
* 3 9 S O U
un moyen plus équitable de pourvoir à l'entretien
de ces ouvrages. Cette taxe ou péage, quoiqu’ a-
vancée par le batelier ou le voiturier, fe trouve
payé par le confommateur dans le prix de la mar-
chandife. Mais comme la dépenfe du tranfport
diminue beaucoup par ces ouvrages publics, le
péage n’empêche pas que les marchandifes ne reviennent
aux confommateurs à meilleur marché
qu'ils ne les auroient autrement, le péage n'augmentant
pas leur prix autant que le fait baiffer Je bon
marché du tranfport. La perfonne qui paye cette
taxe gagne donc à l'application qu'on en fait, plus
qu’elle ne perd en la payant. C e qu’elle paye eft
exa&ement en proportion de ce qu'elle gagne.
C e n eft dans le fond autre chofe qu'une partie de
fon gain facrifiée pour fauver le refte. 11 n'y a peut-
etre pas une méthode plus équitable de lever une
taxe.
Quand le péage fur lès voitures de luxe, fur îes-
caroftes, les chaîfes-de-pofte, & c . eft un peu plus
fort relativement à leur poids , que fur les voitures
d’un ufage néceffaire, tels que, les chariots,
les, fourgons, & c . c'eft une manière douce & facile
de faire contribuer l'indolence & la vanité du
riche au foulagement du pauvre, en diminuant le
prix du tranfport des marchandifes lourdes.
Lorfqu’on fai.t & qu'on entretient les grands-
chemins , les ponts , les canaux , avec le commerce
qui fe fait par eux , on ne peut les établir que dans
les endroits où le commerce en a befoin, & par conséquent
où il eft à propos d’en Faire. Les frais de
leur établifTement, leur grandeur & leur magnificence
doivent aam répondre à ce que ce commerce
peut payer. Ils doivent donc être proportionnés à
leur ufage. On ne fera point une maifon fuperbe
dans un pays défert où il y a peu de commerce. On
n’enverra pas conftruire de telles uniquement pour
conduire à la maifon de campagne d'un intendant
de province i ou au château de quelque grand fei-
gneur à qui l'intendant veut faire fa cour. On ne
jettera pas un grand pont fur une rivière à un endroit
où perfonne ne pafle , & précifément pour
embellir la vue qu'on a des fenêtres d'un palais
voilïn , abus communs dans les pays où les ouvrages
de'cette efpèce font pris fur un autre revenu
que celui qu’ ils peuvent rapporter.
Le péage fur un canal eft en plufieurs pays de
l ’Europe la propriété de certaines perfonnes, que
leur intérêt particulier oblige à l’entretien du canal.
S'il eft mal tenu , la navigation celle ou diminue
, & avec elle le profit des péagès. Si on conçoit
l’adminiftration de ces péages à des commis
qui n’y auroient pas le même intérêt, ils pour-
roient être moins vigilans à entretenir les ouvrages.
Le canal du Languedoc a coûté au roi de
France & à la province plus de treize millions,
qui (a vingt-huit livres le marc d’argent, tel qu’ iJ
étoit a la fin du dernier fiecle) en valent environ
s o u
vingt- quatre.- Quand ce grand ouvrage fut achevé
on jugea que la meilleure méthode- pour qu’il fût
toujours bien entretenu, étoit de faire préfent des
péages à Riquet, qui en avoit drefie le plan & dirigé
l’ouvrage. Ces péages rapportent aujourd’hui
un revenu confidérable aux diverfes branches de
la famille de cet ingénieur, qui ont par conféquent
le plus grand intérêt à tenir le canal en bon état.
Mais fi l’adminiftration de ces péages avoit été
donnée à des commis qui n'y auroient pas eu le
même intérêt, ils auroient pu être confumés &
diffipés en dépenfes vaines Se de pur ornement ,
tandis que les parties les plus effentielles de l ’ouvrage
feroient tombées en ruine.
Il n’ y auroit pas l'a même sûreté pour l’entretien
des routes, s’ ils étoient la propriété des perfonnes
particulières. Un grand-chemin entièrement négligé
ne devient pas impraticable, comme un canal.
