IT9I vertiflons toft à Dieu par oeuvres de faintes abftinen-
ces, par pleurs & gemiflèmens, comme dit cft, certes
Joannis Gerfoniï
nous trouverons grace & mifericorde envers
Dieu , & finalement obtendrons la joje 6c félicité
perdurable, la quelle nous veille ottroyer lePcre, 6c
le Fils, 6c le fàint Efprit, qui ejl Benediüus in fecula
feculorum. Amen. Deogratias.
S E
T R
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D E
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L A
N I
O N
T E.
AU nom, In mrnine Pütris, & F i li i , & Spiri-
tus fanfti. Mathci ultimo. Ou nom duPere,
8cdu Fils, 8c du S. Efprit:. Nous en ceft haulte
follempnité avons à parler 8c à oyir de la fouverainne
Royalle Majefté Divine qui eft en unité d’eflence &
en Trinité de perfonnesqui font lePere, & le Fils, &
le St. Elprit. Car en tant que on dit, ou nom fingu-
lierement eft notée l’unité; & ce en ce que on nomme
lePere, & le Fils, & le St. Elprit eft clerement
i j 9 2
nom de très vigoreufe puifiànce, c’eftungnomdetres
lumineufe fàpience , c’eft üng nom de très vertueufe
benivolence , félon les trois perfeétions que nous attribuons
à Dieu, puifiànce, fàpience, bonté ou benivolence
i affin qu’ils fàmblent. Par eulx la puiflàn-
ce appert, en ce que par l’invocation de ce nom, le
fàint Sacrement deBaptefmeôc les autres ont leur vertu
s , 6c operation mcrveilleufe : car les âmes peche-
reflèsenfont purifiées 6c fàittes filles de Dieu par adoption,
6c délivrées du péril de eternelle dampnation. Q u i
A crediderit. 6cc.Marc. xvi. 1<5. En la vertu de ce nom les
ennemis ont efté boutez hors, les Apoftres 6c aultres
ont parlé fans aultre inftruétion tous les languages du
monde, les ferpens 6c beftes venimeufes 6c nuyfàbles
dcchaffées, aucuns comme faint Jehan l’Evangelifte
ont beu venins, 6c riens ne leur a nuyt, les malades
en ont efté garis, voir les mors rufufcitez, les perfe-
cuteurs comme les tirans 6c aultres ont efté foudainnc-
ment convertis, 6c fais praicheurs de cefte vérité 6c de ce
nom, le quel ils inpugnoient par avant 6c maudiflbient -,
les Philofophes maifmement qui fe ventoient de......... 6c
de fàpience, 6c reputoient ce nom de Dieu comme folie,
gentibusjlultitiam. i. Cor. 1.2 3. Et les Juifs qui le tournoient
à efcande Judais fcandalum, Ibid, fe (ont foubmis à
entendue la Trinité que nousentendons. O r fouit que B recognoiftre pour louverainne fàpience 6c vérité , ce
pour dignement 6c fruétueufcment ceci foire , Dieu
nous donne fà grâce, la quelle vous nous enpetrerez
s’il vous plaift, 6 Vierge Mere, très digne Vierge ,
temple facré de toute la benoite Trinité , mais en
cfpecial6c par finguliere operation, habitacle du benoit
Fils, acaufe dumiftere de l’Incarnation, comme jadis
Adam de Saint Viétor, felond. ce que on recite, vous
fàlua en la Proie: Salve Mater Salvatoris: quantvo-
ftreimages’enclina pardevant lui, comme en lui rendant
fàlutation. Ce fuft quant il vous dit :
' Salve Mater pietatis.
E t totius Trinitatis.
Nobile triclinium.
V?rbi tamen incarnat i.
Spéciale Majejlati.
Préparant
qu’ils jugoient à folie 6c fouffeté. Voir 6c par quels gens ?
Non mie par gens puiflàns en armes , par gens in-
ftruis de fcience ou éloquence mondainne , par gens
cauteleus ou engigneux > mais par gens febles , po-
vres, fans lettres, fimples 6c fans fraudes, en très petit
norhbre 5 tellement que en mourant ils fûrmon-
toient 6c convertifiôient ceulx qui les tourmentoient
6c delivroient à mort. C ’eft ce que dit l’Apoftre :
I . Cor. 1 . 1 6 . Vide te fratres vocationem vejlram nom
vertuqux, turris: nom merveilleux, admirable : nom
fàvoureux, dejîderio : 6c en toutes ces choies demon-
ltrc ce nom (à vigoreufe puifiànce, mais auflî il monftre
fà merveilleufe fàpience, en tant que gens fàns lettres ont
fùrmonté en fàgefle toute humainne........comme Saint
Jehan l’Evangelifte, ung jouvençel qui ce melloit de
pefchieroyfonsenla mer de Galilée, commença fbn
E l ceci donna allés à entendre l’Angel Gabriel, fe- C Evangile fi hault & en fi parfunde fàpience , que s’il
lond l’expofition des faints Doéteurs , quant en fbn
falutildit. Dominus tecum : que Dieu eftoit avec vous.
