
dans fes entreprifes. Les deux cours , principalement
celle de Verfailles, avoient ouveit leurs'trésors
à ces.vils factieux. Leurs chefs s’appliquoiént
à eux mêmes la meilleure partie de ces profusions
aveugles. Avec le relie , ils achetoient des voix.
Elles étoient toujours à bas prix , mais aulïi n’a-
voient - elles que rarement quelque confiftance.
Rien n’étoit plus commun que de voir un membre
de la diète vendre fon fuffrage, après l’avoir
vendu. Il n’étoit pas même extraordinaire qu’il fe
fît payer en même tems des deux côtés.
La malheureufe fituation où fe trouvoit réduit
un Etat qui paroilfoit libre, nourriffoit l’efprit de
fervitude qui avilit la plupart des contrées de l’Europe.
Elles fe vantoient de leurs fers , en voyant
les maux que fouffroit une nation qui avoit brifé
fes chaînes. Perfonne ne vouloir voir que la Suède
avoit pafle d’ un excès à un antre rque , pour éviter
l’inconvénient des volontés arbitraires, on étoit
tombé dans les défordres de l'anarchie. Les loix
n’avoient pasfu concilier les droits particuliers des
individus avec les droits de la fociété, avec les
prérogatives dont elle doit jouir pour la fureté
commune de tous ceux qui la compofent.
Dans cette fatale crife , il convenoit à la Suède
de confier au fantôme de roi qu’ elle avoit formé j
un pouvoir fuffifantpoui*fOnder les plaies de l’ Etat,
& pour y appliquer ies remèdes convenables. C ’ eft
le plus grand adte de fouveraineté que puiffe faire
un peuple j & ce n’eft pas perdre fa liberté que
d’en remettre la direélion à un dépofitaire de confiance,
en veillant à l’ufage qu’il fera de ce pouvoir
commis.
Cette réfolution auroit comblé les fuédois de
gloire, & fait leur bonheur j elle auroit rempli
les efprits de l’opinion de leurs lumières & de leur
fagefle. En fe rerufant à un parti fi néceflaire, ils
ont réduit le chef de l’Etat à s’emparer de l’autorité.
Il règne aux conditions qu’ il a voulu prefcrire ;
& il ne refte à fes fujets , de droits que ceux dont
fa modération ne lui a pas permis de les dépouiller.
La révolution opérée en 1772 par le roi a&uel,
a donc anéanti les prétentions des ariftocrates &
du peuple.
M. Shéridan qui étoit alors fecrétaire du mi-
niftre d’Angleterre à Stockholm a donné au public
une relation très- détaillée & très exa&e de cette
révolution. Il a développé avec autant de préci-
fion que de vérité les abus qu’entrahioit le fyftême
de gouvernement établi en 1720.
» Mais , dit M. Coxe dans ce tableau du nouveau
gouvernement, tout admirable qu’ il eft , il
s’eft glilfé une erreur capitale qui mérite une dif-
euflion particulière, parce qu’une autorité aufti
jefpeétabls n’a pu manquer de l’accréditer dans les
pays étrangers ; je veux parler de cette afTèrtion
de l’auteur que le roi de Suède n’eft pas moins ab-
folu à Stockholm que le roi de France à Verfailles,
& le grand-feigneur à Conftantinople, quoique
dans la vérité le roi de Suèdey avec toutes fes grandes
prérogatives ne jouifte dans plufieurs points
importans que d’une autorité limitée : la conftitu-
tion actuelle de l’Etat le prouve bien. Voici cette
conftitution.
Nouvelle forme de gouvernement établie en Suède par
la révolution de 1772.