Les propriétaires des péages d’un grand-chemin
pourroient donc négliger de le réparer, & lever
à pemprès les mêmes droits. Il eft donc à propos
de donner l’adminiltration des péages'pour
l ’entretien des grands-chemins à des commis ou
des gens de confiance.
On s’eft plaint Couvent & avec raifon dans la
Grande-Bretagne, des abus commis dans l’admtnif-
tration de ces péages par ceux qui en étoientchar-
gés. On a dit que l’argent levé à plufieurs barières,
étoit double de ce qu’il falloit pour exécuter très-
complètement l’ouvrage , qui fe faifoit mal Sc
Couvent point du tout. IL faut obferver que le
fyftême de réparer les grands-chemins avec ces
péages n'eft pas fort ancien. Il n’y a donc rien
d’étonnant, s’ il n’a pas encore été porté à la perfection
dont il paroît fufceptible. Si on a fôuvent
pris des commis de baffe extraction & peu propres
à la chofe , & fi on n’a pas encore établi des
cours d’infpeftion ou de chambre des comptes'
pour furveiller leur conduite & réduire les péages
à ce qui eft néceffaire aux frais , il faut s'en prendre
à la nouveauté de l’inllitution , qui explique
& juftifie en même teins ces v ic e s , que la fageffe
du parlement réformera par degrés & avec le
tems.
On fnppofe que l’argent levé aux divers turnpi-
kcs de la Grande-BreragHe excède tellement ce qui
eft néceffaire pour la réparation des routes , que
des miuiftres ont confidéré les épargnes qu’une
fage économie feroit fur cet objet comme une
grande reffource qu’on pourroit appliquer tôt ou
tard, aux befoins de l'Etat. Le gouvernement,
a-t on d it , en prenant l’adminiftration des turn-
pikes, & en employant les foldats , qui travailleraient
pour une légère augmentation de leur paye,
entretiendroit les- grands-chemins à beaucoup
moins de frais que ne le peuvent les commis, qui
n’ont d'autres ouvriers à employer que ceux qui
tirent toute leur fubfillance de leurs falaires. O a
s o u
t prétendu qu’ on gagnerait ainfi, peut - être un
demi- million fterling, fans mettre de nouvelle
chargé fur le peuple , & que les routes’ à turn-
pikes contribueraient par ce moyeffà la dépenfe
générale de l'Etat comme les poftes y contribuent
à préfent.
Cette queftion de faire entretenir les chemins
par les foldats a été .difcutée fort en détail à l’article
C hemins, & fi tout Je monde n’eft pas de
l ’avis de M. de Pommereuil, chacun conviendra
du^ moins qu’il a éclairci la qiieftion , & que la
méthode de l'analy-fer par des faits eft la meilleure
qu'on pttiffe employer dans les fcienees.
M. Smith dit fur les reffources qù’ on a imaginées
pour le gouvernement dans les revenus des
turnpikes t
” Je ne doute pas qu’on ne pût tirer de - là un
revenu confiderable, quoique probablement beaucoup
moindre qu’on ne le fnppofe. Cependant le
plan fouffre diverfes objections importantes. «
. ” Si, les péages levés aux turnpikes étoient
jamais regardek comme une des reffources pour
fournir aux befoins de l'E ta t, ils feroient bientôt
augmentés félon l’exigence fuppofée des befoins
de 1 Etat. Ils augmenteroient donc bien vite, conformément
à la politique de la Grande - Bretagne.
Lafaciliréd’en tirer un gros revenu, encourage-
rott vraifemblablement l'adminiftration à ufer fréquemment
de cette reffource. Quoiqu’il foir plus
que douteux qu’avec la meilleure économie les
péages aétuels puffent fournir un demi - million
lterling d épargnés , il eft prelque certain qu’on
épargnerait fur eux un million s’ils étoient doublés
, St^peut-être deux millions s'ils étoient
triples. D ailleurs ce grand revenu pourroit être
perçu fans nommer un feul nouvel officier pour
le recevoir. Mais les péages des turnpikes étant
ainfi continuellement augmentés , deviendraient
tin grand obltable au commerce intérieur du pays
qu’ ils doivent faciliter. La dépenfe de tranfporter
toutes les marchandifes pefantes d’un endroit du
pays à l'autre , feroit bientôt fi forte, que le
marché pour toutes ces fortes de marchandifes fe
refferrerott confidérablement, que leur production
feroit fort découragée , & les plus importantes
branches de l’induftrie domeftique entièrement
anéanties. »
« Une taxe fur les voitures de charroi en
proportion de leurpoids, quoique fort égalequand
elle eft appliquée à la feule réparation des chemins,
devient fort inégale quand on l’applique à tout
autre o b je t, ou aux befoins ordinaires de l’Etat.