Dieu le Pere par miflîon , Dieu le Fils par incarnation,
eüft ung peu plus hault fonnéôcelevèfàvois, tout le
monde,ce dit faint Jerome,ne l’euft peu comprendre. Il
dit : In principio erat ver bum. Joan. 1 . 1 . Hoc doiïus
Plato nefeivit , hoc Demojlenes e loque ns ignoravit.
Cefte vérité ne peut oneques cognoiftre Platon, ou
Demoftenes , ce dit faint Jerome , ne quelconque
aultre Philofbphe. Si doit etre reprifê ici 6c confufe
humainne curiofité 6c prefumptueufe outrecuidance,
qui s’efforce 6c veult enquérir par v if engin la con-
noiflànce de ce nom 6c de ce très hault miftere de la
Trinité, duPere, 6c du Fils, 6cdu faint Efprit. En-
tens ici curiofité prefumptueufe : je te demande , ne
feroit-ce mie prefumpeion que une perfonne vivant en
ce monde mortel, voufift ici avoir fà gloire de Paradis?
Pareillement eft-ce prefumpeion n . . . CJ ------- ------- -—~—... wv. qu’elle vVeI.uU1iUllUe aavvuoiilr
Dieu le St. Efprit par fànétification, 6c celui le quel
falut,pour grace enpetrer, nous vous présenterons dévotement
6c dirons : A v e gratia plena, Dominus tecum.
J N N O M I N E , 6cc. Ou nom du Pere, 6c du
Fils, 6c du St. Efprit. E t fur ce nom eft fundée
fermement 6c eftablie toute fainte Crettienté 6c tout
le bel edifice efpirituel de fainte Eglife , qui ne peut
eftre fubverti ou détruit par quelconque adverfaire
puifiànce. Pour quoy ? Pour la fermeté de ce nom,
fur le quel elle eft édifiée : nam Turris fortijjima no-
men Domini. Prov. xvin. 10. L e nom de Dieu eft
comme une très forte tour, ce dit le Saige: 6c litres
torte que irruertwtjiumma, les horribles perfequeions, D clerc congnoiflànce de la benoite Trinité: car en cefte
les très cruels aflàuls, les continuelles batailles encon- ...................
tre ce nom de Dieu, encontre cefte vérité çhreftien-
ne , que Dieu eft ung en fubftance & trôifieme en
perfonnes-, n’onc riens valu pour la delmouvoir des
cuers des Creftiens. Ou eft la puifiànce crueufe des
tirans encontre les Martirs, la fàpience mundaine 8c
cauteleufe des Philofophes & hérités contre les fàints
Doâeurs, lamalivolence perilleufedesfàulxCreftiens
& ypocrites contre la bonne finpleflè des faints Con-
fefleurs & faintes Vierges? Tout l'effort de leur malignité
eft tourné comme à néant, mais au contraire
de leur entencion, & ha efté de tant plus confermée
la vérité de cefte F o y , comme plus fouvant, & aigrement
elle a efté inpugnée, & toutou nom & pour
le nom du Pere, & du Fils, 8c du faint Efprit. In
nomme Patm. 8cc. Et quelle merveille? Ca rc ’e ftüng
clere & nue congnoiffance feranoftreParadis8cnqftrc
gloire, ce dit noftreSeigneur. ( .C . Hnc eft vit a ater-
na 6cc. Joan. xvn. 3. L a condicion de cefte vie cft que
nous veons ici comme en umbrage de Foy 6c de creance
} mais lors nous verrons face à face videmus nunc
6cc. i.C o r . xiii. 12. En apres n’eft-ce pas raifbnque
noftre entendement fe foubmette humblement 6c obe-
iflènment à croire aucune chofe , par le commendc-
ment de noftre Dieu 6c de noftre R o y , la quelle chofe
nous ne pourrons conprendre de nous meifmes, comme
il fouit que les enfons cr’oyent à leurs Maiftres au
commencement : aultrement jamais n’apprendroient
riens, 6c en tous ars ou artifices ainfi eft il. Comme
nous fervons Dieu de noftre voulenté par la foub-
mettre à la fienne en obeiflènee, pareillement doit
noftre entendement foy fbubmettre 6c humilier, à ce
que
1J93 Sermo de San&iJ]tma Trinitate. 1J94
que l’entendement de Dieu nous dit 6c afferme 6c
baille a croire : Fides non habet meritum.