N o u s , Guftave , par la grâce de dieu , roi de
Suède 3 des Goths & des Vandales, &c. & c . & c .
héritier de Norwège, duc de S lefwick, Holftein,
& c . Savoir faifons :
Comme depuis notre avènement au trône nous
avons conftamment voulu employer notre puiffance
royale & notre autorité au maintien, à l’ af-
fermiflement & au bien-être de ce royaume, ainfî
qu’à la prote&ion , à la sûreté, & au bonheur de
nos fidèles fujets, & comme nous avons trouvé
que pour atteindre à ce but l’état préfent de la patrie
exigeoit néceflairement une correction des
loix fondamentales ; & qu’en conféquence, après
les plus mûres délibérations & l’examen le plus
fcrupuleux, nous avons drefîe une forme pour
l’adminiftration & le gouvernement du royaume ,
laquelle a été approuvée unanimement par la diète
afemblée , & confirmée par ferment. Nous voulons
gracieufement confirmer , ratifier & revêtir
cette forme de gouvernement approuvée ainfî par
les états de toute fa force de lo i, telle qu’elle eft
inférée ci-après littéralement & mot pour mot.
Nous fouffignés, confeillers & états du royaume
de Suède y comtes, barons > évêques r ordre'
équeftre & nobleffe , clergé, eommandans militaires
, bourgeoifie & communes , ici préfente-
ment affemblés pour nous & au nom de nbs compatriotes
abfens, favoir faifons :
» Comme par une malheureûfe expérience nous
avons appris que plufieurs de nos-citoyens , abu-
fant du nom de la précieufe liberté, fe font emparés
d’un pouvoir ariftocratique qui nous eft devenu
d’autant plus infupportable qu’il a été établi par
une ufurpation arbitraire , affermi par L’intwêt
perfonnel, & par des traitemens durs, & fouçenu
enfin par des forces étrangères, au détriment commun
de tout le corps de l’Etat. Pouvoir qui par une
explication forcée & illégale des loix* nous avoit
jetté dans la plus grande inhabilité, & qui en un
mot auroit pu enfin attirer fur ce royaume, les
défolations les plus terribles que nous rapportent
les annales des précédens fiècles, & les mémoires
de nos ancêtres, fi la conduite mâle & l’amour de
la patrie qu’ont fait paroître des citoyens courageux,
& qui ont été fouteaus par les efforts du
très-puîfiartt prince & feigneur Guftave III ,-rôi
de Suède, des Goths & des Vandales , notre très-
gracieux roi & feigneur, ne nous en avoit délivrés.
Nous avons penie aux moyens d’ affermir notre
liberté , de manière qu’elle ne puifTe recevoir'au-
. cune atteinte , ni de la part de régens téméraires
& mal intentionnés pour l’E ta t, ni de celle de
concitoyens ambitieux , intérefles & perfides, ni
d’ennemis vindicatifs & fuperbes , de façon que
l ’ancien royaume des fuédois & des goths puifTe
refter toujours un Etat libre & indépendant.
A ces caufes, nous avons agréé & confirmé la
préfente forme de gouvernement, ainfî que nous
l’agréons & confirmons par les préfentes , comme
une loi fondamentale, inébranlable & facrée, que
nous acceptons de notre certaine fcience pour nous
& notre poftérité née & à naître, à l'effet de vivre
conformément à icelle, telle qu’elle fuit littéralement
ci-après.
A r t i c l e p r e m i e r .
( L ’unité de religion & la pureté du culte religieux
fon t, la bafe la plus folide d’un gouvernement
légitime , uni & durable 5 c’ eft pourquoi,
& avant to u t , le r o i, tous les gens en place &
tous les fujets de ce royaume garderont à l’ avenir,
comme auparavant, la parole pure & claire de
Dieu , telle qu’elle eft énoncée dans les écrits des
prophètes & des apôtres , & expliquée dans les
fymboles chrétiens, le cathéchifme de Luther &
la confeffion d'Auibourg non variée , 8c ainli
qu’il a été ftatué à ce fujet au concile d’Upfal &
dans les recès Sc décrets précédens du royaume $
de manière que le droit des églifes doit être
maintenu , fauf tous les droits du ro i, de la couronne
& du peuple fuédois.