Dans le premier c a s , la voiture eft fuppofée payer
exactement le tort qu'elle fait aux chemins ; mais
dans, le fécond, elle ell fuppofée payer au-delà $c
fournir encore à quelqu’autre bsfoin de l ’Etat. Or
sou 2jI
comme le péage d’un turnpike Eut hauffer le prix
des marchandifes en proportion de leur poids &
non de leur valeur, il eft fur - tout payé parles
çonfqmmatcurs de marchandifes groifières & lourdes
, non par ceux de marchandifes précieufes Sc
légères. A quelque befoin de-l’Etat qu’on dellinât
donc cette taxe-, elle .tomberait principalement
. ' f Pauvre & non fur le. riche, fur celui qui ferait
le moins & non fur celui qui feroit le plus
en.état de la fupporter, « ^ ”
,^..3 ; h '1 arrivoit jamais que le gouvernement
négligeât là réparation des grands-chemins, il feroit
encore plus difficile qu'il ne l’eft aujourd'hui de
lappeller les péages à leur deftination propre. On
pourroit tirer ainfi du peuple un gros revenu, fans
qu H y en eût une feule partie d'appliquée au feul
objet auquel elle auroit jamais dû être employée :
h la baffeffe & la pauvreté des commis d’aujour-
V nui lait quelquefois trouver bien de la difficulté
a les obliger de réparer leurs torts, on èn trouverait
dix rois plus dans la-grandeur & la richeffede
ceux qui feraient chargé de l’adminiftration des
péages dans le fyftême que- je combats. «
A I j C f e & ,dans plufieurs autres gouverne-
mensd.e f A llé , le, pouvoir exécutif fe charge de
la réparation des grands-chemins & de l'entretien
des canaux navigables. On dit que ces objets font
toujours recommandés au gouverneur de chaque
province , SI- que le jugement de la cour fur fa
conduite fe réglé beaucoup fur l'attention qu’il parait
y-donner. On ajoute que cette branche delà
police publique eft bieii tenue dans tous ces pavs-
ü & fur' tout 3 Ia Chine": où l’on prétend que
les routes & encore plus les canaux navigables
font fort au-deffus de tout ce qui fe voit danl
ce genre en Europe. Mats les relations ont été
généralement faites par des voyageurs Amples &
grands admirateurs, fouventpar des millionnaires
ftuptdes & menteurs. .S’ ils avoienr été examinés
p a r le s yeux plus tntelligens. & décrits par des témoins
plus fideles, il y auroit peut-être moins dé
quoi nous furprendrei C e que dit Bernier de quelques
ouvrages de cette efpètfe dans Tlndofhn
n approche pas du merveilleux que nous trouvon£
I I le s i l f d “ 'res voyageurs. Peut-être aufli
qu il en eft de ces pays-là comme de la France
ou Ion a foin des grands chemins', des grandes
communications qui peuvent être les Tujets de k
converfation a la cour & dans la capitale & où
,out M eft négligé. D ’ailleurs à la Chine
menn É I ; I ? B H H H gouverné
mens de 1 A fie , le revenu du Souverain vient nrefqUek"<
rntI-e^ CfflWi«*1? f“ r , es terres , quihauflé
ou baiffe futvant Letat du produit annuel de la
t-rre. L interet du Souverain eft donc néceffaire- ’
ment & immédiatement lié avec ia culture des terres,
avec la grandeur & la valeur du produit de
ces terres. Or pour que ce produit foit en quantité
& en valeur tout ce qtul peur être, il f t ut