Mais en oultrc, je te demende curicufeté prefumptueufe
, que veulx plus enquérir de ton Dieu qu’il n’appartient
à to y , ne à ton eftat prefent. Je te demende,
fe tu ne peus entendre 6c conprendre le chofes
terriennes 6c deçà, que celles qui font celeftiennes6c
de lafsus comment les enchercheras tu ? C eft que dit
6c arguë le Saige 5 Qua in terra funt, inquit, inveni-
mus cum labore, qua. in coelis funt quis invefligabit ? Sap.
ix. 16. En apres de la puiflence & nature 6c condicion
de ton Dieu -, à qui creras tu , fenon à luy meif- 1
mes Ôc a fà ....... c’eft il feul qui plainnement fe congnoit.
T u dois feavoir, comme dit Ariftotc, que ton entendement
eft: plus obfcur à congnoiftreDieu6c à luy
regarder, que n’eft l’oyel d’un oyfel de nuit, d’un
chat huant, à regarder' vivement le foleil. Sicut
oculus nySlicoracis 6cc.
Jadis ung R o y demanda à ung Philofbphe, comme
recite Tu lle , quelle chofe eftoit Dieu : ce Philofbphe
demanda ung jour de refpondre. Quant vint
ce jour , il en demanda trois, puis en demanda
douze, puis trente: le R o y cuydant que ce Philofo-
phe fe moquait luy, requift pourquoy il delaioit te-
lement fàrefponfe. Lors lePhilofopberefpondit,que
plus y penfoit, 6c plus trouvoit la chofe inconprena-
ble oc inexplicable 6c difficile. Afcend.it homo ad
cor altum. P f lxiii. 8. Mirabilis f alla ejl feientia tua
& c- Pf* cxxxviii. 6. Je ne daignerois une chofe ap-
peller ôc recongnoiftrë une chofe pour Dieu, laquelle
entencion humainne porroit conprendre. f
On recite de Maiftre Alain qui devoit praichier de
cefte Solempnité, 6c s’attendoient gens qu’il deuil dire
merveille : car c’eftoit ung moult renommé Clerc 6c
grant Théologien, encodes avons npus de fes Livres 6c
eft enterré à Citeaux. Vint le jour 6c l’eure qu’il monta
en chaire pour praichier : il ne dit oneques aultre
chofe fors, Sujficiat vobis vidijfe Alanum. Soufîife
vous que vous ayez veu Alain. Et cecy d i t , ou
pour ce qu’il ne feeutlors aultre chofe dire, pourpu-
nicion de ce qu’il cuydoit trop par aventur parler
avant de cette matière, ou ce feuft: pour monftrer
qu’il devoit fouftirc au peuple de croire fimplement ce
qu’il creoit, luy qui eftoit ung tel Clerc : car à ung
chafeun Maiftre on doit croire en fbn meftier.
Simples gens en efpecial 6c fàns lettres, comment(
cuyderoient eulx entendre ce miftere très hault 6c très
parfond, quant eulx ne pourroient entendre les aultres
fciences qui font plus legieres, fàns nulle con-
paraifon. Quantes perfonnes font, qui par introduéfcion
6c ufàge d’eftude, feevent plufieurs merveilles, les quel-
lesne pourroient ou àgrantpainne eftre entendues jamais
de plufieurs autres. J’afferme auflî qu’il n’eft: fi petite
chofe créé , de la quelle on ne puiflè foire 6c demander
mil 6c mil, voir cent mil queftions, des quelles il n’eft fi
fàige Clerc qui en feeuft donner caufe ou refponfe. Et de
noftre Dieu doneques comment cognoifterons nous
tout ? v
Notez comment Socrates 6c les Achademiens apres
tout leur eftudc dirent Hoc Scio, quia nefeio. E t Salomon:
jn v en i quia de operibus D e i nullam pojjit homo in~
venire racionem & c . Sap. vin. 17. En furplùs nous
veons que nous ne pourrions vivre fans foy , mcfme-
ment en chofes quotidiennes. Comment fçavons nous I
que nos parens furent tels 6c tels, 6c nous feumes ainfi
nommez , fenon par le dit des aultres, par foy 6c
par creance, nous n’en avons aultre evidance. Et s’un
enffont eftoit nourris en ung lieu fecret 6c feul, juf-
ques à grant aage, 6c puis on luy amenoit fà Mere,
& on luy difoit qu’il auroit efté aucune fbys en fbn
ventre 5 ce luy feroit moult grant merveille. Pareillement
qui n^auroit oneques veu comment d’un oeuf
vient ung paon, ou une auftruche * il le croiroità
grant peine, ou comment ung fi grant noyer vient d’une
petite noix. Item que d’erbe ou de pierre onfiftle
voire. Item que aymant attrahit le fer. Item que l’eaue
froide efchaufoft la chaux, & mouillée la fift eftain-
dre. Item nous veons que très peu de gens feevent
que c’eft de l’arc du C ie l, des cometes, des eclip-
fes du foleil, 6c d’autres teles chofes fiatureles, fàns
nombre.^ Item comment eft ce que ung poiflbn de
demy pié nommé Echeneis arreftat ung grant nef en-
my les flos de la mer , & d’aultres teles merveilles.