I I.
C ’eft au roi à gouverner fon royaume, comfne
la loi de Suède le porte , â lui , 8c à nul autre. Il
maintiendra , chérira & confetvera le droit & la
juftice, & au contraire il proferira , pourfuivra
& détruira toute méchanceté 8c injuftice. Il ne
punira perfonne par la perte de la vie , de l'honneur,
de quelque membre, ou de fon Etat,
fans qu’au préalable il n’y ait eu conviétion &
jugement légal, 8c il n’ôtera, ni ne permettra
qu’on ôte à qui que ce fo i t , aucun bien ou effet,
meuble, ou immeuble, fans faite précéder un
procès 8c jugement conformes à la loi. Enfin il
gouvernera le royaume fuivant le code des rois ,
fuivant la loi du pays, 8c fuivant la préfente
forme de gouvernement.
II r.
A l’egard de l’ordre de fucceflïon à la couronne
, on iilivra en tous points la convention
d héredtte , telle qu’elle a été faite & approuvée
à Stockholm en l'année 1745 , & dans fa conformité
avec ce que preferivent 8c ordonnent la convention
d’hérédité de Wefteros de l’année 1544,
8c le recès de Norkopingde l’année 1604.
I V.
Après la puiffance royale , la plus haute dignité
a rende de tout tems 8c doit réfider toujours dans
le fénat du royaume, que le roi feul compoie 8c
choïfit d’entre les fujets nobles' nés en Suède, qui
font attaches au roi 8c au royaume par les liens
de foi » de fidélité 8c d’hommage j 8c quoiqu’on
nf Ptnüe fixer leur nombre , puifqu’on le règle
plutôt félon ce que demandent le befoin 8c l’honneur
du royaume , cependant le nombre des fé-
nateurs ordinaires doit être de dix-fept, y compris
les grandes charges du royaume 8c Je gouverneur
généra! de la Poméranie. Le devoir de
ces fenateurs en général, 8c de chacun en particulier^
fera de confeiller le roi dans les affaires
& matières importantes de l'Etat,, lorfque fa ma-
iefté demandera leur avis ; de contribuer de tous
leurs efforts à maintenir les droits du royaume ;
de confeiller au roi ce q u i, félon toute l'étendue
de leurs lumières, leur paroît être le plus avantageux
pour le roi 8c pour l'Etat j d’entraîner les
états 8c le peuple dans la fidélité 8c dans l’amour
de leurs devoirs ; de s’occuper continuellement
du maintien des droits , de la puiffance, de l’indépendance,
de l’avantage. 8c de la profpérité du
roi 8c du royaume ; 8c , félon ce que portent les
decrets de la diète de 1602, de confeiller, ainfî
que requiert leur charge , & non pas de régner.
Au refte, les fenateurs du royaume ne font liés
qn envers le roi feul, 8c c'eft à lui feul qu’ ils font
refponfables de leurs confeils. Mais le roi ne
pourra leur reprocher ou imputer l’iffue fâcheufe
d'aucune affaire qui tourneroit différemment de
leur avis , de leur attente , de leur idée 8c de leur
opinion fondée fur de folides raifons , fur-tout
fi l’exécution de leurs bons avis n'a pas atteint
le but qu’on fe propofoirpar la faute de ceux à
qui il appartenoit 8c étoit ordonné d'agir 8c d’exécuter
V , ,
C e fera au roi à gouverner , à maintenir, à
fecourir & à protéger les places fortes 8e les provinces
, fes droits 8c ceux de la couronne, comme
le portent la loi 8c la préfente fotme de gouvernement.
V I.
I Comme les négociations de paix, d’armifticeon
j d’alliance, foit offenftve, foit défenfive , fouffrent
rarement le moindre délai-, 8c exigent néceflaire-
ment te plus grand fecret -, pour cette raifon , le
, roi mettra les affaires de cette nature 8c de cette