que
j'ai remarquée fous la première race , entre les
époufes reines & les époufes qui n'étoient pas
reines. L'époufe du roi devenoit reine , par cela
feul que le roi l'avoit époufée publiquement &
folemnellement. Ermentrude n'avoit donc pas be-
foin du facre ni du couronnement pour être
reine. Lorfqu’elle fut facrée , il y avoit vingt-
quatre ans que Charles-le-chauve avoit contraélé
avec elle un mariage public & folemnel. Et nous
voyons plufieurs reines fous læ première race ,
mais pas une feule qui ait été facrée.
Pépin paroît être le premier qui ait affocié fon
époufe à la cérémonie du facre & du couronnement.
La reine Bertrade fut élevée avec lui fur le trône.
Mais le facre des rois mêmes étoit-il en ufage avant
Pépin ? S'il eft vrai , comme le reconnoiffent aujourd’hui
tous les bons critiques, que le prétendu
facre de C lovis ne fut autre chofe que l’onétion du
baptême & de la confirmation ; s'il eft vrai qu'aucun
autre roi de la première race n’ait été facré î
s'il eft vrai que Pépin ait imaginé cette cérémonie
pour en impofer aux peuples par un appareil religieux
, pour leur perfuader que c’étoit la divinité
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même qui l'appellpit au trône, il ne faut donc pas
chercher dans la première race l'origine du facre
des reines. C'eft à Pépin que cet ufage a commencé’,
& .il eft auffi ancien que celui du facre
des rois.
Tels font les rapports politiques des reines de
France avec la nation. Voyons quels font leurs
droits comme époufes du ro i, les droits refultans
de leur mariage.
Prenons pour texte l'a&e de conftitution de dot
fait par Charles-le-Simple à Frédérune fon époufe.
Nous comparerons les ufages d'alors avec ceux
de la première race & avec ceux qui s'obfervent
aujourd'hui.
>9 Nous croyons fermement que nous rehauf-
99Tons l'éclat de la royauté, & que nous faifons
99 notre propre avantage , lorfque nous nous con-
» formons aux coutumes des anciens , que nous
99 imitons les moeurs de nos ancêtres , & que
93 nous accueillons favorablement les avis de nos
99 fidèles.' '
93 C'eft pourquoi nous faifons favoir à tous les
93 fidèles de l'églife de Dieu 8c aux nôtres, pré-
93 fens 8c à venir, q u e , traitant des affaires de
93 notre royaume avec nos confeillers, ils nous
9- ont confeillé de nous marier, difant qu'il étoic
93 falutaire & convenable que nous priffions une
93 femme digne de nous , afin qu'elle put nous
93 donner une poftérité utile à tout le royaume.
93 Ainfî prelfés par leurs confeils & leurs avérés
tiffemens , 8c du confentement commun de nos
99 fidèles , 8c avec l'aide de Dieu, nous nous fom-
93 mes affociés & avons rendu participante de la
% royauté , par un mariage impérial, fait fuivant
39 les loix 8c les ftatuts de nos anciens, une fille
9» de noble race » nommée Frédérune.
» A ces caufes , ayant réfolu de la doter de
» biens qui lui foient propres , fuivant l'ufage
» des rois , nous lui accordons , à titre de d o t ,
99'deux terres domaniales» pour être poffédées
99 par elle à perpétuité, avec le droit d'en dif-
93 pofer à fa volonté} favoir, Corbigny dans le
33 comté de Laon s & Ponthieu dans le Perthois.
» Nous lui tranfportons à perpétuité notre d ro it,
» feigneurie & propriété fur l'un 8c fur l'autre.
93 Pour cet effet , nous avons fait délivrer à
33 notredite époufe Frédérune le préfent é d it , par
33 lequel nous ordonnons qu'elle ait , tienne &
» poffède à perpétuité lefdits domaines de Corbi-
33 gny 8c de Ponthieu , tels qu’ ils nous appartien-
33 nent préfentement, dans toute leur intégrité &
33 avec toutes leurs appartenances & dépendances,
» 8c qu'elle puiffe dorénavant en faire & difpofer
33 à fa volonté.