Autres condicions des poiflons , 6c des beftes , 6c
des induftries qu’ils ont à faire leurs nisôc à foy garder
L ° u pourveoir de vivre. Item comment peut-on conprendre
que en ung pois foient comprifes toutes les
figures, ôc les ymaiges, 6c les lettres qui pourroient
eftre formées. Qui n’auroit oneques veu le feu 6c on
le regardoit de nouvel, comment il art celuy qui le
tient, 6c fait aultres operacions virtueufesi ce luy feroit
moult grant merveille. Celes font merveilles fàns
nombre desquelles on ne fçauroitdire les caufes, fors
que Dieu le veult ainfi.
Si eft doneques plus merveilleux 6c plus inconpre-
nable en congnoiflànce noftre Dieu, 6c ce n’eft pas
de merveille, combien que fe eufiofité ne fe tient à
tant 6c demande raifons de ce j vray eft, comme dit
Maiftre Richart de St. Viétor, que nous avons belles
& fortes raifons à declairer l’unité de Dieu en
eflence 6c la ^pluralité des perfonnes en Trinité. Et
, luy meifmes en amaine, 6c déduit plufieurs j auflî fait
fàint Auguftin ès quinfe Livres de la Trinité, 6c St.
Hilaire, 6c St. Ambroife, 6c aultres Doéteurs : mais
amener teles raifons, appartient mieulx à l’efcoleôcà
leçon que à Predicacion ; ôc entre Clercs Théologiens
, que entre gens qui n’ont point exercité leurs engins
en cegnifiance de teles chofes. N ’eft fi petite fcience
ou artifice, foit de orfèvre, ou de charpentier, ou de
changeur, où ne foit requis temps 6c eftude, qui bien s’y
veult congnoiftre. On fouit dire mcifmement que
ung Clerc ne fe congnoift en armes, ne ung Théologien
en procez curialz. Si ne fe doient mye donner
mal temps les Nobles, 6c les Avocas, ou aultres, s’ils
ne fçevcnt ce qu’il appartient à feavoir auxTheologiens,
en tant que c,’eft poflîble ou befoing de lefçavoir.
Et s’aucuns font qui ne foient mye contens de ce
que nous difons, mais qu’ils veuillent plus enquérir
, du miftere de la Benoite Trinité, duPere, 6c du Fils,
6c du S. Efprit. Vecy ce qu’ils doivent premièrement
foire: ils fe doivent premièrement congnoiftre, 6c leur
nature, 6c par efpecial la nature 6c la condicion de
leur ame: ôc s’ils peuvent bien congnoiftre leur*ame,
puis qu’elle eft la belle ymaige de Dieu 6c de la T r inité,
ils congnoifteront Dieu 6c la Trinité, comme
en ung miroir} mais que leur ame foit belle 6c nette,
6c clere, fàns obfcurtés tenebreufes des vices, 6c mauvais
6c ors defîrs mundains, 6c charneulx. E t par
cefte maniéré virent les fainéfo Doéteurs, 6c encores
voyent le miftere de la Benoite Trinité. Mais helas,
comme peu de gens font qui veullent cecy faire, dé
bien efclairer leur ame 6c de la bien regarder ôc congnoiftre,
ils font hors de leur mémoire par oubliance,
hors de leur entendement par ignorance, hors de leur
affeétion par charnelle ou terrienne concupifeence.
C ’eft: certain que noftre ame peut avoir congnoiflànce
de foy meifmes} 6c cefte congnoiflànce eft comme
• l’ymaige 6c laparolle de foy meifmes, 6c par cefte
congnoiflànce ellefe font aimer j laquelle amour vient
de Famé, & fe tu veux enquérir quelle chofe eft cefte
congnoiflànce ôc ceft amour, tu trouveras qu’elle n’eft
ne blanche, ne noire, ne grande, ne petite, 6c
n’a quelconque figure ou quelconque quantité. Sy
ne te donne mye merveille, fe ton Dieu n’eft blanc,
noir, ou grant, ou petit, ou figuré, voir quanta
la divinité: 6c pleuft à Dieu que jamais on ne le figurait,
comme il feuft jadis deffendu.
C ’eft ce qu’ilfoit errer les Sarrafins, 6c les Juifs, ôc
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